SLS/PDH/AP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 03 OCTOBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00621
Arrêt no :
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 JANVIER 2007 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT - No RG 20401027
APPELANTE :
CAISSE D'EPARGNE DU LANGUEDOC ROUSSILLON
prise en la personne de son représentant légal
254, rue Michel Teule
34184 MONTPELLIER CEDEX 4
Représentant : Me Sophie .DECHELETTE-ROY (avocat au barreau de LYON)
INTIMEES :
ORGANIC RECOUVREMENT
Route des Dolines
06913 SOPHIA ANTIPOLIS CEDEX
Représentant : Me Regis .WAQUET (avocat au barreau de NANTERRE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 SEPTEMBRE 2007, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Sophie LE SQUER, Greffier
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 03 OCTOBRE 2007 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.
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Par courrier du 26 février 2004, la Caisse Nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales ( ORGANIC RECOUVREMENT) a demandé à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon, de régulariser sa situation au regard de la contribution sociale de solidarité pour les années 2001, 2002 et 2003, au motif que la dite caisse d'épargne avait modifié ses statuts pour se transformer en société anonyme à forme coopérative à compter du 2 février 2000et qu'elle ne pouvait plus prétendre à la réfaction d'assiette instituée par l'article L.651-3 alinéa 8 du Code de la Sécurité Sociale.
Par lettre recommandée du 15 avril 2004, reçue le 16 avril suivant la CAISSE ORGANIC RECOUVREMENT a notifié à la CAISSE D'EPARGNE du LANGUEDOC ROUSSILLON une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 615.999, 78 € au titre des contributions restant dues et des majorations de retard pour les années 2001, 2002 et 2003.
Après avoir procédé au règlement de cette somme, la CAISSE D'EPARGNE a, d'une part sollicité et obtenu le remise gracieuse des majorations de retard ( 126.202 €), et d'autre part saisi le 14 juin 2004, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Hérault pour lui demander d'annuler la mise en demeure, de dire que le contribution sociale de solidarité exigible en 2001, visée par la mise en demeure est atteinte par la prescription et de dire mal fondée la demande en recouvrement de la somme principale de 615.999, 78 €.
Par jugement du 16 janvier 2007, la juridiction saisie a dit que les sommes réclamées par la CAISSE NATIONALE DE REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS ( RSI) venant aux droit D'ORGANIC RECOUVEMENT , au titre de l'année 2001, n'étaient pas prescrits, et a rejeté le recours formé par la CAISSE D'EPARGNE.
LA CAISSE D'EPARGNE DU LANGUEDOC ROUSSILLON a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
L'appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que la contribution sociale de solidarité exigible au 1er mars 2001
visée dans la mise en demeure adressée le 15 avril 2004 est prescrite, de juger que ORGANIC RECOUVREMENT est mal fondé à la demande de recouvrement de la somme de 489.797, 78 € de condamner cet organisme à lui rembourser cette somme avec intérêts légaux, subsidiairement de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des dispositions de la Première Directive 67-277 CEE du 11 avril 1967, sollicitant en tout état de cause le paiement d'une somme de 4000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Caisse Nationale du régime social des indépendants, venant aux droits de la Caisse Nationale de l'organisation autonome d'assurances vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales " ORGANIC RECOUVREMENT" conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'octroi d' une somme de 4500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens respectifs des parties, les dits moyens étant détaillés dans le corps de la discussion, il est fait expressément référence au jugement déféré, et aux conclusions écrites des parties que celles-ci ont reprises oralement à l'audience, après les avoir déposées au Greffe le 10 août 2007 par l'appelante et le 24 août 2007 pour l'intimée.
SUR CE, LA COUR,
1) Sur la prescription
La CAISSE D'EPARGNE soutient, sur le fondement de l'article L.244-3 alinéa 1 du Code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2003-1199 du 18 décembre 2003, que la mise en recouvrement de la contribution sociale de solidarité engagée par ORGANIC RECOUVREMENT le 15 avril 2004 était prescrite à cette date, dans la mesure où cette contribution était exigible au 1er mars 2001 et qu'il résulte des dispositions qu'elle invoque que l'avertissement ou la mise en demeure ne peut que concerné les "cotisations exigibles dans les trois années qui précédent leur envoi" .
Toutefois, l'article L.244-3 alinéa 1 du Code de la Sécurité Sociale applicable en la cause en vertu de l'article L.651-7 du même code a été modifié par la loi no 2003-1199 du 18 décembre 2003 entrée en vigueur le 20 décembre suivant, et dispose que " l'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civile qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi".
Les nouvelles dispositions légales s'appliquent aux situations existant dès leur entrée en vigueur, à condition que le délai de prescription ne soit pas acquis en vertu de la loi ancienne.
A la date d'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2003, soit le 20 décembre suivant, le délai de prescription prévu par l'article L.244-3 du Code de la Sécurité Social dans sa rédaction antérieure à la loi nouvelle, n'était pas acquis à la CAISSE D'EPARGNE, compte tenu de la date limite d'exigibilité de la contribution.
Dès lors, la date d'exigibilité de la contribution sociale de solidarité 2001 étant le 15 avril 2001, l'Organic Recouvrement pouvait en application de la loi nouvelle, engagé la mise en recouvrement jusqu'au 31 décembre 2004, de sorte que le moyen soulevé par la Caisse d'Epargne a été justement écarté par le premier juge, la mise en demeure ayant été adressée par lettre recommandée du 15 avril 2004.
Sur le fond
La Caisse d'Epargne soutient tout d'abord que le premier juge a fait une lecture inexacte des dispositions légales qui ne sont pas claires ainsi qu'une interprétation erronée de la volonté du législateur lequel dès 1995 a souhaité étendre le champ d'application de l'exonération au titre du chiffre d'affaires correspondant à des opérations de centralisation des ressources financières pour éliminer les doubles impositions au sein de l'ensemble des réseaux bancaires mutualistes ou coopératifs, l'article L.651-3 alinéa 8 du Code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction issue de la loi no 2004 1370 du 20 décembre 2004 supprimant le renvoi au 9o de l'article L.651-1 du dit code pour clarifier les dispositions légales antérieures, et ce quelle que soit l'évolution de la forme juridique des organismes concernés tels la Caisse d' Epargne. Elle ajoute que malgré sa transformation imposée par la loi du 25 juin 1999, en société coopérative à forme anonyme, elle conserve son statut spécifique coopératif de sorte qu'elle ne peut être considéré comme visée par l'article le 1o de l'article L.651-1 du Code de la Sécurité Sociale.
Aux termes de l'article L651-1 du Code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction issu de la loi du 4 août 1995" il est institué .....une contribution sociale de solidarité à la charge :
1o des sociétés anonymes "et des sociétés par actions simplifiées"
( loi 30 décembre 1995)
2o des sociétés à responsabilité limitée
3o des sociétés en commandite
4o des entreprises publiques et sociétés nationales...
5o des personnes morales dont le siège est situé hors du territoire de la France...
6o des sociétés en nom collectif
7o des groupements d'intérêt économique
8o des groupements européens d'intérêt économique
9o des organismes non visées aux 1o à 8o qui entrent dans le champ d'application de la contribution des institutions financières prévues à l'article 235 ter Y du Code général des Impôts;
10o des sociétés ou organismes non visés aux 1o à 9o qui sont régis par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, à l'exception de ceux visés par le Code Rural...."
Aux termes des dispositions de l'article L.651-3 alinéa 8 du même code, etlt;etlt; pour les redevables visés au 9o de l'article L.651-1 affiliés à l'un des organes centraux mentionnés à l'article 20 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, la part du chiffre d'affaires correspondant à des intérêts reçus à raison d'opérations de centralisation, à l'échelon régional ou national, de leurs ressources financières, n'est pas soumise à la contribution dans la limite du montant des intérêts servis en contrepartie de ces mêmes opérations.etgt;etgt;
Le premier juge a exactement retenu qu'il résulte de la combinaison des dispositions sus rappelées, lesquelles sont claires et non sujets à interprétation, que les redevables pouvant bénéficier de la réduction d'assiette prévue par l'alinéa 8 de l'article 651-3 du Code de la Sécurité Sociale, sont ceux qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
-ne pas être visés aux 1o à 8o de l'article L.651-1 du Code de la Sécurité Sociale
- entrer dans le champ d'application de la contribution des institutions financières
- être affilié à l'un des organes centraux mentionnés à l'article 20 de la loi du 24 janvier 1984.
En l'espèce, la Caisse d' Epargne du Languedoc Roussillon, précédemment constituée en société civile coopérative, s'est transformée à compter du 2 février 2000, en société anonyme, relevant à la fois des dispositions de la loi du 10 septembre 1947 sur les sociétés coopératives et de celles de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Dès lors, depuis ce changement de forme, la Caisse d'Epargne relève du 1o de l'article 651-1 du Code de la Sécurité Sociale et non plus du 9o du même article, et ne remplit plus l'une des conditions cumulatives permettant de bénéficier de la réduction d'assiette instituée par le 8ème alinéa de l'article L.651-3 du dit code, réduction dont elle bénéficiait avant son changement de statut en qualité d'institution financière visé à l'article 651-1 - 9o du Code et non en raison de sa forme coopérative.
Par ailleurs, en supprimant dans l'article L.651-3 du Code de la Sécurité Sociale la référence au 9o de l'article L.651-1 du même code l'article 8 de la loi du 20 décembre 2004, qui précise que ses dispositions entreront en vigueur pour la contribution due à compter du 1er janvier 2005, a permis aux établissements financiers ayant la forme de sociétés anonymes de bénéficier du droit à la déduction dont ils étaient exclus par la législation applicable de sorte que cette nouvelle disposition ne présente pas un caractère interprétatif.
En deuxième lieu, l'appelante soutient que le refus de lui accorder le bénéfice de l'alinéa 8 de l'article L.651-3 du Code de la Sécurité Sociale conduit à une double imposition contraire aux dispositions de l'article 1 du protocole additionnel à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Cependant, il ne résulte pas de la loi no 95-885 du 4 août 1995 et de la loi no 95-1346 du 30 décembre 1995, la double imposition d'une même personne morale.
En dernier lieu, la Caisse d'Epargne soutient que la contribution sociale de solidarité des sociétés est non conforme aux dispositions de la première directive 67-227 CEE du Conseil du 11 avril 1967, en faisant valoir :
- que pour parvenir à une harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, en éliminant les différentes impositions susceptibles de fausser la concurrence et d'entraver les échanges, cette directive a retenu le principe d'interdiction des taxes cumulatives à cascade et l'adoption par les états membres d'un système commun de taxe sur la valeur ajoutée, seule imposition permettant de garantir la neutralité du système commun
- qu'une taxe cumulative à cascade se définit comme une taxe qui grève la totalité du prix d'un bien ou d'un service, à chaque stade du circuit de production ou de distribution, sans déduction possible de la taxe acquittée au stade antérieur
- que la contribution sociale de solidarité telle que ORGANIC RECOUVREMENT entend l'appliquer, aboutit à une double taxation de cette nature en ce qu'elle frappe deux fois le même chiffre d'affaires à savoir d'une part au titre de l'opération de centralisation des Caisses d'Epargne vers la Caisse Nationale d'Epargne et d'autre part au titre de la réattribution de ces ressources de la Caisse Nationale d'Epargne vers les Caisses d'Epargne
- que cette contribution frappe tous les stades de production et de distribution sans qu'aucun mécanisme de déduction de la contribution supportée au stade antérieur ait été prévu par le législateur
- que les dispositions de la première directive visent les dispositions en toute nature, et donc la contribution sociale de solidarité, le conseil constitutionnel ayant jugé le 30 décembre 1991 que la dite contribution est un prélèvement obligatoire qui ne présente ni le caractère d'une cotisation sociale ni celui d'une taxe parafiscale mais constitue une imposition au sens de l'article 34 de la constitution.
Cependant il convient de retenir :
- que la première directive no 67/277 du 11 avril 1967 avait pour objet en l'état des systèmes de taxes cumulatives à cascade existant dans les différents états membres, d'instaurer un système commun de TVA constituant un impôt général sur la consommation
-que la sixième directive no 77/388 du 17 mai 1977 prise en application de la première directive, n'interdit pas le maintien ou l'introduction dans chaque état membre, d'impôts, droits, ou taxes frappant les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations, dès lors qu'ils n'ont pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires
- que la contribution sociale de solidarité des sociétés qui est assise sur le chiffre d'affaires global annuel réalisé par l'assujetti, sans possibilité de déterminer son incidence pour le consommateur, sur le prix des biens ou des prestations de services, ne présente pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires, mais revêt la nature d'une cotisation sociale du fait de son affectation exclusive au financement des divers régimes de Sécurité Sociale
- qu'il en résulte que la contribution nouvelle de solidarité n'est pas contraire aux dispositions de la directive européenne invoquée par la Caisse d'Epargne.
Il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée les frais non inclus dans les dépens qu'elle a pu engager en cause d'appel. Il lui sera allouée la somme de 2000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu le 16 janvier 2007 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Hérault,
Déboute la Caisse d'Epargne du Languedoc Roussillon de ses demandes,
La condamne à payer à la Caisse Nationale du régime social des Indépendants ( RSI) venant aux droits d'Organic Recouvrement, la somme de 2000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La condamne au paiement au droit fixe prévu à l'article R 144-10 du Code de la sécurité sociale , soit la somme de 250 €
LE GREFFIER LE PRESIDENT