DV / BB / AP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 03 Octobre 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 02298
ARRET no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 AVRIL 2005 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG01 / 00619
APPELANT :
Monsieur Gilles X...
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97424 LE PITON ST LEU LA REUNION
Représentant : la SCPA CAUVIN LEYGUE (avocats au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SARL POLYCLINIQUE SAINT JEAN
prise en la personne de son représentant légal,
36, ave Bouisson Bertrand
34000 MONTPELLIER
Représentant : Me Isabelle CHRISTIAN substituant la SCPA BRANQUART-CHASTANIER (avocats au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 SEPTEMBRE 2007, en audience publique, Monsieur Daniel ISOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Monsieur Eric SENNA, Conseiller
Greffier, lors des débats : Dominique VALLIER
ARRET :
-Contradictoire.
-prononcé publiquement le 03 OCTOBRE 2007 par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre.
-signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.
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FAITS ET PROCEDURE
La SARL POLYCLINIQUE SAINT JEAN a conclu le 8 novembre 1995 avec Gilles X..., médecin urgentiste deux contrats à effet du 14 novembre 1995 :
-l'un d'exercice libéral professionnel lui permettant d'intervenir sur tous les patients extérieurs en l'absence de spécialiste concerné et de percevoir ainsi une rémunération des actes accomplis conformément à la nomenclature.
-l'autre dit " de travail " à durée indéterminée ou le poste de médecin de garde pour 10 gardes par mois de trente jours, prévoyant l'organisation de gardes et le versement par garde de 1 500F (228,67 €) à titre d'indemnité forfaitaire d'astreintes pour les interventions pratiquées sur les patients hospitalisés au sein de l'établissement et en l'absence du praticien les suivant habituellement.
Le 12 décembre 1995 a été remis au docteur X... la charte régissant l'activité des médecins urgentistes de la clinique et leurs relations avec les autres praticiens.
Le 2 juillet 1999 le docteur Gilles X... quittait le polyclinique SAINT JEAN.
Le 30 novembre 2000, par l'intermédiaire de son conseil, le Docteur Gilles X... a envoyé à la Société POLYCLINIQUE SAINT JEAN un courrier par lequel il considérait que cette dernière avait violé les dispositions légales d'ordre public et contractuelles en matière de durée et d'horaire de travail et réclamant un rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateurs et d'indemnités correspondantes y afférents outre les documents sociaux.
Le 26 décembre 2000, la CLINIQUE SAINT JEAN a répondu en réfutant la réclamation du médecin.
Le 27 avril 2001, le Docteur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER section encadrement lequel par jugement en date du 4 avril 2005 a :
-dit que le Docteur Gilles X... a démissionné le 2 juillet 1999 de son poste de médecin urgentiste de la Clinique Saint Jean,
-dit qu'il exerçait ses deux fonctions de médecin urgentiste et de médecin libéral de manière simultanée dans les mêmes locaux et durant les mêmes horaires,
-débouté le demandeur de l'ensemble de ses réclamations,
-rejeté les demandes reconventionnelles de la clinique Saint Jean,
-mis les dépens à la charge du Docteur X....
La notification par le Greffe de ce jugement étant revenue avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée " la SARL POLYLINIQUE SAINT JEAN l'a fait signifié au médecin par acte d'huissier du 20 mars 2006.
Par courrier recommandé expédié le 27 mars 2006 reçu au greffe le 3 avril 2006, Gilles X... a régulièrement interjeté appel du dit jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, l'appelant demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de dire qu'il bénéficie du statut cadre pour la période travaillée du 14 novembre 1995 au 2 juillet 1999, de condamner l'intimée à le déclarer aux caisses de cadre et en supporter les conséquences financières.
Il sollicite outre la réserve de ses droits en cas de surcharge fiscale et la remise des documents sociaux conformes sous astreinte définitive de 152,45 € bruts par jour de retard à partir du vingtième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, le paiement des sommes suivantes :
-80. 488 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées du 14 novembre 1995 au 2 juillet 1999, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2001, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes, et capitalisation des intérêts,
-8. 048,80 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2001, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes et capitalisation des intérêts,
-52. 033,35 € bruts à titre de repos compensateurs, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2001, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes, et capitalisation des intérêts,
-5. 203,34 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2001, date de la saisine du conseil de Prud'hommes, et capitalisation des intérêts,
-10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des disposition contractuelles et légales d'ordre public en matière de durée et d'horaire de travail,
-21. 888,29 € à titre d'indemnité de travail clandestin,
-2. 644,84 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 1999 et capitalisation des intérêts,
-30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il soutient que le contrat de travail est le contrat principal et celui de l'exercice libéral n'est que l'accessoire, qu'il appartenait donc à l'employeur d'appliquer les dispositions légales, réglementaires, contractuelles et conventionnelles en matière de durée de travail et d'horaire de travail.
Il prétend qu'il y avait possibilité de conclure un seul contrat de travail ce qui existait avant novembre 1995, qu'après 1999 la clinique a proposé puis a imposé par la suite un seul contrat d'exercice professionnel cessible.
Il fait valoir qu'il n'y a pas eu de convention de forfait contractuelle, qu'en tout état de cause elle serait nulle et de nul effet tenant la violation des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail, du contingent d'heures supplémentaires, qu'il s'avère au surplus que le forfait aurait été moins favorable que le régime classique de rémunération de base avec heures supplémentaires.
Il souligne d'autre part que les conditions de la convention de forfait ne sont pas réunies et invoque à ce titre la lettre de l'inspecteur du travail du 2 juin 1999.
Il ajoute que l'intimée se garde bien de fournir les décomptes quotidiens et hebdomadaires de la durée du travail le concernant étant précisé qu'il n'était pas soumis à un horaire collectif.
Il considère que l'intimée a fait preuve d'une légèreté blâmable critiquable et préjudiciable et a violé volontairement et sérieusement les dispositions applicables en matière de durée et horaire de travail, de bulletins de salaires de décompte hebdomadaire et journalier.... ETC
Quant à la rupture du contrat, il indique que s'il n'a pas établi de courrier avant son départ, la raison de la rupture est induit de la lettre du 30 novembre 2000 adressé par son conseil à l'employeur et par analogie avec la situation de Madame Corinne A..., et estime que le non respect par l'employeur de ses allégations entraîne la requalification de la rupture en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Aux termes de ses conclusions, la Société intimée conclut à la confirmation de la décision prud'homale et au débouté de l'ensemble des demandes de l'appelant.
Elle précise que le Docteur X... intervenait au sein de la clinique en qualité de médecin de garde urgentiste en application des deux contrats sus visés, qu'il intervenait à titre libéral sur les patients extérieurs de la clinique et à titre salarié sur les patients hospitalisés, qu'il exerçait ses fonctions de façon simultanée dans les mêmes locaux durant les mêmes horaires.
Elle rappelle que le contrat de travail mentionnait une convention de forfait répondant aux exigences légales et jurisprudentielles et considère que l'appelant n'a effectué aucune heure supplémentaire dont il n'a été rémunéré.
Elle fait observer que l'appelant n'a jamais motivé sa démission par un quelconque grief à son encontre ni par une quelconque réclamation concernant le règlement d'heures supplémentaires.
Elle réclame l'octroi de 1500 € à titre de frais irrépétibles ainsi que la condamnation de l'appelant aux dépens.
Elle argue au vu des sommes perçues par le praticien soit à titre de salaire soit à titre d'honoraire de 1997 à 1999 que le contrat de travail était bien l'accessoire du contrat d'exercice libéral, qu'en toute hypothèse les deux conventions comme il en est justifié ont bien été exécutées.
Elle relève que l'appelant ne prouve pas avoir effectué des heures supplémentaires au delà du forfait de 240 heures qu'il a expressément accepté en signant le contrat, ni avoir subi un quelconque traitement défavorable du point de vue rémunération.
Elle note que pendant les heures d'astreintes d'une durée de 24 heures le praticien pouvait parfaitement, lorsqu'il n'intervenait pas auprès des patients de l'établissement, vaquer à ses occupations personnelles qu'il exerçait simultanément à titre libéral en intervenant auprès des patients extérieurs accueillis dans le service d'urgence, de sorte que le temps d'intervention à titre libéral excluait nécessairement l'accomplissement simultané d'heures de travail salarié.
Enfin, elle relève que la rupture du contrat de travail est intervenue bien avant que le conflit d'heures supplémentaires n'apparaisse, que l'appelant a bien démissionné n'ayant opposé aucun grief lors de son départ et sa réclamation à titre d'heures supplémentaires étant son fondement.
Pour plus ample exposé, la Cour renvoie expressément aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE,
I. Sur la revendication du statut de cadre
L'appelant revendique dans le dispositif de ses écritures devant la Cour le statut de cadre et la condamnation de l'intimée " à le déclarer aux caisses des cadres et d'en supporter les conséquences financières " sans pour autant développer ce moyen ou faire dans les motifs de ses conclusions la moindre observation à ce titre.
En l'état, dès lors que l'appelant fait référence " aux caisses des cadres " il y a lieu d'en déduire que la demande doit se référer à la convention collective nationale du 14 mars 1947 qui a créé une régime complémentaire des cadres (AGIRC) et qui dans son article 4 prévoit expressément l'application de ce régime à certaines catégories de salariés dont les médecins salariés à la condition qu'ils soient assujettis au régime général.
En l'espèce, il y a lieu de faire droit à la revendication de l'appelant par rapport à la dite convention pour l'activité salariée de garde et ce dès lors que les bulletins de salaire du médecin mentionnent qu'il est assujetti au régime général de la Sécurité Sociale en tant que salarié.
La mention portée sur les bulletins de la Convention Collective Nationale des Etablissements d'hospitalisation privée à but lucratif (en date du 4 février 1983) ne permet pas de retenir l'application même volontaire de la dite convention alors même qu'elle exclut elle même les médecins, dentistes et les pharmaciens.
II. Sur le lien contractuel
Le lien entre les parties pour la période du 14 novembre 1995 au 2 juillet 1999 est défini par les deux contrats sus visés que les parties ont signés le même jour le 8 novembre 1995 et qui font la loi des parties.
Il est permis de constater que l'appelant n'invoque aucun vice du consentement lors de la signature du contrat salarié ou ne revendique aucune requalification de l'autre contrat.
Quant à la primauté de l'un des contrats par rapport à l'autre la comparaison de la rémunération perçue pour chacun d'eux du 14 novembre 1995 au 2 juillet 1999 démontre à l'évidence que le contrat de service libéral était celui pour lequel le Docteur X... a perçu la plus importante rémunération soit 138 525,92 €, pour l'autre contrat le montant des salaires se limitent à 104 059,87 €.
III Sur la durée du travail et les demandes en découlant
Le contrat de travail signé le 8 novembre 1995 prévoyait :
ARTICLE 3 : durée
En cas de confirmation à l'issue de la période d'essai, le présent contrat est conclu et accepté pour effectuer une garde de 24 heures tous les trois jours, soit 10 gardes pour un mois de 30 jours.
Pendant toute la durée de cette garde, le médecin salarié est d'astreinte au sein de la Polyclinique ; à ce titre, il doit rester au sien de l'établissement pour pouvoir exercer avec diligence la permanence médicale selon les modalités définies ci-après ;
ARTICLE 4 : Rémunération :
En rémunération du temps d'astreinte effectué pour le compte de la clinique, le médecin de garde percevra une indemnisation forfaitaire de mille cinq cents francs (1. 500 francs) (-soit 228,67 €) par garde effectuée, qu'il s'agisse de jour ouvrable, dimanche ou férié.
Le médecin de garde, étant tenu à une présence ininterrompue au sein de l'établissement pendant ses gardes, dispose d'une chambre de garde en secteur d'hospitalisation et du service des repas. $gt; $gt;
ARTICLE 7 : Le médecin de garde est autorisé à avoir un exercice libéral dans la mesure où cet exercice n'entrave ni ne réduit ses obligations contractées envers la clinique pour son exercice salarié.
La confirmation du jugement déféré s'impose.
En premier lieu, il s'avère ainsi que cela ressort de la décision de première instance que la clause du contrat de travail (articles 3 et 4) ci-dessus rappelée c'est à dire la seule fixation d'un montant forfaitaire pour un nombre précis d'heures de travail ne peut s'analyser en une convention de forfait, les conditions légales exigées n'étant pas prévues.
D'autre part, il est constant que l'employeur ne fournit aucun décompte d'horaire concernant le Docteur X... qui n'était pas soumis à un horaire collectif.
Pour autant, il ne peut s'en déduire que ce dernier aurait effectué des heures supplémentaires.
En effet, contrairement aux allégations de l'appelant la clinique intimée justifie que la nomenclature générale des actes professionnels ne permettait aux médecins urgentistes et donc à Gilles X... qui travaillant au sein de la clinique, avaient la charge d'assurer les gardes du service des urgences, de coter les soins et la surveillance prodigués aux patients hospitalisés dans l'établissement.
C'est pour pallier à ce problème que la clinique a mise en place pour les urgentistes, à côté du contrat d'exercice libéral qui leur permettaient d'intervenir sur un patient extérieur, un contrat salarié pour les rémunérer de leurs gardes qu'ils assuraient au sein des urgences et leur intervention sur les patients hospitalisés.
Pendant les gardes, le Docteur X... avait la double casquette, médecin urgentiste et médecin libéral fonctions qu'il exerçait de manière simultanée dans les mêmes locaux et durant les mêmes horaires.
En l'état, il ne peut être considéré que le médecin urgentiste a fait dans le cadre de son contrat de travail des heures supplémentaires comme il le prétend alors que pendant les périodes de garde il était autorisé et il exerçait également son activité en libéral et ce d'autant qu'eu égard aux sommes perçues le contrat de travail n'était que l'accessoire du contrat d'exercice libéral.
Dans ces conditions, l'ensemble de ses réclamations à titre de rappel de salaire, repos compensateurs y afférents et dommages et intérêts pour non respect des dispositions contractuelles et légales et travail dissimulé ne peuvent prospérer.
IV Sur la rupture
Là encore la décision des premiers juges mérite confirmation.
L'appelant a en effet quitté la clinique le 2 juillet 1999 sans manifester à l'époque d'une manière quelconque un reproche à l'égard de cette clinique.
La lettre de réclamation n'est intervenue que postérieurement à son départ plus d'un an après le 30 novembre 2003.
Considérant d'autre part que les griefs invoqués dans la présente instance ont été rejetés, seule la qualification de la rupture en démission pouvait être retenue, ce qui exclut toute indemnité au profit de l'appelant.
V Sur les autres demandes
Dès lors qu'il n'a pas été fait droit aux demandes de l'appelant au titre de la durée du travail ou de la rupture, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de documents sociaux et bulletins de salaires rectifiés ni de réserver les droits de l'appelant en cas de surcharge fiscale.
Eu égard au résultat du présent litige, l'équité ne commande pas de faire application à l'une quelconque des parties de l'article 700 duc Nouveau Code de Procédure Civile.
Par contre, la Société intimée qui succombe sur la demande nouvelle sera tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déclare recevable en la forme l'appel de Gilles X...,
Sur le fond,
confirme le jugement déféré,
Et y ajoutant,
Dit que Gilles X... devait bénéficier du statut de cadre pendant son contrat de travail du 14 novembre 1995 au 2 juillet 1999 et ce en application de la convention collective nationale du 14 mars 1947,
Ordonne à la SARL POLYCLINIQUE SAINT JEAN de déclarer le salarié pour la période susvisée au régime complémentaire institué par la dite convention en prenant en charge les conséquences financières,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la SARL POLYCLINIQUE SAINT JEAN aux dépens.