La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2008 | FRANCE | N°04/00197

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 16 janvier 2008, 04/00197


SD / JLPCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 16 Janvier 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 03052

ARRET no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 AVRIL 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE
No RG04 / 00197

APPELANTE :

SA BRISTEF
prise en la personne de son Président
Bd Pech Maynaud
11430 GRUISSAN
Représentant : la SCP PINET (avocats au barreau de NARBONNE)

INTIMEE :

Madame Liliane X...


...


...

11430 GRUISSAN
Représent

ant : la SCPA BLANQUER GIRARD BASILE-JAUVIN (avocats au barreau de NARBONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 DECEMBRE 2007, ...

SD / JLPCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 16 Janvier 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 03052

ARRET no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 AVRIL 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE
No RG04 / 00197

APPELANTE :

SA BRISTEF
prise en la personne de son Président
Bd Pech Maynaud
11430 GRUISSAN
Représentant : la SCP PINET (avocats au barreau de NARBONNE)

INTIMEE :

Madame Liliane X...

...

...

11430 GRUISSAN
Représentant : la SCPA BLANQUER GIRARD BASILE-JAUVIN (avocats au barreau de NARBONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 DECEMBRE 2007, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRET :

-Contradictoire.

-prononcé publiquement le 16 JANVIER 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

-signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.

*
**
Liliane X... a été embauchée par la SA BRISTEF, exploitant à Gruissan (11) un supermarché à l'enseigne « Intermarché », en qualité de directrice, à compter du 2 juin 2003, emploi classé cadre, niveau 7, selon la grille de classification de l'annexe III de la convention collective no 3305 du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Deux avenants ont été conclus, les 25 septembre et 1er octobre 2003, l'un autorisant madame X... à signer les contrats de coopération commerciale avec les fournisseurs, l'autre traitant des conditions de mise à disposition d'un logement de fonction.

Le 22 juin 2004, madame X... a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 2 juillet à 10 heures, une mise à pied conservatoire lui étant notifiée.

La société BRISTEF lui a ensuite signifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 15 juillet 2004, aux motifs suivants :

(…) A plusieurs reprises, vous avez sorti des marchandises du magasin en passant par la réserve à la porte de laquelle vous aviez garé votre véhicule et dans lequel vous avez chargé lesdites marchandises.

Vous ne pouvez ignorer que les marchandises (hors déchets et périmés) doivent faire l'objet d'un paiement préalable aux caisses et qu'une procédure spécifique a été mise en place pour les salariés qui sont susceptibles d'effectuer des achats avant leur prise de fonction ou pendant leur pause et qui ressortent avec leurs achats à la fin de leur temps de travail, à savoir présentation des sacs et des tickets de caisse.

Vous avez agi en conséquence en violation de ces procédures.

Ces fautes sont d'autant plus graves que votre fonction de directrice implique une totale confiance de la direction et qu'il convient de faire appliquer l'ensemble de la réglementation à vos subordonnés, ce qui suppose de votre part une attitude irréprochable en montrant l'exemple.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise (…)

Contestant le bien fondé de son licenciement, madame X... a saisi le 23 juillet 2004 le conseil de prud'hommes de Narbonne.

En l'état de la plainte avec constitution de partie civile pour vols, déposée en cours d'instance par la société BRISTEF contre son ancienne salariée entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Narbonne, la juridiction prud'homale a sursis à statuer par un jugement du 15 mars 2005.

Le 3 novembre 2006, une ordonnance d'irrecevabilité était rendue par le magistrat instructeur.

L'instance prud'homale a été reprise et par jugement du 24 avril 2007, le conseil de prud'hommes de Narbonne a notamment :

-dit le licenciement de madame X... dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-condamné la société BRISTEF à payer à madame X... les sommes de :
• 13 308, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 1922, 26 euros à titre de rappel de salaire lié à la mise à pied,
• 192, 22 euros au titre des congés payés afférents,
• 6654, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
• 665, 40 euros au titre des congés payés afférents,
-condamné la société BRISTEF à délivrer à madame X... les bulletins de salaire, l'attestation Assedic et le certificat de travail conformes à la décision, sous astreinte de 50, 00 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la décision,
-condamné la société BRISTEF à payer à madame X... la somme de 1400, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-débouté madame X... du surplus de ses demandes.

Par déclaration faite le 3 mai 2007 au greffe de la cour, la société BRISTEF a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle conclut, en premier lieu, au sursis à statuer jusqu'à l'issue de la nouvelle plainte pénale actuellement en cours, déposée le 18 avril 2007 entre les mains du juge d'instruction de Narbonne.

Subsidiairement, elle demande à la cour de réformer le jugement, de débouter madame X... de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2000, 00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles ; elle soutient pour l'essentiel que la salariée ne bénéficiait pas d'un avantage en nature, l'autorisant à emporter des denrées alimentaires, et qu'elle a bien commis des vols de marchandises justifiant son licenciement pour faute grave ; elle souligne d'ailleurs que le 19 juin 2004, lors de l'intervention de la gendarmerie, l'intéressée avait placé des cartons remplis de denrées à l'intérieur de son véhicule, dissimulés sous une couverture.

Formant appel incident, madame X... sollicite la condamnation de la société BRISTEF à lui payer les sommes de 18 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 000, 00 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 1000, 00 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L 933-6 du code du travail ; elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et à la condamnation de la société BRISTEF à lui payer 1400, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que le président de la société BRISTEF, monsieur Z..., l'avait autorisée à pendre des denrées alimentaires sans passer par les caisses, ce que confirme les attestations produites aux débats, sous réserve qu'elle le fasse avec discrétion ; elle s'oppose par ailleurs à la demande de sursis à statuer.

MOTIFS DE LA DECISION :

1-la demande de sursis à statuer :

Il résulte de l'article 4, alinéa 3, du code de procédure pénale que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement de l'action déjà exercée devant la juridiction civile, quelle qu'en soit la nature, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ; en l'occurrence, il n'apparaît pas opportun de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la nouvelle plainte avec constitution de partie civile déposée le 19 avril 2007 par la société BRISTEF, même si cette plainte vise nommément madame X... pour les faits de vols et d'usage de fausses attestations, concernant la procédure prud'homale en cours, dès lors qu'une précédente plainte déposée entre les mains du juge d'instruction de Narbonne avait été déclarée irrecevable et que les faits à l'origine du licenciement remontent maintenant à plus de trois ans ; la demande de sursis à statuer doit donc être rejetée.

2-le fond du litige :

La faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entrepris ; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'occurrence, il résulte des pièces produites que madame X... a été placée en garde à vue le 19 juin 2004 à la suite de la plainte pour vol, depuis lors classée sans suite, déposée à son encontre par le PDG de la société BRISTEF, la perquisition de son véhicule SUZUKI, stationné devant la porte de la réserve du supermarché ayant permis la découverte, dissimulés sous une couverture, de trois cartons remplies de denrées alimentaires ; madame X... n'a pas contesté, ainsi qu'elle l'a notamment indiqué lors de l'entretien préalable du 2 juillet 2004 dont le compte rendu, dressé par le conseiller du salarié, est versé aux débats, avoir à plusieurs reprises sorti de la marchandise sans passer par la caisse mais a affirmé l'avoir fait avec l'autorisation du PDG et parfois en sa compagnie.

A cet égard, plusieurs salariés (Anne-Sophie A..., Delphine B..., Madeleine C..., Christian D...) attestent avoir vu à plusieurs reprises madame X..., en compagnie de monsieur Z..., PDG de la société, sortir de la marchandise sans passer par les caisses, l'un d'entre eux indiquant même avoir été témoin une conversation au cours de laquelle monsieur Z... avait clairement dit à madame X... « de ne jamais payer ses courses » ; il est aussi communiqué l'attestation de l'agent de sécurité (Thierry E...), présent dans l'entreprise de juin à août 2003, relatant une entrevue avec monsieur Z... qui, dans le cadre de ses consignes, lui avait précisé que les deux seules personnes autorisées à sortir de la marchandise du magasin sans passer par les caisses étaient madame X... et lui-même ; le compagnon de madame X... (Jérémie F...) atteste enfin que lors d'une conversation en sa présence, monsieur Z... avait répété à celle-ci « qu'en ce qui concerne les commissions, elle pouvait se servir sans payer », à condition « de le faire avec discrétion ».

Les attestations ainsi produites établissent donc l'existence d'une pratique du PDG de la société BRISTEF consistant à autoriser la directrice du magasin à emporter, sans les payer, des denrées alimentaires pour sa consommation personnelle ; même si la salariée concernée ne pouvait ignorer le caractère répréhensible d'une telle pratique, la réalité du grief qui lui est imputé ne s'en trouve pas moins insuffisamment établie, l'intéressée n'ayant, de toute évidence, pas eu conscience de commettre des vols ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que le licenciement de madame X... comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Lors de son licenciement, celle-ci était âgée de 42 ans, avait un an d'ancienneté et percevait un salaire brut mensuel de 1661, 00 euros, outre divers avantages en nature (logement et véhicule de fonction) globalement évalués à 557, 00 euros (bruts) ; elle ne fournit en revanche aucun élément permettant d'apprécier l'évolution de sa situation matérielle postérieurement au licenciement ; son préjudice, consécutif à la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail, doit, dans ces conditions, être évalué à la somme de 9000, 00 euros.

Dans le cadre de la plainte pour vols déposée par l'employeur à son encontre, madame X... a été placée en garde en vue durant 24 heures, jusqu'au 19 juin 2004 à 22 heures ; il en est résulté pour elle un préjudice, distinct de la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail, qui doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 1000, 00 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris doit être, par ailleurs, confirmé en ce qu'il a alloué à madame X... une indemnité compensatrice de préavis de 6654, 00 euros (bruts) égale à trois mois de salaire par référence aux dispositions de l'article 9 de l'annexe III de la convention collective applicable et un rappel de salaire de 1922, 26 euros (bruts) correspondant à la période de mise à pied du 22 juin au 15 juillet 2004, outre les congés payés afférents.

Ayant été licenciée le 15 juillet 2004, madame X... ne comptait donc pas douze mois de présence dans l'entreprise depuis la date d'entrée en vigueur de la loi no 2004-391 du 4 mai 2004 instituant le droit individuel à la formation (DIF), qui lui aurait permis d'acquérir 20 heures de formation ; elle ne peut ainsi soutenir avoir subi un préjudice lié au défaut de mention, dans la lettre de licenciement, de ses droits en matière de droit individuel à la formation ; le jugement qui l'a débouté d'un tel chef de demande mérite également confirmation.

La société BRISTEF qui succombe sur son appel doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à madame X... la somme de 1000, 00 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Au fond, réforme le jugement rendu le 24 avril 2007 par le conseil de prud'hommes de Narbonne mais seulement en ce qu'il a condamné la société BRISTEF au paiement de la somme de 13 308, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté madame X... de sa demande complémentaire en paiement de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société BRISTEF à payer à Liliane X... les sommes de :

-9000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Condamne la société BRISTEF aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à madame X... la somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 04/00197
Date de la décision : 16/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Narbonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-16;04.00197 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award