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27/02/2008 | FRANCE | N°07/05126

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 27 février 2008, 07/05126


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRET DU 27 Février 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 05126
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 JUILLET 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN N° RGF 06 / 00290

APPELANTE :
Madame Rose X... ... 66680 CANOHES Représentant : Me Sophie VILELLA (avocat au barreau de PERPIGNAN) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 010296 du 09 / 10 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :
SARL STREND, prise en la personne

de son gérant en exercice 269 Avenue de l'Industrie 66000 PERPIGNAN Représentant : la SCPA DE...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRET DU 27 Février 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 05126
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 JUILLET 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN N° RGF 06 / 00290

APPELANTE :
Madame Rose X... ... 66680 CANOHES Représentant : Me Sophie VILELLA (avocat au barreau de PERPIGNAN) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 010296 du 09 / 10 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :
SARL STREND, prise en la personne de son gérant en exercice 269 Avenue de l'Industrie 66000 PERPIGNAN Représentant : la SCPA DE TORRES-PY-MOLINA (avocats au barreau de PERPIGNAN)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 JANVIER 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président Madame Bernadette BERTHON, Conseiller Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 27 FEVRIER 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.
* * *

FAITS ET PROCEDURE
Rose X... a été engagée sans contrat écrit par la SARL STREND (qui exerce une activité de nettoyage industriel et qui était géré à l'époque par Monsieur Y...) à compter du 18 novembre 1990 en qualité de femme de ménage à temps partiel et étant principalement affecté à l'entretien des cages d'escaliers de copropriétés.
Le 31 mars 1998, afin de régulariser par écrit la situation, l'employeur adressait à la salariée un contrat de travail, sous forme de lettre reprenant les éléments essentiels contractuels notamment la date d'embauche, la qualification la rémunération de 703, 29 € correspondant à 117 heures mensuelles, document sur lequel la salariée apposait la mention " lu et approuvé " la date et sa signature.
Le 1er juillet 1998, la Société STREND faisait l'objet d'une cession, Monsieur Z... devenant le nouveau gérant.
Ce dernier adressait à la salariée une lettre recommandée du 26 novembre 1998, ainsi qu'un document fixant les règles de travail applicable.
Après réunion du 19 décembre 2005, l'employeur notifiait par courrier recommandé du 9 février 2006 avec avis de réception à chaque salarié dont Rose X... (après son arrêt de maladie) la mise en place à compter du 1er janvier 2006 d'un nouveau planning précisant les jours de passage dans chaque escalier (établi en fait sur la base de 45 minutes par cage d'escalier).
La salariée comme d'ailleurs quatre autres de ses collègues de travail refusait par lettre recommandée du 13 février 2006 avec avis de réception ce nouveau planning au motif qu'il la contraignait à effectuer un temps de travail supplémentaire non rémunéré.
L'employeur répondait à la salariée attirant son attention sur les conséquences au niveau disciplinaire d'un tel refus.
La salariée ayant maintenu son refus, l'employeur la convoquait le 20 février 2006 avec mise à pied conservatoire à compter du 27 février 2006 à un entretien préalable fixé au 3 mars 2006 et par courrier recommandé du 9 mars 2006 il la licenciait en ces termes :
" Nous nous voyons donc contraints par la présente de vous notifier votre licenciement pour faute grave, pour les motifs qui vous ont été précédemment exposés, et qui comme vous le savez, sont les suivants :- En l'état de la modification de planning que nous vous avons précédemment notifiée à effet du 1" janvier dernier, moyennant un délai de prévenance y afférent, vous-même ainsi que vos rares collègues de travail ayant décidé d'adopter la même attitude, m'avez adressé un premier courrier recommandé avec accusé de réception aux termes duquel vous m'indiquiez refuser cette modification de vos conditions de travail. Eu égard aux conséquences susceptibles de découler pour vous de ce refus, nous vous avons préalablement adressé en date du 19 janvier dernier, un courrier explicatif aux termes duquel nous vous rappelions qu'il s'agissait là d'une modification de vos conditions de travail, relevant de notre pouvoir de direction, et non d'une modification d'un élément contractuel, dès lors que tant votre qualification, vos horaires que votre niveau de rémunération demeuraient inchangés, les nouveaux plannings étant simplement établis sur une base de 3 / 4 heures par immeuble, au lieu d'une heure précédemment, ce qui est largement suffisant, dès lors qu'il s'agit là des bases retenues par nos concurrents exerçant dans le même domaine professionnel, et que le reste du personnel accompli sans dépassement d'horaire, ces tâches telles que nouvellement définies. Aux termes du courrier précité, nous attirions tout particulièrement votre attention sur le fait qu'un refus persistant de votre part nous contraindrait à engager une procédure disciplinaire à votre encontre, et nous regrettons tout particulièrement à cet égard que plutôt que d'accepter une simple modification de vos conditions de travail, vous ayez préféré nous contraindre à cette extrémité que nous ne souhaitions pas. Malgré ce, vous-même et vos collègues nous avez répondu aux termes d'un courrier rédigé rigoureusement dans les mêmes termes, et qui vous a manifestement été dicté par une organisation syndicale, afin de nous confirmer votre refus, de sorte que vous ne nous laissez guère le choix et que votre licenciement prendra donc effet à réception des présentes. "

Le 24 mars 2006, Rose X... comme ses quatre collègues, saisissait le Conseil de Prud'hommes de PERPIGNAN section commerce lequel par jugement en date du 17 juillet 2007 a :
- dit le licenciement pour faute grave bien fondé,- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'employeur de sa réclamation sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,- condamné la salariée aux dépens.

Rose X... a le 26 juillet 2007 régulièrement interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions dites récapitulatives, l'appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à lui délivrer sous astrainte de 76 € par jour de retard les bulletins de paie du préavis, le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC rectifiés et à lui payer les sommes suivantes :
-25 000, 00 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse-2311, 97 € net au titre de l'indemnité de licenciement-487, 37 € brut au titre du remboursement des journées de mise à pied-48, 74 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les journées de mise à pied-2447, 96 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis-244, 80 € brut au titre de l'indemnité compensatrice sur le préavis-2500 € sur le base de l'article 700 du code de Procédure Civile.

Elle prétend que le contrat de travail a bel et bien été modifié, qu'elle s'est vu remettre en même temps et joint à la lettre du 31 mars 1998 intitulée contrat de travail, un document annexé intitulé " règles de travail " faisant état d'un temps d'une heure par cage d'escalier ce qui correspond à un objectif de 28 cages d'escaliers par semaine.
Elle fait valoir d'autre part, que par son courrier du 26 novembre 1998 l'employeur a confirmé ces règles de travail et a manifesté sa volonnté claire et non équivoque de leur conférer une valeur contractuelle en l'es intégrant purement et simplement au contrat de travail, de sorte que l'objectif " d'une heure par cage d'escalier " était un objectif contractuel ayant été soumis à son accord.
Elle considère en conséquence que la modification tendant à imposer un objectif de 45 minutes par cage d'escalier au lieu d'une heure, est bien une modification du contrat de travail, le dit objectif ayant constitué un élément déterminant de son engagement et ayant guidé la relation de travail depuis 15 années, et qu'elle était donc parfaitement en droit de refuser ce nouvel objectif fixé unilatéralement sans que lui soit reproché une faute.
Elle souligne que l'employeur était tenu de receuillir son assentiment avant de procéder à la modification, que le licenciement prononcé en raison de son refus est sans cause réelle et sérieuse.
Elle précise en outre qu'en dehors de toute considération contractuelle de l'objectif initial, le changement d'objectif imposé par l'employeur avait des conséquences directes sur sa rémunération et son temps de travail, que son acceptation devait être sollicitée avant cette modification et qu'elle était toujours en droit de refuser.
Elle ajoute que l'employeur ne s'explique aucunement dans la lettre de rupture sur le motif personnel ou économique l'ayant conduit à vouloir modifier le contrat de travail.
Au cas où le document " règles de travail " n'aurait pas valeur contractuelle, elle estime qu'en refusant de se soumettre aux nouveaux plannings, elle n'a pas commis de faute grave.
Elle argue enfin qu'en augmentant de façon aussi importante sa charge de travail sans réévaluation corrélative de sa rémunération, l'employeur n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail.
Aux termes de ses écritures, l'employeur conclut à la confirmation de la décision prud'homale en ce qu'elle a rejeté les prétentions adverses.
Il s'estime fondé par contre à obtenir le paiement de 2000 € sur la base de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Subsidiairement au cas où la faute grave ne serait pas retenue, il sollicite la requalification en licenciement pour cause réelle et sérieuse mais s'oppose à l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis en regard de l'arrêt rendu le 17 juillet 2007 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation.
En premier lieu, invoquant la particulière mauvaise foi de l'appelante, il fait observer qu'aucune annexe afférente aux règles de travail n'était jointe au contrat signé le 31 mars 1998, que le document se rapportant aux règles de travail a été notifié 8 mois plus tard et ne confère aucune valeur contractuelle à l'usage allouant jusqu'alors un temps d'équivalence de une heure par cage d'escalier.
Il réfute l'argumentation adverse basée sur une jurisprudence ne concernant pas le présent litige et rappelle que le nouveau planning mise en place à compter du 1er janvier 2006 a été notifié avec un délai de prévenance, que la base retenue de 3 / 4 d'heure par cage d'escalier au lieu d'une heure précédemment était très largement suffisante et pratiqué par la quasi-totalité des entreprises de nettoyage industriel qu'il s'agissait d'une modification des conditions de travail décidée dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de décision et n'introduisant aucun changement ni de qualification ni de rémunération ni de volume horaire.
Il souligne que l'appelante ne prouve par le moindre justificatif que le nouveau planning lui imposerait d'effectuer 25 % de travail en plus sans être rémunéré, ni ne justifie qu'une heure par cage d'escalier était nécessaire alors que les copropriétaires concernés se sont plaints du fait que le travail était bâclé en 20 minutes.
Il considère que le refus de la salariée est constitutif d'une insubordination caractérisant la faute grave.
Pour plus ample exposé, la Cour renvoie expréssement aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE,
I. - Sur le licenciement
Selon l'article L. 122-14-3 du Code du Travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments forunis par les parties et au besoin après toutes mesure d'instruction qu'il estime utiles.
En premier lieu, il est permis de constater que le salarié ne soulève aucune irrégularité précise de la procédure proprement dite de licenciement.
Sur le fond, le jugement déféré doit être réformé.
En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe la limite du litige, vise la faute grave de la salariée pour avoir refusé la modification du planning notifié à effet du 1er janvier 2006 et avoir confirmé ce refus.
En lui même, le fait du refus reproché à la salariée n'est pas contesté ni contestable.
Toute la question est de savoir si la salariée pouvait ou non refuser, question dépendant de la qualification donnée à la modification engagée par l'employeur.
En l'état des pièces versées au débat, la fixation d'un quota horaire par cage d'escalier, n'a jamais été contractualisé entre les parties ;
Contrairement aux allégations de l'appelante, il n'est pas démontré que le document intitulé " règles de travail " faisant référence à une heure par cage d'escalier, ait été annexé à la lettre valant contrat signée le 31 mars 1998, le mot " joint " en tête de ce courrier renvoyant seulement à l'évidence au rappel des éléments essentiels du contrat énoncés plus bas et non à un quelconque feuillet annexé.
Il ne peut être considéré non plus au regard de cette référence accessoire (une heure par cage d'escalier) que la nouvelle direction de la Société STREND quand elle a effectivement remis à la salariée " les règles de travail " avec le courrier du 26 novembre 1998 ait eu la volonté de conférer à cette reference un objectif contractuel soumis à l'accord de la salariée.
D'autre part, il s'avère comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, que rien dans les pièces versées au débat ne révèle qu'il y aurait eu par l'application du nouveau planning retenant 3 / 4 d'heure par cage d'escalier une répercution sur le temps de travail et la rémunération de la salariée et ce d'autant que l'employeur par les nombreuses attestations qu'il produit établit que l'entretien d'une cage d'escalier en trois qurart d'heures ne pose aucune difficulté.
Au surplus, la salariée ne prouve pas en l'espèce la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat.
Dans ces conditons, il apparaît que le nouveau planning notifié par l'employeur relève bien d'une simple modification des conditions de travail mise en oeuvre dans le cadre de son pouvoir de direction, sans abus de sa part ni légèreté blâmable.
En conséquence, la salariée qui n'avait pas à donner son accord ne s'agissant pas d'une modification de son contrat de travail, ne pouvait refuser d'exécuter ce nouveau planning.
Son refus dans de telles conditions rend le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais toutefois ne peut être constitutif d'une faute grave dans la mesure où pendant plusieurs années, la salariée avait effectué son travail dans le temps d'équivalence d'une heure par cage d'escalier sans objection de la part de l'employeur lequel avec sa nouvelle direction après la cession de la société avait lui même fait référence à ce quota.
II. - Sur les conséquences à en tirer
Dès lors que la faute grave est écartée, l'appelante est en droit de bénéficier de l'indemnité conventionnelle de licenciement (2311, 97 € comme demandé suite à une ancienneté de 15 ans et 3 mois) et du remboursement des sommes des journées de mise à pied (487, 37 € et 48, 74 € pour les congés payés afférents).
Par contre, considérant que par son refus de poursuivre le contrat de travail sur les nouvelles conditions de travail, la salariée est responsable de l'inexécution de son préavis elle ne saurait prétendre à l'octroi d'une indemnité compensatrice à ce titre.
La remise des bulletins de salaire et des documents sociaux conformes au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.
Eu égard au résultat du présent litige, il n'y a pas lieu à faire application à l'une quelconque des parties de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les dépens seront à la charge de l'employeur qui succombe au moins en partie.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déclare recevable en la forme l'appel de Rose X...
Sur le fond, réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL STREND à payer à Rose X... les sommes suivantes :
-2311, 97 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-487, 37 € à titre de remboursement des journées de mise à pied,-48, 74 € pour les congés payés afférents,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Ordonne à la SARL STREND de délivrer à l'appelante, les bulletins et documents sociaux conformes au présent arrêt,
Condamne la SARL STREND aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/05126
Date de la décision : 27/02/2008
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 20 octobre 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2010, 08-44.594 08-44.595 08-44.596, Publi...

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Perpignan, 17 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-02-27;07.05126 ?
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