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27/02/2008 | FRANCE | N°07/05060

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 27 février 2008, 07/05060


SLS/ES

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 27 Février 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05060

ARRET no

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 JUILLET 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN
No RGF05/00404

APPELANT :

Monsieur Régis X...


...

66300 TROUILLAS
Représentant : la SCPA PARRAT VILANOVA ARCHAMBAULT LLATI (avocats au barreau de PERPIGNAN)

INTIMEE :

SARL EXPO FRUITS, prise en la personne de son représentant légal en exercice
Marc

hé de Production - Avenue de Milan
66000 PERPIGNAN
Représentant : Me Valérie DELHAYE-LAMBERT (avocat au barreau de PERPIGNAN)

COMPOSITION DE LA COU...

SLS/ES

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 27 Février 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05060

ARRET no

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 JUILLET 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN
No RGF05/00404

APPELANT :

Monsieur Régis X...

...

66300 TROUILLAS
Représentant : la SCPA PARRAT VILANOVA ARCHAMBAULT LLATI (avocats au barreau de PERPIGNAN)

INTIMEE :

SARL EXPO FRUITS, prise en la personne de son représentant légal en exercice
Marché de Production - Avenue de Milan
66000 PERPIGNAN
Représentant : Me Valérie DELHAYE-LAMBERT (avocat au barreau de PERPIGNAN)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 JANVIER 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 27 FEVRIER 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.

*
* *

FAITS ET PROCEDURE

M Régis X... a été engagé par la Sté EXPO FRUITS en qualité de chauffeur livreur manutentionnaire par contrat à durée déterminée du 05 avril 2004 qui s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée du 05 octobre 2004, moyennant une rémunération mensuelle de 1450,95 €.

Invoquant le non paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, il saisissait à cette fin, le 19 mai 2005, le Conseil de prud'hommes de PERPIGNAN.

Il faisait l'objet de deux avertissements, le 30 juin 2005 pour dénigrement de l'entreprise auprès de clients et le 08 juillet 2005 pour avoir omis de caler un chargement avec les barres de sécurité qu'il contestait auprès de l'employeur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er juin 2006, M X... prenait acte de la rupture du contrat dans les termes suivants :

"Je vous informe de ma décision de rompre le contrat de travail à réception de la présente. Cette décision trouve son origine dans votre attitude à mon égard.
J'ai, en effet, engagé à votre encontre une procédure prud'homale en vue d'obtenir la régularisation de mes salaires au titre d'heures supplémentaires non réglées. La procédure est en cours.
De plus, vous modifiez régulièrement mes horaires de travail. et ceci, sans respecter la réglementation puisque, en effet, mes horaires sont annoncés par le responsable d'atelier lejour pour le lendemain.
A titre d'exemple, j'ai été amené, à la demande de Monsieur Stéphane Y..., à devoir revenir sur mon lieu de travail le samedi 22 mai 2006 pour effectuer une demi heure de travail.

Mes horaires ce samedi étaient les suivants : 5 h du matin à 8h30
A 8 h 45, j'ai reçu un appel téléphonique de Monsieur Stéphane Y..., sur mon portable, m'ordonnant de revenir travailler à 9 heures.
Ce que j'ai fait et ceci, pour une demi-heure de travail.
Cette attitude inadmissible s'est reproduite aujourd'hui.
J'ai effectué ce jour mon horaire de travail, soit 5 h du matin à 8 h du matin et Monsieur Y... m'a obligé à poursuivre mon activité jusqu' à 8 h 50, alors que mon horaire aurait dû me permettre de quitter mon emploi à 8 h.
Ceci n'est donné qu'à titre d'exemple, ces modifications d'horaire étant coutumières. Ceci m'a amené à vous adresser un courrier recommandé, le 22 mai 2006, sans réponse à ce jour.
Je considère donc que cette démission est provoquée par le non-respect de vos obligations.J e serai donc amené à demander la requalification de cette démission en licenciement abusif devant le Conseil des Prud'hommes.../..."

M X... demandait au Conseil de prud'hommes déjà saisi, l'annulation des deux avertissements, de voir déclarer la rupture du contrat de travail imputable à la Sté EXPO FRUITS et le paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires et à titre de dommages-intérêts, qui par jugement de départage en date du 03 juillet 2007,a statué comme suit :

- CONDAMNE M X... à payer à la Sté EXPO FRUITS la somme de 1402,85 € au titre du préavis,
- DÉBOUTE les partie de leurs autres demandes.

Par déclaration du 20 juillet 2007, M X... a régulièrement formé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

En cet état, l'appelant demande à la Cour de :

-Réformer le jugement entrepris,
-Constatant que des heures supplémentaires n'ont pas été réglées,
-Dire et juger que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-Annuler les deux avertissements,
-Condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
-14.091 euros au titre des heures supplémentaires,
-1409 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,
-11.070 euros au titre des dommages et intérêts pour repos compensateur non pris,
-2000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral pour modifications incessantes et sans délai de prévenance des horaires de travail,
-2000 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissements abusifs,
-8705,70 euros sur le fondement de l'article L 324-11 -1 du code du travail,
-10000 euros sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail,
-2900 euros au titre du préavis,
-290 euros au titre des congés sur préavis,
-319,20 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
-2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

au motif que :
-il justifie par divers éléments de la réalité des heures accomplies au delà de l'horaire contractuel,
-cette situation illicite concernait également d'autres salariés qui en atteste,
-l'employeur ne produit pas les relevés d'heures, ni les disques pour 2005 alors qu'il doit être en mesure d'établir l'horaire individuel,
-les avertissement sont injustifiés et ne sont intervenus qu'après qu'il ait saisi le Conseil de prud'hommes,
-la prise d'acte de la rupture du contrat est fondée par l'inexécution contractuelle de l'employeur tenant au défaut de paiement des heures supplémentaires et du changement sans préavis de ses horaires de travail.

L'intimée demande la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de M X... à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

au motif que :
-le salarié n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires avant la saisine du Conseil de prud'hommes,
-il existe une annualisation du temps de travail et la durée hebdomadaire de travail peut atteindre 48 h dans la limite de 16 semaines sans que cela s'impute sur le contingent d'heures supplémentaires,
-le rythme de l'entreprise est ponctué par la saison des fruits,
-le décompte produit n'est pas sincère et l'analyse des disques révèle des erreurs de manipulation du sélecteur,
-le salarié était lent dans l'exécution de ces tournées de livraison,
-les avertissement sont fondés sur des faits établis.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens et prétentions des parties il convient de se référer à la décision entreprise et aux conclusions qui ont été développées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires

Attendu qu'en application de l'article L 212-1-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Attendu que pour critiquer le jugement, l'appelant expose qu'il a travaillé chaque semaine suivant le roulement hebdomadaire suivant :
-lundi, mercredi et vendredi - de 3 h ou 5 h 30 à 9 h 30 jusqu'a 11 h 30 et de 12 h à 19 h 30,
-mardi, jeudi et samedi - de 3 h à 11 h ou de 3 h 30 à 11 h 30,
soit entre 54 h et 64 heures hebdomadaires;

Qu'à cet égard, l'employeur affirme en page 5 de ses conclusions que l'horaire de travail était fixé comme suit :
-lundi, mercredi et vendredi - de 5 h à 9 h et de 13 h à 19 h,
-mardi, jeudi et samedi -de 4 h à 9 h,
soit un total de 45 heures;

Que l'appelant ajoute que le dispositif d'annualisation du temps de travail invoqué par l'employeur ne lui est pas applicable dès lors que sur l'année 2004, il n'a jamais travaillé en semaine creuse mais toujours sur un rythme de semaine haute;

Qu'il produit un décompte mensuel détaillé et précis des heures effectuées et plusieurs attestations concordantes d'anciens salariés chauffeurs indiquant que les heures supplémentaires qu'ils ont été amenés à effectuer ne leurs ont pas été payées;

Que de plus, M Denis Z... atteste l'avoir conduit sur son lieu de travail du 9 au 21 août 2004 et l'avoir déposé et récupéré les lundi, mercredi et vendredi à 3 h et à 9 h 30 et à 12 h et à 19 h 30 et les mardi, jeudi et samedi à 3 h et à 11 h ;

Que l'employeur à qui, il appartenait notamment en application de l'accord sur l'aménagement du temps de travail du 14 décembre 2001qu'il invoque, de produire le planning prévisionnel des activités du salarié et la composition des tournées des lieux de livraison qui lui étaient confiées et de fournir les relevés d'horaire effectivement réalisé par ce dernier en précisant et en justifiant des journées travaillées au delà de l'horaire contractuel et selon quelle amplitude en distinguant les semaines hautes, des semaines basses, ne fournit aucun élément sur l'ensemble de ces points alors pourtant qu'il résulte d'une attestation de M Stéphane A..., responsable du planning que ces documents étaient élaborés;

Que malgré une sommation de communiquer les disques chronotachygraphes pour les quatre premiers mois de l'année 2005, l'intimée qui a l'obligation de conserver ces pièces, n'a pas cru devoir les produire spontanément;

Que par ailleurs, cette dernière se borne à critiquer le contenu des attestations d'ex-salariés produites par l'appelant, alors qu'en fournissant les éléments conformes aux dispositions de l'article D 212-18 du code du travail concernant la fixation de l'horaire collectif et sa répartition hebdomadaire dans l'entreprise et le relevé des horaires effectifs du salarié, elle pouvait comptabiliser la réalité des heures de travail et le décompte des heures supplémentaires effectuées;

Que force est de constater, qu'à l'examen des bulletins de paie du salarié, aucune heure supplémentaire ne lui a jamais été réglée depuis son embauche ;

Qu'en l'absence de retrait par ce dernier de son décompte de ses périodes de congés de payés et d'absences et de l'existence sur certains disques journaliers d'erreurs de manipulation qui lui sont imputables, il convient compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de condamner l'intimée à lui payer la somme de 8230 € au titre des heures supplémentaires impayées pour l'ensemble de la période travaillée, comprenant les majorations au taux de 50 %, outre les congés payés afférents;

Sur les repos compensateurs

Attendu que l'employeur, du fait du non paiement des heures supplémentaires dues, a mis le salarié dans l'impossibilité de demander le repos compensateur dans le délai légal des deux mois, suivant l'ouverture de ce droit, que ce dernier n'ayant pas pu bénéficier des repos compensateurs acquis, celui-ci a droit à une indemnité qui sera égale au montant du repos compensateur auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférents ;

Qu'il convient de fixer le montant de l'indemnité globale due à ce double titre, compte tenu de la taille de l'entreprise (- de 20 salariés), à la somme de 5200 €;

Sur les avertissements

Attendu que si le premier juge pour rejeter la demande d'annulation du second avertissement du 08 juillet 2005, a justement relevé qu'il n'était pas justifié que le jour de l'incident le camion n'ait été équipé que d'une seule barre de calage alors que plusieurs salariés chauffeurs affirmaient le contraire et que la mauvaise manoeuvre était consécutive à un état de fatigue intense de M X..., il convient par contre, de réformer la décision sur le premier avertissement dès lors que contrairement aux énonciations du jugement, l'appelant l'a contesté par courrier AR du 05 juillet 2005 et que l'employeur ne justifie d'aucun élément tangible permettant d'accréditer l'existence de propos dénigrants l'entreprise tenus par le salarié auprès de différents clients;

Qu'il convient de prononcer l'annulation de l'avertissement du 30 juin 2005 et d'allouer à l'appelant la somme de 100 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral;

Sur la rupture

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiait, soit, dans le cas contraire, d'une démission;

Qu'il appartient au juge d'apprécier si les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat à ses torts;

Attendu en l'espèce, qu'il ressort des termes mêmes de la lettre du 1er juin 2006, que le salarié qui reprochait à l'employeur le défaut de paiement de ses heures supplémentaires, a considéré que ce manquement persistant ne rendait pas pour autant impossible la poursuite de la relation de travail dès lors qu'il a saisi le Conseil de prud'hommes de ce litige et qu'il a continué de travailler dans l'entreprise au cours de la procédure pendant plus d'une année;

Qu'en effet, M X... a bien rappelé à l'intimée que sur ce premier grief, la procédure judiciaire était toujours en cours;

Qu'ainsi, le motif déterminant qu'invoque le salarié et qui justifie sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail, apparaît être la modification sans préavis de ses horaires de travail au cours du mois de mai 2006;

Que sur ce point, l'appelant ne fournit aucun élément permettant d'établir que l'employeur ait procédé sans aucun délai de prévenance à des changements fréquents de ses horaires de travail alors que l'employeur soutient que M X... a été rappelé à deux reprises par son responsable car il avait quitté l'entreprise avant même d'avoir terminé son travail ;

Que faute pour M X... d'établir la réalité d'un manquement de l'intimée à ses obligations sur ce point, le conseil a justement retenu que le salarié ne démontrait pas avoir légitimement pris acte de la rupture, laquelle doit donc s'analyser en une démission et qu'il était tenu en conséquence au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'un mois de salaire ;

Qu'il y a lieu, par conséquent, de confirmer la décision déférée de ce chef;

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Attendu qu'en ne procédant pas de manière habituelle, à la déclaration des heures supplémentaires accomplies par le salarié sur ses bulletins de paie, l'employeur a sciemment dissimulé une partie de l'activité effective de celui-ci, que ce manquement lui ouvre droit, en cas de rupture du contrat de travail, à l'indemnisation forfaitaire prévue par l'article L 324-11-1 du code du travail ;

Qu'il convient, en conséquence, de condamner la Sté EXPO FRUITS dès lors que le contrat de travail a été rompu par la démission de M X..., au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire brut, soit la somme de 8705,70 € ;

Que le jugement sera réformé en ce sens;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé, les frais exposés au cours de cette instance et non compris dans les dépens, évalués à la somme de 700 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire;

En la forme,

Reçoit M Régis X... en son appel;

Au fond,

Le dit partiellement fondé,

Réforme le jugement sur les heures supplémentaires, l'indemnité au titre des repos compensateurs, l'indemnité de travail dissimulé et sur la demande d'annulation du premier avertissement;

Le confirme en ses autres dispositions;

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant;

Prononce l'annulation de l'avertissement du 30 juin 2005;

Condamne la Sté EXPO FRUITS à payer à M Régis X... les sommes de :

-100 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
-8530 € au titre des heures supplémentaires,
-5200 € au titre de l'indemnité de repos compensateur,
-8705,70 € en application de l'article L 324-11-1 du code du travail,
-700 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

La condamne aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/05060
Date de la décision : 27/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Perpignan


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-27;07.05060 ?
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