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28/05/2008 | FRANCE | N°06/00365

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 28 mai 2008, 06/00365


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre sociale

ARRET DU 28 Mai 2008



Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 08316



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 NOVEMBRE 2007

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN
N° RG : 06 / 00365



APPELANTE :

Mademoiselle Bérénice X...


...

66600 SALSES-LE-CHÂTEAU
Représentant : la SCP BOUCLIER & MADRENAS (avocats au barreau de PERPIGNAN)

INTIMEE :

SARL MEDITERRANEE PISCICULTURE
prise en la personne de son gérant en

exercice
Fontaine aux Dames
66600 SALSES-LE-CHÂTEAU
Représentant : Me MALAVIALLE substituant la SCP CABINET SIMOENS ET ASSOCIES (avocats au barreau de LILL...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre sociale

ARRET DU 28 Mai 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 08316

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 NOVEMBRE 2007

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN
N° RG : 06 / 00365

APPELANTE :

Mademoiselle Bérénice X...

...

66600 SALSES-LE-CHÂTEAU
Représentant : la SCP BOUCLIER & MADRENAS (avocats au barreau de PERPIGNAN)

INTIMEE :

SARL MEDITERRANEE PISCICULTURE
prise en la personne de son gérant en exercice
Fontaine aux Dames
66600 SALSES-LE-CHÂTEAU
Représentant : Me MALAVIALLE substituant la SCP CABINET SIMOENS ET ASSOCIES (avocats au barreau de LILLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 AVRIL 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pierre D'HERVE, Président et Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Christine CHABBERT-LACAS

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 28 MAI 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.

Bérénice X... a été embauchée à compter du 12 mars 1998 par la société Méditerranée Pisciculture ayant son siège à Salses le Château (66) en qualité de technicien, non cadre, chargée du secteur élevage, au coefficient 175 de la grille de classification de la convention collective applicable (des personnels des élevages aquacoles).

Elle a été promue au statut de cadre au coefficient 300 à compter du 1er septembre 2003 et était chargée, en dernier lieu, de la gestion de l'écloserie, de la distribution ou de l'organisation du travail des ouvriers selon les directives générales établies périodiquement par l'employeur, de la participation à l'exécution des travaux, de la gestion de la comptabilité et de la gestion des ventes, clients et facturations.

Le 29 septembre 2005, elle a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement économique pour le 11 octobre 2005 à 14 heures.

Son licenciement lui a ensuite été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 24 octobre 2005 aux motifs suivants :

(…) Notre pisciculture a fait l'objet d'une reprise au mois d'août 2005 et se trouve désormais rattachée à la société FMB – AQUACOLE sise à Saint Clément des Baleines (17 590).

Cette reprise a été opérée alors que notre pisciculture présentait une situation économique et financière particulièrement obérée.

En effet, en 2003, pour un chiffre d'affaires de 452 906 euros, les pertes enregistrées étaient de 149 472 euros.

En 2004, le chiffre d'affaires chutait à 392 361 euros et les pertes atteignaient 353 506 euros.

Il est à souligner que ces données ont visé une production annuelle de 70 tonnes pour un effectif constitué de cinq personnes à temps plein et une personne à mi-temps dont trois cadres.

Sur la même période, les charges de personnel étaient, pour 2003, de 174 210 euros et pour 2004, de 194 491 euros.

Depuis le début de 2005, les choses étant restées en l'état, les données en chiffres d'affaires, charges de personnel et résultat ont poursuivi dans les mêmes voies.

Les difficultés économiques et financières mentionnées ci-dessus commandent, non seulement pour sauvegarder notre compétitivité mais notre existence même, de nous restructurer par une orientation du site dédié exclusivement à la production et au conditionnement, l'ensemble des tâches administratives, de gestion et de commercialisation étant affecté à la direction avec, en matière de comptabilité et de facturation notamment, une aide variable de la société FMB – AQUACOLE.

Cette restructuration, absolument indispensable, suppose le maintien d'un responsable d'élevage, de trois ouvriers aquacoles et d'un ouvrier occupé à mi-temps au conditionnement.

Votre poste, orienté vers l'administratif, la gestion et la comptabilité, est, par conséquent, directement visé par cette restructuration et se trouve supprimé.

C'est la raison pour laquelle, lorsque nous avons été dans l'obligation d'étudier ce projet de restructuration, qu'a pu vous être proposé un poste au sein de la société FMB – AQUACOLE et ce par courrier de 5 septembre 2005 adressé par ladite société.

Vous avez refusé cette proposition écrite accompagné du projet de contrat de travail, cette dernière supposant bien entendu la reprise de votre ancienneté acquise au sein de notre pisciculture.

La restructuration susvisée, en son état définitif établi juste avant le début de la présente procédure de licenciement, supposant la création d'un troisième poste d'ouvrier aquacole, nous vous avons proposé cet emploi par courrier du 11 octobre 2005.

Vous venez de nous marquer votre refus quant à cette proposition. (…)

Contestant le bien-fondé de son licenciement, mademoiselle X... a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan qui, par jugement du 29 novembre 2007, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Elle a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 18 décembre 207 au greffe de la cour.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- le motif économique de son licenciement n'est pas justifié dès lors qu'aucun élément n'établit l'existence de difficultés au niveau du groupe FMB – AQUACOLE, que les mauvais résultas de la société au cours des années précédentes étaient imputables aux investissements réalisés et aux pertes générées par la catastrophe naturelle des 11 et 12 novembre 1999 et que l'année 2005 s'est achevée sur un résultat positif de 288 425, 10 euros,

- la restructuration de l'entreprise ne justifiait pas, non plus, la suppression de son poste puisque, nonobstant l'arrêt de l'activité d'écloserie, la surveillance du site exigeait la présence permanente d'au moins deux cadres techniciens tenus à des astreintes,

- son poste n'a pas été supprimé mais a été « maquillé » en poste d'ouvrier que la société Méditerranée Pisciculture lui a d'ailleurs proposé avec une baisse de rémunération de plus de 30 %,

- l'employeur n'a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement,

- le respect des critères d'ordre des licenciements aurait dû conduire la société Méditerranée Pisciculture à licencier l'autre cadre technicien, monsieur C..., ayant une ancienneté inférieure à la sienne.

Elle conclut donc à l'infirmation du jugement et demande à la cour de condamner la société Méditerranée Pisciculture à lui payer la somme de 25 225, 44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, pour non-respect de l'ordre des licenciements, outre l'allocation de la somme de 3000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Méditerranée Pisciculture conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 2000, 00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles ; elle estime fondé le licenciement économique de mademoiselle X... et soutient qu'elle n'était pas tenue d'appliquer les règles relatives à l'ordre des licenciements, les deux emplois de techniciens étant supprimés.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 - le licenciement :

La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement au sens de l'article L 1233-3 du code du travail si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; tel est le cas si la réorganisation, non liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, a pour but de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi.

Au cas d'espèce, il résulte des pièces produites que la société FMB – AQUACOLE ayant son siège à Saint Clément des Baleines (17) a acquis en août 2005 pour l'euro symbolique 78 329 parts sociales de la société Méditerranée Pisciculture, dont elle prenait ainsi le contrôle ; à la date de la cession, l'activité de cette société se trouvait déficitaire depuis 2002 puisqu'elle avait successivement accumulé les pertes suivantes :

-159 410, 00 euros en 2002
-149 472, 00 euros en 2003
-353 506, 00 euros en 2004

Selon les documents comptables produits aux débats, le chiffre d'affaires de la société avait diminué de 13, 40 % de 2003 à 2004 (452 906 € è 392 361 €), tandis que ses charges de personnel avaient augmenté de 11, 20 % (174 210 € è 194 491 €).

En l'état des résultats déficitaires enregistrés par la société Méditerranée Pisciculture au cours de trois exercices successifs, cette société a donc pu décider, en vue de la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait désormais, de se réorganiser, d'une part, en recentrant son activité sur la production et le conditionnement, ce qui impliquait l'arrêt de l'activité d'écloserie, et, d'autre part, en supprimant les tâches administratives, de gestion et de commercialisation, transférées au siège de la société FMB – AQUACOLE.

Alors que l'effectif de la société Méditerranée Pisciculture comportait trois emplois de cadre (responsable d'élevage ou technicien) et trois emplois d'ouvriers aquacoles dont un à mi-temps, cette réorganisation conduisait ainsi à la suppression de deux emplois de cadre et à la création d'un emploi d'ouvrier.

Mademoiselle X... ne peut sérieusement soutenir que les difficultés de la société Méditerranée Pisciculture n'étaient que passagères et que son activité a été largement bénéficiaire en 2005 ; il ressort à cet égard du rapport de gestion établi en vue de l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2005 que le résultat positif enregistré (288 425 €) en 2005 s'explique principalement par l'abandon des comptes courants des anciens associés, le résultat d'exploitation, hors produits exceptionnels, se traduisant quant à lui par une perte de 281 067, 00 euros.

Il convient dès lors de considérer que les mesures de réorganisation mises en œ uvre par la société Méditerranée Pisciculture à l'origine de la suppression de l'emploi de mademoiselle X... étaient bien nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait ; rien ne permet d'affirmer, contrairement à ce que prétend la salariée, que l'emploi d'ouvrier créé dans le cadre de la réorganisation soit de même nature que les emplois de cadres supprimés et l'examen du registre du personnel, produit aux débats, fait apparaître que postérieurement au licenciement, un poste d'aquaculteur a été effectivement pourvu, l'embauche d'un chef d'exploitation n'intervenant qu'en remplacement de monsieur C..., licencié le 30 juin 2006 pour faute grave ; de plus, l'accomplissement d'astreintes liées à la surveillance d'une ferme aquacole relève tout autant d'un ouvrier qualifié que d'un cadre ou d'un agent de maîtrise ; enfin, il doit être rappelé que les tâches administratives et comptables qu'effectuait mademoiselle X... sont dorénavant réalisées au siège de la société FMB – AQUACOLE et que l'activité d'écloserie dont elle était spécialement chargée a été supprimée.

Le motif économique invoqué à l'appui du licenciement se trouve donc établi, comme son incidence sur l'emploi, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge.

La société Méditerranée Pisciculture a en outre satisfait à son obligation de reclassement en proposant à mademoiselle X... un poste d'assistante qualité / environnement, statut cadre coefficient 250, localisé à Saint Clément des Baleines (17), et un poste d'aquaculteur, ouvrier qualifié au coefficient 175 correspondant à un emploi créé sur le site de Salses le Château (66) ; ces offres ne peuvent être considérées comme insuffisantes au prétexte qu'elles se traduisaient par une légère baisse de rémunération pour ce qui concerne l'emploi d'assistante qualité / environnement et par un changement de statut relativement à l'emploi d'aquaculteur qui était le seul emploi disponible au siège de l'entreprise.

2 - le respect des critères d'ordre des licenciements :

L'article L 1235-5 énonce qu'en cas de licenciement collectif pour motif économique, à défaut de convention ou accord collectif de travail applicable, l'employeur définit, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements et que ces critères prennent notamment en compte les charges de famille et en particulier celles des parents isolés, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment des personnes handicapées et des salariés âgés, les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Il est de principe que l'établissement de l'ordre des licenciements s'effectue en tenant compte de la catégorie professionnelle, laquelle concerne l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

En l'occurrence, la société Méditerranée Pisciculture n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'avait pas à appliquer les critères d'ordre dès lors que le licenciement concernait les deux postes de techniciens appartenant à la même catégorie professionnelle ; il s'avère, en effet, que même qualifié de responsable d'élevage, l'emploi occupé par monsieur C..., salarié non licencié, relevait de la même catégorie professionnelle que celui de mademoiselle X..., tenant la nature des fonctions respectivement exercées par les deux salariés concernés (gestion de l'écloserie pour l'un, gestion des élevages pour l'autre) et une classification professionnelle identique de responsable d'unité (élevage, transformation, conditionnement, entretien, service administratif ou commercial), statut cadre groupe 2, coefficient 300.

Le fait que mademoiselle X... n'ait pas usé de la faculté de demander à la société Méditerranée Pisciculture de lui indiquer par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, n'est pas de nature à la priver du droit de contester cet ordre, contrairement a ce qu'a estimé le premier juge.

Ainsi, l'inobservation par la société Méditerranée Pisciculture des critères légaux cause nécessairement à mademoiselle X... un préjudice ; celle-ci est fondée à soutenir qu'avec plus sept ans de services continus, elle n'aurait pas dû être licenciée s'il avait été tenu compte de l'ancienneté parmi les critères de licenciement, monsieur C... n'ayant, pour sa part, que deux ans d'ancienneté.

Pour apprécier le préjudice subi, il convient de retenir, outre l'ancienneté de la salariée, son âge (32 ans) lors du licenciement et le montant de son salaire brut mensuel (2102, 12 €) ; de plus, elle se trouvait toujours, à la date du 31 janvier 2008, demanderesse d'emploi, indemnisée par l'Assedic ; en l'état de ces éléments, son préjudice consécutif à l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements, peut être évalué à la somme de 10 000, 00 euros.

3 - les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Méditerranée Pisciculture doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à mademoiselle X... la somme de 1000, 00 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Perpignan en date du 29 novembre 2007 en ce qu'il a dit le licenciement de mademoiselle X... fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la société Méditerranée Pisciculture à payer à Bérénice X... la somme de 10 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice consécutif à l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements,

Condamne la société Méditerranée Pisciculture aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à mademoiselle X... la somme de 1 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 06/00365
Date de la décision : 28/05/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Perpignan


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-28;06.00365 ?
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