COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 6 AOÛT 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 6186
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 NOVEMBRE 2004 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 01 / 6993
APPELANTS :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL MIDI, prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis Avenue du Montpelliéret MAURIN 34977 LATTES représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assistée de Me Pierre-Marie GRAPPIN, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me ADDE SOUBRA
Monsieur Michel Charles Manuel Z... époux de Madame Nora X... à la suite de leur union célébrée à MONTPELLIER LE 22 Avril 1988 sous le régime de la séparation de biens suivant contrat reçu par Maître Albert B... Notaire à..., le 12 Avril 1988 né le 29 Avril 1956 à ALGER (Algérie) de nationalité française... 94460 VALENTON représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Christel DAUDE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Denis Antoine Jacques Julien Z... époux de Mme Christine Claude F... à la suite de leur union célébrée à JUVIGNAC le 22 Janvier 1983, sans contrat de mariage prélable né le 5 Septembre 1957 à ALGER-ALGERIE de nationalité française... WEST WINDSOR-PRINCETON NJ 08540 USA représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Christel DAUDE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Jacques Z... époux divorcé de Madame Valérie Catherine Jacqueline G... à la suite d'un jugement du T. G. I. de MONTPELLLIER en date du 10 Septembre 2003 né le 22 Avril 1967 à LA ROCHELLE (70120) de nationalité française... 34000 MONTPELLIER représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Christel DAUDE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur Michel Z... pris en sa qualité d'héritier de feu René Z... décédé le 17 novembre 2006 né le 29 Avril 1956 à ALGER (Algérie) de nationalité française...... 94460 VALENTON représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Mireille ROMIEU-COSTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Denis Antoine Jacques Z... pris en sa qualité d'héritier de feu René Z... décédé le 17 novembre 2006 né le 5 Septembre 1957 à ALGER (Algérie) de nationalité française... PRINCETON NJ 08540 U. S. A. représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Mireille ROMIEU-COSTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Frédéric Antoine O... né le 27 Avril 1971 à BEZIERS (34500) de nationalité française...... 34970 LATTES représenté par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour assisté de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Jacques Z..., pris en qualité d'héritier de René Z..., décédé le 17 novembre 2006 et assigné à domicile en cette qualité le 23 avril 2007 né le 22 Avril 1967 à LA ROCHELLE (70120) de nationalité française... 34000 MONTPELLIER représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour
Mademoiselle Caroline J... née le 1er Novembre 1971 à BÉZIERS (34500) de nationalité française...... 34970 LATTES représentée par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU MIDI représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social Avenue du Montpellierais 34970 LATTES MAURIN CEDEX représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour
Monsieur René Z..., décédé le 17 novembre 2006 né le 21 Mai 1920 à MARSEILLE (13006) de nationalité française... 34000 MONTPELLIER représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Mireille ROMIEU-COSTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur P... Conservateur des Hypothèques honoraire, domicilié es qualité...... 34957 MONTPELLIER CEDEX 02 représenté par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assisté de Me Micheline BOCHET-LE-MILON, avocat au barreau de PARIS
Madame Jacqueline N... épouse Z... prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de son fils Rémy décédé le 21 Avril 1992 à CASTELNAU LE LEZ et de feu son époux René Z... décédé le 17 novembre 2006 née le 2 Juillet 1936 à AVON (77210) de nationalité française... 34090 MONTPELLIER représentée par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Mireille ROMIEU-COSTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE de CLÔTURE du 29 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er JUILLET 2008 à 14 Heures, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nicole FOSSORIER, Président, et Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Nicole FOSSORIER, Président Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise O...
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
- signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Melle Marie-Françoise O..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
O o O o O
Vu le jugement rendu le 16 novembre 2004 par le tribunal de grande instance de MONTPELLIER,
Vu l'appel interjeté par la Caisse de Crédit Agricole et les consorts Z... respectivement les 10 janvier 2005 et 21 janvier 2005,
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 18 avril 2006 ordonnant le sursis à statuer,
Vu l'arrêt mixte rendu le 26 février 2008, qui a confirmé le jugement sur la responsabilité, sur le débouté des demandes à titre de dommages et intérêts des consorts Z..., réformé pour le surplus en constatant que le jugement d'adjudication est de nul effet quant aux transferts des droits de propriété des consorts Z... et que la donation du 13 janvier 1986 produit tous ses effets, sauf à l'égard du trésor public, à l'encontre duquel elle est inopposable, et avant dire droit sur le préjudice des consorts O... J... a invité les parties à s'expliquer sur le préjudice locatif subi par eux et enjoint à ces derniers de s'expliquer sur la date à laquelle le prix d'adjudication leur a été restitué, celle à laquelle ils ont acquis leur bien immobilier en 2004 et sur le prix de leur acquisition ainsi que sur la valeur que pouvait avoir en 1997 un bien de même nature et à en tirer toutes les conséquences au regard de leur préjudice,
Vu les dernières conclusions en date du 20 juin 2008 de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel du LANGUEDOC qui demande de constater qu'il a déjà été statué sur le préjudice des consorts Z..., de débouter les consorts J... O... de leurs demandes et d'ordonner la restitution de la somme de 53 366, 66 euros versée au titre de l'exécution provisoire,
Aux motifs que :
- il a été statué de façon définitive sur les demandes des consorts Z...,
- les consorts J... O... n'ont pas déféré à l'arrêt avant dire droit,
Vu les dernières conclusions des consorts Z... en date du 18 juin 2008 qui demandent de condamner la CRCAMM à payer la somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions de Monsieur P... en date du 6 juin 2008 qui demande de débouter les consorts J... O... de leurs demandes, ou pour le moins réduire leurs prétentions, de les condamner à restituer la somme versée,
Soutenant que :
- les consorts O... J... qui n'avaient aucun droit immobilier sur l'immeuble ne peuvent demander une indemnisation pour n'avoir pas pu l'occuper, il n'y a pas de lien de causalité entre sa faute et l'impossibilité d'occuper l'immeuble qui résulte d'une décision de justice à laquelle il est étranger,
- ils ont reçu de l'Etat la somme a minima de 12 514, 30 euros au titre de leur indemnisation sur la base d'une occupation mensuelle de 3 500 francs, ce qui doit venir en déduction des sommes qu'ils réclament,
- ils n'ont fourni aucune précision sur le bien acquis en 2004 comme cela leur était demandé et sur la valeur de marché qu'avait ce type de bien en 1997 date du jugement d'adjudication,
- subsidiairement la différence de valeur entre la valeur actuelle et le prix d'adjudication ne peut être envisagée car elle part d'un postulat erroné qui consiste à considérer que doit être réparé leur éviction de l'immeuble acquis par adjudication, alors que cette vente n'était pas possible,
Vu les dernières conclusions des consorts O... J... qui demandent de condamner in solidum le CREDIT AGRICOLE et Monsieur P... à leur payer la somme de 136 062 euros, subsidiairement celle de 81 500 euros sauf à déduire la somme de 11 905 euros perçue de l'Etat, 20 000 euros au titre du préjudice moral, 18 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Aux motifs que :
- le préjudice locatif a été arbitré définitivement par le tribunal et il convient d'y ajouter le préjudice relatif aux loyers de 2004, soit 8 250 euros, ils ont reçu de l'Etat la somme de 11 905 euros,
- ils réclament la différence de valeur entre le prix d'adjudication et la valeur actuelle de la maison adjugée,
- ils ont perdu la certitude de payer un bien 75 000 euros,
- le rapport définitif Q... a retenu la valeur du bien à hauteur de 197 000 euros, or il faut l'évaluer à 210 000 euros, ce qui établit leur préjudice à 136 062 euros,
- la valeur d'un bien similaire au bien acquis par adjudication était estimée à 81 500 euros,
- la déconsignation de la somme correspondant à l'adjudication a été faite le 28 novembre 2003,
- ils subissent un préjudice moral,
SUR QUOI :
Il ne saurait être contesté que n'ayant pu habiter la maison qu'ils avaient cru acquise, les consorts O... J... ont du trouver une solution de relogement. Toutefois, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, les difficultés rencontrées par eux pour tenter d'exécuter le jugement d'adjudication et expulser les consorts Z... ne sauraient rompre le lien de causalité entre la faute du Conservateur, auteur d'une mention erronée ayant permis cette adjudication au mépris de la donation créatrice de droits au profit des enfants Z... sauf à l'encontre du Trésor Public, et l'obligation pour les adjudicataires de payer un loyer. En effet les difficultés d'exécution ne se seraient pas produites si cette mention n'avait pas été portée à la Conservation des Hypothèques, car la vente n'aurait pas eu lieu, ce qui aurait permis aux consorts J... O... de pouvoir acquérir un autre bien et d'éviter tout préjudice locatif.
Monsieur Antoine O... et Mademoiselle Caroline J... reconnaissent avoir bénéficié d'un hébergement familial à compter du 1er juin 1997 et pour une période de 10 mois et que ce n'est qu'à compter de cette période qu'ils ont assumé des charges de loyers à hauteur de 50 222 € jusqu'au 31 décembre 2003, ce qui n'est pas sérieusement contesté. Ils indiquent que la déconsignation du prix d'adjudication est intervenue fin novembre 2003. C'est donc à partir de cette date qu'ils ont pu disposer du montant de ce prix pour procéder à une nouvelle acquisition. Il convient toutefois de tenir compte des délais de recherche et de signature des actes et de faire droit à leur demande complémentaire au titre des loyers de 2004, le Crédit Agricole et Monsieur P... ne développant aucun moyen sérieux au soutien du rejet de cette demande à laquelle il sera fait droit à hauteur de 8 250 €. Le montant de l'indemnisation par l'Etat soit 11 905 € viendra toutefois en déduction de la somme allouée.
Le préjudice d'agrément retenu par le premier juge n'est pas sérieusement contesté. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Les frais d'acquisition, d'expulsion, d'assurances du bien adjugé ainsi que les frais d'enregistrement et les frais financiers ne sont pas contestés. Ils font partie du préjudice indemnisable dans la mesure où ils ont été exposés inutilement.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a alloué les sommes correspondantes.
Compte tenu de la déduction du montant de l'indemnité allouée par les services de l'Etat, il sera alloué la somme de 102 985, 46 €, le jugement étant émendé de ce chef.
S'agissant de la perte patrimoniale, la Cour dans son arrêt mixte avait demandé de manière très précise aux consorts O... J... de dire à quel prix ils avaient pu acquérir en 2004 et quelle valeur en 1997 pouvait avoir ce bien acquis. En effet ce qui est certain c'est qu'ils n'ont pu acquérir qu'en 2004, après avoir récupéré le prix d'adjudication, ayant ainsi perdu la chance d'acquérir en 1997 un bien de même nature que celui acquis en 2004. Ils soutiennent qu'ils n'ont pas perdu la chance d'acquérir mais ont en fait perdu une certitude d'acquérir le bien adjugé. Il a été jugé qu'ils n'auraient jamais pu acquérir ce bien et qu'en conséquence leur préjudice ne saurait être constitué par la différence entre sa valeur actuelle et le prix d'adjudication.
De façon surprenante ils n'ont pas déféré aux demandes contenues dans le dispositif de l'arrêt précité, alors qu'il leur était aisé de produire leur acte d'acquisition de novembre 2004, mentionnant le prix de l'immeuble acquis, et qu'il leur était possible de rechercher la valeur d'un bien de ce type en 1997, ce qui aurait permis de leur allouer un pourcentage important de la différence entre leur prix d'acquisition et cette valeur, leur perte de chance d'acquérir devant être considérée comme très importante puisqu'ils avaient pu mobiliser le prix d'adjudication.
Au lieu de cela ils s'ingénient à demander la différence entre l'estimation de la valeur actuelle de la maison appartenant aux consorts Z... et le prix d'adjudication, alors qu'il leur a été précisé que cela ne peut représenter leur préjudice, dès lors que cet immeuble ne pouvait et ne peut toujours pas entrer dans leur patrimoine et que par ailleurs ce ne sont pas les fautes du Crédit Agricole et de Monsieur P... qui les ont empêchés d'acquérir l'immeuble Z..., mais la situation de droit résultant de l'existence de la donation. Il n'y a en effet aucun lien de causalité entre ces fautes et le prétendu préjudice qui résulterait de l'augmentation de valeur d'un bien qui ne pouvait leur être vendu, les fautes précitées les ayant seulement privés de la possibilité d'acquérir un bien de même nature que celui acquis en 2004, pour leur avoir fait croire qu'ils pouvaient acquérir l'immeuble adjugé et en les laissant supporter sept années de paiement d'un loyer et d'augmentation de marché.
Cette demande ne peut en conséquence prospérer.
Par ailleurs ils produisent une estimation de la valeur marché de l'immeuble Z... lors de l'adjudication, ce qui ne leur a pas été demandé et ce qui n'apporte rien à l'estimation de la perte patrimoniale constituant leur préjudice.
Ils seront donc déboutés de leur demande tendant à voir indemnisée la perte patrimoniale consécutive à l'augmentation du marché.
Il est certain qu'ils subissent un préjudice moral important pour avoir dû subir diverses procédures incertaines pendant plus de 11 ans, ce qui justifie que leur soit allouée de ce chef la somme de 10 000 €.
L'équité commande également de leur allouer la somme de 2 000 € au titre de leurs frais et honoraires de conseil non compris dans les dépens en cause d'appel, la Cour n'étant saisie que de la procédure d'appel.
Les consorts Z... qui ont vu leurs demandes rejetées ne peuvent prétendre à l'application à leur profit de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Leur demande de ce chef doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
EN LA FORME :
Déclare l'appel recevable,
AU FOND :
Réforme la décision déférée en ce qu ‘ elle a condamné in solidum Monsieur P... et la CRCAM du MIDI à payer aux époux O... J... la somme de 106 640, 46 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, en ce qu'elle a, avant dire droit sur la demande relative à la valeur patrimoniale de la maison, ordonné une expertise,
Condamne in solidum Monsieur P... et la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DU LANGUEDOC à payer aux époux O... J... la somme de 112 985, 46 € à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et dit n'y avoir lieu à expertise,
Dit qu'il devra être tenu compte des sommes versées au titre de l'exécution provisoire et que devra être restitué un éventuel trop perçu,
Déboute les consorts O... J... de leur demande à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de bien,
Confirme les autres dispositions du jugement,
Condamne in solidum Monsieur P... et la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DU LANGUEDOC et les consorts Z... à payer aux époux O... J... la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne solidairement la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DU LANGUEDOC, Monsieur P... et les consorts Z... aux dépens, dont distraction au profit des Avoués de la cause, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.