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27/05/2008 | FRANCE | N°07/04054

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 27 mai 2008, 07/04054


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section A2
ARRET DU 24 JUIN 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 04054
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 FEVRIER 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE N° RG 06 / 169

APPELANTE :
Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS en ses bureaux au Ministère de l'Economie et des Finances 139 rue de Bercy 75012 Paris, pris en la personne de M. le Directeur des Services fiscaux de l'Aude domicilé ès qualités 4 place Victor Basch BP 825 11000 CARCASSONNE représentée par Me Michel ROUQUETTE,

avoué à la Cour

INTIMEE :
Madame Marguerite X... épouse Z... née le 30 Janvier 19...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section A2
ARRET DU 24 JUIN 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 04054
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 FEVRIER 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE N° RG 06 / 169

APPELANTE :
Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS en ses bureaux au Ministère de l'Economie et des Finances 139 rue de Bercy 75012 Paris, pris en la personne de M. le Directeur des Services fiscaux de l'Aude domicilé ès qualités 4 place Victor Basch BP 825 11000 CARCASSONNE représentée par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour

INTIMEE :
Madame Marguerite X... épouse Z... née le 30 Janvier 1937 à SIGEAN (11130) de nationalité Française ... 11200 FERRALS LES CORBIERES représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assistée de Me Daniel MAUREL, avocat au barreau de NARBONNE

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 22 Mai 2008

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 MAI 2008, en audience publique, Madame Sylvie CASTANIE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller Monsieur Richard BOUGON, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS-PROCÉDURE-MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :

Aimé X..., né le 13 septembre 1920, vend à ses deux nièces et à ses deux petites nièces, venant en représentation de leur père prédécédé, selon acte authentique du 24 mai 1993, une maison d'habitation, des terrains et un cabanon situés à SIGEAN (Aude), un portefeuille de titres et deux P. E. P., moyennant le prix global de 1 412 781, 45 F, converti en une rente viagère d'un montant de 6 000 F par mois (soit 72 000 F par an), le vendeur se réservant par ailleurs un droit d'usage et d'habitation sur la maison et imposant enfin aux acquéreurs de le soigner, chacun à tour de rôle. Aimé X... est décédé six mois plus tard, le 24 novembre 1993. L'Administration fiscale requalifie, selon un redressement notifié à Marguerite X... épouse Z..., une des nièces, le 7 octobre 1999, l'acte de vente en donation, avec application de la majoration de 80 %, outre les intérêts de retard. Celle-ci saisit, après le rejet de sa réclamation, le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE, lequel, statuant par jugement du 1er février 2007, :
dit juste et bien fondée la requalification par l'Administration de l'acte de vente du 24 mai 1993 en donation,
dit que le redressement subséquent doit s'effectuer par application de l'article 80 B du Livre des procédures fiscales, conformément à la réponse de l'Administration fiscale notifiée à Marguerite Z... le 24 avril 1996,
dit en conséquence non fondée la notification du dernier redressement du 7 octobre 1999 et nul et de nul effet l'avis de mise en recouvrement opéré sur cette base,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
fait masse des dépens et les partage par moitié entre les parties.

Le Directeur Général des Impôts, pris en la personne du Directeur des Services Fiscaux de l'Aude, relève appel de ce jugement selon déclaration au greffe déposée le 15 juin 2007.

Dans ses dernières écritures déposées le 19 mai 2008, le Directeur Général des Impôts conclut à la réformation des dispositions du jugement relatives à la réponse de l'Administration en date du 24 avril 1996. Il demande qu'il soit mis à la charge de Marguerite Z... des droits d'enregistrement à hauteur de 106 704, 86 € et les pénalités correspondantes, d'un montant de 110 972, 82 €. Il demande enfin qu'elle soit condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures déposées le 15 mai 2008, Marguerite X... épouse Z... conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a dit que le redressement devait être maintenu dans la limite du montant prévu dans la réponse aux observations en date du 24 avril 1996 et à sa confirmation en ce qu'il a considéré que cette réponse constituait une prise de position formelle et déclaré en conséquence non fondée la notification de redressement du 7 octobre 1999 et nul et de nul effet l'avis de mise en recouvrement subséquent. Elle demande que soit prononcée la décharge de la totalité de l'imposition et des pénalités en litige, en raison, d'une part, de l'irrégularité entachant l'avis de mise en recouvrement et, d'autre part, de l'absence de démonstration par l'Administration d'une donation déguisée. Elle conclut enfin à la condamnation de l'État aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 22 mai 2008.

SUR CE :

1 / Sur la QUALIFICATION de l'ACTE du 24 MAI 1993 :

La proximité du décès de Aimé X..., survenu le 24 novembre 1993 et donc six mois seulement après la passation de l'acte litigieux du 24 mai 1993, ne suffit certes pas à constituer, ainsi que le fait justement observer Marguerite Z..., une circonstance déterminante de la requalification de cet acte de vente en donation, d'autant que Aimé X... qui était alors âgé de 72 ans et qui n'était atteint, à l'époque de l'acte, d'aucune maladie grave laissant entrevoir une issue fatale dans un avenir proche, est décédé d'un infarctus dont la soudaineté n'est pas discutée. La preuve n'est donc pas rapportée que les acquéreurs avaient, à la date de la vente, la certitude que la contrepartie en rente et en obligations en nature était assortie d'un caractère essentiellement éphémère.

Pour autant, il n'en demeure pas moins que le montant de la rente viagère a été manifestement minoré eu égard à l'âge du cédant et à la valeur du capital cédé. Les revenus des biens aliénés étaient en outre susceptibles de permettre aux acquéreurs de servir la rente et de remplir leur obligation de soins, de sorte qu'ils ont immédiatement acquis un avantage certain, ôtant à la convention tout caractère aléatoire. Il est acquis, enfin, qu'Aimé X... s'est, par cette vente, dépouillé de l'ensemble de ses biens au profit de ses héritiers qui ont ainsi reçu la part qui leur serait revenue en cas de transmission par décès.

Ces éléments objectifs constituent un faisceau de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes desquelles il se déduit que Aimé X... était bien animé d'une intention libérale et que l'acte de vente du 24 mai 1993 constitue en réalité une donation.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit juste et bien fondée la requalification par l'Administration de l'acte de vente en donation.

2 / Sur la PROCÉDURE :

Il est établi par les pièces versées aux débats :
que Marguerite Z... s'est vu notifier le 26 février 1996 un premier redressement d'un montant de 227 810 F, consécutif à la requalification de l'acte en donation et à l'application des droits de mutation à titre gratuit ;
qu'elle a, par un courrier du 15 avril 1996, contesté ce rehaussement et sollicité, en tout état, une mesure de bienveillance assortie d'une remise de pénalités ;
que l'Administration a, à la suite d'un entretien avec les acquéreurs et le Notaire, ramené le montant de la donation à 630 000 F et renoncé à appliquer les pénalités pour manoeuvres frauduleuses au taux de 80 % et qu'elle a notifié sa décision à la redevable par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 avril 1996, les sommes dues s'élevant désormais à 137 225 F ;
qu'après reprise de la procédure, l'Administration a notifié à Marguerite Z... par lettre du 7 octobre 1999 un nouveau redressement pour un total général de 475 958 F et que les rappels correspondants ont été mis en recouvrement le 28 août 2001.
L'article L 80 A énonce qu'il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'Administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'Administration.
L'article L 80 B prévoit, en son premièrement, que cette garantie est applicable lorsque l'Administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.
La réponse de l'Administration aux observations de Marguerite Z..., en date du 24 avril 1996, est ainsi libellée :
« Après avoir entendu les quatre acquéreurs, le Notaire et le Maire de SIGEAN, pour tenir compte de la situation particulière et des difficultés de chacun, ainsi que de toute l'histoire familiale, je vous propose de modifier la notification précédente comme suit :
« Ne sera retenue en donation que la somme de 630 000 F, soit pour votre part : 210 000 F.
« Calcul des droits (art. 777 du Code Général des Impôts) : 210 000 F-10 000 F = 200 000 F x 55 % = 110 000 F.

« Bien que soient prévus une amende de 80 % et l'intérêt de retard, toujours pour tenir compte de votre situation critique, il ne sera appliqué de façon exceptionnelle que l'intérêt de retard. 110 000 F x 24, 75 % = 27 225 F Total = 137 225 F. »

Cette réponse constitue, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier Juge, une prise de position formelle de la part de l'Administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, de sorte que celle-ci ne pouvait procéder ensuite au redressement du 7 octobre 1999.
Il apparaît en effet, contrairement à ce que soutient l'Administration, que cette réponse est expressément motivée, qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une procédure contentieuse et qu'elle est dès lors étrangère à la matière gracieuse. C'est à tort, enfin, que l'Administration fait valoir que lorsqu'elle procède à un rehaussement d'impositions antérieures, les contribuables ne peuvent invoquer, sur le fondement de l'article L 80 B, que des interprétations ou des appréciations antérieures à l'imposition primitive et qu'en l'espèce, la condition d'antériorité n'est pas satisfaite, la réponse ayant été notifiée le 24 avril 1996 et donc postérieurement à l'acte litigieux du 24 mai 1993. La Cour de Cassation juge, en effet, contrairement aux juridictions administratives, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une condition d'antériorité pour l'application de la garantie prévue par l'article L 80 B du Livre des procédures fiscales.
Le premier Juge doit être approuvé en ce qu'il a jugé, en conséquence de cette prise de position formelle, que le redressement du 7 octobre 1999 n'était pas fondé et que l'avis de mise en recouvrement du 28 août 2001 était donc nul et de nul effet, le redressement devant se faire conformément à la réponse du 24 avril 1996.
Le jugement entrepris doit, en définitive, être confirmé dans toutes ses dispositions.
L'Administration qui succombe en son appel principal, doit être condamnée aux dépens d'appel et à payer à Marguerite Z... la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et Y AJOUTANT :
CONDAMNE l'Administration fiscale à payer à Marguerite Z... la somme de 2 000 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE l'Administration fiscale aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la S. C. P. DIVISIA avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/04054
Date de la décision : 27/05/2008
Sens de l'arrêt : Délibéré pour mise à disposition de la décision

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Narbonne, 01 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-05-27;07.04054 ?
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