COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section A2
ARRET DU 01 AVRIL 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/08028
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 NOVEMBRE 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 04/1602
APPELANTE :
DIRECTION GENERALE DES IMPOTS agissant en la personne du Chef des Services Fiscaux chargé de la direction du Contrôle fiscal d'Ile de France Ouest élisant domicile en ses bureaux sis
274 avenue du Président Wilson
93211 SAINT DENIS LA PLAINE CEDEX
représentée par la SCP SALVIGNOL - GUILHEM, avoués à la Cour
INTIMEE :
S.N.C. COMPAGNIE FONCIERE ALPHA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
14 avenue Hoche
75008 PARIS
représentée par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Cour
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 28 Février 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 MARS 2008, en audience publique, Monsieur Christian TOULZA ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président
Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
-CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 7 novembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, qui a dit que la prescription du droit de reprise de l'Administration n'est pas acquise, déclaré irrégulière la notification de redressement du 7 juillet 2002 et les avis de mise en recouvrement du 11 mars 2003, annulé la décision de rejet de l'Administration du 16 octobre 2003; ordonné en conséquence décharge de l'imposition, des pénalités et intérêts de retard afférents et leur remboursement à la S.N.C. Compagnie Foncière Alpha; rejeté la demande de la Direction Générale des Impôts tendant à être déchargée du paiement des intérêts moratoires assortissant le remboursement des sommes dues; dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; condamné la Direction Générale des Impôts aux dépens;
Vu l'appel régulièrement interjeté par le chef des services fiscaux de la Direction de Contrôle Fiscal d'Ile-de-France Ouest et ses conclusions du 1er août 2007 tendant à réformer le jugement, dire et juger irrecevable la demande de restitution de la SNC COMPAGNIE FONCIERE ALPHA et la condamner aux entiers dépens;
Vu les conclusions notifiées le 21 février 2008 par la SNC COMPAGNIE FONCIERE ALPHA, tendant à infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le point de départ du délai de reprise était fixé au 1er janvier 2002, le confirmer en ce qu'il a jugé que l'administration avait détourné la vérification de comptabilité de son objet en la faisant porter sur des droits de mutations et a en conséquence déclaré la procédure d'imposition irrégulière, ou subsidiairement de juger la vérification de comptabilité irrégulière dès lors que la période soumise au contrôle ne comprenait pas la date du fait générateur des droits ni même la date de leur exigibilité; statuant à nouveau, annuler la décision attaquée, dire et juger que le délai de reprise de l'administration était expiré lorsqu'elle a adressé à la société «Compagnie Foncière Alpha» la notification de redressement du 7 juillet 2002; dire et juger la procédure d'imposition irrégulière; subsidiairement, dire et juger la notification de redressement insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne comporte pas de précision suffisante sur les conditions de mise en oeuvre et d'imposition de la «taxe régionale» et de la «taxe additionnelle perçue au profit de la commune»; ordonner en conséquence la décharge de l'imposition contestée et des pénalités appliquées ; condamner l'intimé au paiement d'une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 NCPC ainsi qu'aux entiers dépens;
M O T I V A T I O N
SUR LA PRESCRIPTION
La prescription abrégée du droit de reprise de l'administration prévue à l'article L. 180 du livre des procédures fiscales n'est applicable que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures. Dans le cas contraire, le droit de reprise s'exerce, conformément à l'article L. 186 du même livre, pendant dix ans à partir du fait générateur de l'impôt.
Or force est de constater en l'espèce que l'acte d'acquisition ne permet pas à lui seul à l'administration fiscale d'apprécier l'exigibilité des droits dus en cas de déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du Code général des impôts. Cette exigibilité n'apparaissant qu'en cas de défaut de revente à l'issue du délai de quatre ans prorogé, l'administration doit alors vérifier auprès des fichiers de la publicité foncière si la revente conditionnant l'octroi de ce régime est bien intervenue dans ce délai.
Elle est donc dans la nécessité de procéder à des «recherches ultérieures» au sens de l'article L. 180 du Livre des Procédures Fiscales, puisqu'elles portent sur la vérification d'un fait extérieur à l'acte lui-même et doivent intervenir quatre ans après l'accomplissement de la formalité, et ce, alors même que ces registres sont édités par la Conservation des Hypothèques, dépendant de la même administration, mais à des fins différentes et dans un tout autre contexte.
Dès lors, seule est applicable la prescription de dix ans prévue par l'article L. 186 du même livre.
Cette prescription a commencé à courir à l'expiration du délai de quatre ans imparti à la SNC ALPHA pour tenir l'engagement de revente. S'agissant de biens acquis avant le 1er janvier 1993, ce délai a été prorogé jusqu'au 31 décembre 1998 en application de l'article 1115 al 3 du Code général des impôts.
Dès lors que la revente n'était pas intervenue à cette date, la déchéance du régime de faveur était encourue, et l'administration disposait alors de 10 années pleines jusqu'au 31 décembre 2008 pour effectuer un redressement. L'avis de mise en recouvrement du 11 mars 2003 s'inscrivant dans ce délai, l'action n'est pas prescrite.
SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE DE VERIFICATION DE COMPTABILITE
Lorsque le contribuable est astreint à tenir et à présenter des documents comptables à raison de son activité professionnelle, ce qui est le cas de celle de marchand de biens, l'administration fiscale peut, dans le cadre de la vérification de comptabilité et dès lors que l'avis de vérification mentionne la période vérifiée, contrôler les droits d'enregistrement et taxes assimilés dus à l'occasion de l'exercice de cette activité, qui apparaissent ou devraient apparaître en comptabilité.
Il en résulte que l'administration peut contrôler les droits de mutation au moyen d'une vérification de comptabilité s'ils procèdent comme en l'espèce d'une activité professionnelle obligeant la tenue d'une comptabilité, mais qu'elle doit alors respecter les garanties propres à cette procédure, et notamment l'article 47 du Livre des Procédures Fiscales lui imposant de mentionner, dans l'avis de vérification, la période vérifiée en ce qui concerne les droits contrôlés.
La SNC ALPHA fait valoir que s'agissant des droits de mutation, la période vérifiée mentionnée sur l'avis de vérification de comptabilité du 1er mars 2002 est celle du 1er janvier 2000 au 31 janvier 2002, et qu'elle est postérieure tant au fait générateur de l'impôt constitué par l'acte d'acquisition, qu'à son exigibilité au 31 décembre 1998 correspondant à l'expiration du délai pour revendre.
Or c'est à l'occasion du contrôle de la comptabilité des années 2000 et 2001 que l'administration fiscale s'est aperçue que les immeubles acquis étaient toujours en possession de l'entreprise et qu'elle n'avait pas acquitté les droits de mutation dus en application de l'article 1840 G quinquies du Code général des impôts.
Ce moyen n'est donc pas fondé et aucune irrégularité de cette procédure ne peut être relevée.
SUR LA REGULARITE DE LA NOTIFICATION DE REDRESSEMENT ET DE l'AVIS DE MISE EN RECOUVREMENT
Les articles L. 57, R. 57-1 et R. 256-1 du Livre des Procédures Fiscales instituent l'obligation pour l'administration de mentionner avec précision la nature et le régime exact des impôts ou taxes réclamés au contribuable.
En l'espèce, la notification de redressement du 7 juillet 2002 fait allusion aux « droits d'enregistrement » et à un « droit départemental de publicité foncière », tandis que l'avis de mise en recouvrement du 11 mars 2003 mentionne tout à la fois un « droit départemental d'enregistrement », des « taxes additionnelles aux droits d'enregistrement », et une « taxe additionnelle à la taxe de publicité foncière ou au droit d'enregistrement sur les mutations à titre onéreux d'immeubles et de droits immobiliers ».
En visant indistinctement et de manière erronée dans ces deux documents des droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, alors que des règles différentes s'appliquent à ces deux impositions, et que l'acte d'acquisition ayant été soumis à la formalité fusionnée conformément à l'article 647 du Code général des impôts, les droits réclamés relevaient de la seule taxe sur la publicité foncière, l'administration fiscale a généré une confusion pour le contribuable, et l'a mis de ce fait dans l'impossibilité d'identifier l'impôt réclamé et de faire valoir utilement ses observations.
Cette méconnaissance des prescriptions légales entraînant l'irrégularité de la procédure d'imposition et touchant au fond du litige, il convient de réformer la décision déférée sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres points discutés à titre subsidiaire.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré par substitution de motifs.
Condamne le chef des services fiscaux de la Direction de Contrôle Fiscal d'Ile-de-France Ouest aux dépens et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.