COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section C2
ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 04 / 1514
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 OCTOBRE 2002
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 01 / 2232
APPELANTE :
Madame Elisabeth Germaine Jeanne Jacqueline Y...
née le 8 Février 1949 à MONTPELLIER (34000)
de nationalité française
...
34280 LA GRANDE MOTTE
représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assistée de Me CALAUDI, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur Patrick Alexandre Xavier A...
né le 16 Décembre 1944 à AJACCIO (20)
de nationalité française
...
34690 FABREGUES
représenté par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour
assisté de Me CASANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE de CLÔTURE du 19 OCTOBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 OCTOBRE 2007 à 9H 15 en chambre du conseil, Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre
Madame Nadine ILHE DELANNOY, Conseiller
Monsieur Jacques RAYNAUD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
L'affaire a été mise en délibéré au 19 Décembre 2007 et le prononcé de l'arrêt prorogé au 6 Février 2008.
ARRÊT :
-contradictoire,
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
-signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président de Chambre, et par Melle Marie-Françoise COMTE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
M. Patrick A... et Mme Elisabeth Y... se sont mariés le 23 août 1968 à Montpellier après contrat de mariage de séparation de biens du 21 août 1968. Ils ont eu ensemble deux enfants maintenant devenus majeurs :
-Nathalie A... née le 13 juin 1969 à Montpellier ;
-Eric A... né le 2 mars 1972 à Montpellier.
Par ordonnance de non-conciliation du 5 novembre 2001, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Montpellier, saisi par Mme Elisabeth Y..., a :
-autorisé les époux à résider séparément ;
-attribué à M. Patrick A... la jouissance du domicile conjugal, bien propre du mari ;
-fixé à 228, 67 euros par mois la pension alimentaire due par le mari à l'épouse au titre du devoir de secours.
Par jugement réputé contradictoire en date du 22 octobre 2002, le Juge aux affaires familiales de Montpellier, saisi par Mme Elisabeth Y..., a notamment :
-prononcé le divorce de Mme Elisabeth Y... et de M. Patrick A... après avoir constaté le double aveu des époux de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune au sens des articles 233 du Code civil et 1136 du nouveau Code de procédure civile ;
-rejeté la demande de prestation compensatoire de Mme Elisabeth Y... ;
-dit que les dépens seront supportés par moitié par chacune des parties en application des dispositions de l'article 1137 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 26 mars 2004, Mme Elisabeth Y... a interjeté appel du jugement du 22 octobre 2002 du Juge aux affaires familiales de Montpellier.
Par arrêt avant dire droit du 19 janvier 2005, cette Cour a ordonné une expertise financière aux frais avancés de Mme Elisabeth Y....
Le 25 mars 2006, l'expert établissait son rapport.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions régulièrement communiquées le 5 octobre 2007 et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme Elisabeth Y... demande à la Cour de :
-confirmer le jugement du 22 octobre 2002 sur le prononcé du divorce ;
-le réformer pour le surplus ;
-condamner M. Patrick A... à lui payer la somme de 200. 000 euros de prestation compensatoire et celle de 2. 000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-condamner M. Patrick A... aux dépens d'instance et d'appel dont les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CAPDEVILA VEDEL-SALLES en application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Mme Elisabeth Y... soutient qu'il existe une disparité de situation entre les époux au sens des articles 270 et 272 du Code civil ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise du 25 mars 2006.
Mme Elisabeth Y... précise que si elle avait demandé initialement une prestation compensatoire de 92. 000 euros ce n'était qu'en raison de sa mauvaise connaissance de la situation patrimoniale exacte et des revenus exacts de son époux, qui a été éclairée par l'expert.
-o-
Par conclusions régulièrement communiquées le 3 septembre 2007 et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Patrick A... demande à la Cour de :
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 22 octobre 2002 ;
-condamner Mme Elisabeth Y... à lui payer la somme de 3. 000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-condamner Mme Elisabeth Y... aux dépens d'instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP SALVIGNOL GUILHEM en application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
M. Patrick A... soutient que le rapport d'expertise du 25 mars 2006 est erroné sur certains points, lacunaire sur d'autres favorisant de la sorte dans ses conclusions la situation de Mme Elisabeth Y... par rapport à la sienne.
M. Patrick A... argue que l'expert :
-a retenu un loyer payé par Mme Elisabeth Y... mais n'a pas tenu compte de sa situation de concubinage, le fait qu'il vive lui-même en concubinage étant sans conséquence puisqu'il ne demande pas de prestation compensatoire ;
-n'a pas produit de photographies des conditions de vie de Mme Elisabeth Y... alors qu'il verse celle de la maison de M. Patrick A... ;
-n'a pas tenu compte de divers avantages dont bénéficie Mme Elisabeth Y... par son métier, comme des voyages ;
-n'a pas envisagé la situation de Mme Elisabeth Y... en cas d'héritage ;
-a été partial à son égard en lui imputant des revenus « apparents et officieux » ;
-ne tient pas compte de ce qu'il a de graves problèmes de santé, que sa retraite interviendra en 2007 et non en 2010 ;
-a exagéré l'évaluation de sa maison.
M. Patrick A... fait valoir que sa situation a évolué depuis le dépôt du rapport d'expertise en ce qu'il a été licencié le 11 janvier 2007, qu'il perçoit 54, 65 euros par jour d'allocation de retour à l'emploi depuis le 15 février 2007 correspondant à 1. 639, 50 euros par mois, qu'il gagne moins bien sa vie que Mme Elisabeth Y... et que les difficultés relationnelles rencontrées par la SCI Les Pins dont il est gérant avec la société LPL oenologie entraînera une dévaluation de son patrimoine.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le divorce,
Il est constant que, comme le demandent expressément les deux époux, le jugement du 22 octobre 2002 doit être confirmé en ce qu'il prononce le divorce de M. Patrick A... et de Mme Elisabeth Y... après avoir constaté le double aveu des époux de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune au sens des articles 233 du Code civil et 1136 du Code de procédure civile.
Sur la demande de prestation compensatoire,
L'article 270 du Code civil dispose en son deuxième alinéa que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective.
Il convient donc en premier lieu de rechercher si la rupture du mariage, résultant du présent arrêt de confirmation du prononcé du divorce, crée une disparité dans les conditions de vie respective des époux en comparant d'une part celles qu'ils connaissaient dans leur couple jusqu'au divorce et d'autre part celles qui seront ensuite les leurs.
Dans le cas où une telle disparité existerait, il conviendrait en second lieu, de fixer cette prestation compensatoire selon les critères définis par l'article 271 du Code civil.
L'article 9 du nouveau Code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, M. Patrick A... et Mme Elisabeth Y... se sont mariés le 23 août 1968 après avoir conclu un contrat de mariage de séparation de biens le 21 août 1968 sous le régime matrimonial défini par les articles 1387 à 1399 et 1536 à 1543 du Code civil.
La prestation compensatoire demandée sur le fondement d'une disparité de situations, ne doit donc pas être confondue avec une liquidation de communauté qui n'existe pas en l'espèce.
Contrairement à ce que M. Patrick A... soutient, la vocation successorale n'est pas un élément à prendre en compte pour apprécier une éventuelle disparité des situations.
Le rapport d'expertise du 25 mars 2006 montre, comme les parties l'admettent, que les patrimoines personnels des époux sont de composition et de valeur différente, de même que leurs revenus sont aussi, comme ils l'ont toujours été, différents (pages 8 à 11). Pour répondre à la mission qui lui a été confiée, l'expert analyse en outre l'évolution prévisible de ces revenus (pages 12 à 16) et aussi les patrimoines respectifs des époux et leur évolution prévisible (pages 17 à 33). Il en conclut que le patrimoine de M. Patrick A... est alors égal à presque quatre fois celui de Mme Elisabeth Y... et que dans un futur prévisible, il sera égal à trois fois celui de son épouse. Il apporte certaines informations pour répondre aux dires des parties (pages 34 à 40) avant de conclure que les patrimoines propres et les revenus personnels de chacun des époux sont de valeurs différentes.
Les pièces versées par les parties confirment l'existence de ces différences ainsi que leurs évolutions respectives dans le temps.
Mais il résulte de l'ensemble de ces éléments, d'une part, que conformément au contrat de mariage de séparation de biens du 21 août 1968 chacun des époux dispose de son patrimoine immobilier et mobilier propre, et d'autre part, que chacun des époux dispose depuis longtemps et disposera dans l'avenir prévisible de ses revenus personnels qui lui permettront de continuer à vivre dans des conditions analogues à celles que le couple et chacun des époux séparément connaissaient du temps du mariage.
Ainsi la rupture du mariage ne crée pas de disparité dans les conditions de vie respective des époux au sens des dispositions de l'article 270 du Code civil. Mme Elisabeth Y... ne peut donc qu'être déboutée de sa demande de prestation compensatoire.
En conséquence, il convient de confirmer en ce sens, mais pour ce motif, le jugement du 22 octobre 2002.
Sur la demande d'indemnité et les dépens,
En application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile résultant de l'article 26 II et III de la loi no2007-1787 du 20 décembre 2007, il convient de débouter de leurs demandes Mme Elisabeth Y... qui succombe en son appel et M. Patrick A... qui n'avait pas constitué avocat en première instance.
En application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, il convient de faire masse des dépens à l'exception des frais d'expertise qui seront supportés par Mme Elisabeth Y... seule, et de les mettre pour moitié à la charge de chacun des époux avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CAPDEVILA VEDEL-SALLES et de la SCP SALVIGNOL GUILHEM pour ceux dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant après débats en chambre du conseil, après en avoir délibéré, contradictoirement et publiquement,
CONFIRME le jugement du 22 octobre 2002 du Juge aux affaires familiales de Montpellier ;
DEBOUTE Mme Elisabeth Y... et M. Patrick A... de leurs demandes respectives d'indemnité représentative des frais et honoraires exposés par chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
FAIT masse des dépens, à l'exception des frais d'expertise qui seront supportés par Mme Elisabeth Y... seule, et les met pour moitié à la charge de chacun des époux avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CAPDEVILA VEDEL-SALLES et de la SCP SALVIGNOL GUILHEM pour ceux dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.