COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5o Chambre Section A
ARRET DU 03 AVRIL 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/06727
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 OCTOBRE 2007
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE
No RG 07/262
APPELANTE :
SARL MOSAIQUE, prise en la personne de son gérant en exercice M. Mohamed X... domicilié ès qualité au siège social
...
11110 VINASSAN
représentée par la SCP DIVISIA - SENMARTIN, avoués à la Cour
INTIMEES :
Madame Lucienne Y... épouse Z...
née le 25 Octobre 1926 à NARBONNE (11100)
de nationalité Française
...
11100 NARBONNE
représentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour
SARL LE BAL MASQUE, prise en la personne de son gérant en exercice M. Romaric A... domicilié ès qualité au siège social
...
11100 NARBONNE
représentée par la SCP GARRIGUE - GARRIGUE, avoués à la Cour
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 25 Février 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme France-Marie BRAIZAT, Présidente, chargé du rapport, et M. Jean-François BRESSON conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme France-Marie BRAIZAT, Présidente
M. Jean-François BRESSON, Conseiller
M. Jean-Marc CROUSIER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Christiane DESPERIES
ARRET :
- CONTRADICTOIRE.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Mme France-Marie BRAIZAT, Présidente, et par Melle Colette ROBIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte du 7 février 1994, Madame Y... épouse Z... a consenti à la S.A.R.L. LE CHIMO un bail commercial portant sur des locaux situés à Narbonne.
Le 4 décembre 1998, la S.A.R.L. LE CHIMO a cédé son fonds de commerce à la S.A.R.L. LE BAS MASQUE, qui l'a à son tour cédé le 13 octobre 2006 à la S.A.R.L. MOSAÏQUE.
Par acte signifié le 1er février 2007à la S.A.R.L. MOSAÏQUE et le 6 février 2007 à la S.A.R.L. LE BAL MASQUE, cette dernière en qualité de cédant, solidairement tenu avec le cessionnaire en paiement du loyer jusqu'à l'expiration de la période de 9 ans en cours, Madame Z... a fait commandement à ces sociétés de régler la somme de 1.397,12 € correspondant, à hauteur de 1.168,76 € et 106,72 € aux loyers et charges impayés de décembre 2006 et janvier 2007.
Ce commandement qui visait la clause résolutoire contenu dans le bail étant resté sans effet, Madame Z... a assigné en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Narbonne la S.A.R.L. LE BAL MASQUE et la S.A.R.L. MOSAÏQUE aux fins notamment de voir constater la résiliation de plein droit du bail, expulser la S.A.R.L. MOSAÏQUE et condamner solidairement les deux sociétés au paiement d'une provision au titre des loyers et charges échus impayés et d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance du 9 octobre 2007, le juge des référés a :
- rejeté la demande de suspension de la clause résolutoire formée par la S.A.R.L. MOSAÏQUE ;
- constaté la résiliation de plein droit du bail ;
- ordonné l'expulsion de la S.A.R.L. MOSAÏQUE ;
- fixé à 637,74 € le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par la S.A.R.L. MOSAÏQUE, à compter du 1er mars 2007 et jusqu'à libération effective des lieux ;
- rejeté la demande de séquestration des meubles garnissant les lieux loués ;
- condamné in solidum la S.A.R.L. LE BAL MASQUE et la S.A.R.L. MOSAÏQUE à payer à Madame Z... une provision de 1.913,12 €, en deniers ou quittances, à valoir sur l'arriéré des loyers et charges impayés ;
- condamné in solidum la S.A.R.L. LE BAL MASQUE et la S.A.R.L. MOSAÏQUE à payer à Madame Z... la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
La S.A.R.L. MOSAÏQUE a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2007, elle demande à la Cour de :
- infirmer l'ordonnance dans toutes ses dispositions ;
- constater que la S.A.R.L. MOSAÏQUE qui souffrait temporairement de difficultés économiques n'a pas contesté le principe de sa dette et a réglé en cours d'instance les causes du commandement visant la clause résolutoire ;
- retenir la bonne foi de la S.A.R.L. MOSAÏQUE ;
- lui accorder rétroactivement un délai de paiement de 7 mois à compter du commandement de payer des loyers du 1er février 2007 ;
- suspendre les effets de la clause résolutoire pendant un délai de 7 mois à compter du 1er février 2007 soit jusqu'à la fin août 2007 ;
- constater que le paiement des sommes figurant au commandement et que l'ensemble des loyers a été réglé dans ces délais ;
- rejeter la demande d'acquisition de la clause résolutoire et d'expulsion de Madame Z... ;
- dire et juger qu'il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.
Par ses dernières conclusions du 11 février 2007, la S.A.R.L. LE BAL MASQUE demande à la Cour de :
- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle condamne solidairement la S.A.R.L. LE BAL MASQUE au paiement des loyers échus ;
- constater que l'ensemble des sommes dues ont été réglées ;
- écarter la demande de provision comme non nécessaire eu égard au paiement effectué par la Société MOSAÏQUE ;
- condamner la S.A.R.L. MOSAÏQUE à payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 février 2008, Madame Z... demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions les termes de l'ordonnance dont appel ;
- condamner in solidum la S.A.R.L. MOSAÏQUE et la S.A.R.L. LE BAL MASQUE à payer à Madame Z... :
par provision, la somme de 5.678,86 € selon décompte établi par Maître C..., huissier, en date du 5 février 2008,
à compter du 5 février 2008, à titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle de 637,74 € jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clés,
- dire et juger que la condamnation in solidum des deux sociétés au titre des arriérés des sommes dues à Madame Z... sera prononcée en deniers ou en quittances afin de tenir compte des règlements intervenus en cours d'instance ;
A titre subsidiaire, si la Cour faisait droit à la demande de suspension des effets de la clause résolutoire,
- dire et juger qu'à défaut d'un seul terme du loyer, la clause résolutoire sera définitivement acquise au profit de Madame Z..., sans qu'il soit besoin de faire délivrer un nouveau commandement de payer ou d'obtenir une nouvelle décision de justice et ce, sous astreinte d'une somme de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et constater que la clause est d'ores et déjà acquise du fait du non règlement des loyers depuis le 8 octobre 2007 ainsi qu'il résulte du décompte de l'huissier du 5 février 2008 ;
- en tirer toutes les conséquences en condamnant in solidum les sociétés défenderesses au paiement des sommes ci-dessus rappelées ;
- condamner in solidum la S.A.R.L. MOSAÏQUE et la S.A.R.L. LE BAL MASQUE à payer à Madame Z... une somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le jeu de la clause résolutoire et la demande de délai :
Attendu que la clause résolutoire incluse dans le bail prévoit qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'inexécution d'une seule des conditions du bail, et un mois après un commandement ou une sommation d'exécuter demeurés infructueux, le bail sera résilié de plein droit, une simple ordonnance de référée suffisant à contraindre le locataire à quitter les lieux loués ;
Attendu qu'un tel commandement a été délivré au preneur le 1er février 2007 pour avoir paiement de la somme de 1.397,12 € représentant la somme alors due au titre des loyers, charges impayés des mois de décembre 2006 et janvier 2007 outre les frais ;
qu'il est constant que les sommes ainsi visées n'ont pas été payées dans le délai d'un mois suivant la délivrance du commandement puisque le preneur n'a rien payé jusqu'au 25 juin 2007, date à laquelle il a versé 4.466,18 € avant de régler 1.829,50 € le 27 août 2007 ;
Attendu que l'application de la clause résolutoire n'en reste pas moins soumise à l'appréciation du juge, l'article L.145-41 du Code de commerce dispose que, saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code Civil, il peut, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation lorsque celle-ci n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ;
que la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ;
Attendu que, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, la S.A.R.L. MOSAÏQUE a arrêté le paiement des loyers deux mois après être entrée dans les lieux et n'a, contrairement à ce qu'elle prétend, fourni aucune explication à sa bailleresse sur ses difficultés financières ni cherché à régler, même partiellement dans le délai imparti, les loyers impayés ;
que si l'arriéré des loyers jusqu'au mois d'août 2007 a été réglé le 17 août 2007, plus aucune somme n'a été versée à la bailleresse depuis cette date, que ce soit à titre de loyer ou d'indemnité d'occupation, ce qui est révélateur du caractère précaire de la situation financière de la S.A.R.L. MOSAÏQUE et de son impossibilité à faire face à ses obligations de manière régulière ;
que par ailleurs, ces loyers constituaient un revenu indispensable pour Madame Z..., qui est retraitée et est âgée de plus de 80 ans ;
Attendu que c'est donc à bon droit que le 1er juge a refusé d'accorder à la S.A.R.L. MOSAÏQUE des délais de paiement rétroactif et de suspendre le jeu de la clause résolutoire et qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due à compter du 1er mars 2007 à la somme mensuelle de 637,74 € ;
Sur la provision :
Attendu que Madame Z... prétend que les appelants seraient redevables au 5 février 2008, d'une somme de 5.678,86 €, outre l'indemnité d'occupation de 637,74 € à compter de cette date ;
qu'elle produit le décompte suivant :
- principal 9.566,70 €
- l'article 700 du Code de Procédure Civile 1.200,00 €
- intérêts échus 125,13 €
- frais d'exécution 35,11 €
à déduire les acomptes versés = 6.933,42 €
Total = 5.678,86 € ;
Mais attendu qu'en versant la somme de 4.406,78 € et celle de 1.829,50 €, soit 6.295,68 €, la S.A.R.L. MOSAÏQUE s'est acquittée de la totalité des loyers et indemnité d'occupation dus au 31.08.2007 ;
qu'il résulte par ailleurs des chiffres visés dans le décompte précité qu'en plus de cette somme a été versée une somme supplémentaire de 637,74 € (6.933,42 - 6.295,68 €) ;
que la S.A.R.L. MOSAÏQUE solidairement avec la S.A.R.L. LE BAL MASQUE restent donc redevable de manière incontestable, à la date du 5 février 2008 retenue par Madame Z..., au titre des indemnités d'occupation impayées, de la somme de 637,74 € x 6 = 3.826,44 € - 637,74 € versés = 3.188,70 € ;
qu'elles devront, également, à compter de cette date, une indemnité mensuelle de 637,74 € jusqu'à la libération effective des lieux ;
que la décision déférée sera donc réformée en ce qui concerne le montant de la provision , laquelle sera prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des règlements survenus en cours d'instance ;
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
Attendu que, parties perdantes, la S.A.R.L. MOSAÏQUE et la S.A.R.L. LE BAL MASQUE seront condamnées au dépens d'appel et, déboutées par suite de leur demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
qu'il est équitable en outre qu'elles versent à Madame Z... une somme de 800 € sur le même fondement ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME la décision déférée sauf en ce qui concerne le montant des provisions allouées,
LE REFORMANT sur ce point et statuant à nouveau,
CONDAMNE solidairement la S.A.R.L. MOSAÏQUE et la S.A.R.L. LE BAL MASQUE à payer en deniers ou quittances à Madame Z... à titre provisionnel:
- la somme de 3.188,70 € au titre des indemnités d'occupation dues au 5 février 2008,
- la somme mensuelle de 637,74 € à titre d'indemnité d'occupation à compter de cette date jusqu'à la libération des lieux,
LES CONDAMNE à payer à Madame Z... la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
REJETTE toute autre demande,
CONDAMNE Madame Z... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.