COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section B
ARRET DU 24 JUIN 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 04726
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUIN 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE N° RG 07 / 571
APPELANT :
Monsieur Frédéric X... né le 15 novembre 1963 à PARIS (75017) de nationalité française... 38113 VEUREY représenté par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assisté de Me PINET, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
COMMUNE D'ESCALES, représentée par son maire en exercice, Monsieur Henri Y..., autorisé à agir en justice suite à une décision du conseil municipal en date du 19 octobre 2006, domicilié ès qualités... 11200 ESCALES représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assistée de la SCP GOUIRY-MARY-CALVET-BENET, avocats au barreau de NARBONNE
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 20 Mars 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 MAI 2008, en audience publique, Monsieur Gérard DELTEL ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Gérard DELTEL, Président Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Conseiller Monsieur Georges TORREGROSA, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI
Ministère public :
La procédure a été communiquée le 10 janvier 2008 au MINISTERE PUBLIC, pris en la personne du Procureur Général près la Cour d'appel de Montpellier.
ARRET :
- contradictoire.
- prononcé publiquement par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Conseiller, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Gérard DELTEL, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier présente lors du prononcé.
FAITS-PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par un acte notarié du 11 octobre 1989, la commune d'Escales a donné en crédit-bail immobilier à Monsieur Guy Z... et son épouse née Martine A..., un bâtiment industriel avec dépendances à usage de bureaux, sis à Escales (Aude).
Il était précisé dans l'acte que le bâtiment était construit, le procès-verbal de réception ayant été signé le 10 octobre 1989.
Le crédit-bail était consenti et accepté pour une durée de 15 années, commençant à courir rétroactivement le 1er février 1989.
Le loyer annuel était fixé à 28. 765, 33 Frs TVA comprise, payable mensuellement.
Aux termes de cet acte la commune promettait au preneur de lui vendre l'ensemble immobilier pour la somme symbolique de un franc, cette promesse unilatérale de vente étant consentie pour une durée de trois mois à compter du jour d'expiration du contrat de crédit-bail immobilier. Il était précisé que la levée d'option d'achat ainsi consentie se ferait par lettre recommandée avec avis de réception adressée à la mairie d'Escales trois mois à l'avance, soit au plus tard le jour de l'expiration du crédit-bail immobilier.
Par un jugement du 8 septembre 1993 le Tribunal de Commerce de Narbonne a placé Monsieur Guy Z... en redressement judiciaire. Un plan de continuation organisant la poursuite de l'activité a ensuite été mis en place. Ce plan a été résolu le 27 novembre 2002.
Le 26 mars 2003, le Tribunal de Commerce de Narbonne a autorisé la cession du fonds artisanal de matériel agricole de Monsieur Z... au profit de l'EURL FORAGES NARBONNAIS, représentée par Monsieur Frédéric X..., ès qualités de gérant.
Monsieur X... a procédé à la dissolution et à la liquidation de l'EURL FORAGES NARBONNAIS à compter du 30 juin 2003, et cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 21 octobre 2003.
Par un jugement du 16 juillet 2004, le Tribunal de Commerce de Narbonne a autorisé la cession du fonds artisanal de matériel agricole de Monsieur Z... au profit de Monsieur X..., aux mêmes conditions financières que celles prévues par le jugement du 26 mars 2003.
Le 1er avril 2005, l'acte de cession du fonds artisanal a été signé entre Monsieur Guy Z..., Maître B..., représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de cession, et Monsieur Frédéric X....
Le 25 avril 2007, la commune d'Escales a assigné Monsieur Frédéric X... devant le Tribunal de Grande Instance de Narbonne en formulant les demandes suivantes :
" Vu l'article 1134 du Code Civil,
- ordonner l'expulsion de Monsieur X... Frédéric et celle de tout occupant de son chef sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;- dire que la commune d'Escales pourra se faire assister de la force publique pour procéder aux mesures d'expulsion ;- condamner Monsieur X... Frédéric à payer à la commune d'Escales une provision de 3. 654, 37 € au titre de l'occupation du 1er avril 2003 au 1er février 2004, plus intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 octobre 2006 ;- condamner Monsieur X... Frédéric à payer une indemnité d'occupation mensuelle de 400 € à compter du 1er janvier 2007 jusqu'à son départ effectif des lieux, chaque mois commencé entraînant l'obligation de payer l'indemnité d'occupation mensuelle totale ;- condamner Monsieur X... Frédéric à payer à la commune d'Escales la somme de 2. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- condamner Monsieur X... Frédéric en tous les dépens ;- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ".
Par un jugement du 28 juin 2007, le Tribunal de Grande Instance de Narbonne a :- déclaré recevables les demandes formées par la commune d'Escales ;- dit que Monsieur Frédéric X... se maintenait sans droit ni titre dans les locaux appartenant à la commune d'Escales et ordonné en conséquence son expulsion ;- condamné Monsieur X... à payer à la commune d'Escales : la somme de 16. 079, 23 € au titre de l'occupation des locaux du 1er avril 2003 au 31 décembre 2006, outre intérêts au taux légal sur la somme de 15. 348, 36 € à compter du 12 octobre 2006, et sur le solde à compter du 24 avril 2007, la somme mensuelle de 400 € à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au départ effectif des lieux, la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;- condamné Monsieur X... aux dépens.
Monsieur X... a relevé appel de ce jugement le 10 juillet 2007.
Par des conclusions auxquelles il est expressément fait référence pour le détail de leur argumentation, les parties demandent à la Cour de :
- Monsieur Frédéric X... :
" Vu les pièces produites, Tenant l'absence de communication de la commune, en tirer toutes conséquences que de droit, Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Narbonne du 28 juin 2007,- déclarer recevable et bien fondé l'appel de Monsieur Frédéric X... et réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Vu les dispositions de la loi du 23 février 1963 n° 63-156, Vu les articles R. 2342-4 et R. 3342-23 du Code général des collectivités territoriales, Vu l'article L. 252- A du Livre des procédures fiscales, Vu les procédures collectives ouvertes à l'encontre de Monsieur Z..., au droit duquel vient Monsieur Frédéric X...,- déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action entreprise par la commune d'Escales ;
Subsidiairement,
- constater que la commune d'Escales n'a pas déclaré de créance à la procédure collective de Monsieur Z... au droit duquel vient Monsieur Frédéric X... ;- en tirer toutes conséquences que de droit en déclarant éteintes les créances nées de ce chef et antérieures au 1er avril 2005 ;- constater qu'à compter de la prise effective des lieux à la suite de l'acte de cession du fonds artisanal du 1er avril 2005, aucune somme n'est due à la commune d'Escales,- débouter ce faisant les demandes de la commune d'Escales en paiement dirigées à l'encontre de Monsieur Frédéric X... ;- constater que le contrat de crédit-bail a fait l'objet d'une prorogation au bénéfice de Monsieur Frédéric X....- constater en tout état de cause que la commune d'Escales n'a pas mis en demeure les organes de la procédure collective de Monsieur Z... de respecter les clauses du contrat ;- ce faisant, déclarer la commune déchue de tous droits, à invoquer l'absence de levée d'option du contrat de crédit-bail souscrit le 11 octobre 1989 ;- constater ce faisant, que Monsieur Frédéric X... n'est pas occupant sans droit ni titre des lieux objet du présent litige ;- réformant la décision déférée, débouter la commune d'Escales de ses demandes d'expulsion à ce titre ;- constater que Monsieur Frédéric X... est bénéficiaire au lieu et place de Monsieur Z... par l'effet de décisions de justice ayant autorité de la chose jugée, du contrat de crédit-bail et ses suites en date du 11 octobre 1989 ;
Ce faisant,
Constatant de plus fort, qu'aucune procédure n'a été engagée par la commune d'Escales lors de l'autorisation de cession du fonds artisanal et du contrat de crédit-bail précité,
Ce faisant,
- constater que Monsieur Frédéric X... a, à première demande, levé l'option d'achat, tel que prévu au contrat de crédit-bail dont il est bénéficiaire ;- en tirer toutes conséquences que de droit ;
Ce faisant,
- entendre condamner la commune d'Escales à réitérer en la forme authentique la cession de l'actif immobilier objet du contrat de crédit-bail passé par-devant Monsieur Jean-Claude C..., le 11 octobre 1989 publié à la Conservation des hypothèques de Narbonne le 11 décembre 1989 Volume 1989 P N° 1468 bis.- dire et juger que cette condamnation à réitérer en la forme authentique la vente de l'actif immobilier objet du crédit-bail immobilier du 11 octobre 1989 sera assortie d'une astreinte comminatoire et non définitive de 500 € par jour de retard à compter du mois qui suivra la signification de l'arrêt à intervenir ;- dire et juger que la Cour se réservera le droit de liquider l'astreinte ainsi ordonnée ;- entendre condamner la commune d'Escales au paiement de 3. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à entiers dépens de l'instance... ".
- La Commune d'Escales :
" A titre principal, Vu l'article L. 2132-1 du Code général des collectivités territoriales, Vu l'article R. 2342-4 du Code général des collectivités territoriales, Vu l'article 1134 du Code Civil, Vu l'article 1151 du Code Civil,- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Narbonne en date du 28 juin 2007 ;
A titre subsidiaire,
Si par impossible la Cour ne prononçait pas de condamnation au paiement,- ordonner l'expulsion de Monsieur Frédéric X... et celle de tout occupant de son chef sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;- dire que l'huissier pourra se faire assister de la force publique ;
A titre encore plus subsidiaire,
Si par impossible la Cour fait droit aux moyens X...,- dire qu'au moment de la signature de l'acte de vente, Monsieur Frédéric X... devra remettre un chèque de 16. 444, 67 € au profit de la commune d'Escales ;
Dans tous les cas,- condamner Monsieur Frédéric X... à payer à la commune d'Escales la somme de 3. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;- condamner Monsieur X... Frédéric à tous les dépens... ".
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que le fait qu'une commune puisse émettre des titres de recette ne saurait lui interdire de saisir une juridiction pour faire reconnaître ses droits dans un litige d'ordre privé ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la commune d'Escales ;
Attendu que le contrat de crédit-bail immobilier est arrivé à expiration le 1er février 2004 sans qu'une demande de levée d'option d'achat ait été adressée à la mairie d'Escales comme le prévoyait le contrat signé le 11 octobre 1989 ; que si le jugement du Tribunal de Commerce de Narbonne du 26 mars 2003 a autorisé la cession du fonds artisanal de Monsieur Z... au profit de L'EURL FORAGES NARBONNAIS, avec poursuite du contrat de crédit-bail, il n'est pas justifié d'un acte concrétisant cette cession, qui aurait dû intervenir au plus tard le 31 mars 2003 ;
que l'autorisation de la vente du fonds artisanal au profit de Monsieur Frédéric X... a été donnée par le jugement du Tribunal de Commerce de Narbonne du 16 juillet 2004, postérieur à la date d'expiration du contrat de crédit-bail ; que l'acte de cession de fonds artisanal n'est intervenu que le 1er avril 2005 ;
Attendu que le cessionnaire ne saurait disposer de plus de droits que le cédant ;
que tant le jugement du 16 juillet 2004 que l'acte de cession du 1er avril 2005 sont intervenus après l'expiration du contrat de crédit-bail immobilier, sans que l'option d'achat soit levée dans les conditions prévues contractuellement ;
que le jugement du Tribunal de Commerce de Narbonne du 16 juillet 2004 ne pouvait imposer à la commune d'Escales une prorogation du terme du contrat du 11 octobre 1989 ;
Attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que Monsieur X... occupait les lieux sans droit ni titre, et qu'il y avait lieu en conséquence d'ordonner son expulsion ;
Attendu que la commune d'Escales se contente d'affirmer dans ses écritures que " le projet d'acte de cession et le jugement du Tribunal de Commerce de Narbonne du 26 mars 2003 démontrent incontestablement une prise de possession le 1er avril 2003 ", sans justifier d'une occupation effective des lieux à partir de cette date par L'EURL FORAGES NARBONNAIS, puis par Monsieur Frédéric X... à titre personnel ;
que le jugement du 26 mars 2003 ne prévoyait une prise de possession par L'EURL FORAGES NARBONNAIS qu'à partir de la signature de l'acte de cession (acte qui n'est, semble-t-il, pas intervenu) ;
que l'acte de cession au profit de Monsieur Frédéric X..., du 1er avril 2005, stipule que l'acquéreur " aura la jouissance par la prise en possession réelle à compter de ce jour " ;
qu'en l'absence d'autres éléments il convient de retenir que Monsieur X... occupe les lieux depuis le 1er avril 2005 ; qu'il sera condamné à payer à la commune d'Escales une indemnité d'occupation de 400 € par mois à compter de cette date jusqu'à son départ effectif des lieux ;
Attendu que Monsieur X..., qui succombe, sera condamné aux dépens ; qu'il convient d'allouer à la commune d'Escales la somme supplémentaire de 1. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
REÇOIT en la forme l'appel de Monsieur Frédéric X...,
CONFIRME le jugement déféré, sauf sur la condamnation au paiement de l'indemnité d'occupation,
CONDAMNE Monsieur Frédéric X... à payer à la commune d'Escales la somme de 400 € par mois à compter du 1er avril 2005 jusqu'à son départ effectif des lieux, à titre d'indemnité d'occupation,
LE CONDAMNE à payer à la commune d'Escales la somme supplémentaire de 1. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
LE CONDAMNE aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP JOUGLA, Avoué,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires.