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11/09/2007 | FRANCE | N°99/01080

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 11 septembre 2007, 99/01080


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1 Chambre Section C

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 8314

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 MAI 2002
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
No RG 99 / 01080

APPELANT :

Monsieur Ahmed X...

né le 27 Décembre 1953 à CASABLANCA (Maroc)
de nationalité marocaine

...

84150 VIOLES
représenté par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour



INTIMEE :

Madame Aïcha Y...

née le 28

Février 1964 à CASABLANCA (Maroc)
de nationalité marocaine

...

84110 VAISON LA ROMAINE
représentée par la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués à la Cour
ass...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1 Chambre Section C

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 8314

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 MAI 2002
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
No RG 99 / 01080

APPELANT :

Monsieur Ahmed X...

né le 27 Décembre 1953 à CASABLANCA (Maroc)
de nationalité marocaine

...

84150 VIOLES
représenté par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour

INTIMEE :

Madame Aïcha Y...

née le 28 Février 1964 à CASABLANCA (Maroc)
de nationalité marocaine

...

84110 VAISON LA ROMAINE
représentée par la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués à la Cour
assistée de Me Sarah EL ATMANI, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 7 JUIN 2007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 JUIN 2007 à 14H15 en chambre du conseil, Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre
Madame Dominique AVON, Conseiller
Madame Sylviane SANZ, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE

ARRÊT :
-contradictoire,
-prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
-signé par Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre et par Melle Marie-Françoise COMTE, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *
* * * * *
* * *

Par jugement du 21 décembre 2000, le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS, sur requête de l'épouse, vu les dispositions de la convention franco-marocaine en date du 10 août 1981, a :
constaté que les époux sont l'un et l'autre de nationalité marocaine,

déclaré les dispositions de la loi marocaine seules applicables à la dissolution du mariage et prononcé par application de l'article 56 du code du statut personnel marocain le divorce d'entre les époux X...-Y...,
confié aux parents conjointement l'exercice de l'autorité parentale concernant les trois enfants mineurs dont la résidence habituelle a été fixée au domicile de la mère,
fixé le droit de visite et d'hébergement du père les première, troisième et cinquième fins de semaine de chaque mois du vendredi 19 heures ou samedi 14 heures au dimanche 19 heures, et la moitié des vacances scolaires,
condamné Monsieur X...à payer à Madame Y...à titre de contribution aux frais d'entretien et d'éducation de chaque enfant une somme mensuelle de 600 F, soit 1 800 F au total, avec indexation,
reçu en la forme Madame Y...en sa demande de prestation compensatoire,
et ordonné la réouverture des débats sur ce point.

Par jugement du 21 mai 2002, le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS a :
constaté que la décision de divorce rendue le 21 décembre 2000 était devenue définitive,
constaté une disparité dans les situations matérielles des parties au détriment de l'épouse permettant de lui octroyer une prestation compensatoire sous forme d'un capital par l'abandon à celle-ci de tous les droits du mari en propriété sur l'immeuble commun à usage d'habitation situé à VIOLES « Le VILLAGE » à charge pour l'épouse de prendre en charge le crédit immobilier afférent à cet immeuble.

Monsieur Ahmed X...a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 25 juin 2003, la Cour d'Appel de NÎMES a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, la demande d'annulation sollicitée par le mari n'étant fondée sur aucun motif pertinent.

Suite au pourvoi en cassation formé par Monsieur Ahmed X..., la Cour de Cassation, par arrêt du 4 octobre 2005, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 25 juin 2003 par la Cour d'Appel de NÎMES et renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt pour être fait droit devant la Cour d'Appel de MONTPELLIER au motif que l'arrêt attaqué avait constaté que l'appelant n'émettait aucune critique sur le jugement allouant à son ex-épouse une prestation compensatoire alors que Monsieur X...demandait l'application de la loi marocaine et invoquait l'article 74 du code du statut personnel et des successions.

Devant la Cour d'Appel de MONTPELLIER, Monsieur Ahmed X..., dans ses dernières conclusions en date du 2 février 2007, demande d'annuler en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mai 2002 par le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS.

Il précise que le divorce a été prononcé selon la loi marocaine et les effets de la dissolution du mariage ne peuvent donc intervenir que dans le cadre de la loi marocaine qui n'est pas contre l'ordre public.

Il invoque l'article 74 du Statut Personnel et des Successions Marocaines prévoyant que la retraite de viduité est de quatre mois et dix jours francs pour la veuve qui n'est pas enceinte, ce qui est le cas de Madame Y..., ce qui veut dire que la seule obligation de Monsieur X...après la dissolution du mariage dans cadre des dispositions de la loi marocaine, seule applicable, est de prendre en charge Madame Y...pendant quatre mois et dix jours en lui payant une pension alimentaire durant cette période.

Le jugement qui a condamné Monsieur X...à verser à Madame Aïcha Y...une prestation compensatoire sous forme d'un capital par abandon à celle-ci de tous ses droits en propriété sur l'immeuble commun à usage d'habitation situé à VIOLES « LE VILLAGE » sans fixer le montant de cette prestation compensatoire, a violé les dispositions des articles 274 et 275 du code civil et doit être annulé.

Il sollicite 3 000 € à titre de dommages et intérêts et 1 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Madame Aïcha Y..., dans ses dernières conclusions en date du 8 janvier 2007, précise que Monsieur X...mélange deux notions juridiques distinctes dans le droit marocain qui sont la pension au titre du devoir de secours et la prestation compensatoire.

L'article 74 ne s'applique qu'aux veuves et en aucune manière aux femmes divorcées.

En revanche, la prestation compensatoire est parfaitement légitime au regard de la loi marocaine et se retrouve en droit marocain où elle est appelée don de consolation ou « Mout'a ».

L'article 52 bis (ajouté à la Moudawana par le Dahir du 10 septembre 1993) prévoit que « tout époux qui prend l'initiative de répudier son épouse doit lui remettre un don de consolation (Mout'a) qui sera fixé compte tenu de l'état de ses moyens et de la situation de la femme répudiée. Cette disposition ne s'applique pas à l'épouse à laquelle une dot a été fixée et qui a été répudiée avant la consommation du mariage. ».

La jurisprudence marocaine, dans le cas où le divorce de l'épouse est prononcé pour sévices, accorde systématiquement à celle-ci non seulement des dommages et intérêts en raison de son préjudice mais également une Mout'a, soit une prestation compensatoire, de sorte que les principes sont quasiment identiques à ceux posés par le divorce pour faute en France.

Les nouvelles dispositions du code de la famille marocain prévoient dans ses articles 78 et 84 que les droits dus à l'épouse comportent : le reliquat de la dot, la pension due pour la période de viduité et le don de consolation (Mout'a) évalué en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de l'époux, des motifs du divorce et du degré d'abus avéré dans le recours au divorce.

En conséquence, Monsieur X...ne pourra que se voir débouter de ses demandes compte tenu de la durée du mariage (1987), des trois enfants issus de ce mariage, dont Madame Y...devra continuer à s'occuper, de son faible revenu. C'est à juste titre que le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS lui a accordé une prestation compensatoire qu'il convient de confirmer.

Elle sollicite par ailleurs 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

ET SUR CE,

Attendu que le divorce des époux X...-Y...a été prononcé en application de la loi marocaine par le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS dans sa décision du 21 décembre 2000, conformément à la convention franco-marocaine en date du 10 août 1981 ;

Attendu qu'en revanche, la prestation compensatoire n'a pas été déterminée dans le cadre des dispositions de la loi marocaine mais en vertu des dispositions des articles 270 et suivants du code civil ;

Qu'il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris sur ce point en appliquant les dispositions du Nouveau Code de la Famille Marocain qui sont d'application immédiate (Dahir du 3 février 2004) stipulant à l'article 84 que les droits dus à l'épouse dans le cas où le divorce de l'épouse est prononcé pour sévices comportent le reliquat de la dot, la pension due pour la période de viduité et le don de consolation (Mout'a) qui sera évalué en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de l'époux, des motifs du divorce et du degré d'abus avéré dans le recours au divorce de l'épouse ;

Que ces dispositions figuraient également dans l'ancienne Moudawana, l'article 52 bis ajouté par le Dahir du 10 septembre 1993 prévoyant que l'époux doit remettre à l'épouse un don de consolation, Mout'a, qui sera fixé compte tenu de l'état de ses moyens et de la situation de la femme ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites aux débats que les époux X...-Y...ont acquis un immeuble à usage d'habitation situé à VIOLES, cadastré section F no85 « LE VILLAGE » de 2a 18ca aux termes d'un acte reçu par Maître B..., notaire à la résidence de SABLET (Vaucluse) le 12 mai 1993 ;

Attendu, par ailleurs, que l'ordonnance de non-conciliation du 20 octobre 1999 avait attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal (bien commun) en ce qui concerne la partie déjà habitée, le mari se voyant octroyer la partie en construction avec un délai au 1er février 2000 pour s'y transférer à charge pour l'épouse de régler les frais afférents à ce domicile et le paiement du crédit immobilier à compter du départ du mari ;

Attendu que si Monsieur X...a quitté les lieux en avril 2000, il s'est à nouveau imposé le 28 octobre suivant et y réside depuis lors ; que la valeur de l'immeuble était de 600 000 F environ au moment du prononcé du jugement entrepris (21 mai 2002), le prêt immobilier souscrit s'élevant à 2 300 F par mois jusqu'en mai 2008 ;

Attendu que Monsieur X...exerçait la profession de façadier lors de l'ordonnance de non-conciliation et ne donne aucune indication sur sa profession actuelle ;

Attendu que de son côté, Madame Y...ne dispose d'aucune qualification professionnelle et n'a jamais exercé que des travaux saisonniers, vivant uniquement des prestations de la Caisse d'Allocations Familiales qui lui versait en janvier 2001 la somme de 5 537 F, le père ne versant plus la pension alimentaire mise à sa charge ;

Attendu qu'eu égard à tous ces éléments d'appréciation, compte tenu de la durée du mariage (27 ans), du temps que l'épouse devra encore consacrer à l'éducation des trois enfants communs, nés respectivement le 17 décembre 1988 (Anass), le 10 août 1992 (Samy) et le 19 avril 1994 (Najir) compte tenu du fait que, contrairement à son époux, Madame Aïcha Y...ne percevra aucune retraite,

il convient de lui accorder un don de consolation (Mout'a) équivalent à une prestation compensatoire consistant en l'abandon par le mari de sa part sur l'immeuble situé ...,84150 à VIOLES, d'une valeur de 300 000 F (45 734,71 €), la présente décision opérant cession forcée en faveur de Madame Y...conformément aux dispositions de l'article 275 du code civil ;

Attendu que l'exercice de l'action en justice ne dégénère en faute susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts que s'il est établi à la charge de Madame Y...une intention de nuire caractérisée ; que faute de rapporter la preuve d'une pareille intention, Monsieur X...doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu que par considération d'équité il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

STATUANT hors la présence du public, contradictoirement et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel interjeté par Monsieur X...,

VU les dispositions de l'article 84 de la Moudawana du 3 février 2004,

ATTRIBUE à Madame Y..., à titre de don de consolation (Mout'a) la part du mari dans l'immeuble commun situé à VIOLES, ..., d'une valeur de 45 734,71 € (quarante-cinq mille sept cent trente-quatre euros soixante et onze centimes),

PRÉCISE que l'immeuble est situé à VIOLES, cadastré section F no85 « LE VILLAGE » d'une contenance de 2 a 18 ca,

DIT que la présente décision opère cession forcée de la part du mari en faveur de l'épouse,

DIT n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur X...aux dépens, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 99/01080
Date de la décision : 11/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Carpentras


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-11;99.01080 ?
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