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06/11/2007 | FRANCE | N°06/5031

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0050, 06 novembre 2007, 06/5031


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO2
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 05031
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUIN 2006 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 03 / 139

APPELANTE :
Madame Claudine X... veuve Y... née le 29 Avril 1944 à MONTPELLIER (34000) de nationalité Française ... 34400 VERARGUES représentée par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Pierre AMIEL de la SCP ALCADE, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :
DIRECTI

ON DES SERVICES FISCAUX DE L'HERAULT, prise en la personne de son représentant légal, domicilié...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO2
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 05031
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUIN 2006 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 03 / 139

APPELANTE :
Madame Claudine X... veuve Y... née le 29 Avril 1944 à MONTPELLIER (34000) de nationalité Française ... 34400 VERARGUES représentée par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Pierre AMIEL de la SCP ALCADE, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :
DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE L'HERAULT, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social Centre Administratif Chaptal 34953 MONTPELLIER CEDEX 2 représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour représentée par Madame Sylvie B..., Inspectrice remplaçant Madame Christine A....

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 01 Octobre 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2007, en audience publique, Mme Sylviane SANZ ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
M. Christian TOULZA, Président M. Claude ANDRIEUX, Conseiller Madame Sylviane SANZ, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Myriam RUBINI
ARRET :
-contradictoire.
-prononcé publiquement par M. Christian TOULZA, Président.
-signé par M. Christian TOULZA, Président, et par Mr Dominique SANTONJA, greffier, présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE :
Suite au décès de Monsieur Louis Y... survenu en Tanzanie le 25 novembre 1999, sa succession n'a pas été déclarée au 27 novembre 2000, date d'expiration du délai d'un an prévu à l'article 641 du Code Général des Impôts, mais le 30 mars 2001.
Par courrier en date du 17 mai 2001 la recette des impôts de Lunel a indiqué à Madame X... veuve Y... que les droits mis à sa charge au titre de la succession de son mari seraient assortis d'un intérêt de retard au taux de 0. 75 % par mois et d'une majoration de 10 % prévue en cas de dépôt au delà du début du treizième mois suivant celui du décès.
La recette a en outre attiré l'attention de l'intéressée sur la solidarité entre co-héritiers prévue par l'article 1709 du Code Général des Impôts.
Les héritiers contestent l'application par l'administration fiscale de l'intérêt de retard au taux de 0. 75 % par mois contraire selon eux à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, et de la majoration de 10 %, en invoquant la complexité de la situation des ayants droits de Louis Y....
Le premier juge les a déboutés en retenant que l'intérêt de retard ne constituait pas une pénalité, qu'il n'avait pas à se prononcer sur le principe et le taux de l'intérêt de retard, et a exercé un pouvoir de modération ou de modulation à son égard ; en revanche si la majoration de 10 % constitue une pénalité éventuellement modulable, les héritiers qui n'ont pas déposé la déclaration de succession provisoire ni versé un acompte dans le délai légal sur les droits dus, ne justifient d'aucune circonstance justifiant de la réduction de la sanction.
Madame Claudine X... veuve Y... a régulièrement interjeté appel de la décision et invoque l'arrêt du 24 février 1994 de la Cour Européenne des Droits de l'Homme au terme duquel les intérêts de retard sont des sanctions fiscales à caractère pénal, ce qui a été admis par le Conseil d'État ; ces intérêts de retard sont selon elle contraires à l'article 6. 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme consacrant le droit à un procès équitable ; ils sont également contraires à l'article 14 de la Convention et à l'article 1 du Protocole additionnel comme constituant une discrimination, dans la mesure où il existe un écart considérable entre le taux d'intérêt de retard mis à charge du contribuable débiteur (9 % l'an), et celui auquel l'État est tenu lors de remboursement de dettes à l'égard du contribuable (2. 74 % l'an en 2000).
Elle ajoute concernant le retard de la déclaration de succession, qu'elle explique par la complexité de la situation des héritiers de Louis Y....
Elle demande condamnation de l'administration fiscale à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
L'administration des impôts représentée par le directeur des services fiscaux conclut à la confirmation de la décision déférée et y ajoutant sollicite condamnation de l'appelante à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS :
-Sur l'intérêt de retard :
Si la Cour Européenne des Droits de l'Homme par arrêt en date du 24 février 1994 a déduit que les sanctions fiscales sont assimilables à une accusation en matière pénale en fonction de quatre éléments entraînant l'application de l'article 6. 1 de la Convention, la Cour de Cassation a analysé l'intérêt de retard comme la réparation d'un préjudice distinct d'autres préjudices qui peuvent être éprouvés par le trésor à raison de différentes circonstances.
Le Conseil d'État a également retenu que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du Code Général des Impôts était dû indépendamment de toute sanction, ce qui exclut toute appréciation.
Ainsi l'intérêt de retard est considéré comme une dette visant à réparer le préjudice financier de l'Etat du fait du non respect par le contribuable de son obligation de déclarer et de payer les sommes dues aux dates légales.
Le caractère automatique et forfaitaire ne modifie pas la nature juridique de l'intérêt de retard dont il n'est pas démontré qu'il est excessif au regard du taux légal retenu, dans la mesure où il est inférieur au taux effectif des découverts bancaires pratiqués pour les particuliers, et au taux de l'usure, l'intérêt de retard ne pouvant en tout état de cause être comparé à l'intérêt d'un prêt souscrit par un particulier avec un établissement financier, ne s'agissant pas de la rémunération d'un service.
Dés lors il s'ensuit que les dispositions de l'article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme selon lesquelles toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera soit des contestations de caractère civil soit du bien fondé de toute demande en matière pénale, ne sont pas applicables à l'intérêt de retard.
Par ailleurs les dispositions de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme relatives au principe de non-discrimination et de l'article 1 du Protocole additionnel relatif au principe du respect des biens n'ont pas davantage vocation à s'appliquer en l'espèce ; en effet selon la Cour de Cassation et le Conseil d'État ces dispositions sont sans portée dans les rapports institués entre l'État et les contribuables à l'occasion de l'établissement ou de recouvrement de l'impôt.
Ainsi il y a lieu de confirmer le jugement déféré, le juge n'ayant pas à se prononcer sur le principe et le taux de l'intérêt de retard et en particulier à exercer un pouvoir de modération ou de modulation à cet égard.
-Sur la majoration de 10 % :
Il résulte des dispositions de l'article 641 du Code Général des Impôts, que les délais pour l'enregistrement des déclarations de succession sont de six mois à compter du jour du décès lorsque celui dont on recueille la succession est décédé en France métropolitaine et d'une année dans les autres cas.
Il est constant que Monsieur Y... est décédé en Tanzanie le 25 novembre 1999, que la déclaration de succession devait en conséquence être déposée dans le délai d'un an à compter de son décès soit jusqu'au 25 novembre 2000.
Il n'est pas discuté que la déclaration de succession a été déposée le 30 mars 2001 après que l'administration ait adressé le 2 janvier 2001 aux héritiers une mise en demeure de déposer la dite déclaration.
L'article 1728 du Code Général des Impôts dispose que le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %.
L'article 1728a précise que le taux de 40 % prévu au 3 de l'article 1728 s'applique lorsque cette déclaration n'a pas été déposée dans les quatre-vingt dix jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à produire dans ce délai.
Il n'est pas contesté que la déclaration de succession a été déposée moins de quatre-vingt dix jours après réception de la mise en demeure.
Dés lors la pénalité de 10 % ayant un but à la fois répressif et dissuasif, le juge judiciaire dispose d'un pouvoir de moduler le montant de cette pénalité, qui présente la nature d'une simple sanction pénale à l'égard de laquelle les dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sont applicables.
En l'espèce les héritiers Y... invoquent les difficultés rencontrées par la succession du fait de la complexité du dossier, de la présence d'enfants nés de deux unions, du contentieux existant entre eux au sujet de l'administration des parts sociales qui ont conduit à la désignation d'un mandataire judiciaire par ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Montpellier en date du 11 mai 2000.
Or il y lieu de constater que ces événements extérieurs à leur volonté, exposés par les consorts Y... s'appuyant sur le rapport du cabinet LEFEBVRE du 24 novembre 2000, qui indique les difficultés rencontrées pour recueillir les informations concernant les différentes sociétés Y..., n'empêchaient pas les ayants droits de déposer une déclaration de succession provisoire et de verser un acompte dans le délai légal compte tenu des droits élevés.
Ainsi l'absence de diligence des appelants auprès de l'administration fiscale ne permet pas de faire droit à la demande de réduction de la sanction.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant publiquement
Confirme dans toute ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Montpellier rendu le 6 juin 2006,
Y ajoutant,
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Madame X... veuve Y... aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0050
Numéro d'arrêt : 06/5031
Date de la décision : 06/11/2007

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Intérêt de retard - / JDF

Il n'appartient pas au juge de se prononcer sur le principe et le taux de l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du code général des impôts et en particulier d'exercer un pouvoir de modération ou de modulation à cet égard, dans la mesure où cet intérêt vise à réparer le préjudice financier de l'Etat du fait du non respect par le contribuable de son obligation de déclarer et de payer les sommes dues aux dates légales, et où le caractère automatique et forfaitaire ne modifie pas la nature juridique de l'intérêt de retard


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montpellier, 06 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2007-11-06;06.5031 ?
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