COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section A2
ARRET DU 28 AVRIL 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 03935
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 MARS 2006 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN N° RG 05 / 1773
APPELANTS :
Monsieur Jean X... né le 24 Novembre 1929 à VILLENEUVE ST GEORGES (94190) ...représenté par la SCP GARRIGUE- GARRIGUE, avoués à la Cour assisté de Me Catherine GUILLEMAIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Jean Claude X... né le 25 Août 1956 à PERPIGNAN (66000) ...représenté par la SCP GARRIGUE- GARRIGUE, avoués à la Cour assisté de Me Catherine GUILLEMAIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur François X... né le 06 Janvier 1961 à PERPIGNAN (66000) ...représenté par la SCP GARRIGUE- GARRIGUE, avoués à la Cour assisté de Me Catherine GUILLEMAIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur Francis X... né le 14 Mai 1931 à VILLENEUVE ST GEORGES (94190) de nationalité française ...représenté par la SCP SALVIGNOL- GUILHEM, avoués à la Cour assisté de Me CODERCH- HERRE, avocat au barreau de PERPIGNAN
INTERVENANTE
Madame Valérie X... née le 18 Novembre 1965 à PERPIGNAN (66000) de nationalité française ... représentée par la SCP GARRIGUE- GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de Me Catherine GUILLEMAIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Mars 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 MARS 2008, en audience publique, Monsieur Christian TOULZA ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller Monsieur Richard BOUGON, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 13 mars 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN, qui a débouté Jean X... et ses enfants de leurs demandes et les a condamnés in solidum à payer à Francis X... la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par Jean X..., Jean- Claude X..., François X... et Valérie X... et leurs conclusions du 18 février 2008 tendant à prononcer la nullité du testament du 14 Janvier 1997 établi par Jacques A... et déposé au rang des minutes de Maître B..., notaire à ARLES SUR TECH, le 1er Juillet 2002, dire et juger qu'il sera procédé aux opérations de liquidation compte et partage des successions de Louise A... et Jacques A... au vu du testament établi en 1989 au terme duquel était léguée l'intégralité des biens des époux A... par parts égales à Jean et Francis X..., renvoyer les parties devant le notaire liquidateur et condamner Francis X... à leur payer la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du N. C. P. C. et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 10 décembre 2007 par Francis X..., tendant à constater l'absence de Dominique et Valérie X... et dire et juger que faute d'avoir interjeté appel en temps utile elles ne pourront prétendre intervenir devant la Cour ; sur le fond, confirmer purement et simplement le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ; subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour annulerait le testament olographe du 14 janvier 1997, dire et juger que c'est le testament authentique de 1993 instituant Francis X... et les quatre enfants de Jean X... légataires des biens composant la succession de Jacques A... qui recevra application ; condamner les consorts X... à lui payer les sommes de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait des accusations proférées à son encontre (faux témoignage et falsification de pièces), 3. 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire et 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du N. C. P. C. et aux entiers dépens ;
Vu les nouvelles conclusions notifiées par Francis X... le 17 mars 2008, qui ont donné lieu à des conclusions d'incident des appelants du 18 mars 2008 auxquelles l'intimé a répondu le 21 mars 2008 ;
M O T I V A T I O N
SUR L'INCIDENT DE PROCEDURE
Le 17 mars 2008, soit trois jours avant la clôture, Francis X... a notifié de nouvelles écritures présentant sur plusieurs pages une argumentation nouvelle et annexant trois nouvelles pièces de fond, ce qui nécessitait de la part de l'avocat des appelants un temps de réflexion afin de pouvoir juger de la consistance des moyens développés, de l'opportunité d'y apporter une réponse et le cas échéant en définir les éléments en concertation avec ses clients, avant de mettre en forme de nouvelles écritures. Or force est de constater qu'il lui était impossible de le faire utilement et dans des conditions normales dans le peu de temps dont il disposait.
Francis X... ne saurait valablement faire valoir qu'il s'est borné à répondre aux conclusions des consorts X... du 18 février 2008, alors que depuis cette date il a disposé d'un délai suffisant pour y répondre en temps utile et n'était pas obligé d'attendre que la clôture soit imminente pour le faire.
Ce faisant, il n'a pas mis les intimés en mesure d'assurer convenablement leur défense. Ainsi, ses conclusions et pièces du 17 mars 2008 portent ainsi atteinte au principe de la contradiction et doivent être en conséquence écartées des débats.
SUR LE FOND
Pour prétendre faire annuler le testament du 14 janvier 1997 par lequel Jacques A... l'a déshérité au profit de son cousin Francis, Jean X... soutient qu'il existe de « fortes suspicions d'insanité » mentale du testateur, caractérisées par une multiplicité de comportements obsessionnels agressifs de type paranoïaque jalonnant dix années de haine injustifiée et anormale à son égard.
Ni la haine même irraisonnée et se manifestant de façon persistante et violente, ni la méchanceté gratuite ne constituent en soi des signes évidents d'insanité d'esprit au sens de l'article 901 du Code Civil. Encore faut- il que celle- ci ait été médicalement constatée ou soit en tout cas formellement établie par des éléments objectifs.
Or Jacques A... n'a pas été examiné par un médecin psychiatre à l'époque où le testament a été rédigé, et son médecin traitant, le Docteur D..., s'il évoque une « personnalité paranoïaque qui s'est manifestée à l'encontre de Monsieur Jean X... », n'en précise pas moins qu'il « est resté jusqu'à son décès tout à fait cohérent ». Cet avis ne peut donc être considéré comme un diagnostic médical irréfutable permettant d'établir que son testament lui a été dicté par un dérèglement mental.
Au surplus, c'est pertinemment que le premier juge relève que le fait que Jacques A... ait été placé en 1999 sous curatelle et non sous tutelle et que cette mesure n'ait jamais été modifiée démontre qu'il ne présentait pas une altération grave de ses capacités intellectuelles.
Dans ces circonstances, et en l'absence de diagnostic d'un médecin spécialiste contemporain de l'acte ainsi que de tout élément objectif, rien ne permet de démontrer que sa décision de revenir sur ses dispositions testamentaires ne procède pas seulement de l'aversion qu'il nourrissait à l'égard de son neveu Jean, mais qu'elle serait en réalité le fruit d'un état pathologique le privant de son libre arbitre.
Les consorts X... ne rapportant pas dès lors la preuve de son insanité d'esprit au jour du testament, il n'existe aucune raison valable de ne pas respecter la volonté affichée du défunt de ne pas léguer quoi que ce soit à son neveu Jean X..., qu'il haïssait de longue date pour des motifs purement personnels et avec qui il entretenait des relations particulièrement conflictuelles, volonté sur laquelle il n'est jamais revenu durant les cinq années qui ont suivi et jusqu'à son décès le 18 février 2002.
Enfin, aucun indice tiré de l'examen du testament lui- même et des éléments extrinsèques produits n'autorise à supposer que la mention manuscrite « fait et écrit de ma main à Sorède le 10 janvier 1997 » suivie de la signature du testateur soit fausse ou encore que sa main ait été « guidée » ainsi que Jean X... le prétend, et il n'est pas davantage démontré qu'il l'a écrit sous l'influence ou la pression de Francis X... qui l'hébergeait et en est le bénéficiaire.
Ne rapportant pas la preuve de la commission par les appelants d'une faute grossière équipollente au dol, traduisant une intention de nuire ou excédant la simple négligence, imprudence ou légèreté, qui aurait fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, ni d'un quelconque préjudice moral, Francis X... sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts. En revanche, ils lui paieront en équité, sur le fondement de l'article 700 du N. C. P. C. et en sus de la somme allouée par le premier juge, une somme supplémentaire de 1. 500 € en indemnisation des frais non inclus dans les dépens qu'il a été contraint d'exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les conclusions et pièces notifiées le 17 mars 2008 par Francis X....
Confirme le jugement déféré.
Condamne les appelants aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à payer à l'intimé la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du même code.