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28/11/2007 | FRANCE | N°06/00073

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 28 novembre 2007, 06/00073


SD/JLP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 28 Novembre 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00893



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JANVIER 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG06/00073

APPELANT :

Monsieur Grégory X...


...

92150 SURESNES
Représentant : Me Charles SALIES (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SA NESS NETWORK ESSENTIAL SYSTEM
prise en la personne de son représentant légal
15 Quai Pierre Scize
69009 LYON 09>Représentant : Me RAVASIO de la SELARL RAVASIO - VERNHET (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue l...

SD/JLP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRET DU 28 Novembre 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00893

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JANVIER 2007 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG06/00073

APPELANT :

Monsieur Grégory X...

...

92150 SURESNES
Représentant : Me Charles SALIES (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SA NESS NETWORK ESSENTIAL SYSTEM
prise en la personne de son représentant légal
15 Quai Pierre Scize
69009 LYON 09
Représentant : Me RAVASIO de la SELARL RAVASIO - VERNHET (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 OCTOBRE 2007, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 28 NOVEMBRE 2007 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sophie LE SQUER, Greffier présent lors du prononcé.

*
* *

Grégory X... a été embauché à compter du 5 janvier 1998 en qualité de technicien informatique par la SA NESS Network Essential System, société spécialisée dans la conception, l'intégration et l'installation de systèmes audiovisuels et multimédia ; par avenant du 12 juin 2002, il a été promu responsable informatique, chargé notamment de l'encadrement de la cellule informatique de l'entreprise, avec le statut de cadre ; ont été alors insérées au contrat de travail une clause de non-concurrence (article 5), d'une durée un an, renouvelable une fois, ainsi qu'une clause de confidentialité (article 6) ; le 11 juin 2004, monsieur X... a présenté sa démission à son employeur et son préavis a pris fin le 14 septembre 2004.

Il a ensuite été engagé par une SA QUIETUDE ayant son siège à La Rochelle (17), par contrat à durée déterminée de 7 mois, du 16 septembre 2004 au 15 avril 2005, en qualité de chef de projet, chargé de mettre en place un logiciel informatique et automation dans le cadre d'un programme immobilier dans le secteur de la résidence senior ; à compter du 1er octobre 2005, il a été embauché par une SA EADS Information Technologies et Services sur un poste d'ingénieur localisé à Suresnes (92).

La société NESS qui, depuis la fin du préavis de monsieur X..., versait à celui-ci une indemnité mensuelle de 1626,92 euros (bruts) au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, a obtenu, par une ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montpellier en date du 12 mai 2005, le séquestre des indemnités prévues à l'article 5 de l'avenant du 12 juin 2002 jusqu'à l'issue de la procédure engagée au fond à l'encontre de son ancien salarié, qu'elle suspectait de travailler sur les programmes informatiques développés durant la relation salariale, pour le compte d'une société INNEOS, constituée par d'anciens collaborateurs, étroitement liée à la société QUIETUDE.

Par jugement du 15 janvier 2007, le conseil de prud'hommes de Montpellier a notamment :

-dit que monsieur X... a violé la clause de non-concurrence inscrite à l'article 5 de son contrat le liant à la société NESS,
-condamné en conséquence monsieur X... à rembourser à la société NESS les sommes de :

• 48 976,56 euros de laquelle seront déduites les sommes mises en séquestre par la société NESS en exécution de l'ordonnance de référé du 12 mai 2005,
• 12 244,14 euros représentant six mois de salaires au titre du non-respect de la clause de non-concurrence mentionnée à l'article 5 du contrat de travail,
• 8000,00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-débouté la société NESS de ses demandes complémentaires.

Monsieur X... a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration faite le 9 février 2007 au greffe de la cour.

En l'état des conclusions qu'il a déposées et soutenues oralement à l'audience, monsieur X... demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et, en conséquence, de :

-A titre principal :
-ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Montpellier opposant la société NESS à la société INNEOS,
-enjoindre à la société NESS de verser aux débats le rapport d'expertise judiciaire qui sera déposé devant le tribunal de commerce de Montpellier, dans la procédure opposant la société NESS à la société INNEOS,

A titre subsidiaire :
-débouter la société NESS de l'intégralité de ses demandes,

A titre plus subsidiaire :
-dire et juger que le montant des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ne pourra être que symbolique,
-réduire en conséquence à de plus justes proportions le montant de la condamnation éventuellement prononcée à son encontre,

A titre reconventionnel :
-condamner la société NESS à lui payer la somme de 48 976,56 euros au titre de la clause de non-concurrence,
-la condamner à lui payer la somme de 3000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il soutient, en premier lieu, qu'il serait de bonne justice de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de commerce, lequel a été saisi, par assignation du 17 décembre 2004, d'une action en concurrence déloyale de la société NESS diligentée à l'encontre la société INNEOS et a ordonné une expertise judiciaire actuellement en cours ; il conteste, par ailleurs, la violation de la clause de non-concurrence qui lui est imputée, soulignant notamment que l'activité de la société QUIETUDE n'est pas concurrente de celle de la société NESS et que les éléments fournis n'établissent ni qu'il a travaillé pour la société INNEOS, ni qu'il a divulgué à cette société des informations relatives à la société NESS.

La société NESS conclut à la réformation du jugement l'ayant débouté de sa demande d'indemnisation au titre de la violation par monsieur X... de la clause de confidentialité mise à sa charge et sollicite à ce titre la condamnation de l'intéressé à lui payer la somme de 60 000,00 euros en réparation du préjudice subi, outre l'allocation de la somme de 5000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus.

Au soutien de ses prétentions, elle expose en substance que :

-la demande de sursis à statuer soulevée par monsieur X... en première instance ne l'a pas été avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et est donc irrecevable par application de l'article 74 du nouveau code de procédure civile,
-l'intéressé a violé, de manière caractérisée, ses obligations contractuelles de non-concurrence et de confidentialité en travaillant quotidiennement après son départ de l'entreprise dans les locaux de la société INNEOS, devenue INNSEO, qu'il a fait profiter des savoirs-faire informatiques et des fichiers acquis alors qu'il se trouvait à son service, ainsi qu'il ressort des rapports du détective privé et des constats d'huissier de justice produits aux débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. le sursis à statuer :

Même si dans le cadre de l'action en concurrence déloyale actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Montpellier, la société NESS évoque la captation de son savoir-faire par l'intermédiaire de monsieur X..., ancien responsable informatique de l'entreprise, une telle action ne met pas en scène les mêmes parties et n'a pas le même fondement juridique que celle engagée contre monsieur X... devant la juridiction prud'homale, fondée sur la violation par celui-ci de ses obligations de non-concurrence et de confidentialité, résultant des articles 5 et 6 de l'avenant à son contrat de travail du 12 juin 2002 ; il n'apparaît donc pas opportun de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de commerce à intervenir.

2. le fond du litige :

L'article 5 de l'avenant du 12 juin 2002 contient, en premier lieu, une clause de non-concurrence faisant interdiction à monsieur X..., à compter de la cessation de son contrat de travail, d'entrer au service d'une entreprise concurrente ou de s'intéresser directement ou indirectement à toute fabrication et à tout commerce de produits ou de services pouvant concurrencer les activités de NESS, sur un secteur géographique déterminé (région Languedoc-Roussillon, Provence Alpes Côte d'Azur, Rhône Alpes, région parisienne), la durée de cette interdiction de concurrence étant fixée à un an, renouvelable une fois ; il est en outre stipulé audit article qu'en contrepartie de la clause de non-concurrence, monsieur X... aura droit à l'indemnité prévue par les dispositions de la convention collective (des ingénieurs et cadres de la métallurgie) et qu'en cas de violation de la clause de sa part, il sera redevable envers la société NESS d'une pénalité fixée forfaitairement à six mois de salaire, indépendamment du remboursement des indemnités de non-concurrence qui lui auront été versées.

A l'issue de son préavis consécutif à sa démission, monsieur X... a été embauché, dans le cadre d'un CDD de 7 mois, du 16 septembre 2004 au 15 avril 2005, en qualité de chef de projet au service d'une société QUIETUDE, société ayant son siège social à La Rochelle et pour activité l'acquisition et la gestion de toute participation ou valeurs mobilières ; d'après les extraits des divers registres du commerce et des sociétés produits aux débats, cette société a pour PDG une personne (Yves Régis A...), également administrateur de la société INNEOS, laquelle a son siège à Montpellier (Cap Oméga, rond point Benjamin FRANKLIN) et une activité comparable à celle de la société NESS, soit l'ingénierie, la maintenance et la distribution de tout matériel électronique et de toute technologie liée à l'information et à la communication.

Il résulte de deux rapports d'enquête établis les 27 septembre et 23 décembre 2004 par l'agence de détective privé AFID que monsieur X... s'est rendu régulièrement courant septembre et décembre 2004 dans les locaux de la société INNEOS où se trouvaient employés d'anciens salariés de la société NESS, dont l'un (Eric B...) en est également le PDG ; un procès-verbal de constat dressé les 17 décembre 2004, 3 et 4 janvier 2005 par maître C..., huissier de justice, dans les locaux de cette société, en exécution d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Montpellier en date du 30 novembre 2004, relève, d'ailleurs, la présence, sur un ordinateur déclaré « station commune M2 » muni de deux moniteurs, d'un répertoire « documents and setting », comportant une session dénommée Gce (Grégory X...) ; interrogé par l'huissier sur les relations entretenus par monsieur X... avec la société INNEOS, son PDG a déclaré : « monsieur X... n'est pas employé de la société INNEOS mais il lui arrive de rejoindre les locaux de la société dans le cadre de son emploi auprès de la société QUIETUDE, basée à la Rochelle, pour les besoins de l'étude d'un projet commun à cette société et à la société INNEOS, à savoir le projet du domaine d'Aiffres (79) ; il est chargé de procéder au développement de ce projet ; il est absent ce jour et n'a pas rejoint les lieux depuis plusieurs jours ».

Les éléments ainsi fournis sont de nature à établir qu'immédiatement après la cessation de son contrat de travail, monsieur X..., sous couvert d'un CDD conclu avec une société QUIETUDE, a travaillé de fait pour le compte de la société INNEOS, composée d'anciens salariés de la société NESS et exerçant une activité directement concurrentielle à celle de cette société, en violation de son obligation contractuelle de non-concurrence.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné monsieur X... à rembourser à la société NESS la somme de 48 976,56 euros réglée au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, sous déduction des fonds versés entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Montpellier, désigné comme séquestre.

Monsieur X... n'établit pas en quoi le montant de l'évaluation forfaitaire des dommages et intérêts dus contractuellement en cas de violation de la clause de non-concurrence serait excessive eu égard au préjudice effectivement subi par la société NESS ; dès lors, le jugement entrepris doit être également confirmé en ce qu'il a condamné monsieur X... au paiement de la somme de 12 244,14 euros, égale à six mois de salaire, au titre de la clause pénale.

L'article 6 de l'avenant du 12 juin 2002 fait, par ailleurs, interdiction au salarié de diffuser, sans autorisation, les éléments de programmes informatiques réalisés pour la société NESS ; il est stipulé que monsieur X... est soumis à une obligation stricte de confidentialité qui s'étendra un an au-delà de (la cessation de) ses fonctions et que toute violation est susceptible de la présentation immédiate d'un mémoire de remboursement du préjudice causé qu'il devra payer dés que des éléments tangibles de preuve de copie du système partiel ou total seront présentés par la société (sic).

En l'occurrence, il ressort des constatations faites les 3 et 4 janvier 2005 par maître C..., huissier de justice, que :
-l'examen des copies des disques durs prélevés dans les locaux de la société INNEOS révèle la présence de noms de clients et de prospects, communs avec la société NESS,
-les données informatiques communiquées par la société NESS font état dans un sous répertoire « REV 0 », d'un répertoire « 8611-ENS Cachan » de 19 fichiers en tous points identiques en références, tailles, poids à celui trouvé dans l'ordinateur commun d'INNEOS sous « base Project »,
-la visite des disques durs copiés au sein de la société INNEOS fait apparaître l'utilisation d'un « deviseur » tiré du logiciel GENERIC GENESYS, comparable à celui acquis en avril 2004 par la société NESS, soit trois mois avant l'acquisition par la société INNEOS de son propre logiciel.

Pour autant, ces constatations ne sont pas à elles seules suffisantes à prouver que l'utilisation de programmes informatiques identiques à ceux de la société NESS puisse être imputée à monsieur X..., nonobstant les fonctions de responsable informatique qu'il avait occupées au sein de cette société ; l'existence d'une violation caractérisée de son obligation contractuelle de confidentialité ne se trouve pas en conséquence établie.

Le jugement entrepris qui a débouté la société NESS de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef ne peut dès lors qu'être confirmé ; il convient d'ajouter que pour chiffrer son préjudice, la société NESS se borne à communiquer le courrier d'une société XYSTEM en date du 12 janvier 2005 faisant état, pour un coût de 50 162,00 euros HT hors matériel, de travaux de mise à niveau et de fiabilisation (sic) de la plate-forme informatique, travaux qui auraient été, selon elle, nécessaires pour remédier au grand désordre (laissé par monsieur X...) au niveau des systèmes informatiques.

3. les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Monsieur X... qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de la société NESS, des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Au fond, confirme dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier en date du 15 janvier 2007,

Condamne monsieur X... aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de la société NESS, des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 06/00073
Date de la décision : 28/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-28;06.00073 ?
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