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06/11/2007 | FRANCE | N°2003/848

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 06 novembre 2007, 2003/848


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 05405

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2004
TRIBUNAL DE COMMERCE DE CARCASSONNE
No RG 2003 / 848

APPELANT :

Maître Geneviève X..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de LES AMBASSADEURS DU LANGUEDOC, domiciliée en cette qualité

...

11004 CARCASSONNE CEDEX
représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assisté de la SCP B

AUDET-AUPIN, avocats au barreau de CARCASSONNE

INTIME :

Monsieur Hélian Y...

né le 01 Avril 1964 à CARCASSONNE (11000)
d...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 05405

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2004
TRIBUNAL DE COMMERCE DE CARCASSONNE
No RG 2003 / 848

APPELANT :

Maître Geneviève X..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de LES AMBASSADEURS DU LANGUEDOC, domiciliée en cette qualité

...

11004 CARCASSONNE CEDEX
représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assisté de la SCP BAUDET-AUPIN, avocats au barreau de CARCASSONNE

INTIME :

Monsieur Hélian Y...

né le 01 Avril 1964 à CARCASSONNE (11000)
de nationalité Française

...

11300 LIMOUX
représenté par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 1er Octobre 2007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2007, en audience publique, Mr Guy SCHMITT, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

M. Guy SCHMITT, Président
Madame Annie PLANTARD, Conseiller
Mme Noële-France DEBUISSY, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle Colette ROBIN

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

-contradictoire.

-prononcé publiquement par M. Guy SCHMITT, Président.

-signé par M. Guy SCHMITT, Président, et par Melle Colette ROBIN, Greffier présent lors du prononcé.

***

Le 13 octobre 1997 une société holding dénommée " Groupe Sud Investissement " avec pour gérant Frédéric Z... a été créée pour assurer la gestion administrative et financière de ses filiales :
-la Société Paul OLIVIER créée le 1er mars 1997 avec pour gérant Frédéric Z...

-la Société Languedoc Roussillon Promotion et
-la Société les Ambassadeurs de Languedoc créée le 4 avril 1997 celles-ci avec pour gérant Helian Y..., neveu de Frédéric Z....
Les trois filiales avaient pour fonction le négoce de vin.

***

Par jugement du 9 octobre 2002, la Société Paul OLIVIER a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, la liquidation judiciaire intervenant le 8 janvier 2003. Le mandataire liquidateur, Me X... a fait assigner la Société Languedoc Roussillon Promotion puis la Société Groupe Sud Investissement en extension de la liquidation judiciaire, sur le fondement de l'article L. 621-5 du Code de Commerce.
Ensuite en qualité de liquidateur de la Société les Ambassadeurs du Languedoc, Me X... a fait assigner Helian Y... gérant de cette société, en extension de cette procédure, toujours en application de l'article L. 624-5 du Code de Commerce.
Par jugement commun du 15 décembre 2004, le Tribunal de Commerce de CARCASSONNE a :

-débouté Me X..., ès qualité de liquidateur de la Société Paul OLIVIER, de sa demande en extension de la liquidation judiciaire de cette société à l'égard de la Société Groupe Sud Investissement et de la Société Languedoc Roussillon Promotion, sur le fondement de l'article L 624-5 du Code de Commerce dans sa version de la loi du 25 janvier 1985
-condamné Helian Y... à payer à Me X..., ès qualités, la somme de 23 762. 04 euros, sur le fondement de l'article L 624-3 du Code de Commerce dans la même version.
Me X... ès qualité, a relevé appel de cette décision le 10 janvier 2005. La procédure a fait l'objet d'une disjonction en trois dossiers. L'un porte sur l'appel contre la Société Languedoc Roussillon Promotion, l'autre contre la Société Groupe Investissement et le troisième contre Helian Y....
La présente procédure concerne Helian Y....

***

Me X... rappelle que par acte du 17 mars 2003, à l'issue de la procédure de redressement judiciaire pris de la liquidation judiciaire de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc (jugements des 30 octobre 2002 et 11 décembre 2002), elle a fait assigner Helian Y... gérant de cette société devant le Tribunal de Commerce de CARCASSONNE pour voir prononcer sa liquidation judiciaire (article L 624-5 du Code de Commerce) ou subsidiairement pour voir Helian Y... condamné à lui payer ès qualités la somme de 237 620. 37 euros correspondant aux dettes de la société avec intérêts aux taux légal à compter de l'assignation et ceci en application de l'article L 624-3 du Code de Commerce.
Me X... fait observer que les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 sont entrées en vigueur et qu'il convient de réexaminer la situation au regard de celles-ci, applicables aux procédures en cours au 1er janvier 2006.
Au regard de l'article L 652-1 nouveau du Code de Commerce qui permet aux juges de mettre à la charge de l'un des dirigeants de la société, tout ou partie de la dette de celle-ci lorsqu'il est établie des fautes de la part de ce dirigeant ayant contribué à la cessation des paiements, Me X... soutient :
-qu'Helian Y... a poursuivi de manière abusive et dans un intérêt personnel, l'exploitation déficitaire de la société
-que la société n'a eu pour but que d'alimenter la société Groupe Sud Investissement par des " redevances administratives " inexpliquées et très substantielles,
-qu'Helian Y... n'a donné aucune explication quant aux dépenses de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc matérialisées au bilan par les postes " autres achats externes " et " charges expertes ".
-que des règlements opérés en espèces au profit de la société n'étaient pas comptabilisés.
-que la comptabilité n'a pas été tenue au cours de deux exercices..

Subsidiairement Me X... réclame la confirmation de la décision dont appel du moins en son principe mais sur le fondement de l'article L 651-2 nouveau du Code de Commerce qui vise les fautes de gestion des dirigeants qui ont entraîné l'insuffisance d'actif de la société. A ce titre comme au principal, Me X... ne réclame pas le dixième du montant du passif constaté mais le tout, soit 237 620. 37 euros.
Me X... réclame encore 5 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

***

Helian Y... répond que le début d'activité de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc a été difficile en 1997 en raison même de son objet qui était la promotion du vin du terroir auprès des restaurateurs, cavistes, comités d'entreprise, collectivités, etc. Ceci nécessitait des investissements important en matériel et personnel.
Il était le gérant non rémunéré de la société. Jérôme Z... était responsable des ventes et quatre salariés VRP se partageaient la prospection du secteur visé.
Jérôme Z... est décédé accidentellement le 20 août 1997 et lui-même a été brûlé par contact d'un échaffaudage déplacé avec une ligne électrique. C'est ainsi qu'il explique le début des difficultés financières.
Lors du premier exercice la marge brute de 18. 84 % s'est révélée insuffisante pour couvrir l'ensemble des charges mais lors des exercices suivants elle a progressé jusqu'à atteindre 58. 69 %. Dans le même temps les pertes diminuaient. Ceci montre ses efforts dit-il malgré une dette toujours importante, conséquence de la crise viticole des années 1999-2000.
Il s'est séparé d'une partie de son personnel pour réduire les charges.
Quant aux redevances suspectées part Me X..., il s'agissait de frais de gestion, quote part de loyers dus par la SARL à la Société Groupe Sud Investissement.
La comptabilité était tenue par le cabinet KPMG Fiduciaire de France et si les bilans des années 2001 et 2002 n'ont pas été établis, c'est parce que la SARL n'avait pas les moyens de régler les honoraires du cabinet comptable.
Aucune défaillance ne peut donc lui être reprochée au titre de l'article L 652-1 du Code de Commerce soutient-il.
Quant au subsidiaire fondé sur l'article L 651-2 du même code par Me X... il ne peut y être fait droit parce qu'aucun comportement frauduleux, aucune faute suffisamment grave ne peuvent lui être reprochés.
Subsidiairement si des fautes de gestion devaient lui être reprochées il conviendrait de ne mettre à sa charge qu'un cinquième de la somme représentant la dette de la SARL soit 11 881. 02 euros.
Il réclame en tout état de cause 2 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

***

Monsieur le Procureur général a eu communication de la procédure le 13 septembre 2007 mais n'a pas conclu.

***

Sur ce :
Du fait de la loi no 2005-845 du 26 juillet 2005 dite loi de sauvegarde des entreprises, du fait de la procédure engagée par Me X... contre Helian Y... le 17 mars 2003, en raison des dispositions de la loi nouvelle applicable aux procédures en cours à compter du 1er janvier 2006, sont effectivement applicables comme le demande Me X..., les dispositions nouvelles relatives à la responsabilité pour insuffisance d'actif et à l'obligation aux dettes sociables régies par les dispositions des articles L 651-1 à L 651-5 à l'exception de l'article L 651-2 du nouveau du Code de Commerce.

A l'article L 624-3 ancien de ce code s'est substitué l'article L 651-2 (responsabilité pour insuffisance d'actif) et à l'article L 624-5 s'est substitué l'article L 652-1 (obligation aux dettes sociales).
Le Tribunal a écarté l'application de l'article L 624-5 en considérant que la création quasi concomitante des quatre sociétés, les liens de parenté entre les consorts Z... et Y..., le contrôle du capital et l'identité des sièges sociaux ne devaient pas être considérés en eux-mêmes comme des éléments quantativement suffisants pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire contre le dirigeant. Le Tribunal a porté la même appréciation quant aux " redevances administratives " et loyer malgré l'importance des pertes.
Par contre le Tribunal a retenu les fautes de gestion de la part d'Helian Y... : absence de comptabilité régulière, paiements en espèces sans passation d'écritures pour mettre à la charge de celui-ci le dixième de la somme représentative de la dette de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc.

Avec l'application de la loi nouvelle, la mise en liquidation judiciaire du dirigeant n'est plus possible mais la mise à la charge de tout ou partie des dettes de la société peuvent être mis à la charge de celui-ci en cas de fautes énumérées à l'article L 652-1 nouveau du Code de Commerce.
Or à cet égard deux de ces fautes apparaissent avoir été commises par Helian Y... :
-avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé,
-avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.
Il ne s'agit pas là de fautes de gestion mais d'actes délibérés de la part d'Helian Y... parfaitement décrits par Me X... et appuyés par des pièces comptables, bilans, comptes annuels, rapport sur la SARL les Ambassadeurs du Languedoc au juge commissaire d'où il ressort que les dettes les plus importantes et non justifiées par des pièces probantes sont comme par hasard les dettes à l'égard de la Société Languedoc Roussillon Promotion et de la SARL Paul OLIVIER.

Helian Y... évoque le malheur qui a frappé Jérôme Z... à l'issue de l'accident au cours duquel il a lui-même été brûlé. Mais ce drame s'est produit moins de cinq mois après la création de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc et non à un moment où cette société aurait été en pleine croissance.
Dès la première année d'exploitation le résultat a en réalité été négatif de 73 171. 10 euros. Il en a été de même la seconde année pour un montant de 41 179. 07 euros.
Le dernier bilan produit a encore fait ressortir un déficit de 2 173. 16 euros.
Ainsi que l'a souligné Me X... depuis le début de son activité, la SARL les Ambassadeurs du Languedoc n'a fonctionné qu'artificiellement.
Cette société écran avait manifestement pour but d'alimenter la Société Groupe Sud Investissement dont le siège était à la même adresse et à laquelle elle versait des " redevances administratives " dont Helian Y... qui ne conteste pas les redevances qui ont pu être versées à cette société est incapable de prouver ce à quoi elles correspondaient.
Il a produit les factures ayant trait à ces redevances. Mais elles n'ont aucun caractère probant puisqu'y est simplement mentionné l'existence de prétendues redevances administratives sans plus de précisions, sans qu'Helian Y... ne précise à quoi correspondaient véritablement les sommes substantielles qui étaient versées à la Société Groupe Sud Investissement.
Au delà sur une période correspondant à la première année d'exploitation, la marge brute de 18. 84 % ne pouvait permettre en aucun cas de couvrir les charges élevées de l'entreprise et précisément les redevances qui étaient payées à la SARL Groupe Sud Investissement dans laquelle il ne saurait être oublié, Helian Y... était associé.
Au second exercice ainsi que le fait observer Me X... et malgré une amélioration sensible de la marge brute passée à 46. 44 % au 31 décembre 1999, la perte enregistrée s'est élevée à 36 244. 79 euros rendant les fonds propres négatifs de 106 727. 73 euros.
Cette situation a conduit la SARL les Ambassadeurs du Languedoc à cumuler au 31 décembre 1999 un compte fournisseur sans aucun stock soit 143 031. 63 euros ce qui montre le caractère totalement artificiel du montage imaginé.
En 2000 même si la marge brute s'est élevée à 58. 69 % le chiffre d'affaires s'est effondré de moitié par rapport à l'exercice précédent avec une perte certes limitée à 2 173. 16 euros mais avec un total de dettes représentant 156 052. 30 euros.
Ceci prouve très concrètement que dès le début de l'activité la situation de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc était irrémédiablement compromise ce qui aurait dû logiquement conduire le gérant au dépôt de bilan, ce que celui-ci n'a pas fait, tirant durant le même temps profit de la Société Groupe Sud Investissement qui percevait les " redevances " dont la nature n'est toujours pas expliquée.
La lecture du bilan de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc révèle des " achats externes " et " charges externes " qu'Hélian Y... est bien en mal de caractériser.
Me X... produit encore des pièces qui révèle que des règlements faits en espèces à la société n'étaient pas comptabilisés. La comptabilité n'a d'ailleurs pas été établie après le 31 décembre 2000, ce qu'Helian Y... explique par l'argument habituellement utilisé en mêmes circonstances soit le manque de liquidités pour payer l'expert comptable, ce qui, la première année au moins de cette défaillance, devait l'alarmer encore un peu plus sur la précarité financière de la société qu'il dirigeait.
Hélian Y... a manifestement commis les fautes énumérées aux paragraphes 3 et 4 de l'article L 652-1 nouveau du Code de Commerce. A ce titre puisque la société ne dépendait que de ses agissements convient-il de mettre à sa charge la totalité de la dette de la Société les Ambassadeurs du Languedoc soit la somme de 237 620. 37 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation.
En application de l'article 700 du Nouveau du Code de Procédure Civile, il versera la somme de 2 000 euros à Me X... ès qualité de liquidateur de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc en sus de ceux alloués à cette dernière en première instance.
Succombant, il sera condamné aux entiers dépens, ce qui le prive du bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

-reçoit en la forme l'appel interjeté,

-le dit bien fondé,

-faisant application de la loi nouvelle de sauvegarde des entreprises, article L 652-2 nouveau du Code de Commerce applicable aux procédures en cours au 1er janvier 2006,

-réforme le jugement attaqué sauf en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-condamne Hélian Y... à payer à Me X... ès qualité de liquidateur de la SARL les Ambassadeurs du Languedoc la somme de 237 620. 37 euros correspondant aux dettes de la société avec intérêts aux taux légal à compter du 17 mars 2003,

-le condamne de la même façon à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance qui est confirmée,

-le déclare irrecevable en cette demande,

-le condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 2003/848
Date de la décision : 06/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Carcassonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-06;2003.848 ?
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