COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section C2
ARRÊT DU 7 MAI 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 5785
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUILLET 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 05 / 701
APPELANTE :
Madame Marina X... née le 29 Août 1955 à PARIS de nationalité française... 34000 MONTPELLIER représentée par la SCP ARGELLIES- WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Elisabeth SIMONNEAU- FORT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur Serge Z... né le 10 Février 1953 à PHU CUONG (Vietnam)...... 34980 JUVIGNAC représenté par la SCP AUCHE- HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour
ORDONNANCE de CLÔTURE du 28 MARS 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MERCREDI 2 AVRIL 2008 à 9H15, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre Madame Nadine ILHE DELANNOY, Conseiller Monsieur Christian MAGNE, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie- Françoise COMTE
ARRÊT :
- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre, et par Mlle Marie- Françoise COMTE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE, MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. Z... et Mme X... se sont mariés le 20 décembre 1976 à Nice sans contrat préalable, et trois enfants sont issus de cette union : Richard, le 2 juin 1980, Astrid et Linda, le 10 janvier 1984.
A la suite de l'ordonnance de non- conciliation du 7 mars 1995, l'épouse a fait assigner son époux en divorce le 30 mai 1995 devant le tribunal de grande instance de Montpellier, qui, par jugement du 28 mai 1996, a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.
Instrumentant sur la liquidation des intérêts financiers et patrimoniaux des parties, Me A..., notaire associé à Prades- le- Lez, a, selon procès- verbal du 20 février 2003, constaté leur accord en vue d'une expertise destinée à évaluer leur ensemble immobilier, sa valeur locative et le montant des travaux effectués depuis le 30 mai 1995, qui a été confiée à M. B..., lequel s'est acquitté de sa mission le 4 août 2004.
Le 8 décembre 2004, Me A... a dressé un procès- verbal de difficultés, qui a été déposé au greffe du tribunal de grande instance de Montpellier, et le 19 mai 2005, le juge- commissaire, constatant l'absence d'accord entre les parties, a renvoyé l'affaire devant le tribunal.
Par jugement contradictoire du 18 juillet 2007, le tribunal a :
- fixé la valeur du bien immobilier commun à la somme de 192 200 euros,
- dit n'y avoir lieu à attribution préférentielle de ce bien à Mme X... et ordonné sa licitation,
- fixé à 75 186, 19 euros le montant de l'indemnité d'occupation de l'immeuble due par Mme X... pour la période du 1er juin 1996 au 31 juillet 2004, puis à la somme de 1 080 euros par mois à compter du 1er août 2004,
- fixé les créances de Mme X... sur l'indivision post- communautaire à :
* 7 610, 91 euros au titre des taxes foncières de 1995 à 2003,
* 817, 62 euros au titre de l'assurance de 1995 à 2003, * 11 159, 05 euros au titre des travaux de réparation et d'amélioration,
- dit que le partage des meubles meublants et des véhicules automobiles a déjà été effectué en nature,
- avant- dire droit, ordonné une expertise relative aux valeurs mobilières des époux.
Mme X... a régulièrement interjeté appel de cette décision en vue de son infirmation, demandant à la cour de :
- fixer la valeur du bien immobilier commun à la somme de 168 270 euros à titre principal, ou 182 470 euros à titre subsidiaire,
- lui donner acte de ce qu'elle souhaite que ce bien immobilier lui soit attribué préférentiellement,
- lui donner acte de ses réserves en l'état des désordres qui pourraient apparaître du fait d'un affaissement de terrain,
- dire qu'il n'y a pas lieu à indemnité d'occupation, ou subsidiairement dire cette demande prescrite, ou plus subsidiairement en réduire le montant,
- dire que M. Z... est redevable d'une somme de 93 267, 28 euros au titre des valeurs mobilières,
- fixer sa propre créance au titre de charges afférentes à l'immeuble commun à la somme de 26 786, 58 euros,
et de lui allouer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- l'évaluation expertale de la villa située à Montpellier est excessive eu égard à la qualité de la construction, à son environnement et à sa vétusté, et comporte trois erreurs quant à sa surface, quant au studio attenant et quant à l'abri de jardin, si bien qu'il convient de fixer cette évaluation à 178 000 euros, ou subsidiairement à 192 200 euros,
- quelle que soit l'évaluation retenue par la cour, il conviendra d'en déduire la valeur du studio, qu'elle a fait édifier après le divorce et à ses frais,
- son ex- mari ne s'y opposant pas, il y aura lieu de lui attribuer préférentiellement ce bien immobilier commun moyennant rachat de la part lui revenant, en retenant une valeur immobilière de 168 720 euros ou subsidiairement de 182 470 euros,
- cette maison étant située dans une zone semblant être affectée d'affaissement de terrain, il lui sera donné acte qu'en cas de détérioration à venir et de diminution de la valeur de ce bien immobilier, il sera procédé à une nouvelle évaluation,
- il n'y a pas lieu à indemnité d'occupation puisque les pensions alimentaires mises à la charge de M. Z... lors du divorce ont tenu compte du fait qu'elle occupait avec ses enfants le domicile conjugal, subsidiairement cette créance est prescrite, et plus subsidiairement il y aura lieu de tenir compte d'un abattement de 60 % illimité dans le temps et de déduire de la valeur de cette indemnité 1 / 6e correspondant à la valeur locative du studio,
- la demande d'indemnité d'occupation au titre des meubles meublants est infondée,
- le partage des meubles meublants et des véhicules automobiles est intervenu au moment de la séparation du couple,
- au titre des valeurs mobilières, elle produit un décompte rendant inutile la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge, et dont il ressort que M. Z... est redevable à la communauté d'une somme de 93 267, 28 euros et qu'elle détient sur celle- ci une créance de 26 786, 58 euros au titre des taxes foncières, réparations et assurances relatives à l'immeuble.
M. Z... a conclu en demandant à la cour de :
- dire que l'immeuble commun doit être évalué à la somme de 192 200 euros (valeur juillet 2004) et l'abri de jardin à celle de 1 000 euros, ces sommes étant réévaluées au jour du partage définitif sur la base de l'indice de la construction,
- fixer l'indemnité d'occupation due au mois d'août 2004 par Mme X... à 107 408, 84 euros au titre de l'immeuble et à 76, 22 euros par mois au titre des objets mobiliers,
- écarter toute prescription et lui donner acte de ce qu'il ne s'oppose pas à l'attribution de l'immeuble à Mme X... à la condition qu'elle lui règle la moitié de sa valeur telle que fixée par l'expert,
- partager les objets mobiliers en deux lots, et les attribuer par tirage au sort,
- lui donner acte de ce qu'il reconnaît devoir à l'indivision post- communautaire la somme de 18 396, 13 euros,
- ordonner la production, sous astreinte, par Mme X... des comptes de janvier 1994 au jour de l'assignation en divorce et du compte caisse d'épargne,
- dire que le montant de la taxe foncière à la charge de l'indivision est de 7 610, 91 euros et celui de l'assurance, de 817, 62 euros,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et constater qu'il a consigné la provision mise à sa charge,
et à la condamnation de l'appelante au paiement de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :
- il est d'accord avec les évaluations de l'expert B..., lequel a répondu point par point à toutes les observations de Mme X..., et dont le rapport doit être « homologué »,
- il ne s'oppose pas à ce que l'immeuble commun soit attribué à son ex- épouse à la condition qu'elle verse sans délai une soulte déterminée sur la base des évaluations expertales,
- Mme X... ayant joui seule de l'ensemble des biens indivis et aucune décision ne lui ayant accordé la gratuité de cette jouissance, elle doit une indemnité, et, à cet égard, il n'y a pas lieu à abattement puisque les enfants n'occupent plus les lieux, ni à prescription qui n'a pas commencé à courir, ni à déduction de la valeur du studio, qui a été édifié durant la vie commune,
- les divers objets mobiliers qu'il énumère doivent être partagés,
- s'il a certes pris de l'argent appartenant à la communauté, il ressort du tableau qu'il a dressé qu'il est redevable de 18 396, 13 euros, alors que son ex- épouse ne fournit aucun décompte des dépenses faites de janvier 1994 au 1er avril 1995.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 28 mars 2008.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 262-1 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, la date des effets du divorce, dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, sera celle de l'assignation en divorce, soit le 30 mai 1995 ;
A. Sur le bien immobilier
1 / Valeur de l'immeuble
Attendu qu'au terme d'investigations précises et complètes, l'expert B... a fixé la valeur de l'immeuble commun, en juillet 2004, à la somme de 192 200 euros ;
Qu'il a, pour ce faire, tenu compte des nombreuses observations de Mme X..., auxquelles il a répondu point par point ;
Qu'en cause d'appel, elle réitère ces mêmes critiques infondées qu'elle avait déjà émises en première instance et à quoi le premier juge a pertinemment répondu par des motifs que la cour adopte ;
Attendu qu'à ces justes motifs, il suffit d'ajouter que, concernant le studio dont l'appelante soutient, en cause d'appel, qu'il n'appartient pas à la communauté, elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a été édifié postérieurement au divorce et au moyen de deniers personnels ;
Qu'en effet, la seule pièce qu'elle produit à l'appui de ses affirmations à cet égard consiste dans un récépissé de dépôt en mairie de déclaration de travaux, daté du 14 décembre 1999, dont on ignore en quoi ils consistent, et d'une partie de photocopie d'un plan de masse, dont on ignore à quoi il correspond ;
Qu'en conséquence, la demande de ce chef sera rejetée ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fixé la valeur de l'immeuble à la somme retenue par l'expert ;
2 / L'attribution préférentielle
Attendu que l'appelante sollicite cette attribution, sans plus la conditionner, comme elle l'avait fait en première instance, à sa propre évaluation de l'immeuble ;
Que l'intimé ne s'oppose pas à cette demande ;
Qu'il convient donc d'y faire droit, tout en rappelant qu'il reviendra à l'attributaire de payer comptant la totalité de la soulte revenant à M. Z... ;
Attendu, par ailleurs, que concernant les éventuelles conséquences d'un affaissement du terrain sur lequel est édifiée cette maison, les seules pièces produites, une note non datée et non signée à l'attention des propriétaires des maisons riveraines visant l'existence de fissures affectant certaines d'entre elles, et une lettre manuscrite qu'aurait adressée en la forme recommandée avec demande d'avis de réception, mais il n'en est pas justifié, le 8 mars 2008 (soit très récemment) Mme X... à son assureur, la compagnie Macif, pour lui faire part de ce que sa « maison se fissure tant à l'extérieur qu'à l'intérieur », sans autre précision, ni démonstration, sont insuffisantes à justifier les réserves sollicitées ;
3 / L'indemnité d'occupation
Attendu qu'en application des dispositions des articles 262-1 et 815-9 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause, l'époux attributaire, aux termes de l'ordonnance de non- conciliation, de la jouissance exclusive du domicile conjugal commun est redevable d'une indemnité d'occupation à compter de la date d'assignation en divorce, soit en l'espèce le 30 mai 1995 ;
Que la prescription quinquennale dont se prévaut l'appelante a été interrompue par le procès- verbal de difficulté notarié du 20 février 2003 faisant état de réclamations portant sur les fruits et revenus de l'immeuble puisque les parties sont convenues de soumettre leur évaluation à un expert, puis par le procès- verbal de difficulté du 8 décembre 2004 ;
Attendu que c'est à bon droit et par de justes motifs que le premier juge a retenu, d'une part, que les pensions alimentaires mises à la charge de M. Z... au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des trois enfants ayant été fixées en tenant compte du fait que son épouse ne payait pas de loyer, il convenait d'affecter l'indemnité d'occupation d'un abattement de 30 %, et d'autre part, que cet abattement devait cesser avec le départ des enfants de la maison familiale ;
Qu'en conséquence, seront confirmées les dispositions de la décision entreprise ayant fixé l'indemnité d'occupation due par l'épouse sur la base des évaluations de l'expert, et en retenant que cette indemnité incluait les meubles garnissant le logement, soit la somme de 75 186, 19 euros pour la période du 1er juin 1996 au 31 juillet 2004, puis celle de 1 081 euros par mois à compter du 1er août 2004 ;
4 / Les charges supportées par Mme X... au titre de l'immeuble
Attendu que l'expert a exactement déterminé le montant des sommes incombant à l'indivision post- communautaire au titre des taxes foncières, des primes d'assurance et des travaux supportés par Mme X... (p. 29 à 33 du rapport) ;
Que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a fixé cette créance aux sommes de 7 610, 91 euros au titre des taxes foncières, 817, 62 euros au titre des primes d'assurance et 11 159, 05 euros au titre des travaux de réparation et d'amélioration ;
B. Sur les biens mobiliers
Attendu que M. Z... ne justifie pas sa demande de partage des objets mobiliers qu'il énumère, alors que lors de la séparation du couple, en 1995, il a été procédé à un partage desdits objets et des véhicules automobiles ;
Attendu que, concernant les valeurs mobilières, les décomptes produits par chaque partie sont contraires ;
Qu'en effet, alors que M. Z... se reconnaît débiteur envers son ex- épouse de la somme de 18 396, 13 euros, celle- ci prétend qu'il lui est redevable de 93 267, 28 euros ;
Qu'en outre, la cour ne dispose d'aucun élément lui permettant de connaître l'état des avoirs à la date de la dissolution de la communauté, leur évolution et les prélèvements faits par chaque époux par la suite ;
Qu'il convient de recourir à une mesure d'instruction ;
C. Sur les autres demandes
Attendu que demandes au titre des frais irrépétibles et au titre des dépens seront réservées ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande d'attribution préférentielle de l'immeuble commun.
L'infirmant de ce seul chef et, statuant à nouveau, attribue préférentiellement à Mme X... l'immeuble commun situé ... à Montpellier, cadastré section PZ, no 158 pour une contenance 604 m².
Avant-dire droit,
Ordonne une expertise confiée à M. Guy C... demeurant... avec la mission suivante :
- opérer conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du code de procédure civile,
- se faire remettre tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,
- convoquer les parties, les entendre ainsi que tout sachant,
- s'adjoindre, le cas échéant, tous spécialistes de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge de joindre leur facture au rapport,
- déterminer l'état des valeurs mobilières des époux à la date du 30 mai 1995 et leur évolution à ce jour,
- rechercher les prélèvements ayant été opérés par l'une ou l'autre des parties à des fins personnelles avant ou après cette date,
- faire toutes observations utiles à la solution du litige,
- donner connaissance aux parties de ses préconclusions, recevoir leurs observations, joindre à son rapport leurs dires écrits et y répondre.
Dit que, lors de la première réunion ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours.
Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise et aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et solliciter, le cas échéant, le versement d'une provision complémentaire.
Dit que chaque partie devra consigner au greffe de la cour la somme de mille euros (1 000) à valoir sur les honoraires de l'expert avant le 7 juillet 2008.
Rappelle que, à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque de plein droit en application de l'article 271 du code de procédure civile, un relevé de caducité ne pouvant être accordé par le magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise que sur justification de motifs légitimes.
Dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 12 janvier 2009, date de rigueur, sauf prorogation expresse de ce délai autorisée par le magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise sur demande motivée de l'expert, et fera parvenir une copie de son rapport aux parties.
Désigne M. Bachasson, président, pour suivre les opérations d'expertise et statuer sur tout incident relatif à l'expertise.
Dit que l'affaire sera rappelée à la conférence de mise en état du mois de février 2009 pour un nouvel examen.
Réserve les demandes au titre des frais irrépétibles et les dépens.