COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1 Chambre Section C
ARRÊT DU 4 SEPTEMBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/6052
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 MARS 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 02/134
APPELANTE :
Madame Claire X... épouse Y...
née le 21 Décembre 1948 à SANVIC (76)
de nationalité française
...
81000 ALBI
représentée par la SCP SALVIGNOL - GUILHEM, avoués à la Cour
assistée de Me Jean Roger NOUGARET, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur Jean-Marie Y...
né le 14 Avril 1950 à PERIGUEUX (24000)
de nationalité française
...
34000 MONTPELLIER
représenté par la SCP GARRIGUE - GARRIGUE, avoués à la Cour
assisté de Me Nicole LOUBATIERES, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE de CLÔTURE du 26 JUIN 2007
(après révocation, en début d'audience, de l'ordonnance de clôture en date du 27 avril 2007)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 JUIN 2007 à 14H15 en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre, chargé du rapport, et Madame Sylviane SANZ, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre
Madame Dominique AVON, Conseiller
Madame Sylviane SANZ, Conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile,
- signé par Monsieur Patrice COURSOL, Président de Chambre et par Melle Marie-Françoise COMTE, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
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Mme Claire X... et M. Jean-Marie Y... se sont mariés le 27 décembre 1982 sous le régime de la séparation de biens.
De cette union est née une fille désormais majeure et autonome.
Le 6 novembre 2001, M. Y... a déposé, devant le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, une requête en divorce pour faute.
Par ordonnance de non-conciliation du 4 mars 2002, le Juge aux Affaires Familiales a autorisé M. Y... à assigner son conjoint en divorce et, statuant sur les mesures provisoires, a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse ainsi qu'une pension alimentaire de 1 000 € par mois au titre du devoir de secours, à charge pour elle de régler les frais du logement.
Par acte d'huissier du 4 septembre 2002, M. Y... a fait assigner son épouse en divorce pour faute, devant le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER.
Mme X... a reconventionnellement demandé que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs du mari.
Par jugement du 21 mars 2006, auquel il est référé pour plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, de ses motifs et de son dispositif, le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER a notamment :
prononcé le divorce aux torts partagés,
défini les mesures propres à permettre les opérations de liquidation-partage des intérêts patrimoniaux du couple,
rejeté les demandes de Mme X... de dommages et intérêts et de prestation compensatoire,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
partagé les dépens par moitié entre les parties.
Mme X... a relevé appel de ce jugement le 13 avril 2006.
Après une ordonnance de radiation intervenue le 14 septembre 2006, l'affaire, réinscrite au rôle, a fait l'objet d'une fixation à l'audience du 6 mars 2007, puis d'un premier renvoi au 3 mai 2007, suivi d'un nouveau renvoi au 26 juin 2007.
Dans ses dernières conclusions du 18 juin 2007, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme X... demande à la Cour de :
prononcer le divorce aux torts exclusifs de M. Y...,
le condamner à lui payer 45 000 € à titre de dommages et intérêts,
le condamner à lui payer, à titre de prestation compensatoire, une rente mensuelle indexée de 2 290 €,
le condamner à lui payer 5 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions du 1er mars 2007, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Y... demande à la Cour de :
recevoir son appel incident,
prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme X...,
ordonner les mesures accessoires (mention du dispositif du jugement à intervenir en marge des actes de naissance et de l'acte de mariage des époux, mesures propres à permettre les opérations de liquidation-partage des intérêts patrimoniaux du couple),
confirmer le jugement en ses autres dispositions,
dire qu'il n'y a «pas lieu à fixation d'une mesure particulière»,
condamner Mme X... à la somme de 5 200 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2006.
M O T I F S
# Sur la CAUSE du DIVORCE :
Attendu que c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que le Tribunal a considéré que le grief de détournement de fonds fait par M. Y... à Mme X... n'était pas fondé ;
Que c'est également par des motifs pertinents, que la Cour adopte également, que le Tribunal a considéré que le grief d'adultère fait par Mme X... à M. Y... était insuffisamment établi ;
Qu'ainsi, dans leurs attestations, Mme B... épouse C... se borne à indiquer : « L'an dernier, j'ai eu connaissance d'une nouvelle liaison de M. Y... et de son désir de divorcer...» et M. D... : « il y a 6 ans, leur fille Nathalie a gravement été touchée par un accident. Que dire alors de l'attitude de M. J.M Y... qui s'est autorisé à avoir une liaison...» ce qui ne constitue pas la relation de faits précis prouvant un adultère dont les auteurs auraient été personnellement témoins et ce qui peut tout aussi bien résulter de confidences faites par Mme X... persuadée que son époux la trompait ;
Attendu, en revanche, qu'il résulte des pièces versées de part et d'autre que les deux époux avaient tous deux un caractère devenu de plus en plus difficile - caractère taciturne et négatif chez M. Y... qui s'est désintéressé de son épouse et caractère jaloux et emporté chez Mme X... - ce qui a conduit, une réaction en entraînant une autre, à une dégradation des relations du couple dont les membres ont perdu tout respect mutuel ;
Qu'il résulte par ailleurs des pièces produites par Mme X... que M. Y... a brutalement quitté le domicile conjugal sans y avoir été autorisé judiciairement ;
Que ces comportements constituent de part et d'autre des violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts partagés et ordonné les mesures accessoires ;
# Sur la DEMANDE de DOMMAGES et INTÉRÊTS de Madame X... :
Attendu que la confirmation du prononcé du divorce aux torts partagés fait obstacle à l'octroi de dommages et intérêts ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de ce chef ;
# Sur la PRESTATION COMPENSATOIRE :
Attendu qu'aux termes, notamment, de l'article 270 dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 applicable en l'espèce, un époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité créée par la rupture du mariage dans leurs conditions de vie respectives ;
Qu'aux termes des articles 271, 273 et 274 anciens du Code Civil, cette prestation, qui a un caractère forfaitaire et prend, en principe, la forme d'un capital, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Que, selon l'article 272 ancien dudit code, le juge prend notamment en considération :
l'âge et l'état de santé des époux,
la durée du mariage,
le temps déjà consacré ou qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants,
leur qualification et leur situation professionnelles, au regard du marché du travail,
leurs droits existants et prévisibles,
leur situation respective en matière de pensions de retraite,
leur patrimoine tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial ;
Attendu que les époux sont respectivement âgés de 57 ans pour M. Y... et de 58 ans pour Mme X... ;
Que le mariage aura duré 24 ans ;
Qu'il convient de rappeler que les époux ont choisi le régime de la séparation de biens et qu'une demande de prestation compensatoire ne doit pas avoir pour objet d'en contourner les effets ;
Attendu que Mme X... était sans profession lors du mariage ;
Que, les parties étant totalement contraires sur ce point, la Cour considère toutefois qu'il résulte des pièces du dossier qu'elle a ponctuellement aidé son mari dans l'exercice de sa profession (pharmacien), étant précisé que cette activité non déclarée n'a pu concerner que des tâches limitées et subalternes ne nécessitant pas le diplôme de pharmacien ;
Qu'elle a pris une activité professionnelle propre en 1993 et a travaillé, depuis 1998, en qualité d'agent administratif ;
Qu'après une période sans emploi, elle travaille à temps partiel, depuis le 1er janvier 2006 dans le cadre d'un contrat d'aide à l'emploi en qualité de secrétaire dans un lycée, sans espoir d'améliorer sa situation ;
Qu'elle produit un état prévisionnel de ses allocations chômage établi par le Lycée DIDEROT le 28 février 2007 faisant état d'une somme mensuelle variable comprise entre 614, 32 € (février 2007) et 680,14 € (février 2008) ;
Qu'outre la pension alimentaire versée par M. Y..., laquelle est appelée à disparaître du fait du prononcé du divorce, elle revendique en 2006, dans sa dernière déclaration sur l'honneur du 25 mai 2007, des revenus salariaux de 6 918 €, soit une moyenne mensuelle de 576, 50 €, auxquels se sont ajoutés des indemnités chômage de 144 € et des revenus mobiliers de 1 539 €, l'avis d'imposition 2006 n'étant pas versé aux débats ;
Qu'en 2014, sa retraite sera, selon un relevé de carrière du 27 avril 2004, non actualisé depuis, de 366,75 € par mois ;
Que le Tribunal avait relevé que la qualité de travailleur handicapé lui avait été reconnue pour une durée de 5 ans, jusqu'en octobre 2007, et qu'elle ne justifie alors pas de problèmes de santé, cette situation étant inchangée devant la Cour ;
Qu'elle revendique un loyer mensuel de 639, 56 € (valeur août 2006) ;
Que, selon un décompte de la BANQUE BARCLAYS en date du 29 septembre 2006 qu'elle verse aux débats, ses avoirs s'élevaient alors à la somme totale de 111 823, 32 € ;
Qu'elle détient des parts dans une S.C.I. " LAPONTESIE " dont elle est gérante, qui a pour objet l'acquisition, l'exploitation et la gestion d'immeubles et qui possède, selon un document succinct qu'elle a rédigé «une maison d'habitation» et «2 chambres d'étudiant» situées au HAVRE, un «terrain en friche» et un «local Puygouzon», le tout estimé à 376 549, 06 € au 21 janvier 2006 et dont le résultat de l'exercice 2004 fait apparaître un bénéfice de 8 422 € et celui de 2005 un bénéfice de 2 723 €, aucun pièce n'étant produite pour 2006 ;
Attendu que le Tribunal a retenu, sans que les parties ne produisent, en cause d'appel, d'élément déterminant de nature à revenir sur cette appréciation, que M. Y..., qui exerçait une activité de pharmacien qui lui a procuré, en 2003, un revenu moyen mensuel imposable de 6 309, 25 €, était associé, à ce titre, dans la S.N.C DURAND LAUZIERE dont la vente du fonds de commerce, en octobre 2004, (note de la Cour : pour un prix de 595 000 €) lui aurait rapporté, après désintéressement des créanciers, la somme de 245 000 € environ) ;
Que le Tribunal a encore relevé qu'il ne justifiait pas des conditions de cessation de son activité, qu'en 2004, il avait déclaré un revenu moyen mensuel imposable de 2 731, 66 €, qu'il vivait, selon lui, de ses revenus fonciers (9 327 € nets en 2004), qu'il louait deux biens immobiliers sis à ALBI et à MONTPELLIER, qu'il serait propriétaire de deux parcelles de terrains non bâtis, qu'il ne justifiait pas du détail de ses avoirs bancaires, ni de ses charges, ni de ses conditions d'hébergement ;
Que, devant la Cour, M. Y..., qui n'a pas cru devoir lever toutes les ambiguïtés sur sa situation, fait valoir que ses revenus 2005 ont été de :
1 804 € au titre de bénéfices industriels et commerciaux,
4 166 € au titre de ses revenus fonciers,
214, 29 € au titre « des déficits globaux des années antérieures » ;
Qu'il ne produit aucun document relatif à ses ressources et à ses charges pour 2006 et revendique un patrimoine immobilier constitué d'un appartement situé ... (consistance et valeur actuelles non précisées) dans lequel il est domicilié et l'usufruit d'un appartement situé à ALBI (consistance et valeur actuelles non précisées) et prétend vivre essentiellement en puisant dans le capital qui lui est revenu après la vente de son fonds de commerce ;
Qu'il se prévaut de sa déclaration sur l'honneur manuscrite du 23 décembre 2004, qu'il n'a pas cru devoir réactualiser, dans laquelle il a mentionné des avoirs bancaires de 137 362 € (chiffre sous réserve que la somme «Société Générale» soit de 21 632 € et non de 28 632 €), dont il serait prétendument redevable d'une partie (60 000 €) à sa soeur et produit un document de sa caisse de retraite en date du 9 juin 2005 dont il résulte qu'il percevra, lorsqu'il aura atteint l'âge de 65 ans, une pension de l'ordre de 1 030 € par mois ;
Que la Cour relève qu'il ne justifie toujours pas des raisons pour lesquelles il a cessé toute activité de pharmacien durant la procédure de divorce et considère qu'il lui est possible d'en rependre une, ce qui lui permettrait d'améliorer ses ressources et ses droits en matière de pension de retraite ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il existe en défaveur de Mme X..., une disparité, dont elle exagère toutefois l'importance en réclamant un rente mensuelle à vie de 2 290 €, dans les conditions de vie des époux créée par la rupture du mariage qui justifie l'allocation d'une prestation compensatoire, le jugement entrepris étant dés lors réformé en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande de ce chef ;
Que les conditions nécessaires pour que cette prestation prenne la forme d'une rente, à fortiori à vie comme demandée, ne sont pas réunies ;
Que la disparité existante sera compensée par l'allocation d'un capital de 20 000 € ;
# Pour le SURPLUS :
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qui concerne le rejet des demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la répartition de la charge des dépens de première instance ;
Que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Qu'aucune des parties n'obtenant entièrement gain de cause, chacune conservera à sa charge ses propres dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant hors la présence du public, contradictoirement, après débats en chambre du conseil,
DÉCLARE l'appel recevable en la forme,
CONFIRME le jugement du 21 mars 2006 en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au rejet de la demande de prestation compensatoire de Mme X...,
Le RÉFORMANT sur ce point,
DIT que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie des époux une disparité en défaveur de Mme X... qui justifie l'allocation d'une prestation compensatoire,
FIXE à la somme de 20 000 € (vingt mille euros) le capital que M. Y... doit verser à Mme X... à titre de prestation compensatoire,
DÉBOUTE les parties de toute autre demande plus ample, différente ou contraire,
DIT que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
PC