COUR D' APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section C2
ARRÊT DU 2 AVRIL 2008
Numéro d' inscription au répertoire général : 07 / 3812
Décision déférée à la Cour : Jugements des 27 MAI 1999 et 24 MAI 2007
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 06 / 5406
APPELANT :
Monsieur Xavier X...
né le 13 Janvier 1955 à MALO LES BAINS (59240)
de nationalité française
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représenté par la SCP ARGELLIES- WATREMET, avoués à la Cour
assisté de Me Bruno DE CABISSOLE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame Lilas A...
née le 29 Juillet 1973 à AIX EN PROVENCE (13090)
de nationalité française
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représentée par la SCP JOUGLA- JOUGLA, avoués à la Cour
assistée de Me Joseph TOLEDANO, avocat de la SCP VITOUX- LEPOUTRE, avocats au barreau de PARIS
ORDONNANCE de CLÔTURE du 22 FÉVRIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L' affaire a été débattue le MERCREDI 27 FÉVRIER 2008 à 9H15, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l' article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre
Madame Nadine ILHE DELANNOY, Conseiller
Monsieur Jacques RAYNAUD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie- Françoise COMTE
LE MINISTERE PUBLIC
après communication de la procédure, a apposé son visa.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre, et par Melle Marie- Françoise COMTE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Le 22 octobre 1995, Mlle A..., née le 29 juillet 1973, a donné naissance à Aix- en- Provence à l' enfant Margaux- Marie, qu' elle a reconnue.
Selon exploit du 22 octobre 1997, elle a fait assigner M. X... en recherche de paternité naturelle.
Par jugement contradictoire du 27 mai 1999, le tribunal de grande instance de Montpellier a déclaré l' action recevable, ordonné une expertise biologique confiée au Dr B... et sursis à statuer sur l' ensemble des demandes dans l' attente des résultats de cette mesure d' instruction.
M. X... ayant interjeté appel de cette décision, par arrêt du 22 février 2001, la cour de ce siège a déclaré sa voie de recours irrecevable. Le pourvoi qu' il a formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation le 2 mars 2004.
Le Dr B..., qui avait entre- temps entrepris ses opérations expertales en analysant le sang de la mère et de l' enfant, mais qui s' était heurté au refus de M. X... de répondre à sa convocation au motif qu' il avait formé un pourvoi en cassation contre l' arrêt du 22 février 2001 et qu' il restait dans l' attente de cette décision, déposait le 23 juillet 2001 un rapport de carence.
L' affaire était radiée le 14 avril 2003, puis réinscrite au répertoire général du tribunal le 19 juillet 2004, à la demande de Mlle A....
Par ordonnance du 24 février 2005, le juge de la mise en état a constaté la péremption de l' instance introduite le 22 octobre 1997, ainsi que son extinction et le dessaisissement subséquent de la juridiction.
Sur appel de Mlle A..., la cour de ce siège a, par arrêt du 7 décembre 2006, infirmé cette décision et, statuant à nouveau, a rejeté l' exception de péremption et ordonné la réinscription de l' affaire au rôle des affaires en cours du tribunal de grande instance de Montpellier.
Le pourvoi formé par M. X... contre cette décision a été déclaré non admis par arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2007.
Par jugement contradictoire du 24 mai 2007, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- déclaré que M. X... était le père de l' enfant Margaux- Marie,
- ordonné la mention de cette décision sur les actes de l' état civil,
- fixé la contribution du père à l' entretien de l' enfant à la somme mensuelle indexée de 500 euros, à compter du 1er novembre 1995,
- rejeté la demande de Mlle A... concernant l' attribution du nom du père à l' enfant et l' exécution provisoire de la décision,
- accordé à Mlle A... la somme de 1 500 euros au titre de l' article 340- 5 du code civil (condamnation visée dans les motifs de la décision, mais omise dans le dispositif),
- condamné M. X... à payer à Mlle A... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 500 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile.
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M. X... a, par déclaration du 6 juin 2007, interjeté appel du jugement du 27 mai 1999 et de celui du 24 mai 2007, demandant à la cour, « sous la plus expresse réserve de la péremption d' instance » :
- d' infirmer la première de ces décisions et de débouter Mle A... de son action,
- subsidiairement, de débouter Mlle A... de ses demandes d' attribution à l' enfant du nom de X..., de contribution à son entretien et à son éducation,
- de condamner Mlle A... à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d' appel.
Il soutient :
- la Cour de cassation ayant déclaré son pourvoi contre l' arrêt de la cour d' appel de Montpellier du 7 décembre 2006 non admis sur le fondement de l' article 608 du code de procédure civile, il a été contraint de conclure au fond et se trouve dans l' obligation de relever appel des jugements entrepris pour pouvoir soumettre à la Cour de cassation l' intégralité de la procédure et notamment la décision qui a rejeté son exception de péremption,
- s' il a été nommé magistrat à Aix- en- Provence au mois de septembre 1992 et s' il a, alors, connu, par l' entremise d' amis communs, Mlle A..., qu' il a revue à plusieurs reprises à l' occasion de diverses fêtes, il n' était plus en contact avec elle au moment de la période de conception, soit en janvier- février 1995,
- alors que l' article 340 du code civil, dans sa rédaction applicable, prévoit que la preuve de la paternité hors mariage ne peut être rapportée que s' il existe des présomptions graves, les indices avancés par Mlle A... sont inexistants ou faux, si bien que c' est à tort que le premier juge a déclaré l' action recevable,
- son refus de se soumettre à l' expertise biologique ne saurait être constitutif d' une quelconque présomption, puisque cette mesure d' instruction a été ordonnée en l' absence de tout indice de paternité, et également parce qu' il existait un motif légitime de ne pas l' ordonner, en raison des allégations mensongères de Mlle A...,
- il n' est justifié d' aucun frais de maternité,
- la demande à titre de contribution à l' entretien et à l' éducation de l' enfant est injustifiée,
- Mlle A... renonce à sa demande relative au nom de l' enfant.
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Mlle A... a conclu à la confirmation du jugement du 27 mai 1999 et à celle du jugement du 24 mai 2007, sauf en ce qu' il a limité la contribution du père à l' entretien de l' enfant à la somme mensuelle de 500 euros, le remboursement des frais de maternité à la somme de 1 500 euros et le montant des dommages et intérêts à la somme de 3 000 euros, demandant de ces trois chefs respectivement 800, 3 000 et 5 000 euros, outre la condamnation de l' appelant au paiement de 5 000 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- elle a rencontré M. X... durant l' année 1994 et ils ont entretenu des relations stables et durables,
- lorsqu' elle a été enceinte de ses oeuvres, il est intervenu auprès de sa soeur pour qu' elle interrompe sa grossesse, puis a refusé de reconnaître l' enfant,
- l' expert désigné pour procéder à l' examen comparatif des sangs a interrompu sa mission en attendant que la cour d' appel statue, puis celle- ci ayant déclaré l' appel irrecevable, il a repris ses opérations, auxquelles elle et sa fille se sont soumises, mais M. X... a refusé au prétexte qu' il avait formé un pourvoi en cassation,
- par la suite, étant sans nouvelle de son conseil qu' elle a vainement cherché à joindre à plusieurs reprises, elle a fini par s' adresser au greffe du tribunal de grande instance de Montpellier, qui l' a informée que l' instance avait été radiée,
- en matière de filiation, l' expertise biologique est de droit, sauf s' il existe un motif légitime de ne pas y procéder, et, en tout état de cause, il existe des présomptions ou indices graves que M. X... est le père de l' enfant,
- le refus injustifié de M. X... de se soumettre à l' expertise doit être interprété comme un aveu implicite de paternité,
- soucieuse de l' intérêt de sa fille et eu égard au refus farouche de M. X... d' assumer sa paternité, elle renonce à sa demande initiale tendant à ce que sa fille porte le nom de ce dernier,
- il convient, en application de l' article 340- 5 du code civil de lui accorder la somme de 3 000 euros,
- eu égard à ses ressources, à celles de M. X... et aux besoins de l' enfant, âgée de 12 ans, la part contributive du père à son entretien doit être fixée à la somme mensuelle de 800 euros,
- elle subit depuis dix ans un préjudice moral grave lié au comportement abusif de M. X....
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Le Ministère public s' en est rapporté à justice.
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C' est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 22 février 2008.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l' enfant mineure, régulièrement informée le 28 janvier 2008 de son droit à être entendue par la cour et à être assistée par un avocat, n' a pas souhaité l' exercer ;
Attendu que l' action ayant été introduite avant l' entrée en vigueur de l' ordonnance no 2005- 759 du 4 juillet 2005, elle sera, par application de l' article 20- III de ce texte, poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ;
Attendu qu' en application des articles 340, 311- 12 (dans leur rédaction issue de la loi no 93- 22 du 8 janvier 1993 applicable en la cause) du code civil et 146 du code de procédure civile, l' expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s' il existe un motif légitime de ne pas y procéder ;
Attendu que l' appelant n' invoque aucun motif légitime de ne pas procéder à cette mesure d' instruction ;
Qu' en effet, il se borne à continuer de soutenir que toutes les allégations de l' intimée sont mensongères, ce qui ne constitue pas un motif légitime justifiant qu' il ne soit pas procédé à l' analyse comparative des sangs et qui, en réalité, revient à subordonner celle- ci à la preuve de présomptions ou d' indices de paternité, alors qu' elle est de droit ;
Que le jugement du 27 mai 1999 sera donc confirmé ;
Attendu que le refus injustifié de M. X... de se soumettre à l' expertise biologique – laquelle eût été de nature à lever tout doute sur sa paternité et lui eût permis de démontrer le bien- fondé de ses allégations –, et les recours multiples qu' il a introduits à l' encontre de toutes les décisions à seule fin de tenter d' éviter le débat au fond, constituent un aveu implicite de paternité ;
Que cet aveu vient corroborer les éléments produits par Mlle A... ;
Qu' en effet, et alors que M. X... ne conteste pas explicitement avoir eu des relations intimes avec Mlle A..., se bornant à soutenir qu' elle ne vivait pas à son domicile aixois et qu' il « n' était plus en contact amical avec elle depuis longtemps au moment de la période de conception », celle- ci a produit un certain nombre d' indices tels qu' un carton portant la mention écrite de la main de l' appelant, ce qu' il reconnaît, « A ma Lilas que j' adore », ou encore le bail et l' attestation d' assurance du logement occupé à Aix- en- Provence par M. X... ;
Que, d' ailleurs, celui- ci reste taisant sur l' évolution de ses écritures relativement à son logement aixois, dont il a commencé par nier l' existence (conclusions du 16 avril 1998 p. 4), pour ensuite indiquer qu' il ne s' agissait que d' un studio (conclusions du 5 mars 1999, p. 2), alors qu' il ressort du bail du 11 juin 1993 que les locaux loués consistaient en un appartement de type 3, comprenant notamment une entrée, un séjour, un bureau et une chambre ;
Que c' est donc à bon droit que le premier juge a déclaré que M. X... est le père de l' enfant ;
Attendu que, tenant les revenus et charges de l' appelant et ceux de l' intimée, et les besoins d' une enfant de 12 ans, le premier juge a justement fixé la part contributive du père à son entretien et à son éducation à la somme mensuelle de 500 euros par mois, à compter de sa naissance ;
Attendu qu' à l' appui de sa demande fondée sur l' article 340- 5 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, Mlle A... ne produit aucune pièce, aucun décompte, aucun moyen, se bornant à invoquer le texte précité ;
Que sa demande de ce chef sera rejetée ;
Attendu, en revanche, qu' elle subit un préjudice important lié au fait que M. X..., qui fuit ses responsabilités, s' oppose par tous les moyens à l' action qu' elle a introduite depuis dix ans, l' obligeant à subir les tracas consécutifs à de nombreuses procédures dilatoires et à voir sans cesse repoussée l' issue de son action ;
Que ce préjudice sera réparé par l' allocation de la somme de 5 000 euros ;
Attendu que l' appelant, qui succombe, sera condamné à payer à l' intimée la somme de 5 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée et supportera les dépens d' appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil,
Confirme le jugement du 27 mai 1999.
Confirme le jugement du 24 mai 2007, sauf en ce qu' il a fait droit à la demande au titre de l' article 340- 5 du code civil et en ce qu' il a alloué à Mlle A... des dommages et intérêts d' un montant de 3 000 euros.
Le réformant de ces seuls chefs et, statuant à nouveau,
Rejette la demande au titre de l' article 340- 5 du code civil.
Condamne M. X... à payer à Mlle A... la somme cinq mille euros (5 000) à titre de dommages et intérêts.
Y ajoutant,
Condamne l' appelant à payer à l' intimée la somme de cinq mille euros (5 000) en application de l' article 700 du code de procédure civile.
Déboute l' appelant de sa demande fondée sur l' article 700 du code de procédure civile.
Condamne l' appelant aux dépens d' appel, et autorise la S. C. P. Jougla- Jougla, avoués, à en recouvrer le montant aux forme et condition de l' article 699 du code de procédure civile.