COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 09 Avril 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 06564
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEMBRE 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE RODEZ
No RG06 / 00012
APPELANT :
Monsieur Thierry X...
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Représentant : M. Robert Y... (Délégué syndical ouvrier)
muni d'un mandat et d'un pouvoir en date du 07 / 03 / 2008
INTIMEE :
SA GROUPE EDITOR
prise en la personne de son représentant légal
355, ave Georges Claude
Pôle d'Activité d'Aix en Provence
13852 AIX EN PROVENCE
Représentant : Me Magalie ABENZA (avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 MARS 2008, en audience publique, Monsieur Daniel ISOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Monsieur Jean- Luc PROUZAT, Conseiller
Greffier, lors des débats : M. Henri GALAN
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 09 AVRIL 2008 par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre.
- signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 24 février 2003, Monsieur Thierry X... a été engagé comme chef de secteur statut agent de maîtrise niveau V, échelon 1 de la convention collective de commerce de gros non alimentaire par la société Céline Carterie aux droits de laquelle se trouve actuellement la société Groupe Éditor. Il a été licencié le 5 décembre 2005 pour motif économique avec dispense d'exécuter son préavis.
Par jugement du 10 septembre 2007, le conseil de prud'hommes de Rodez a condamné la société Groupe Éditor à payer à Monsieur X... les sommes de :
-2 975 euros au titre de la prime d'objectif 2005,
-297, 50 euros d'indemnité de congés payés sur cette prime,
-13 134, 52 euros de dommages- intérêts pour non- respect de la priorité de réembauchage,
-113, 15 euros au titre de la franchise indûment retenue,
-300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 9 octobre 2007, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision. Il sollicite sa réformation et :
- à titre principal la nullité de son licenciement pour défaut de plan de sauvegarde de l'emploi, sa réintégration à son poste et la condamnation de la société Groupe Éditor à lui payer les salaires et primes depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration avec les congés payés afférents,
- à titre subsidiaire la condamnation de la société Groupe Éditor à lui payer les sommes de :
-46 954, 50 euros au titre de l'article L. 122-14-4 du code du travail,
-13 134, 52 euros au titre du dernier alinéa de l'article L. 122-14-4 du code du travail.
Dans les deux cas il sollicite la condamnation de la société Groupe Éditor à lui payer les sommes de :
-6 050 euros de primes d'objectif 2005,
-605 euros d'indemnité de congés payés sur ces primes,
-3 000 euros au titre de l'article 1142 du code civil,
-113, 15 euros de remboursement de la franchise,
-2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
et la communication des divers documents comptables, relevés de chiffre d'affaires, registres du personnel, liste des salariés concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi, duplicata de factures etc sous astreinte et la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail mentionnant sa qualité de chef de secteur agent de maîtrise et l'attestation Assedic mise à jour.
Il soutient que :
- son contrat de travail a été exécuté de mauvaise foi par son employeur qui a porté une sous- qualification sur les bulletins de salaire, a changé son secteur d'activité et n'a pas respecté l'article 4 du contrat de travail concernant la détermination des primes d'objectifs,
- ses primes d'objectif pour l'année 2005 ne lui ont pas été payées,
- une franchise lui a été indûment appliquée à la suite du vol dans son véhicule de fonction d'objets personnels,
- son licenciement est intervenu sans plan de sauvegarde de l'emploi alors qu'il s'inscrivait dans un ensemble de suppression de postes imposant un tel plan,
- la société Groupe Éditor l'a licencié sans reclassement,
- la modification à son contrat de travail apparaît discriminatoire,
- la société Groupe Éditor n'a pas défini l'ordre des licenciements,
- l'existence de difficultés économiques ne s'avère pas établie,
- sa priorité de réembauchage n'a pas été respectée.
La société Groupe Éditor conclut au débouté de Monsieur X... et à sa condamnation au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste tout manquement de sa part à ses obligations, allègue que Monsieur X... ne peut prétendre aux primes qu'il réclame, que son licenciement ne relève pas des conditions imposant un plan de sauvegarde de l'emploi, qu'une offre de reclassement lui a été faite et que la priorité de réembauchage a été respectée, Monsieur X... ayant refusé les postes qui lui ont été proposés.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les pièces dont Monsieur X... réclame le versement n'apparaissent pas nécessaires à la solution du litige et la demande de leur production doit être écartée.
Sur la demande de dommages- intérêts pour inexécution du contrat de travail :
1o) sur la classification :
Le contrat de travail de Monsieur X... prévoit des fonctions de chef de secteur et le classe statut agent de maîtrise niveau V échelon 1.
Il se plaint qu'à compter de mai 2003, ses bulletins de paye mentionnent promoteur des ventes au lieu de chef de secteur et technicien à la place d'agent de maîtrise et que son certificat de travail porte ces nouvelles qualifications.
Mais d'une part la classification niveau V échelon 1 qui n'est pas contestée, ne correspond pas à celle d'un agent de maîtrise et Monsieur X... ne prétend pas qu'il exerçait une activité lui donnant droit à cette qualité qui exige l'encadrement d'une équipe de plus de cinq personnes.
Ainsi la modification opérée par son employeur à compter de mai 2003 consiste en la rectification d'une erreur dans l'attribution d'une qualification et non pas d'un manquement de sa part au respect du contrat de travail.
2 o) sur la modification du secteur :
Le contrat de travail de Monsieur X... prévoit un secteur d'activité et donne la faculté à son employeur de le modifier dans la limite des départements limitrophes.
À compter du 1er septembre 2004, six nouveaux départements ont été ajoutés au secteur initial de Monsieur X... dont quatre n'étaient pas limitrophes.
Cette extension n'a jamais été acceptée par Monsieur X... dont l'absence de refus ou l'exécution de son contrat de travail sur ces quatre départements ne suffit pas à établir son consentement à cette modification de son secteur.
En changeant le secteur de Monsieur X... dans des conditions que le contrat de travail ne permettait pas sans obtenir son accord, l'employeur a manqué à ses obligations.
3o) sur le respect de l'article 4 du contrat de travail :
L'article 4 du contrat de travail prévoit que s'ajoutera au salaire fixe " des primes d'objectifs dont le montant et les modalités d'attribution seront définies chaque année en début d'exercice, d'un commun accord entre les parties ".
Monsieur X... se plaint que pour l'exercice débutant le 1er septembre 2004, aucun plan de prime n'a été soumis à sa signature. Si le 23 ou 24 septembre 2004, un plan lui a été remis définissant le bonus pour le nouvel exercice, il ne ressort nullement des pièces produites qu'il résulte d'un accord entre les parties et même ait fait l'objet d'une négociation alors que le contrat de travail prévoit bien que les primes sur objectif doivent être définies par accord des parties.
Ces deux manquements de la société Groupe Éditor à ses obligations contractuelles causent nécessairement un préjudice à Monsieur X... et doivent être réparés par l'allocation de la somme de 1 000 euros de dommages- intérêts.
Sur les primes sur objectif 2005 :
Contrairement à ce que soutient l'employeur, la stipulation que des primes d'objectifs " pourront " s'ajouter au salaire fixe ne signifie pas qu'il s'agit d'une faculté discrétionnaire pour l'employeur mais que leur allocation dépend de la réalisation des objectifs.
Cependant Monsieur X... ne fournit pas les modalités de calcul des sommes qu'il réclame pour l'année 2005 et les documents produits contrairement à ce qu'il prétend ne permettent pas de déterminer le montant de sa demande car la proportion des objectifs atteints ne peut être appréciée.
Défaillant dans la preuve de sa prétention, Monsieur X... doit en être débouté.
Sur la retenue de la franchise :
Monsieur X... disposait d'un véhicule de fonction assuré et il était convenu que la franchise d'assurance restera à la charge du salarié pour 50 % pour le premier accident responsable et pour 100 % à compter du second.
Le 29 juillet 2005 Monsieur X... a été victime d'un vol d'objets personnels d'une valeur de 418, 38 euros dans son véhicule et n'a perçu de l'assureur, après déduction de la franchise une indemnité de 305, 23 euros. Il demande à son employeur le montant de la différence (113, 15 €) au motif que sa responsabilité ne saurait être engagée lors du vol.
La franchise visée par le contrat de travail dont le salarié conserve la charge qu'en cas d'accident responsable est celle qui concerne le dommage causé au véhicule ou aux marchandises appartenant à l'employeur.
Par contre en cas de dommage causé aux objets personnels du salarié lesquels n'entrent pas dans le risque d'exploitation de l'entreprise et ne sont pas couverts par l'employeur, l'indemnisation du salarié s'opère selon les stipulations du contrat d'assurance.
Ainsi la franchise appliquée par l'assureur pour les objets personnels de Monsieur X... ne peut être supportée par la société Groupe Éditor et la demande du salarié doit être rejetée.
Sur le licenciement :
1o) sur le plan de sauvegarde de l'emploi :
Selon les articles L. 321-4-1 et L. 321-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'établir et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi dans les entreprises de 50 salariés ou plus lorsque :
-10 salariés ou plus font l'objet d'une procédure de licenciement sur une même période de 30 jours,
- ont été licenciés plus de 10 salariés au total sur une période de 3 mois sans atteindre 10 personnes sur une période de 30 jours, pour tout projet de licenciement au cours des 3 mois suivants,
- l'entreprise a procédé au licenciement de plus de 18 personnes au cours de l'année civile, pour tout licenciement économique au cours des 3 mois suivant la fin de cette année civile.
L'effectif à prendre en considération est celui de l'entreprise qui licencie à moins qu'elle appartienne à une unité économique et sociale, ce qui n'est pas le cas de la société Groupe Éditor.
Monsieur X... prétend qu'entre le 6 décembre 2005 et le 15 janvier 2006, 12 salariés ont été licenciés pour motif économique par la société Groupe Éditor, ce qui imposait la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
En réalité pour parvenir à ce chiffre, il inclut ceux de la société FG Diffusion, entreprise distincte de la société Groupe Éditor.
Ainsi les conditions imposées à l'employeur pour établir un plan de sauvegarde de l'emploi n'étaient pas réunies.
Monsieur X... ne peut se prévaloir de la nullité de son licenciement pour défaut de plan de sauvegarde de l'emploi.
2o) sur la cause réelle et sérieuse du licenciement économique :
Selon l'article L. 321-1 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".
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Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ".
La société Groupe Éditor prétend avoir proposé à Monsieur X... son reclassement par lettres des 4 août et 16 septembre 2005 en modifiant son contrat de travail, ce que celui- ci a refusé.
Mais ces deux courriers quels que soient les termes employés et notamment le mot " reclassement " ne peuvent s'analyser en une telle offre mais en une proposition modification du contrat de travail pour motif économique. En effet le poste occupé est identique et seules changent les modalités de la rémunération.
D'ailleurs dans la lettre de licenciement du 5 décembre 2005, la société Groupe Éditor énonce : " Dans ce cadre (nouvelle adaptation des méthodes de ventes), nous vous avons adressé le 4 août 2005, une première proposition de modification de contrat de travail, suivie d'une seconde le 16 septembre 2005. Ces propositions ont été refusées par courriers respectivement en date du 4 et 26 septembre 2005. Votre refus de modifier votre contrat de travail afin de concrétiser l'adaptation de votre poste de travail ne peut nous conduire à revenir sur nos propositions en date des 4 et 26 septembre 2005 ".
Cela confirme que les lettres des 4 août et 26 septembre 2005 ne constituent pas des recherches de reclassement mais une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique. D'ailleurs juger le contraire enlèverait au licenciement de Monsieur X... son motif puisqu'elle intervient pour suppression de poste après refus de modification de son contrat de travail.
Après le refus de Monsieur X... de modifier le contrat de travail, il appartenait à la société Groupe Éditor de rechercher son reclassement. Or elle ne justifie d'aucune diligence de ce chef.
Faute de recherche de reclassement le licenciement de Monsieur X... s'avère de ce seul fait sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors l'examen des moyens fondés sur la discrimination, l'absence du motif économique et l'ordre des licenciements devient sans objet.
Compte tenu de son ancienneté (presque trois ans), de son salaire (2 649 €), de son âge (49 ans) et de sa faculté à retrouver un autre emploi compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle, le préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement doit être fixé à la somme de 20 000 euros.
Sur la priorité de réembauchage :
L'article L. 321-14 du code du travail prévoit que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant une année à compter de la rupture du contrat de travail s'il manifeste le désir d'user de cette priorité et que l'employeur doit l'informer de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.
Le 22 mars 2006, Monsieur X... a indiqué à son employeur son désir de profiter de cette priorité de réembauchage et la société Groupe Éditor lui a proposé les 22 mars et 7 juin 2006 deux postes qu'il n'a pas acceptés.
Mais la société Groupe Éditor reconnaît que durant la période concernée elle a embauché d'autres personnes, 5 agents technico- commerciaux et 11 assistants approvisionneurs, postes compatibles avec la qualification de Monsieur X....
Le refus par ce dernier de deux de ces postes ne la dispensait pas de lui proposer les autres, leur rejet par le salarié ne pouvant se présumer.
L'article L. 122-14-4 du code du travail prévoit en cas de méconnaissance par l'employeur de la priorité de réembauchage une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.
Il doit être alloué à Monsieur X... de ce chef la somme de 5 300 euros.
Par application de l'article L. 122-14-4, la société Groupe Éditor doit être condamnée à rembourser aux organismes concernés le montant des indemnités de chômage versées à Monsieur X... dans la limité des six premiers mois.
Aucune disposition de cet arrêt n'est susceptible de modifier les documents de fin de contrat et la demande de ce chef doit être rejetée.
L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties le montant de ses frais non compris dans les dépens.
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PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Réforme le jugement du 10 septembre 2007 du conseil de prud'hommes de Rodez ;
Statuant de nouveau :
Condamne la société Groupe Éditor à payer à Monsieur X... les sommes de :
-1 000 euros de dommages- intérêts pour infraction au contrat de travail,
-20 000 euros de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-5 300 euros pour inobservation de la priorité de réembauchage ;
Condamne la société Groupe Éditor à rembourser aux organismes concernés le montant des indemnités de chômage versées à Monsieur X... dans la limite des six premiers mois ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société Groupe Éditor aux dépens.