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21/05/2008 | FRANCE | N°1055

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0015, 21 mai 2008, 1055


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRET DU 21 Mai 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 08336
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 DECEMBRE 2007
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER N° RG : 06 / 00070

APPELANTE :
SARL VIP REALISATIONS prise en la personne de son représentant légal 435, ave de Major Flandre 34090 MONTPELLIER Représentant : Me MEISSONNIER de la SCP SCHEUER VERNHET et ASSOCIES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
Madame Lydia Y... épouse Z... ... Représentant : la SCP KIRKYACH

ARIAN- YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a é...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRET DU 21 Mai 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 08336
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 DECEMBRE 2007
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER N° RG : 06 / 00070

APPELANTE :
SARL VIP REALISATIONS prise en la personne de son représentant légal 435, ave de Major Flandre 34090 MONTPELLIER Représentant : Me MEISSONNIER de la SCP SCHEUER VERNHET et ASSOCIES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
Madame Lydia Y... épouse Z... ... Représentant : la SCP KIRKYACHARIAN- YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 AVRIL 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président Monsieur Jean- Luc PROUZAT, Conseiller Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Christine CHABBERT- LACAS
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 21 MAI 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sophie LE SQUER, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS et PROCEDURE

Le 30 mars 2000, Mme Lydia Z..., actionnaire et gérante de la Sté VIP REALISATIONS, a cédé à titre onéreux la totalité de ses parts sociales à M. Jean Michel A... . L'acte de cession prévoyait également son embauche par la Sté VIP REALISATIONS comme directrice commerciale par contrat à durée indéterminée d'au moins trois ans, qui était régularisé par contrat du 4 avril 2000 moyennant une rémunération mensuelle de 17 000 F.
Par courrier du 15 mai 2002, l'employeur la convoquait à un entretien préalable au licenciement pour le 24 mai 2002.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mai 2002, Mme Lydia Z... était licenciée pour faute grave dont les griefs sont reproduits intégralement dans le jugement déféré.
S'estimant abusivement licenciée, elle a saisi le Conseil de prud'hommes de MONTPELLIER qui, par jugement en date du 03 décembre 2007, a considéré que le licenciement de Mme Lydia Z... était sans cause réelle et sérieuse et a statué comme suit :
- Condamne la Sté VIP REALISATIONS à lui payer les sommes :-33 277 € au titre de la garantie de salaires,-16 260 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,-8 130 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-813 € au titre des congés payés afférents,-3 327 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,-813 € au titre de l'indemnité de licenciement,-850 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,- Déboute les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration en date du 20 décembre 2007, la Sté VIP REALISATIONS a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
L'appelante demande à la Cour de :
- réformer le jugement sur le licenciement abusif et la garantie d'emploi,- le confirmer sur le rejet de la demande au titre de la clause de non-concurrence,- dire le licenciement fondé sur une faute grave,- débouter Mme Lydia Z... de toutes ses demandes,- à titre subsidiaire, réduire le montant des dommages et intérêts en fonction du préjudice réellement subi et le montant alloué au titre de la clause pénale,- condamner l'appelante à la somme de 3 048 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

au motif que la matérialité des faits fautifs est établie et ceux- ci sont imputables à la salariée qui a violé l'obligation de loyauté inhérente au contrat de travail en exerçant une activité personnelle de promoteur immobilier concurrente de celle de son employeur en utilisant des moyens de l'entreprise et que l'acte de cession de parts sociales du 30 mars 2000 ne contient pas de clause de garantie d'emploi et est inopposable à l'employeur et qu'en tout état de cause, il s'agit tout au plus d'une clause pénale qui peut être réduite et ne prohibe pas le licenciement pour faute grave.
L'intimée, appelante incidente, demande à la Cour de :
- réformer le jugement sur les rejets des demandes au titre de la clause de non-concurrence et du harcèlement moral et sur l'ensemble des montants indemnitaires alloués,- le confirmer pour le surplus,- condamner l'employeur à lui payer les sommes de :-9 983, 16 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-62 400 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif,-31 200 € au titre de la clause de non-concurrence,-31 200 € à titre de dommages- intérêts pour harcèlement moral,-5 375, 55 € au titre des congés afférents,-7 800 € au titre de l'indemnité de licenciement,-3 048 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

au motif que :- aucune clause d'exclusivité n'est prévue au contrat,- la clause de non-concurrence ne s'appliquait qu'après la rupture des relations contractuelles et était illicite, que l'employeur a refusé de lever,- elle a exercé une activité complémentaire comme cela s'était déjà fait par le passé,- aucun grief n'est réel ni établi, et le dernier est prescrit,- elle a été victime de harcèlement moral de la part du gérant qui ne cessait de l'insulter, de la brimer et de la priver des moyens de travailler,- l'acte de cession contient une clause de garantie d'emploi qui s'applique en cas de dénonciation prématurée quelle qu'en soit la cause.

Pour un plus ample exposé des faits des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à la décision entreprise et aux conclusions des parties qui ont été développées oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur le harcèlement moral :
Attendu qu'en application des dispositions combinées des articles L. 122-49 et L. 122-52 du Code du travail, le salarié qui invoque des agissements répétés de harcèlement moral émanant de l'employeur doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'une situation de harcèlement ;
Qu'il appartient au salarié de présenter au juge un faisceau d'indices ou des éléments objectifs qui permettent par leur précision et leur concordance d'établir cette présomption ;
Que les faits dénoncés par le salarié doivent par leur nature et leurs conséquences revêtir un caractère abusif ;
Que les attestations produites par la salariée ne permettent pas de caractériser l'existence d'une telle situation, et le fait que l'employeur ait pu la priver d'accès à l'ordinateur mis à sa disposition témoigne du climat de défiance qui s'est installé entre les parties lorsque l'employeur a appris l'existence d'acte de commerce au détriment de la société, alors que ce retrait apparaît contemporain de l'engagement de la procédure de licenciement ;
Que, dans ces conditions, l'appelante a donc été, à bon droit, déboutée de ses demandes à ce titre ;
- Sur le licenciement :
Attendu qu'en application des dispositions combinées des articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail, les griefs reprochés au salarié, énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doivent être établis et suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement ;
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur, qu'il appartient à ce dernier d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L. 120-4 du Code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi et les parties se soumettent à une obligation de loyauté qui exclut l'exercice par le salarié, pour son propre compte, d'une activité concurrente à celle de l'employeur, et ce nonobstant l'existence d'une clause de non- concurrence dépourvue d'effet en raison de l'absence de contre- partie financière ;
Attendu, en l'espèce, qu'il est constant que la salariée a régularisé le 06 juillet 2001, en son nom et en sa qualité de promoteur immobilier, un compromis de vente portant sur un terrain appartenant aux époux C... et a déposé en son nom personnel, courant décembre 2001, une demande de permis de construire qu'elle a obtenue le 29 janvier 2002 pour la construction d'un immeuble de 30 logements ;
Que l'information de l'employeur s'est faite par courrier du 11 février 2002, sous la forme d'une proposition de prise de participation minoritaire au sein de cette opération immobilière en lui enjoignant de répondre avant le 05 mars 2002 ;
Que s'il entrait dans les fonctions de directrice commerciale de rechercher de nouveaux terrains à acquérir pour y réaliser un programme de construction immobilière, il lui revenait d'informer l'employeur de ces recherches et de lui soumettre le projet envisagé afin que celui- ci puisse prendre en temps utile les initiatives nécessaires ;
Qu'en l'espèce, force est de constater que Mme Lydia Z... a conduit seule la réalisation de ce projet et pour son propre compte, la Sté VIP REALISATIONS apparaissant dans cette opération immobilière comme un partenaire commercial avec lequel elle a engagé, après-coup, des négociations commerciales, et que l'intimée a d'ailleurs sommé de prendre parti dans un certain délai, faute de quoi l'opération projetée se poursuivrait sans elle ;
Qu'ainsi, sans qu'il soit nécessaire de fonder l'obligation générale de loyauté à laquelle est tenue la salariée par l'existence d'une clause contractuelle d'exclusivité ou d'une clause de non- concurrence, il apparaît que l'intimée a poursuivi un but exclusivement personnel en concurrence de celui pratiqué par l'employeur et a refusé, ensuite, de transmettre ledit compromis de vente comme cela lui était demandé alors que cela était possible puisque l'acte de vente prévoyait cette faculté de substitution de la personne de l'acquéreur ;
Que la circonstance que la plainte pénale pour abus de confiance déposée par l'employeur contre l'intimée n'ait pas donné lieu à poursuites et qu'une ordonnance de référé du Tribunal de grande instance en date du 07 mai 2002, qui n'a pas autorité de chose jugée au principal, ait rejeté l'action en concurrence déloyale de la société VIP REALISATIONS est sans effet sur l'existence de cette violation sérieuse et persistante des obligations résultant du contrat de travail qui, à elle seule, est constitutive d'une faute justifiant son licenciement ;
Que cependant, il convient de relever que l'employeur n'a pas considéré que le maintien dans l'entreprise de la salariée était impossible puisqu'il ne lui a pas notifié de mise à pied conservatoire alors qu'il disposait au moment de la convocation à l'entretien préalable de tous les éléments de connaissance des faits permettant d'engager la procédure disciplinaire ;
Que ce faisant, l'employeur n'a manifestement pas voulu s'inscrire d'emblée dans la cessation immédiate de l'activité professionnelle de Mme Lydia Z... avant la tenue de l'entretien préalable, et son ancienne qualité de gérante de la société qu'elle a poursuivie jusqu'au 21 juin 2001 après son embauche conduit à considérer que l'employeur a souhaité lui laisser un délai de réflexion d'une durée de 14 jours envisageant que celle- ci pouvait se raviser sur sa demande de transfert du bénéfice du compromis de vente ;
Qu'il convient, par conséquent, de réformer le jugement et de requalifier le licenciement pour faute grave en cause réelle et sérieuse et de le confirmer sur les montants de l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement qui ont été justement calculées par les premiers juges ;
- Sur la garantie d'emploi :
Attendu qu'aux termes de l'acte de cession de parts du 30 mars 2000, il était stipulé que : " Les nouveaux associés s'engagent au maintien à ce poste de Mme Z... pour une durée d'au moins trois ans ; en cas de dénonciation prématurée de ce contrat, il lui sera versé par la Sté VIP REALISATIONS une indemnité égale à la somme des salaires qu'elle aurait perçus jusqu'au terme de ces trois ans " ;
Que l'objet de cette clause n'est pas de prohiber la rupture des relations contractuelles mais de prévoir une indemnisation forfaitaire en ce cas ;
Que si cette clause n'a pas été insérée au contrat de travail, la conclusion de ce contrat n'a pas entraîné pour autant la disparition de cette obligation dès lors qu'il est bien précisé que seule la société VIP REALISATIONS pourra être tenue au paiement de cette indemnité ;
Que cette stipulation s'analyse en réalité en une clause pénale qui, en application des dispositions de l'article 1152 du Code civil, peut être modérée ou augmentée par le juge, si celle- ci est manifestement excessive ou dérisoire ;
Qu'au regard de la finalité de cette stipulation, il convient de relever que la durée effective d'emploi a été supérieure à deux ans et compte tenu des circonstances particulières de la rupture, son montant apparaît disproportionné au regard du préjudice subi ; qu'il convient, par conséquent, de réduire le montant de cette clause à la somme de 11 000 € ;
- Sur la clause de non-concurrence :
Attendu que le salarié qui a respecté une clause de non- concurrence illicite, en l'absence de contrepartie financière, est en droit de réclamer la réparation de son préjudice du fait de la nullité de la clause qui porte atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle ;
Qu'en l'espèce, il était expressément prévu que la clause ne prenait effet qu'à la rupture de relations contractuelles et que la durée d'interdiction était fixée à une année et limitée à un rayon de 50 km ;
Qu'aucune clause pénale n'était mise à la charge de la salariée en cas de violation de cette obligation, celle- ci étant soumise au paiement d'une indemnité égale au préjudice subi ;
Attendu que s'il est constant que l'appelante n'a pas levé cette clause, Mme Lydia Z... n'établit pas pour autant la réalité d'un préjudice dès lors qu'elle ne justifie pas avoir été empêchée d'exercer une activité similaire après son licenciement ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne prescrit, en l'espèce, l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que l'intimée succombe sur l'essentiel de ses demandes en cause d'appel et sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
En la forme, reçoit la Sté VIP REALISATIONS en son appel et Mme Lydia Z... en son appel incident ;
Au fond,
Réforme le jugement sur le licenciement abusif et sur la clause pénale de garantie d'emploi,
Le confirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant ;
Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement avec cause réelle et sérieuse ;
Ordonne la réduction de la clause pénale de garantie contractuelle d'emploi à la somme de 11 000 € ;
Condamne la Sté VIP REALISATIONS à payer à Mme Lydia Z... la somme de 11 000 € au titre de garantie contractuelle d'emploi ;
Déboute Mme Lydia Z... de sa demande indemnitaire au titre du licenciement abusif ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Mme Lydia Z... aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0015
Numéro d'arrêt : 1055
Date de la décision : 21/05/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 03 décembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-05-21;1055 ?
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