CC/BB/AP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4 chambre sociale
ARRET DU 27 Juin 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07191
ARRET no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 JUIN 2005 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG04/00115
APPELANT :
Monsieur André X...
...
34270 STE CROIX DE QUINTILLARGUES
Représentant : la SCP OTTAN - FEBVRE (avocats au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SA IBM FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
ETS de Montpellier
La Pompignane
34000 MONTPELLIER
Représentant : la SCPA LAFONT CARILLO GUIZARD (avocats au barreau de MONTPELLIER) et Me FABRE de la SELAS BARTHELEMY avocat au barreau de Nîmes.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 MAI 2007, en audience publique, Monsieur Daniel ISOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Chantal COULON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 27 JUIN 2007 par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre.
- signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre, et par Mme Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.
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FAITS ET PROCEDURE
André X... titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur ( BTS-DUT) a été engagé par la SA IBM FRANCE en qualité d'agent technique à compter du 28 septembre 1969.
L'employeur lui a notifié sa mise à la retraite par courrier du 22 décembre 2005 à effet du 31 mars 2006 date de la fin du préavis.
Au moment de son départ à la retraite, le salarié était ingénieur hors grille ( statut non cadre) coefficient 395 et ce depuis le 4 décembre 2002.
André X... a le 14 janvier 2004 saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER aux fins de voir déclarer illicite son exclusion de l'augmentation de 3% attribuée à compter du 1er juillet 2003, ordonner le règlement de cette augmentation à compter du prononcé du jugement à intervenir sous astreinte de 1000 € par jour de retard, ainsi que le paiement de 441,54 € à titre de rappel de salaire arrêté au 31 décembre 2003 ( 73,54 € X 6) et 1000 € sur la base de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement en date du 14 juin 2005 mentionné rendu en dernier ressort, la juridiction prud'homale section industrie a :
- dit illicite l'exclusion d'André X... de l'augmentation générale de 3% attribuée à compter du 1er juillet 2003,
- ordonné à la SA IBM FRANCE à mettre en oeuvre cette augmentation sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement,
-condamné l'employeur à payer au salarié 1470 € à titre de rappel de salaire arrêté au 28 février 2005 et 600 € sur le fondement de l'article
700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
-ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- mis les dépens à la charge de l'employeur.
La SA IBM FRANCE a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement.
La Cour de Cassation par arrêt du 11 octobre 2006 a après avoir opéré une jonction des pourvois sur les décisions concernant d'autres salariés, a déclaré irrecevable l'ensemble des recours au motif que le jugement qui statue sur une demande indéterminée de paiement d'une augmentation pour l'avenir est susceptible d'appel et a condamné la SA IBM FRANCE aux dépens.
Par lettre datée du 6 novembre 2006 expédiée le 7 novembre 2006 reçue au Greffe de la présente Cour le 13 novembre 2006, André X... a interjeté appel du jugement en date du 14 juin 2005.
Par assignation en date du 20 avril 2007, dans le cadre d'une autre instance, André X... a saisi la formation de référée du Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER laquelle a rejeté sa demande de provision par ordonnance du 10 mai 2007 dont il a été également relevé appel, recours audiencé ultérieurement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions dites responsives et récapitulatives, l'appelant demande à la Cour au visa des articles 546, 30 du Nouveau Code de Procédure Civile, 6-1 de la Convention Européenne des droits de l'homme de renvoyer en tant que de besoin l'affaire à une audience ultérieure pour examiner ensemble l'appel de la présente procédure et l'appel sur l'ordonnance de référé du 10 mai 2007.
Il conclut d'autre part à la recevabilité de son appel au motif qu'il a un intérêt à agir n'ayant pas obtenu entière satisfaction en première instance et à son bien fondé, l'effet dévolutif de l'appel lui permettant de présenter devant la Cour une demande complémentaire ayant eu connaissance récemment du rapport d'expertise de Monsieur C... établi dans le cadre d'une affaire DAIRE contre IBM FRANCE et qui met en évidence les faits de discrimination que jusqu'alors il ne pouvait établir faute de disposer des éléments de comparaison.
En sollicitant la réformation partielle du jugement déféré, il réclame la condamnation de la Société IBM à lui payer 1000€ au titre des frais irrépétibles en première instance et au visa des articles L.122- 45, L.133-5, L.136-2 et L.140-22 du Code du Travail, et vu l'expertise sus dite, la condamnation de l'employeur à lui verser 300 000€ à titre de dommages et intérêts y compris le préjudice moral suite aux faits de discrimination ou à tout le moins suite à la rupture du principe d'égalité et de la violation
de la règle « à travail égal salaire égal$gt;$gt; dont il a été victime jusqu'à son admission à la retraite le 31 mars 2006 et ce outre 2000 € pour frais irrépétibles de la procédure d'appel et la pris en charge des dépens par ‘intimée.
Il fait valoir qu'il a adhéré au syndicat CFDT en 1980, que sa courbe de carrière s'est dégradée en 1982, a faiblement progressée jusqu'en 1982 et n'a pratiquement pas évolué après.
Il considère que sa situation professionnelle est la conséquence d'une discrimination syndicale et souligne que par comparaison avec l'échantillon de 20 salariés retenu par l'expert C..., il accuse un retard dans l'évolution de sa carrière, de son salaire ( 9000 F en sa défaveur) et du coefficient ( classé 363 et étant le seul à n'avoir pas accédé au statut de cadre).
Il souligne que l'employeur ne fournit aucune justification objective à ce traitement distinctif qui doit être analysé sur l'ensemble de sa carrière professionnelle et non pas sur des périodes sélectives.
Aux termes de ses écritures, la Société intimée soulève au principal l'irrecevabilité de l'appel au motif qu'il n'existe pour l'appelant qui a obtenu satisfaction en première instance aucun intérêt à faire appel en application de l'article 546 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A ce titre, elle tient à souligner que de l'aveu même du salarié son appel a pour seule vocation de soutenir une nouvelle demande, de tenter de contourner les effets du principe de l'unicité de l'instance et non d'obtenir réparation du grief qui lui causerait une nouvelle appréciation par les premiers juges des faits débattus en première instance.
Elle s'estime fondée à solliciter sur la base de l'article 559 du nouveau Code de Procédure Civile l'octroi de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Au subsidiaire, elle conclut au débouté des prétentions adverses faute de satisfaire aux conditions d'application des articles L.140-2 et L.122-45 du Code du Travail et au vu des arguments démontrant l'absence de discrimination;
Sur le premier de ces articles, elle argue que le salarié ne se compare en rien à des salariés ayant le même travail que le sien et précise que pour le poste de non cadre qu'il occupe il a été classé coefficient 395 ce qui dans la norme de la Société et même dans la fourchette supérieure.
Sur le dernier article, elle prétend qu'il n'existe aucun élément de fait présupposant une discrimination équitable que rien n'identifie le salarié comme un militant syndical avant 2001et invoque à ce titre la lettre du syndicat CFDT DU 19 février 2004, qu'à partir de 2001, il a été candidat malheureux aux élections de 2001 et élu de 2003 à 2005 avant de partir à la retraite mais que loin de stagner ses augmentations ont été supérieures à celles des autres.
Elle ajoute que les salariés qui occupent le même emploi que l'appelant ne sont pas cadres, que ce dernier n'a jamais réclamé soit son inscription à l'école des cadres soit même postulé à des fonctions autres pouvant justifier l'obtention de cette qualification.
De façon encore plus subsidiaire elle relève que l'excès de la demande adverse qui viole les règles relatives à la prescription ou tente de les contourner est tout aussi confondant et révélateur de l'attitude du salarié.
Elle réclame en tout état de cause l'octroi à son profit de 2000 € à titre de frais irrépétibles.
Pour plus ample exposé, la Cour renvoie expressément aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I. Sur la recevabilité de l'appel
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel soulevé par l'intimée ne peut être accueilli.
En effet, dès lors qu'il n'a pas été satisfait pleinement à l'intégralité de ses demandes y compris celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'appelant a un intérêt à agir.
En l'état du principe de l'unicité de l'instance applicable en matière prud'homale, ne peut être considéré comme abusif le fait que l'appelant ait interjeté appel dans le but de formuler une demande complémentaire.
II. Sur le fond
1o Sur le jugement du 7 juin 2006
A part le montant de la condamnation contestée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'appelant ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il déclaré illicite son exclusion de l'augmentation de 3% attribuée à compter du 1er juillet 2003 et les conséquences sur le rappel de salaire.
La Société intimée ne formule aucun appel incident à ce titre.
Dans ces conditions, le jugement sus visé sera confirmé sur l'application de l'augmentation du 1er juillet 2003 au salarié.
Il le sera également au titre des frais irrépétibles de première instance, rien ne justifiant d'augmenter l'indemnité de 600 € allouée par les premiers juges, les dépens de première instance étant à la charge de l'employeur.
2o Sur la demande nouvelle
Dans ses écritures, l'appelant fait valoir que la demande nouvelle qu'il est amené à formuler a été motivée par le fait qu'il a eu connaissance récemment du rapport d'expertise C... établi dans l'affaire DAIRE /IBM ( étant observé que l'on ignore la date du dépôt de ce rapport dont l'élaboration a été ordonné le 13 septembre 2001.
Or, en l'espèce l'appelant ne produit pas ce rapport C....
Il se contente de verser au débat la première page d'entête , et semble-t-il les pages 24, 26 et 29 sans que puisse être vérifié que les trois dernieres pages soient bien incluses dans le prétendu rapport.
A partir de ces quelques extraits, l'appelant a confectionné lui même avec l'aide du syndicat CGT IBM FRANCE un tableau et un graphique pour justifier de sa réclamation.
En l'état, la demande nouvelle du salarié doit être rejetée sur les deux fondements invoqués tant celui principal de la discrimination syndicale que celui subsidiaire du non respect de l'égalité de salaire.
1o S'agissant de la discrimination syndicale
Selon l'article L.122-45 du Code du Travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, d'affectation, de qualification, de classification....... en raison de ses activités syndicales.
Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Au vu des attestations de collègues de travail, militants syndicaux , l'engagement du salarié auprès de la CFDT soit comme sympathisant , puis comme adhérent à partir de 1980 puis en qualité d'élu en 2003 ainsi que la participation aux mouvements de grève de l'entreprise ne peuvent être sérieusement contestées.
Pour autant, aucune discrimination syndicale à l'encontre de André X... ne saurait être retenue.
En effet, les pièces produites au débat par ce dernier notamment les quelques pages du rapport C... ci dessus visées, l'interprétation donnée de ces extraits par le salarié, l'historique de sa carrière n'apportent pas d'éléments susceptibles de caractériser ou de laisser présumer une inégalité de traitement par rapport à l'appartenance syndicale et ce tant au niveau de l'évolution de sa carrière, de son salaire, de son coefficient
( 395) ou de son statut de non cadre.
L'employeur par contre, verse au débat un courrier en date du 19 février 2001 adressé par le syndicat CFDT de la métallurgie de l'Hérault à la Société IBM FRANCE, qui avait pour objet la plainte pour discrimination syndicale déposée le 4 décembre 2000 auprès du juge d'instruction et par lequel la CFDT déclare abandonner la dite plainte dans la mesure où elle reconnaît que la situation de tous les militants en activité est réglée et que pour celle des militants en cessation d'activité, il y a engagement de l'employeur dans des conditions précises.
Compte tenu de ce courrier et considérant que d'après le syndicat auquel le salarié appartenait, la situation de ce dernier militant en activité était réglées, les revendications de l'appelant antérieur à 2001 ne peuvent prospérer.
Postérieurement à février 2001, aucun fait précis sur le comportement de l'employeur n'est mis hors de cause; Bien au contraire il apparaît qu'en décembre 2002 le salarié a pu accédé à la qualification d'ingénieur hors grille au coefficient 395.
S'agissant du statut de cadre, il est permis de constater que le salarié ne fournit le moindre élément sur sa volonté et ses propres démarches tant au niveau formation que de la postulation à des fonctions en dépendant et auxquelles l'employeur aurait pu faire barrage.
2o Sur le respect de la règle d'égalité de salaire
En vertu du principe " à travail égal, salaire égal" qui a valeur de règle impérative, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité des rémunérations entre tous les salariés pour autant qu'ils soient placés dans une situation identique.
Or, en l'espèce, l'appelant qui argue d'une atteinte à ce principe n'invoque pas la situation de salariés comparable s à la sienne, c'est à dire occupant le même emploi. La situation de ses camarades de promotion rentrés chez IBM en même temps que lui en 1969 ne peut être retenue en terme de comparaison puisque ceux-ci sont cadres et n'occupent le même emploi.
Par contre, l'employeur justifie par les pièces qu'il produit que dans l'emploi de technicien DA/FA, sur les cinq collaborateurs qui ont un travail de valeur égale à André X..., ce dernier a le plus fort coefficient 395.
Dans ces conditions, là encore la réclamation de l'appelant ne peut prospérer.
3o Sur les autres demandes
L'appel du salarié qui est déclaré recevable mais mal fondé n'apparaît nullement abusif et ne peut donner lieu à l'octroi de dommages
et intérêts au profit de l'intimée.
Vu le résultat du présent litige, il n' y a lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel au profit de l'une quelconque des parties.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'appelant qui succombe tant sur sa réclamation au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sur l'instance prud'homale que sur sa demande nouvelle devant la Cour.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déclare recevable en la forme l'appel de André X...,
Sur le fond,
Confirme le jugement déféré en date du 14 juin 2005 y compris sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens,
Statuant sur la demande nouvelle et y ajoutant,
Déboute André X... de sa réclamation au titre de la discrimination syndicale et du non respect du principe d'égalité des salaires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à l'instance d'appel,
Rejette la demande reconventionnelle de l'intimée,
Laisse les dépens d'appel à la charge de l'appelant.
LE GREFFIERLE PRESIDENT