COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section A2
ARRET DU 06 MAI 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 00806
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 DECEMBRE 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 03 / 5913
APPELANTES :
S. C. P. X... René- X... Jean- Philippe, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité
...
34080 MONTPELLIER
représentée par la SCP DIVISIA- SENMARTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Olivier X..., avocat au barreau de MONTPELLIER
Maître Jean- Philippe X...
...
34080 MONTPELLIER
représentée par la SCP DIVISIA- SENMARTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Olivier X..., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON, Banque Coopérative Régie par la Loi No 99-532 du 25 juin 1999, au capital social de 121 763 000 Euros, courtier en assurance, garantie financière et assurance responsabilité civile professionnelle conformes aux articles L. 530-1 et L. 530-2 du code des assurances, prise en la personne de son Directoire, domicilié en cette qualité au siège social sis
254 Rue Michel Teule
BP 7330
34184 MONTPELLIER CEDEX 4
représentée par la SCP ARGELLIES- WATREMET, avoués à la Cour
assistée de la SCP VINSONNEAU- PALIES, avocats au barreau de MONTPELLIER
substituée par Me ARENDT, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 31 Mars 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2008, en audience publique, Madame Sylvie CASTANIE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller désignée par ordonnance pour assurer la Présidence
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
Ministère public :
La procédure a été communiquée le 26 / 11 / 2007 au MINISTERE PUBLIC, pris en la personne du Procureur Général près la Cour d'appel de Montpellier,
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller désignée par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Mme Monique AUSSILLOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS- PROCÉDURE- MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :
La Caisse d'Épargne et de Prévoyance du Languedoc- Roussillon (C. E. P. L. R.) consent à la S. C. I. « Le CLOS du LEVANT », selon un acte authentique reçu par Maître Jean- Philippe X..., Notaire associé à MONTPELLIER (Hérault), le 15 juin 1995, un prêt d'un montant de 1 718 000 F destiné à refinancer un prêt du Crédit Agricole ayant servi à l'acquisition d'une villa située à JACOU (Hérault), .... Ce prêt est assorti de diverses garanties et en particulier de l'affectation hypothécaire du bien objet du prêt, des cautionnements personnels et solidaires des époux Y...- B..., des époux A..., de Elisabeth Y... et de Henri B..., du cautionnement hypothécaire de Henri B... et enfin de la remise en gage par Henri B..., à titre de nantissement, de la somme de 268 000 F.
La S. C. I. emprunteuse n'honorant pas ses engagements, la Caisse d'Épargne prononce, selon lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mars 1996, la déchéance du terme et inscrit, pour la garantie de sa créance, les 5 mars et 28 mai 1999, une hypothèque judiciaire provisoire puis définitive sur des biens immobiliers situés à COURNON (Rhône) appartenant aux époux A..., poursuivis en leur qualité de caution de la S. C. I., débitrice principale.
Par jugement du 12 février 2002, confirmé par un arrêt du 8 mars 2003, le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, saisi par les époux A..., constate l'absence des mentions manuscrites prescrites par les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la Consommation, dont le mandat sous seing privé de se porter caution donné par les époux A... le 29 mars 1995, prononce la nullité du cautionnement établi en exécution de ce mandat, selon acte authentique du 15 juin 1995, et ordonne la radiation, par la Caisse d'Épargne et à ses frais, des inscriptions hypothécaires.
C'est dans ces conditions que la Caisse d'Epargne qui impute la nullité de cet acte de cautionnement à une faute de Maître X..., assigne celui- ci en responsabilité devant le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, lequel, statuant par jugement du 5 décembre 2006 :
dit que Maître Jean- Philippe X... a commis une faute à l'égard de la Caisse d'Épargne,
dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur l'indemnisation du préjudice subi par la Caisse d'Épargne,
condamne en conséquence Maître Jean- Philippe X..., solidairement avec la S. C. P. « René X...- Jean- Philippe X... », à payer à la Caisse d'Épargne, à titre de dommages et intérêts, la somme de 11 474, 71 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre celle de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Maître Jean- Philippe X... et la S. C. P. René X...- Jean- Philippe X... relèvent appel de ce jugement selon déclaration au greffe déposée le 2 février 2007.
Dans leurs dernières écritures déposées le 4 juin 2007, Maître Jean- Philippe X... et la S. C. P. René X...- Jean- Philippe X... demandent, au principal, sur le fondement des articles 500 du nouveau code de procédure civile et 1351 du code civil, que les décisions des 12 février 2002 et 8 avril 2003 soient déclarées inopposables à Maître X... et que la Caisse d'Épargne soit, au visa des articles 1984 et suivants et 1326 du Code Civil, de l'article L. 313-7 du Code de la Consommation, de l'arrêt du 8 avril 2003 et des moyens développés par la Caisse d'Épargne au soutien de son appel, déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée à payer à Maître X... la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils font valoir que les jugement et arrêt des 12 février 2002 et 8 avril 2003, auxquels ils n'étaient pas parties, ne bénéficiaient pas de l'autorité de la chose jugée à leur égard et qu'ils ne pouvaient ni ne devaient former tierce opposition à leur encontre. La Cour a, dans son arrêt du 8 avril 2003, appliqué à tort l'article L. 313-7 du Code de la Consommation à la procuration sous seing privé du 29 mars 1995. Cette erreur est due à la Caisse d'Épargne qui n'a pas développé dans ce procès les moyens de droit nécessaires au succès de ses prétentions. Il a été inexactement jugé que le mandat sous seing privé de se porter caution devait être soumis aux dispositions des articles L. 313-7 et L. 313-8 précités. En réalité, la validité de ce mandat devait s'apprécier au regard des seuls articles 1984 et suivants et de l'article 1326 du code civil, dès lors en effet qu'à la date de sa souscription, c'est- à- dire le 29 mars 1995, les parties n'avaient pas encore prévu de soumettre l'emprunt aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979. Or, la procuration est, au regard des textes du code civil précités, parfaitement régulière. L'engagement de caution contenu dans l'acte authentique du 15 juin 1996 n'est pas, quant à lui, concerné par l'article L. 313-7 qui n'a pas vocation à s'appliquer aux actes notariés.
Ils concluent, subsidiairement, à l'absence de faute commise par le notaire et au débouté de la Caisse d'Épargne et, plus subsidiairement, à un partage de responsabilité, la Caisse d'Épargne ayant contribué à son propre préjudice pour une part ne pouvant être inférieure à 60 %. La procuration sous seing privé était en effet parfaite au jour de la signature, le 29 mars 1995, et, si elle a été déclarée nulle, c'est parce que la Caisse d'Épargne s'est ensuite, lors de l'émission de l'offre de prêt et de son acceptation par l'emprunteur, soumise, hors la présence du notaire, à la loi du 13 juillet 1979.
S'agissant enfin du dommage, ils font valoir, en premier lieu, qu'il doit être sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour ait définitivement statué sur la nullité de l'acte de nantissement souscrit par Henri B... (appel du jugement du 22 février 2006). De cet arrêt dépend en effet le montant des dommages et intérêts susceptibles d'être réclamés par la Caisse d'Épargne.
Ils observent, en second lieu, que le préjudice que celle- ci invoque au soutien de son action en responsabilité n'est pas direct, actuel et certain, dès lors qu'elle ne démontre pas, à ce jour, qu'elle a irrémédiablement perdu toute chance de recouvrer sa créance. Elle ne justifie, en effet, ni qu'elle a vainement mis en oeuvre la totalité des garanties prévues à l'acte de prêt, avant de rechercher la responsabilité du notaire pour perte de chance, ni qu'elle a agi contre les associés de la S. C. I. sur le fondement des articles 1857 et 1858 du code civil.
Ils relèvent, en troisième lieu, que la Caisse d'Épargne ne produit pas un décompte détaillé de sa créance et que le Notaire ne peut être tenu au titre des frais et honoraires d'inscription et de radiation d'hypothèque, des dépens et de l'article 700 du nouveau code de procédure civile alloué par le Tribunal, dès lors que le débiteur poursuivi en sa seule qualité de caution de la S. C. I. aurait dû l'être également en tant qu'associé de ladite S. C. I.
Dans ses dernières écritures déposées le 3 octobre 2007, la CAISSE d'ÉPARGNE conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du notaire, sans partage de responsabilité, et en ce qu'il l'a condamné, solidairement avec la S. C. P. notariale, à lui payer la somme de 11 474, 71 € et, subsidiairement, à son infirmation en ce qu'il a considéré qu'elle ne justifiait pas d'un préjudice certain, autre que celui afférent aux frais d'inscription et de radiation d'hypothèque et aux frais de la procédure l'ayant opposée aux époux A.... Elle conclut, de ce chef, à la condamnation solidaire de Maître X... et de la S. C. P. X... à lui payer la somme de 219 777, 02 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2003, date de la mise en demeure adressée à Maître X..., outre la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir, sur la faute, que le mandat sous seing privé du 29 mars 1995 a été rétroactivement privé d'effet, dès lors que les parties ont entendu soumettre le prêt à la loi du 13 juillet 1979. Le mandataire n'ayant, par suite, pas été régulièrement investi par les époux A... pour se porter caution, le cautionnement n'a donc pu être valablement consenti. Le moyen selon lequel le préjudice, qui résulte de la non- efficacité du cautionnement, était constitué dès l'acceptation de l'offre de prêt, et donc avant l'intervention du notaire, est artificiel. Il appartenait précisément à ce professionnel d'assurer l'efficacité du prêt et des garanties prévues. Or, Maître X... en rédigeant un acte sans vérifier, à ce moment- là, la régularité du pouvoir donné par les époux A... aux fins de se porter caution, a failli à ses devoirs personnels, l'acte de cautionnement étant en effet, lors de son intervention, irrégulier.
Elle observe, s'agissant du dommage, qu'elle justifie d'un préjudice certain et actuel. La mise en jeu de la responsabilité du notaire, qui n'est pas subsidiaire, n'est pas en effet subordonnée à une poursuite préalable contre d'autres débiteurs. Les premiers Juges n'ont pas, à cet égard, tiré les conséquences du caractère principal de la responsabilité du notaire qu'ils ont pourtant rappelé. Elle justifie, en toute hypothèse, du résultat de la mise en oeuvre des autres garanties prévues au contrat de prêt.
L'ordonnance de clôture est en date du 31 mars 2008.
SUR CE,
Maître X... et la S. C. P. de notaires qui n'étaient pas parties à l'instance ayant abouti à l'arrêt du 8 avril 2003, sont libres de critiquer cette décision qui n'a pas l'autorité de la chose jugée à leur égard, sans qu'il puisse leur être fait grief de ne pas avoir formé tierce opposition à son encontre.
Les époux A... ont, selon une procuration sous seing privé en date du 29 mars 1995, constitué pour mandataire René Y... auquel ils ont donné pouvoir, pour eux et en leur nom, de participer et de voter à la délibération de l'Assemblée Générale de la S. C. I. « Le CLOS du LEVANT » qui doit se tenir, à l'effet d'emprunter auprès de la Caisse d'Épargne une somme de 1 718 000 F et de se porter caution personnelle et solidaire de cette société au profit de la Caisse d'Épargne pour le remboursement du prêt de 1 718 000 F en principal, intérêts, frais et accessoires.
Les époux A..., ainsi représentés par René Y..., se sont, aux termes de l'acte authentique de prêt reçu par Maître X... le 15 juin 1995, effectivement portés cautions solidaires de l'emprunteur principal.
Les parties ont, préalablement à cet acte, entendu soumettre le prêt, objet de leur convention, le prêteur en émettant une offre le 18 mai 1995 et l'emprunteur en acceptant cette offre le 29 mai suivant, aux dispositions protectrices du Code de la Consommation.
L'acte notarié dispose d'ailleurs, en son article 1er, que le prêt a fait l'objet, préalablement aux présentes, d'une offre conforme aux dispositions de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1979 et que cette offre, qui est demeurée annexée aux présentes après mentions, a été acceptée par l'emprunteur, et le cas échéant par les cautions, dans les conditions fixées aux articles 7 et 9 de la loi.
Les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la Consommation imposent à la personne physique qui s'engage, par acte sous seing privé, en qualité de caution, de faire précéder sa signature de mentions manuscrites lui permettant de prendre l'exacte mesure de ses engagements en cas de défaillance du débiteur.
Le cautionnement donné par les époux A... qui résulte indiscutablement de l'acte authentique du 15 juin 1995 était donc affranchi du formalisme prescrit par les articles précités.
Le mandat de se porter caution qui doit, certes, en vertu du parallélisme des formes, respecter les mêmes exigences que l'acte de cautionnement lui- même, n'était donc pas soumis au respect des articles L. 313-7 et L. 313-8 susvisés.
Le moyen par lequel la Caisse d'Épargne soutient que la soumission du prêt, après le mandat du 29 mars 1995, à la loi du 13 juillet 1979, a eu pour effet d'affecter rétroactivement la régularité de la procuration et, par voie de conséquence, celle du cautionnement, le mandataire n'étant pas valablement investi, est inopérant.
Il suffisait au notaire, lors de la rédaction de l'acte du 15 juin 1995, de vérifier la validité du mandat au regard des règles du droit commun, et en particulier des articles 1984 et suivants du code civil et de l'article 1326 du même code.
L'examen des pièces produites démontrant que la procuration litigieuse satisfait en tous points à ces dispositions, aucune faute ne peut dès lors être reprochée à Maître X....
La Caisse d'Épargne doit en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, être déboutée de toutes ses demandes.
La Caisse d'Épargne qui succombe doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamnée, par considération d'équité, à payer à Maître X... et à la S. C. P. X... la somme de 2 000 €, sur le fondement de ce texte.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
DIT que Maître Jean- Philippe X... n'a pas commis de faute dans l'établissement de l'acte de prêt en date du 15 juin 1995 et du cautionnement afférent.
DÉBOUTE en conséquence la Caisse d'Épargne et de Prévoyance du Languedoc- Roussillon de toutes ses demandes.
CONDAMNE la Caisse d'Épargne et de Prévoyance du Languedoc- Roussillon à payer à Maître Jean- Philippe X... et à la S. C. P. X... la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE la Caisse d'Épargne et de Prévoyance du Languedoc- Roussillon aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la S. C. P. DIVISIA- SENMARTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.