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06/02/2008 | FRANCE | N°07/05130

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 06 février 2008, 07/05130


SLS/MG

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4o chambre sociale

ARRET DU 06 FEVRIER 2008



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05130



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 JUIN 2007 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AUDE - No RG 20500440

APPELANTE :

CAISSE DE PREVOYANCE DE LA SNCF
90 Rue de Rome
13006 MARSEILLE
Représentant : Me Olivier RAYNAUD de la SCPA SCAPEL & ASSOCIES (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMES :


Monsieur Patrick Y...


...

11480 LAPALME

Représentant : Madame Nadine Y..., épouse de M. Y..., munie d'un pouvoir du 19 Décembre 2007



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 20...

SLS/MG

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4o chambre sociale

ARRET DU 06 FEVRIER 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05130

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 JUIN 2007 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AUDE - No RG 20500440

APPELANTE :

CAISSE DE PREVOYANCE DE LA SNCF
90 Rue de Rome
13006 MARSEILLE
Représentant : Me Olivier RAYNAUD de la SCPA SCAPEL & ASSOCIES (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMES :

Monsieur Patrick Y...

...

11480 LAPALME
Représentant : Madame Nadine Y..., épouse de M. Y..., munie d'un pouvoir du 19 Décembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 DECEMBRE 2007, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sophie LE SQUER, Greffier

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 06 FEVRIER 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.

*
* *
FAITS ET PROCEDURE

Patrick Y... est technicien de transport à la SNCF.

En 2004 il a sollicité sa mise à la retraite anticipée avec pension à jouissance immédiate à compter du 1er octobre 2005, faisant valoir qu'il comptabilisait 15 ans d'ancienneté et était par ailleurs père de trois enfants.

Le 22 avril 2004 la Caisse de Prévoyance et de Retraite de la SNCF rejetait sa demande au motif qu'aux termes des dispositions du règlement des retraites applicables à la SNCF : «seules les agents femmes ayant au moins trois enfants vivants et comptant au moins quinze années de service sont admises au bénéfice d'une pension proportionnelle péréquable dont la jouissance est immédiate».

Sur recours amiable de Patrick Y..., ladite caisse lui a fait savoir que la possibilité ouverte aux fonctionnaires pères de trois enfants de bénéficier d'une pension était soumise à la condition d'une interruption d'activité pour chaque enfant.

Patrick Y... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'AUDE qui, par jugement en date du 14 février 2006, a sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction administrative relative à la légalité du règlement sus-visé.

Par arrêt du 6 décembre 2006 le Conseil d'Etat a jugé que :

«les dispositions de l'article 49 du règlement PS 10 D de la SNCF sont illégales en ce qu'elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent les agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants».

Par décision du 26 juin 2007 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a jugé que Patrick Y... remplissait les conditions d'une mise en retraite anticipée avec pension à jouissance immédiate à compter du 1er octobre 2005, ordonné en conséquence à la SNCF de procéder à la liquidation et au versement de ladite pension, sous peine d'une astreinte, et a débouté Patrick Y... de sa demande de dommages et intérêts.

La SNCF a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

A l'audience du 20 décembre 2007 la SNCF a demandé à la Cour d'écarter des débats un courrier du 6 septembre 2007 adressé à Patrick Y... par son conseil et qui reprenait en son intégralité un courrier confidentiel échangé entre avocats.

Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience la SNCF indique que la décision de refus notifiée à Patrick Y... le 22 avril 2004 a été prise sur le fondement de l'article 49 du règlement PS 10 dont l'illégalité n'avait pas alors été constatée par le Conseil d'Etat.

Elle explique que ledit article 49 transposait en réalité le principe qui figurait à l'article L 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, cet article ayant lui-même été modernisé dans sa rédaction issu de la loi du 30 décembre 2004 et qui prévoit désormais que : «la liquidation de la pension intervient lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âge de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80%, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat».

Elle fait valoir que c'est sur ce fondement que le recours amiable formé par Patrick Y... a été rejeté, le texte imposant d'avoir interrompu son activité pour chaque enfant.

Elle ajoute qu'en application de l'article 126-III de la loi sus-visée du 30 décembre 2004 lesdites dispositions sont applicables aux demandes, présentées avant leur entrée en vigueur, qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.

Elle demande par conséquent à la Cour, infirmant la décision entreprise, de juger que la décision de refus de la mise en retraite n'est entachée d'illégalité que si Patrick Y... démontre avoir interrompu son activité pour chacun de ses enfants, ce qui n'est pas le cas, et qu'est bien fondée sa décision de refus d'octroyer à celui-ci des droits à la retraite qui ne lui étaient pas acquis.

Elle fait remarquer que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, bien qu'ordonnant la liquidation de ladite retraite à compter du 1er octobre 2005, n'a pas enjoint à celui-ci de restituer les salaires qu'il a perçus depuis cette date, ce qui constitue un enrichissement sans cause.

Elle demande par ailleurs à la Cour de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Patrick Y... et ainsi de confirmer sur ce point le jugement déféré.

Elle sollicite enfin la condamnation de Patrick Y... à lui verser une somme de 2500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En réplique, en premier lieu Patrick Y... s'oppose au retrait de son dossier du courrier que lui a adressé son avocat le 6 septembre 2007.

Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, il fait valoir que la loi du 30 décembre 2004, visée par la SNCF, est applicable aux seuls fonctionnaires. Il soutient que les agents de la SNCF, soumis à un régime spécial de retraite, doivent se voir appliquer seulement le statut de la SNCF.

Il prétend que les dispositions de l'article 49 dudit régime spécial de retraite, ayant été jugées illégales, doivent désormais être écartées des débats.

Il conclut par conséquent à la confirmation du jugement dont appel et demande en outre à la Cour :

- d'ordonner la réactualisation de la pension au jour le jour du 1er octobre 2005 au 27 juillet 2007, avec remise d'un décompte détaillé de ces opérations sous astreinte,

- de condamner la SNCF à lui verser les sommes de :

- 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi notamment en ce qui concerne sa santé,
- 30 000, 00 euros pour résistance abusive,
- 15 000, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de retrait de pièce :

Patrick Y... verse à son dossier un courrier qui lui a été adressé le 6 septembre 2007 par son avocat. La SNCF ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'une pièce confidentielle même s'il est vrai que cette lettre reprend l'intégralité d'un courrier confidentiel échangé entre avocats.

En tout état de cause cette pièce n'est d'aucune utilité au débat dans la mesure où une proposition de règlement transactionnel d'un litige n'est d'aucune portée sur l'appréciation des éléments juridiques du débat.

Sur la demande principale :

Les agents de la SNCF bénéficient d'un régime spécial de retraite, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel. Le règlement PS 10 D comporte ainsi un article 49 intitulé "régime de sécurité sociale du cadre permanent - assurances vieillesse et invalidité" qui prévoit :

«Les agents femmes ayant au moins trois enfants vivants (ou décédés par fait de guerre) et comptant au moins quinze années de service effectifs, à l'exclusion notamment de toute période de disponibilité, même valable pour la retraite, qui cessent leurs fonctions volontairement sont admises au bénéfice d'une pension proportionnelle péréquable dont la jouissance est immédiate...».

Ces dispositions, qui excluent les agents masculins du bénéfice des avantages qu'elles instituent, ont été déclarées illégales par le conseil d'Etat en son arrêt en date du 6 décembre 2006 et c'est à juste titre que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a considéré qu'elles devaient être écartées des débats.

De la même façon, en relevant que les agents de la SNCF sont soumis à un régime spécial de sécurité sociale de retraite, mais également que, même en assimilant Patrick Y... à un fonctionnaire, eu égard à l'avis en date du 27 mai 2005 du conseil d'Etat dont il ressort : "qu'en remettant en cause rétroactivement la situation des fonctionnaires remplissant les conditions antérieurement applicables à l'entrée en vigueur du I de l'article 136 de la loi de finance rectificative pour 2004 et ayant présenté avant la publication de la loi, une demande ayant donné lieu à une décision de refus avant le 12 mai 2005, le II de l'article 136 de cette loi a porté aux créances détenues par les intéressés, une atteinte qui, en l'absence de motif d'intérêt général susceptible de le justifier, doit être regardée comme disproportionnée...L'application aux intéressés des dispositions en cause méconnaît donc les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme", en constatant que la situation de Patrick Y... rentrait bien dans la catégorie sus-visée et en jugeant que devait être écartée dans le présent litige, au regard des engagements internationaux de la France, l'application d'une disposition législative méconnaissant les principes d'un traité international dûment ratifié et dont la valeur est supérieure à la loi nationale, pour faire droit à la demande principale de Patrick Y..., les premiers juges ont, par une exacte analyse des éléments de la cause, développé des motifs pertinents que la Cour entend adopter pour confirmer leur décision.

Il n'y a cependant pas lieu au prononcé d'une astreinte.

Sur les autres demandes :

Patrick Y... entend voir ordonner la réactualisation de sa pension au jour le jour du 1er octobre 2005 au 27 juillet 2007.

Cette demande est sans objet tenant le fait que devra être opéré un compte entre les parties entre les salaires qu'il a perçus à compter du 1er octobre 2005 (auxquels il ne peut prétendre faute pour lui de s'enrichir sans cause au détriment de son employeur) et les sommes auxquelles il peut prétendre au titre de la liquidation de sa pension de retraite.

Patrick Y... entend par ailleurs voir condamner la SNCF à lui verser les sommes de 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi notamment en ce qui concerne sa santé, et de 30 000, 00 euros pour résistance abusive.

Force est de constater cependant, comme l'a à juste titre relevé le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, qu'aucune faute d'appréciation manifeste ou dolosive ne peut être relevée à l'encontre de la SNCF, tenant l'ambiguïté des dispositions du statut des cheminots.

Dès lors, en l'absence de démonstration d'un comportement fautif de la SNCF qui serait à l'origine des troubles de sa santé qu'il invoque ou qui serait abusif, Patrick Y... doit être débouté de ses demandes complémentaires de dommages et intérêts.

Enfin, en raison de l'issue du litige, la SNCF, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Patrick Y... une somme complémentaire de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré,

En la forme, reçoit l'appel de la SNCF.

Au fond,

REJETTE la demande de la SNCF de voir écarter des débats un courrier du 6 septembre 2007 adressé à Patrick Y... par son avocat ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 26 juin 2007, sauf à juger qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'une astreinte;

Y AJOUTANT :

DIT que devra être opéré un compte entre les parties entre les salaires perçus par Patrick Y... à compter du 1er octobre 2005 (auxquels il ne peut prétendre faute pour lui de s'enrichir sans cause au détriment de son employeur) et les sommes auxquelles il peut prétendre au titre de la liquidation de sa pension de retraite ;

CONDAMNE la SNCF à payer à Patrick Y... une somme complémentaire de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LAISSE les éventuels dépens d'appel à la charge de la SNCF.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/05130
Date de la décision : 06/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-06;07.05130 ?
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