COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRÊT DU 17 Septembre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/016291
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JANVIER 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG07/00834
APPELANT :
Monsieur Patrick X...
...
34400 LUNEL
Représentant : la SCP OTTAN - FEBVRE (avocats au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SA MEDITERRANEENNE DE NETTOIEMENT
prise en la personne de son représentant légal
Zone Technique
34280 LA GRANDE MOTTE
Représentant : Me ADDE-SOUBRA de la SCP GRAPPIN (avocats au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 JUIN 2008, en audience publique, Monsieur Daniel ISOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre
Madame Marie CONTE, Conseiller
Monsieur Eric SENNA, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 17 SEPTEMBRE 2008 par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre.
- signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre, et par Madame Brigitte ROGER, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Patrick X... était embauché le 16 janvier 2001 par la Société Méditerranéenne de Nettoiement selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de cantonnier.
Le 30 juillet 2004, il était victime d'un accident du travail.
Le 1er octobre 2004, Patrick X... était reconnu travailleur handicapé, catégorie A, par la COTOREP.
Le 6 février 2007, le salarié rencontrait le médecin du travail dans le cadre de la première visite de reprise, lequel concluait à une inaptitude temporaire.
Suite à la deuxième visite de reprise le 22 février 2007, le salarié était déclaré inapte à son poste et le médecin du travail confirmait ses restrictions médicales : pas de manutention de charges lourdes, pas de station debout pendant toute la durée du travail, pas de travaux permanents en flexion et rotation de rachis.
Il précisait néanmoins que ses capacités physiques étaient toujours compatibles avec un poste de chauffeur sans manutention lourde ou un poste d'encadrement.
Par lettre du 23 mars 2007, Patrick X... était convoqué à un entretien préalable au licenciement.
Le 3 avril 2007, son licenciement lui était notifié dans un courrier ainsi libellé :
"Monsieur,
Faisant suite à notre entretien du 29 Mars 2007, nous vous informons que nous sommes dans l'obligation de rompre votre contrat de travail pour les raisons suivantes :
En date du 30 Juillet 2004, vous avez été victime d'un accident du travail entraînant depuis cette date un arrêt de travail sans reprise depuis lors puis une reconnaissance d'inaptitude.
En effet, dans le cadre des visites médicales de reprise, le 06 Février 2007 et le 22 Février 2007, le médecin du travail, Docteur A..., vous a déclaré « inapte au poste de chauffeur-ripeur et restrictions médicales de reclassement à savoir : pas de manutention de charges lourdes, pas de station debout pendant toute la durée du travail, pas de travaux permanents en flexion et rotation du rachis ».
Compte tenu de votre inaptitude, nous sommes malheureusement dans l'impossibilité de pourvoir à votre reclassement sur le centre de LA GRANDE MOTTE, ainsi que sur l'ensemble des établissements de notre entreprise inclus dans le périmètre de reclassement visé après vous avoir consulté, puisque aucun poste que vous soyez susceptible d'occuper compte tenu de votre état de santé n'est disponible.
Une demande de reclassement a été adressée à différents établissements de notre société malheureusement compte tenu de vos aptitudes physiques aucun poste n'est à pourvoir et les réponses obtenues ont été négatives
Nous sommes par conséquent dans l'obligation de vous notifier par la présente lettre la rupture de votre contrat de travail pour :
« Inaptitude physique sur votre poste actuel et impossibilité de reclassement ».
Les indemnités de préavis et de licenciement de l'article L122.32.6 du code du travail vous seront versées. Votre préavis de 2 mois, ne pouvant être effectué de fait de votre état de santé, vous sera rémunéré sous forme d'indemnité compensatrice de préavis.
Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à la première présentation de la présente lettre.
Nous tenons à votre disposition au service du personnel votre certificat de travail, votre attestation ASSEDIC ainsi que les sommes restants dues au titre de salaire et indemnité compensatrice de congés payés."
Contestant le licenciement dont il faisait l'objet, Patrick X... saisissait le Conseil des Prud'hommes de Montpellier, lequel, dans une décision du 30 janvier 2008 :
- Disait le licenciement régulier
- Déboutait le salarié de l'ensemble de ses demandes
- Laissait les dépens à la charge de Patrick X...
Patrick X... interjetait régulièrement appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Patrick X..., par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience auxquelles il convient de se référer pour l'examen complet de ses moyens et arguments, demande à la Cour de :
- Réformer le jugement dont appel
- Constater l'absence de consultation des délégués du personnel et l'absence de recherche sérieuse et loyale de reclassement
- Dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- Condamner la SMN à lui payer la somme de 35 000€ à titre de dommages et intérêts
- Condamner la SMN à lui payer la somme de 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la SMN aux dépens
Il fait valoir pour l'essentiel que :
- Tous les délégués du personnel n'ont pas été convoqués ni consultés avant l'engagement de la procédure de licenciement. La signature d'un seul délégué du personnel ne saurait être considérée comme suffisante.
- L'employeur a ignoré les propositions de la CRAM et du médecin du travail quant aux possibilités de reclassement du salarié
- Le salarié aurait pu être notamment reclassé à un poste de chauffeur, poste pour lequel il était apte et dont il est établi qu'il était disponible
La Société Méditerranéenne de Nettoiement, quant à elle, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement dont appel
- Dire le licenciement régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse
- Condamner Patrick X... à lui payer la somme de 1 200€ en application des dispositions du code de procédure civile
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
- L'article L.1226-10 du code du travail n'impose aucun formalisme quant à la consultations des délégués du personnel. La loi n'impose pas de recueillir collectivement cet avis
- le médecin du travail a été consulté a de nombreuses reprises
- Au sein de l'entreprise ainsi que du groupe, aucun emploi disponible ne correspondait à l'état de santé du salarié, et ce conformément aux préconisation du médecin du travail
DISCUSSION-DÉCISION
Sur le licenciement
Sur le respect de la procédure
Il résulte de l'article L.122-32-5 du code du travail que l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant de faire au salarié, déclaré inapte par le médecin du travail, des propositions de reclassement.
Cette consultation ne passe pas nécessairement par la consultation de l'ensemble des délégués du personnel. La consultation individuelle des délégués du personnel est valable.
Il ressort du compte rendu de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 1er mars 2007 dont l'objet était l'étude des possibilités de reclassement de Patrick X... que Joel B... et Marc C... étaient présents et que leur avis a été recueilli.
Le fait qu'un seul délégué du personnel ait signé le compte rendu n'entache pas la procédure d'irrégularité.
Sur le reclassement
Aux termes de l'article L1226-10 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
En l'espèce, le salarié a été déclaré, à la suite de la seconde visite de reprise du 22 février 2007 "inapte au poste de chauffeur-ripeur et restrictions médicales de reclassement à savoir : pas de manutention de charges lourdes, pas de station debout pendant toute la durée du travail, pas de travaux permanents en flexion et rotation du rachis ".
Le médecin du travail a ainsi préconisé, en l'état de l'aptitude physique du salarié, un poste de chauffeur sans manutention lourde ou un poste d'encadrement.
Patrick X... soutient que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.
A cet égard, l'employeur produit 6 courriers adressés le 5 mars 2007 aux différents établissements de la société (Le Pontet, Bagnols sur Ceze, Berre l'étang, Nîmes, Rocheblave, Sud service) afin de solliciter, de manière circonstanciée, le reclassement du salarié à différents postes (administratif, encadrement, chauffeur sans manutention, gardien de déchetterie), courriers accompagnés du curriculum vitae de Patrick X....
Il produit en outre les courriers en réponse de ces différents établissements, accompagnés des registres du personnel, lesquels arguent de l'absence de poste disponible.
Néanmoins, compte tenu des compétences du salarié et notamment de la possibilité pour lui d'exercer un emploi de chauffeur, sans manutention, l'employeur, tenu d'une obligation renforcée de recherche de reclassement du salarié inapte suite à un accident du travail, aurait dû tenter de procéder à l'adaptation du poste du salarié, comme préconisé par le médecin du travail, ou à une mutation ou transformation de poste.
Il ressort d'ailleurs d'un courrier de la CRAM du 6 mai 2008 que l'employeur était éligible à une participation financière de l'AGEFPH afin de procéder à un aménagement de poste.
Or l'employeur ne démontre aucunement en quoi l'adaptation du poste n'a pu aboutir.
En conséquence, l'employeur n'établit pas qu'il a recherché loyalement et sérieusement des solutions de reclassement du salarié et qu'il était effectivement dans l'impossibilité de reclasser le salarié.
Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
Il y a lieu, en considération de ces éléments, d'infirmer le jugement déféré.
Sur les conséquences du licenciement
Le licenciement de Patrick X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de son âge (27 ans), de son ancienneté (6 ans), de sa rémunération (1 435,52€) et des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, il convient de lui allouer la somme de 17 000€ en réparation du préjudice découlant du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Sur l'article L. 1235-4 du code du travail
Il convient de condamner l'employeur au remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois.
Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner la Société Méditerranéenne de Nettoiement à payer à Patrick X... la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Compte tenu de l'issue du litige, la Société Méditerranéenne de Nettoiement doit être tenue aux entiers dépens.
SUR CE
LA COUR ;
INFIRME le jugement déféré ;
ET STATUANT A NOUVEAU ;
DIT le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Société Méditerranéenne de Nettoiement à payer à Patrick X... la somme de 17 000€ en réparation du préjudice résultant du licenciement ;
CONDAMNE la Société Méditerranéenne de Nettoiement à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois ;
CONDAMNE la Société Méditerranéenne de Nettoiement à payer à Patrick X... la somme de 1 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Société Méditerranéenne de Nettoiement aux dépens.