DV / JLP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 16 Janvier 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 03926
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 MAI 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BEZIERS
No RG05 / 00797
APPELANTE :
SAS MATERIAUX MODERNES
prise en la personne de son représentant légal
111, Route de Pézenas
34500 BEZIERS
Représentant : la SELARL DOREL (avocats au barreau de BEZIERS)
INTIME :
Monsieur Frédéric X...
...
34490 LIGNAN SUR ORB
Représentant : Me Luc KIRKYACHARIAN (avocat au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du nouveau Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 DECEMBRE 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, chargé (e) d'instruire l'affaire, Monsieur Jean-Luc PROUZAT ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER
ARRET :
-Contradictoire.
-prononcé publiquement le 16 JANVIER 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
-signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.
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Frédéric X... a été embauché en qualité de magasinier à compter du 3 mars 1983 par la société nouvelle MATERIAUX MODERNES, la relation salariale étant régie par la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du négoce des matériaux de construction ; sa lettre d'engagement prévoit qu'il percevra, en plus du salaire de base, une prime du fin d'année, tenant compte de son concours à la bonne marche de l'entreprise (sic).
Affecté principalement au dépôt de Béziers, il était amené, à partir de mars 2002, à être détaché sur les dépôts de Capestang et Murviel les Béziers ; sa rémunération était alors composée d'un salaire de base pour 156 heures de travail hebdomadaires et de primes diverses (prime d'ancienneté, prime de vacances, prime dite « d'intéressement » ou individuelle calculée sur la marge des dépôts de Capestang et Murviel, prime mensuelle sur la marge de l'entreprise).
Au mois d'août 2005, la société nouvelle MATERIAUX MODERNES a proposé à monsieur X... un avenant à son contrat de travail visant à le confirmer dans ses fonctions de vendeur magasinier cariste sur le dépôt de Murviel et prévoyant qu'il serait amené à remplacer, lors de leurs absences, les chefs de dépôt de Murviel et Capestang.
Il lui était, par ailleurs, indiqué qu'il bénéficierait à compter du 1er août 2005 d'un salaire de base au Smic pour une amplitude de présence moyenne mensuelle de 156 heures (temps de travail effectif de 151, 67 heures) auquel s'ajouteraient deux primes mensuelles, l'une de 100, 00 euros bruts calculée au prorata de l'atteinte de l'objectif de marge du dépôt de Murviel, l'autre de 31, 90 euros bruts calculée au prorata de l'atteinte de l'objectif de marge de la société, et une prime annuelle de 560, 00 euros bruts liée aux remplacements des chefs de dépôts de Murviel et Capestang.
Monsieur X... a refusé de signer cet avenant au motif que n'était pas repris l'ensemble des primes versées régulièrement et qu'il n'était pas tenu compte du salaire minimum conventionnel.
Le 1er décembre 2005, la société nouvelle MATERIAUX MODERNES l'a avisé de la modification de son salaire de base, tenant compte d'un taux horaire de 8, 03 euros, lui rappelant qu'il disposait d'une prime variable de 90, 00 euros bruts mensuels calculée au prorata de l'objectif de marge du dépôt de Murviel et d'une prime de 90, 00 euros bruts mensuels liée aux remplacements du chef de dépôt de Murviel.
Par courrier recommandé en date du 2 mai 2006, la société nouvelle MATERIAUX MODERNES, invoquant les difficultés rencontrées par le dépôt de Murviel où monsieur X... se trouvait affecté, a demandé à celui-ci de rejoindre l'équipe du dépôt de Béziers à compter du 1er juin 2006.
Devant son refus, la société nouvelle MATERIAUX MODERNES l'a convoqué, le 2 juin 2006, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 13 juin 2006 à 16 heures.
Son licenciement lui a été ensuite notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 20 juin 2006, en ces termes :
(…) Nous nous sommes rencontrés le 13 juin 2006 pour un entretien préalable à un éventuel licenciement suite à votre refus de rejoindre l'équipe de Béziers.
En effet, en raison des difficultés économiques du dépôt de Murviel, nous vous demandions par lettre AR du 2 mai 2006 de rejoindre le dépôt de Béziers, en sachant que la distance entre votre domicile et le dépôt de Béziers est équivalente à celle que vous effectuez aujourd'hui.
Vous avez refusé notre proposition par lettre AR du 13 mai 2006. Vous m'avez confirmé votre refus lors de notre entretien du 13 juin 2006.
Dans ces conditions et ayant décidé de ne pas maintenir un deuxième poste à temps plein sur le dépôt de Murviel, vous nous contraigniez à mettre un terme à votre contrat de travail pour refus de modification de votre lieu d'exercice de votre contrat de travail (…)
Par jugement du 2 mai 2007, le conseil de prud'hommes de Béziers, antérieurement saisi par monsieur X... d'une demande visant à obtenir le rétablissement de la prime variable indexée sur le chiffre d'affaires de la société, a notamment :
-dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-condamné la société nouvelle MATERIAUX MODERNES à payer à monsieur X... la somme de 27 966, 00 euros à titre de dommages et intérêts,
-condamné monsieur X... à payer à la société nouvelle MATERIAUX MODERNES la somme de 308, 71 euros,
-ordonné la compensation des créances,
-rejeté le surplus des demandes.
La société nouvelle MATERIAUX MODERNES a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 8 juin 2007 au greffe de la cour, régulièrement relevé appel de ce jugement, notifié le 16 mai 2007.
Elle conclut à la réformation du jugement, sauf en ce qu'il a condamné monsieur X... au paiement de la somme de 308, 71 euros, montant du solde de son compte de fourniture en matériaux, et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 1500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle expose en substance que :
-le rappel, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, du contexte économique l'amenant à envisager des mesures de sauvegarde concernant le dépôt de Murviel, ne pouvait conduire le salarié à considérer son licenciement comme acquis,
-la nouvelle affectation de monsieur X... au dépôt de Béziers ne saurait s'analyser en une modification de son contrat de travail nécessitant son accord, dés lors qu'aucun lieu de travail précis n'avait été contractualisé,
-son refus de rejoindre sa nouvelle affectation, exclusivement motivé par le différend l'opposant à son employeur, constitue bien une cause réelle et sérieuse de licenciement,
-le salarié ayant refusé à compter du 8 août 2005 d'assurer le remplacement des chefs de dépôt de Murviel et Capestang, il ne peut lui être reproché d'avoir déduit de la prime d'objectif (ou d'intéressement particulier) la prime de remplacement de 90, 00 euros par mois.
Formant appel incident, monsieur X... conclut à la condamnation de la société nouvelle MATERIAUX MODERNES à lui payer la somme de 40 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il fait valoir que son licenciement, résultant de son refus d'accepter une modification de son contrat de travail motivé par les difficultés économiques du dépôt de Murviel, constitue un licenciement économique, que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et que le motif économique invoqué ne répond pas aux exigences de l'article L 321-1 ; il soutient subsidiairement que son affectation à Béziers, sur un site unique, comme magasinier, modifiait son contrat tant en ce qui concerne son lieu de travail que ses fonctions et que son licenciement, fondé sur son refus d'accepter de telles modifications, se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il conclut, par ailleurs, à la condamnation de la société nouvelle MATERIAUX MODERNES à lui payer la somme de 3780, 48 euros à titre de rappel de salaire et celle de 378, 00 euros au titre des congés payés afférents, outre la rectification sous astreinte de l'attestation Assedic ; il expose que pour la période de juillet 2003 à octobre 2005, il a perçu des salaire inférieurs aux minima conventionnels, l'ensemble des primes versées (prime d'ancienneté, primes d'intéressement, prime de vacances) ne constituant qu'un accessoire qui doit s'ajouter au salaire minimum prévu par la convention collective.
Enfin, il réclame l'allocation de la somme de 2000, 00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DECISION :
Monsieur X... ne soutient plus devant la cour que la procédure de licenciement serait irrégulière au motif que la décision de licenciement était prise par l'employeur avant même l'entretien préalable ; le jugement entrepris n'est pas, non plus, critiqué en ce qu'il a condamné celui-ci à payer à la société nouvelle MATERIAUX MODERNES la somme de 308, 71 euros, montant du solde de son compte de fourniture en matériaux.
1-le licenciement et ses conséquences :
Lors de l'engagement de la procédure de licenciement, monsieur X... occupait des fonctions de vendeur magasinier cariste au dépôt de Murviel et était accessoirement chargé de remplacer les chefs de dépôt de Murviel et Capestang, en cas d'absences ; même si le changement d'affectation, objet du courrier recommandé lui ayant été adressé le 2 mai 2006 par la société nouvelle MATERIAUX MODERNES, concernait le dépôt de Béziers situé dans le même secteur géographique, à 14 kilomètres de Murviel, il lui était demandé par l'employeur de rejoindre ce dépôt pour le 1er juin 2006 et de lui signifier son accord sous huit jours, afin d'entreprendre les mutations utiles (sic).
En demandant au salarié son accord au changement de lieu de travail, l'employeur a nécessairement considéré celui-ci comme une modification du contrat, peu important que la lettre d'engagement du 3 mars 1983 ne fixe elle-même aucun lieu de travail déterminé.
La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, invoque expressément comme cause de la modification, les difficultés économiques rencontrées par le dépôt de Murviel, ne permettant pas de maintenir un deuxième poste à temps plein sur ce dépôt ; dès lors, le licenciement de monsieur X... résultant de la modification refusée de son lieu de travail, constitue un licenciement économique au sens de l'article L 321-1 du code du travail.
Dans ce cadre, la société nouvelle MATERIAUX MODERNES ne justifie avoir procédé à aucune recherche de reclassement du salarié ; elle n'établit pas davantage l'existence de difficultés économiques appréciées par rapport à l'entreprise elle-même et non pas seulement à son seul dépôt de Murviel, ni de la nécessité, en l'état de la baisse d'activité constatée sur ce dépôt, de réorganiser l'entreprise en vue d'en sauvegarder la compétitivité.
C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré le licenciement de monsieur X... comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Lors de la rupture de son contrat, monsieur X... était âgé de 43 ans, comptait 23 ans d'ancienneté dans une entreprise employant 43 salariés et percevait un salaire brut mensuel de 1217, 91 euros, plus primes ; d'après les pièces produites, il alterne depuis son licenciement des périodes de chômage et des missions d'intérim et est actuellement embauché comme adjoint technique par le SICTOM de la région de Pézenas, dans le cadre d'un CDD se terminant le 31 décembre 2007.
En fonction de ces éléments, son préjudice doit être évalué à la somme de 35 000, 00 euros et il convient d'ordonner d'office, par application de l'article L 122-14-4, le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié licencié par l'Assedic du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
2-le rappel de salaire :
Il résulte de l'examen des bulletins de salaire produits aux débats et des explications fournies que de juillet 2003 à octobre 2005, monsieur X... a perçu un salaire de base de 1065, 48 euros (bruts) correspondant à 156 heures de travail au taux horaire de 6, 83 euros, augmenté de diverses primes, soit une prime d'ancienneté versée mensuellement, une prime dite « d'intéressement particulier » comprenant une prime variable de 90, 00 euros calculée au prorata de l'objectif sur les marges des dépôts de Murviel et Capestang et un prime fixe de 90, 00 euros pour le remplacement des chefs de dépôt, une prime dite « d'intéressement mensuel » de 31, 90 euros calculée au prorata de l'objectif sur la marge de la société, ainsi qu'une prime de vacances payée annuellement.
A compter du 1er novembre 2005, le taux horaire pratiqué pour le calcul du salaire de base a été revalorisé à 8, 03 euros, soit le montant du Smic applicable depuis le 1er juillet 2005.
Monsieur X... réclame le paiement d'un arriéré de salaire correspondant à la différence entre les salaires minima conventionnels-1178, 24 euros de juillet à juin 2004 et 1217, 19 euros de juillet 2004 à octobre 2005-et les salaires de base lui ayant été versés au cours de cette période.
Toutefois, les primes dites « d'intéressement » payées mensuellement à l'intéressé, directement liées au travail, doivent, en l'absence de dispositions contraires de la convention collective applicable, être regardées comme des compléments de salaire, devant être pris en compte dans l'appréciation du minimum conventionnel ; monsieur X... qui a perçu mensuellement de telles primes, pour des montants compris entre 175, 00 et 222, 00 euros (bruts) s'ajoutant à son salaire de base, n'est pas dès lors fondé à soutenir qu'il a été payé au dessous du minimum conventionnel et qu'un rappel de salaire lui est dû à ce titre.
3-les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Succombant sur son appel, la société nouvelle MATERIAUX MODERNES doit être condamnée aux dépens, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de monsieur X..., des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Béziers en date du 2 mai 2007 mais seulement quant au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société nouvelle MATERIAUX MODERNES à payer à Frédéric X... la somme de 35 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Y ajoutant,
Ordonne d'office le remboursement par la société nouvelle MATERIAUX MODERNES à l'Assedic des indemnités de chômage payées à monsieur X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
Déboute monsieur X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire,
Condamne la société nouvelle MATERIAUX MODERNES aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de monsieur X..., des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.