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02/04/2008 | FRANCE | N°05/00701

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 02 avril 2008, 05/00701


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 02 Avril 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 07133

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 OCTOBRE 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG05 / 00701

APPELANTE :

Madame Patricia X...


...

Représentant : Me Alain CHEVILLARD (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEES :

Me D... MANDATAIRE LIQUIDATEUR DE LA SARL OFFSET LANGUEDOC

...

Représentant : la SCPA DABIENS- CELESTE- KALCZYNSKI (avocats au barreau d

e MONTPELLIER)

AGS (CGEA- TOULOUSE)
72, Rue Riquet
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
Représentant : la SCP CHATEL- CLERMONT- TEISSE...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 02 Avril 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 07133

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 OCTOBRE 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG05 / 00701

APPELANTE :

Madame Patricia X...

...

Représentant : Me Alain CHEVILLARD (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEES :

Me D... MANDATAIRE LIQUIDATEUR DE LA SARL OFFSET LANGUEDOC

...

Représentant : la SCPA DABIENS- CELESTE- KALCZYNSKI (avocats au barreau de MONTPELLIER)

AGS (CGEA- TOULOUSE)
72, Rue Riquet
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
Représentant : la SCP CHATEL- CLERMONT- TEISSEDRE TALON- BRUN (avocats au barreau de MONTPELLIER)

SA MIDI LIBRE
prise en la personne de son représentant légal
Rue Mas de Grille
34430 SAINT JEAN DE VEDAS
Représentant : Me MARTINEZ de la SELAFA CAPSTAN AVOCATS (MONTPELLIER) (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 MARS 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Monsieur Jean- Luc PROUZAT, Conseiller
Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : M. Henri GALAN

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 02 AVRIL 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.

Créée en juillet 1971, la SARL OFFSET Languedoc avait pour principale activité l'exploitation d'une imprimerie dans la zone industrielle de Vendargues (34) ; en mai 2001, la société du journal Midi- Libre, qui en était l'associé unique, a cédé, après augmentation du capital, à une société du groupe
C...
, la société TECHNPRINT, 12 750 des 25 000 parts sociales.

Patricia X... a été embauchée le 12 novembre 1991 en qualité de secrétaire comptable par une société SOMAP et son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 1995 à la société OFFSET Languedoc au sein de laquelle elle occupait, en dernier lieu, un emploi d'agent de planning, groupe V C, statut d'employé, selon la grille de classification de la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques, applicable à la relation salariale.

Par jugement du 22 décembre 2004, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société OFSSET Languedoc et désigné maître Christine D... en qualité de liquidateur.

Le 24 décembre 2004, maître D... a pris contact avec la société du journal Midi- Libre, propriétaire de 49 % des parts sociales, afin de connaître les mesures qu'elle était susceptible de prendre en vue de favoriser le reclassement des salariés.

Etant alors envisagé le licenciement économique des 52 salariés composant l'effectif de la société, le comité d'entreprise a été réuni et consulté le 29 décembre 2004, notamment sur la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) dans le cadre des dispositions de l'article L. 321-4-1 du code du travail.

Le 3 janvier 2005, maître D... a notifié aux salariés non protégés parmi lesquels madame X... leur licenciement économique, les informant de l'existence d'un PSE prévoyant en particulier la mise en place d'une cellule de reclassement.

Postérieurement, le liquidateur a reçu trois propositions de reclassement du groupe C... et neuf propositions de reclassement dans les sociétés du groupe Midi- Libre.

Sollicitée par les membres du comité d'entreprise, la société du journal Midi- Libre a accepté de verser au bénéfice des anciens salariés de la société OFFSET Languedoc une somme de 500 000, 00 euros destinée à faciliter, indépendamment des mesures prévues dans le cadre du PSE, une aide à la mobilité et une formation professionnelle individualisée.

Un protocole d'accord fixant notamment le mode de répartition de cette somme a été signé le 8 avril 2005 entre les anciens membres titulaires du comité d'entreprise et maître Jean- François E..., désigné en qualité de mandataire ad hoc de la société OFFSET Languedoc par une ordonnance du président du tribunal de commerce de Montpellier en date du 11 février 2005.

Réclamant la qualification de responsable de planning, emploi classé cadre groupe II, et invoquant l'insuffisance du plan social et le caractère discriminatoire de l'accord collectif du 8 avril 2005, madame X... a saisi le 11 mai 2005 le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement du 1er octobre 2007, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Elle a régulièrement relevé appel, le 7 novembre 2007, de ce jugement.

En l'état des conclusions qu'elle a déposées et soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour de :

A titre principal :
- constater qu'elle exerçait les fonctions de responsable de planning, statut cadre groupe II,
- inscrire en conséquence au passif de la société OFFSET Languedoc les sommes suivantes :
• 28 655, 42 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2004,
• 2865, 54 euros à titre d'indemnité de congés payés sur ce rappel de salaire,
• 702, 60 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés,
• 15 259, 48 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,
• 5049, 33 euros à titre de complément d'indemnité de préavis,
• 504, 93 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
• 933, 32 euros à titre de solde du 13e mois,
• 93, 32 euros à titre de congés payés du solde de 13e mois,
- constater l'insuffisance du PSE du 29 décembre 2004,
- inscrire en conséquence au passif de la société OFFSET Languedoc la somme de 32 200, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- constater que l'accord du 8 avril 2005 est discriminatoire et encourt la nullité,
- inscrire en conséquence au passif de la société OFFSET Languedoc la somme de 8003, 00 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle,
- dire que la société du journal Midi- Libre sera tenue in solidum avec la société OFFSET Languedoc au paiement du complément d'indemnité conventionnelle pour un montant de 8003, 00 euros,

A titre subsidiaire :
- dire que le liquidateur a manqué à son obligation de reclassement,
- inscrire en conséquence au passif de la société OFFSET Languedoc la somme de 32 200, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :
- condamner la société du journal Midi- Libre à lui verser la somme de 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- dire que le jugement sera opposable aux AGS- CGEA qui devront garantir les condamnations à intervenir,
- dire et juger que les sommes seront assorties des intérêts légaux depuis l'introduction de la demande,
- condamner in solidum le liquidateur judiciaire de la société OFFSET Languedoc et la société du journal Midi- Libre à lui verser la somme de 1500, 00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- compte tenu de la nature de ses tâches, elle aurait dû bénéficier du statut de cadre et de la qualification de responsable de planning,

- le PSE ne répond pas aux exigences de l'article L. 321-4-1 du code du travail dès lors qu'il ne comporte aucune mesure de reclassement externe au sein des sociétés des groupes
C...
et MIDI- LIBRE malgré les possibilités de permutation entre la société OFFSET Languedoc et les sociétés du groupe auquel elle appartenait,

- le liquidateur n'a pas davantage satisfait à son obligation de reclassement découlant de l'article L. 321-1,

- l'accord du 8 avril 2005 vise à privilégier les ouvriers de la société OFFSET Languedoc, tous adhérents de Filpac CGT, au prétexte erroné que la catégorie des ouvriers se voit proposer moins d'offres d'emploi par l'ANPE que les autres salariés, cet accord prévoyant ainsi indirectement une clause d'union shop prohibée par les dispositions de l'article L. 122-45,

- la société du journal Midi- Libre qui a cédé en janvier 2001 la société OFFSET Languedoc, alors que celle- ci rencontrait des difficultés financières et qu'il était prévu la suppression de plusieurs dizaines de postes, a commis une faute qui a eu pour effet de faire perdre aux salariés la chance de pouvoir bénéficier des dispositions du PSE mis en place au sein du groupe Le Monde.

Maître D... ès qualités conclut à la confirmation du jugement ; elle expose, en premier lieu, que madame X... ne rapporte pas la preuve de la réalité des fonctions de responsable de planning qu'elle prétend avoir occupé ; elle soutient ensuite qu'eu égard aux moyens dont elle disposait et au délai imparti pour la notification des licenciements, conditionnant la garantie de l'AGS, le PSE tel qu'il a été mis en oeuvre le 29 décembre 2004, après qu'elle a recherché d'éventuels postes de reclassement au sein des groupes MIDI- LIBRE et C..., doit être considéré comme suffisant et pertinent ; elle ajoute qu'elle a rempli loyalement son obligation de reclassement dans le délai expirant le 3 janvier 2005 et transmis au cabinet ESSEL, chargé de la cellule de reclassement, les propositions reçues postérieurement ; enfin, elle prétend que n'étant pas signataire de l'accord du 8 avril 2005, elle ne saurait être condamnée au paiement des sommes découlant de sa conclusion ou de son exécution.

La société du journal Midi- Libre conclut également à la confirmation du jugement ; elle expose en substance qu'elle a transmis le 13 janvier 2005 à maître D... des propositions de reclassement précises, qu'elle n'est pas intervenue dans le processus de négociation et de signature de l'accord du 8 avril 2005 et que le caractère discriminatoire de cet accord ne se trouve pas établi, la preuve de l'appartenance des ouvriers de la société OFFSET Languedoc au syndicat Filpac CGT n'étant pas rapportée ; elle ajoute que l'appelante ne peut rechercher sa responsabilité en raison de la perte d'une chance de bénéficier d'un PSE au sein du groupe Le Monde, dès lors qu'elle n'a pas cédé la société OFFSET Languedoc, qu'aucune faute de gestion ne lui est reprochée et qu'elle a transmis au liquidateur une liste de neuf offres de reclassement au sein du groupe.

L'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) et le centre de gestion et d'études de l'AGS de Toulouse (CGEA) concluent eux aussi à la confirmation du jugement ; ils exposent qu'en l'état de la cessation totale d'activité de la société OFFSET Languedoc résultant de sa liquidation judiciaire, maître D... ne peut se voir reprocher une absence de recherche de reclassement et que la procédure collective est étrangère à l'accord du 8 avril 2005 signé entre un mandataire ad hoc désigné par le tribunal de commerce et les anciens membres titulaires du comité d'entreprise ; subsidiairement, ils font valoir que les sommes susceptibles d'être arbitrées au titre de cet accord ne sont pas couvertes par la garantie de l'AGS et que les sommes susceptibles d'être allouées à madame X... ne pourront être garanties qu'à concurrence du montant du plafond 6, soit 59 424, 00 euros.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- la classification professionnelle et les demandes salariales en résultant :

Il est justifié par les pièces produites, notamment les attestations des anciens salariés et gérants de la société OFFSET Languedoc, que madame X... accomplissait depuis 2000 des tâches correspondant à celles, non d'un agent technique de planning, mais de responsable de planning classé, dans la liste des emplois repères, au groupe II (filière administration et gestion), ayant notamment la responsabilité de l'établissement du planning de production, dont elle assurait l'ordonnancement ; titulaire d'un diplôme d'université (DU) de logistique, non reconnu par l'éducation nationale, elle avait donc acquis par expérience professionnelle le niveau de connaissance correspondant au poste occupé, dont le descriptif précis est fourni par monsieur C..., dernier gérant de la société OFFSET Languedoc (gestion du planning, ordonnancement ; coordination des différents services liés à la production ; interface clients / commerciaux / production ; gestion de la sous- traitance des travaux d'impression et, périodiquement, celle des transports ; création d'outils et analyse de la production).

Elle est en conséquence fondée à réclamer la qualification de responsable de planning, emploi classé cadre groupe II, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge.

Pour la période du 1er mai (et non 1er janvier) 2000 au 31 décembre 2004 non couverte par la prescription quinquennale de l'article L. 143-14, madame X... peut prétendre, compte tenu des salaires minima mensuels applicables en fonction des divers arrêtés d'extension des avenants « salaires », à l'allocation de la somme de 22 647, 77 euros (bruts) à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents.

Il résulte de l'article 508 de la convention collective applicable que le délai de préavis pour les cadres et assimilés est de deux mois jusqu'à deux ans de présence, plus un quart de mois par année supplémentaire de fonctions de cadre ou de maîtrise, avec un maximum de quatre mois au total ; en l'occurrence, madame X..., qui ne comptait que 5 ans d'ancienneté dans les fonctions de cadre, avait droit à un délai de préavis de 2 mois plus trois quarts de mois ; ayant perçu une indemnité compensatrice de préavis de 4750, 67 euros, le solde d'indemnité lui revenant ressort à la somme de : (2450, 00 x 2, 75) – 4750, 67 = 1986, 83 euros (bruts), outre les congés payés afférents.

L'annexe IV à la convention collective prévoit le versement d'une prime annuelle (ou 13e mois) payable en deux fractions, l'une le 30 juin, l'autre le 31 décembre, d'un montant égal au minimum à 174 heures de salaire, qui, en cas de départ en cours d'année, notamment en cas de licenciement sauf faute lourde, doit être versée au prorata du nombre de mois entiers de présence, délai de préavis compris ; en l'espèce, madame X..., qui n'a perçu en janvier 2005 qu'une somme de 26, 21 euros au titre du 13e mois, peut prétendre au versement d'un solde de : (2800 x 2, 75 / 12) – 26, 21 = 615, 46 euros (bruts), outre les congés payés afférents.

L'article 509 de la convention collective dispose en outre que :
« Lorsqu'un salarié aura exercé, dans l'entreprise, pendant au moins deux ans une fonction de cadre, d'agent de maîtrise ou d'assimilé, il bénéficiera, sauf faute grave ou lourde, reconnue ou jugée, d'une indemnité de licenciement calculée comme indiqué au tableau ci- après :
- après deux ans de fonction : un mois ;

- après trois ans de fonction : un mois et demi ;

- après quatre ans de fonction : deux mois ;

- par année supplémentaire à partir de la cinquième : deux tiers de mois.

L'indemnité calculée comme indiqué ci- dessus sera majorée si l'intéressé a occupé préalablement dans l'entreprise une fonction d'ouvrier ou d'employé, de 2 p. 100 pour chacune des dix premières années ressortissant au statut d'ouvrier ou d'employé, et 1 p. 100 pour chacune des années suivantes au- delà de la dixième.
Dans le cas où l'ancienneté dans ses différentes fonctions ne correspond pas à des années entières, la règle du prorata s'applique pour calculer l'indemnité de licenciement. (…)

L'indemnité de licenciement sera calculée, compte tenu de la durée totale de l'exercice par l'intéressé d'une fonction de cadre, d'agent de maîtrise ou d'assimilé et basée sur la moyenne de la rémunération totale soit au cours des douze mois précédant le début du préavis, soit au cours des trois derniers mois précédant le début du préavis, la solution la plus favorable étant retenue ».

Madame X... a, en l'espèce, occupé des fonctions de cadre à compter de janvier 2000, soit durant 5 ans et 2 mois à la date de fin du préavis, après avoir été, pendant 8 ans et 2 mois, secrétaire comptable puis agent de planning, postes relevant de la catégorie des employés ; la moyenne des trois derniers mois de salaire, prime annuelle comprise, s'élève à 2683, 33 euros pour un emploi de cadre, groupe II.

L'indemnité correspondant à une ancienneté totale de 13 ans et 4 mois, dont 8 ans et 2 mois dans des fonctions d'employé, ressort ainsi à : (2683, 33 x2) + (2683, 33 x 2 / 3 x 9) + (2683, 33 x 2 / 3 x 4 / 12) + (22 062, 92 x 2 % x 8) + (22 062, 92 x 2 % x 2 / 12) = 25 666, 52 euros, ramenée à 22 628, 94 euros conformément à la demande ; madame X..., qui n'a perçu qu'une somme de 7369, 46 euros à titre d'indemnité de licenciement, est dès lors fondée à obtenir un complément de 15 259, 48 euros.

Enfin, compte tenu du salaire inhérent à l'emploi de cadre groupe II effectivement occupé, elle peut prétendre au versement d'un complément de 702, 60 euros (bruts) à l'indemnité compensatrice des 28 jours de congés non pris lui ayant été réglée.

La saisine de la juridiction prud'homale étant intervenue postérieurement au prononcé du jugement de liquidation judiciaire de la société OFFSET Languedoc, lequel marque l'arrêt du cours des intérêts, il ne saurait être sollicité le versement d'intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande.

Maître D... ès qualités doit, selon des modalités qui seront précisées ci- après, être condamnée à délivrer à madame X... un bulletin de salaire inhérent aux divers rappels de salaire et accessoires alloués en vertu du présent arrêt, ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Assedic rectifiés.

2- l'insuffisance du PSE et ses conséquences :

L'article L. 321-4-1 du code du travail dispose notamment, dans ses alinéas 1 et 3, que dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) destiné à éviter les licenciements, à en limiter le nombre ou à faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, ce plan devant prévoir des mesures telles que par exemple :

- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;
- des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;
- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;
- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
- des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;
- des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires effectuées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente- cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée.
Selon l'alinéa 5 de ce texte, la validité du PSE est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'unité économique et sociale ou le groupe.

Il résulte enfin de l'article L. 321-9 qu'en cas de procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur qui envisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues en particulier à l'article L. 321-4-1 à l'exception du deuxième alinéa.

Au cas d'espèce, quelles que soient les diligences accomplies par maître D... dans le délai qui lui était imparti suivant le prononcé de la liquidation judiciaire, le PSE arrêté le 29 décembre 2004 après consultation du comité d'entreprise se limite à la mise en place d'une cellule de reclassement et en la proposition faite aux 52 salariés dont le licenciement était envisagé d'adhérer au dispositif du Pare anticipé ou de bénéficier d'aides du FNE notamment en cas de départ en préretraite pour les salariés âgés de plus de 57 ans ; il ne comporte aucun plan de reclassement au sein des sociétés des groupes
C...
et MIDI- LIBRE, dont la société OFSSET Languedoc faisait partie par l'intermédiaire de la société TECHNPRINT et de la société du journal Midi- Libre, alors qu'existaient de réelles possibilités de permutation de personnel entre les diverses sociétés de ces groupes.

Ainsi, postérieurement à l'adoption du PSE, monsieur C... a fait parvenir à maître D... trois propositions de reclassement au sein de la société MEDITERRANEE OFFSET PRESSE ayant son siège à Vitrolles et de la société TECHPRINT basée à Luxembourg, tandis que la société du journal Midi- Libre adressait au liquidateur neuf offres pour des postes de reclassement au sein des sociétés MIDIMEDIA PUBLICITE, MIDI- LIBRE, SERNAS, VM MAGAZINE et FLEURUS PRESSE, localisés à Rivesaltes, Sète, Saint Jean de Vedas, et Paris.

Le PSE, qui ne comportait aucune recherche de reclassement externe dans les groupes C... et MIDI- LIBRE, doit donc être regardé, au regard des moyens dont disposaient ces groupes, comme insuffisant ; il en résulte que le licenciement de madame X... n'est pas nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise comptant 52 salariés, celle- ci peut prétendre à l'indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire prévue par l'article L. 122-14-4.

Pour l'appréciation de son préjudice, il convient de retenir que lors du licenciement, madame X... était âgée de 35 ans, comptait 13 ans d'ancienneté et percevait un salaire moyen mensuel de 2185, 30 euros ; en fonction de ces éléments, il doit lui être alloué, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 29 000, 00 euros.

3- le caractère discriminatoire de l'accord du 8 avril 2005 :

Selon l'article L. 122-45, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, entre autres, de ses activités syndicales ; en cas de litige, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et il incombe, au vu de ces éléments, à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'occurrence, l'accord du 8 avril 2005, dont les appelants soutiennent le caractère discriminatoire, conclu entre les anciens membres du comité d'entreprise et maître E..., désigné comme mandataire ad hoc de la société OFFSET Languedoc, notamment chargé d'affecter les fonds versés par la société du journal Midi- Libre, prévoit une répartition de la somme de 500 000, 00 euros entre les 43 salariés éligibles, en fonction d'un critère lié notamment aux offres d'emplois proposées par l'ANPE, plus élevé en nombre pour les employés, cadres et agents de maîtrise que pour les ouvriers (coefficient 3 pour la catégorie ouvriers ; coefficient 1 pour les catégories employés, cadres et agents de maîtrise), l'application d'un tel critère conduisant à affecter la somme de 454 128, 44 euros aux 33 ouvriers et celle de 45 871, 56 euros aux 10 employés, cadres et agents de maîtrise.

Si les discussions à propos de l'aide financière demandée à la société du journal Midi- Libre, formalisées par un accord du 31 janvier 2005, ont été menées par la Filpac CGT, aucun élément ne permet en revanche d'établir que seuls les 33 ouvriers, favorisés dans la répartition de l'aide par l'attribution d'un coefficient supérieur, étaient adhérents de ce syndicat et qu'il y avait lieu dès lors de supposer que la différence de traitement avec les autres catégories de salariés se trouvait fondée sur leur seule appartenance syndicale ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré, pour rejeter la demandes présentée de ce chef par madame X..., que l'existence d'une discrimination n'était pas avérée.

4- la responsabilité de la société du journal Midi- Libre :

Il n'est pas établi en quoi la société du journal Midi- Libre, en cédant en mai 2001 à une société TECHNPRINT 51 % des parts sociales de la société OFFSET Languedoc dont elle perdait ainsi le contrôle tout en demeurant associé, a commis, au regard des circonstances de la cession, une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'égard des salariés de cette société, mise en liquidation judiciaire plus de trois ans après.
La demande de madame X... en paiement de dommages et intérêts de ce chef, formulée pour la première fois en cause d'appel, ne peut, dans ces conditions, qu'être rejetée.

5- les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Compte tenu de la solution apportée au règlement du litige, maître D..., liquidateur à la liquidation judiciaire de la société OFFSET Languedoc, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, mais sans que l'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,
Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier en date du 1er octobre 2007 mais seulement en ce qu'il a, d'une part, débouté la demanderesse de ses demandes salariales liées à la classification professionnelle et en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, d'autre part, mis à sa charge les dépens de l'instance,

Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que Patricia X... a exercé des fonctions de responsable de planning, emploi classé cadre groupe II,

Fixe en conséquence sa créance au passif de la procédure collective de la société OFFSET Languedoc aux sommes de :
-22 647, 77 euros (bruts) à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mai 2000 au 21 décembre 2004,
-2264, 77 euros (bruts) au titre des congés payés afférents,
-1986, 83 euros (bruts) à titre de complément d'indemnité de préavis,
-198, 68 euros (bruts) au titre des congés payés afférents,
-615, 46 euros (bruts) à titre de solde de la prime de 13e mois,
-61, 54 euros (bruts) au titre des congés payés afférents,
-15 259, 48 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,
-702, 60 euros (bruts) à titre de complément à l'indemnité de congés payés,
Condamne maître D..., liquidateur à la liquidation judiciaire de la société OFFSET Languedoc, à délivrer à madame X... un bulletin de salaire inhérent aux divers rappels de salaire et accessoires alloués en vertu du présent arrêt, ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Assedic rectifiés et ce, dans le mois suivant la notification de la décision,

Constate l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) arrêté le 29 décembre 2004,

Fixe en conséquence la créance de madame X... au passif de la procédure collective de la société OFFSET Languedoc, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la somme de 29 000, 00 euros,

Condamne maître D... ès qualités aux dépens de première instance,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Rejette la demande de madame X..., dirigée à l'encontre de la société du journal Midi- Libre, en paiement de dommages et intérêts,
Déclare le présent arrêt opposable à l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) et le centre de gestion et d'études de l'AGS de Toulouse (CGEA) et rappelle que la garantie de l'AGS s'exerce dans les limites prévues aux articles L. 143-11-1 et L. 143-11-8 du code du travail,

Condamne maître D... ès qualités aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 05/00701
Date de la décision : 02/04/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-02;05.00701 ?
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