COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1 Chambre Section AO1
ARRET DU 26 JUIN 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 05328-
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JUIN 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
No RG 05 / 801
APPELANTES :
Mademoiselle Stéphanie X...
née le 07 Août 1974 à BOBLINGEN (ALLEMAGNE)
de nationalité Française
...
71149 BONDORF (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour
assistée de Me FOUQUENET loco Me GOURLIN, avocat au barreau de CARCASSONNE
Madame Patricia A...
née le 12 Octobre 1956 à NOGENT SUR MARNE (94130)
de nationalité Française
...
73460 TOURNON
représentée par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour
assistée de Me Gilles VAISSIERE, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMEES :
SARL ACCES
27 avenue Pasteur
11800 TREBES
représentée par la SCP NEGRE-PEPRATX-NEGRE, avoués à la Cour
assistée de la SCP PECH DE LACLAUSE-GONI-GUILHEM, avocats au barreau de NARBONNE
Madame Patricia A...
née le 12 Octobre 1956 à NOGENT SUR MARNE (94130)
de nationalité Française
...
73460 TOURNON
représentée par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour
assistée de Me Gilles VAISSIERE, avocat au barreau de CARCASSONNE
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 16 Mai 2007, dont le rabat a été prononcé à l'audience du 22 mai 2007 avec nouvelle ordonnance de clôture du même jour.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 MAI 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller, en remplacement de Mme la Présidente empêchée ; chargée du rapport et M. Claude ANDRIEUX. conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole FOSSORIER, Président
Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller
M. Claude ANDRIEUX, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Josiane MARAND
ARRET :
-Contradictoire
-prononcé publiquement par Mme Nicole FOSSORIER, Président.
-signé par Mme Nicole FOSSORIER, Président, et par Mme Josiane MARAND, présent lors du prononcé.
FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Stéphanie X... vend à Patricia A... par l'intermédiaire de la SARL ACCES, agence immobilière, selon acte notarié en date du 25 septembre 2003 un immeuble en nature de maison d'habitation situé à BADENS (Aude),..., moyennant le prix de 71. 000 €. Elle-même en avait acquis la propriété de Jérôme G..., deux ans auparavant, suivant acte des 19 et 21 septembre 2001, moyennant le prix de 38. 112,25 €.
Par jugement en date du 8 juin 2006, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Carcassonne statuant au vu d'un rapport d'expertise précédemment ordonné en référé, considère que les désordres affectant le bien vendu, en nature d'infiltrations, de remontées d'eau et d'une installation électrique non conforme, sont constitutifs de vices cachés et en conséquence :
-condamne Stéphanie X... à payer à Patricia A... la somme de 14. 500 € en réparation du préjudice subi, assorti des intérêts au taux légal et celle de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-déboute Patricia A... de ses demandes contre la SARL ACCES et la condamne à payer à celle-ci la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-ordonne une expertise complémentaire confiée au même expert afin de vérifier si de nouveaux désordres sont apparus et si les désordres déjà signalés se sont aggravés.
-condamne Stéphanie X... aux depéns.
Stéphanie X... et Patricia A... relèvent appel de ce jugement selon deux déclarations déposées au Greffe respectivement les 28 juillet et 1er août 2006.
L'expert H... effectue ses nouvelles opérations au contradictoire de Stéphanie X... et de Patricia A... et en présence de la SARL ACCES et il clôture son rapport le 13 février 2007.
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 mai 2007, Stéphanie X... demande, au principal, que le jugement soit réformé en toutes ses dispositions et que la Cour constatant, en raison de son absence de mauvaise foi, le jeu de la clause de non garantie prévue à l'acte de vente, en sa faveur, déboute Patricia A... de toutes ses demandes et la condamne à lui verser la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle conclut subsidiairement à l'instauration d'une mesure de contre expertise, compte tenu des insuffisances et des carences affectant le premier rapport. Elle observe que la prétendue aggravation des désordres constatée par l'expert dans son second rapport est le fait de Patricia A... qui n'a pas réalisé les travaux préconisés par celui-ci. Elle s'étonne du montant des sommes retenues dans le second rapport tant au titre des travaux de remise en état désormais fixés à la somme de 28. 394,51 € dans laquelle sont inclus à tort les travaux de dissociation des eaux pluviales, des eaux usées et des eaux vannes, les parties s'accordant à admettre qu'elles n'avaient pas connaissance de ce désordre au jour de la vente, qu'au titre du préjudice de jouissance, en raison de l'inhabitabilité de l'immeuble à compter du mois de juillet 2006, Patricia A... n'y résidant plus pour des motifs personnels depuis 2004 et ne démontrant pas son intention de le mettre en location à compter du mois de juillet 2006.
Dans ses dernières conclusions déposées le 3 mai 2007, Patricia A... demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de Stéphanie X... au titre de la garantie des vices cachés et ordonné une mesure d'expertise complémentaire et qu'il soit infirmé en ce qu'il a exclu toute responsabilité de la part de l'agence immobilière. La Cour doit dire au contraire que celle-ci, en sa qualité d'intermédiaire professionnel de l'immobilier, a manqué à son obligation d'information et de conseil et qu'elle a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil. La Cour, usant en application de l'article 568 du nouveau code de procédure civile de son pouvoir d'évocation, doit actualiser ses demandes en réparation et condamner en conséquence in solidum Stéphanie X... et la SARL ACCES à lui payer la somme de 28. 394,51 € TTC au titre des travaux de remise en état et celle de 4. 800 € au titre du trouble de jouissance outre les sommes de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. Elle conclut au rejet de la demande de contre expertise réclamée subsidiairement par Stéphanie X....
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 mars 2007, la SARL ACCES demande que le jugement soit confirmé et que " le demandeur " soit condamné à lui payer la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle conclut à la condamnation solidaire des succombants aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La procédure est définitivement clôturée le jour de l'audience, soit le 22 mai 2007.
SUR CE
Il est établi par le premier rapport d'expertise clôturé le 28 juillet 2005, aux termes d'investigations approfondies et d'un important travail d'analyse permettant à la Cour de se déterminer sans recourir à la mesure de contre expertise réclamée à tort par Stéphanie X... :
-que la maison vendue présente :
• de nombreuses infiltrations provenant de défauts d'étanchéité affectant la toiture du bâtiment principal constituée de tuiles canal, la couverture du patio constituée de plaques en polycarbonate et enfin la toiture du cellier et de la salle de bain constituée de tuiles plates mécaniques.
• des remontées d'humidité provenant de la nature même des murs anciens, faits de pierres hourdées au mortier de chaux, particulièrement hydrophile et dépourvu de barrière de capillarité.
•
d'une non conformité majeure de l'installation électrique composée de conducteurs non protégés et présentant un danger latent.
-que les désordres en nature d'infiltrations et de remontées d'humidité sont apparus lors d'un orage survenu le 13 octobre 2003 et donc très peu de temps après le contrat de vente conclu le 25 septembre 2003, qu'ils se sont régulièrement renouvelés à l'occasion de précipitations tombées en novembre et décembre 2003 et en février 2004 et qu'ils ont donné lieu à d'importantes auréoles d'humidité, à des coulures, à des venues d'eaux et à des développements cryptogamiques.
-que Jérôme G... l'auteur de Stéphanie X... a déclaré à l'expert qu'il avait constaté alors qu'il était propriétaire, des traces d'humidité dans la salle de bain, imputables à des remontées capillaires et qu'il avait effectué un traitement anti-humidité et placé un revêtement de plaques en plâtre contre le mur et un lambris plastifié dans le cellier.
Il se déduit de ces éléments objectifs et après avoir observé que l'acquéreur non professionnel, n'a pu se convaincre par lui même de l'existence de ces défauts dont l'antériorité à la vente ne fait pas de doute, en raison de leur nature, de leur siège et de leurs dates d'apparition et alors, s'agissant de l'installation électrique que la notice descriptive rédigée par l'agence mentionnait qu'elle avait été refaite, que le bien considéré présente des défauts cachés au sens de l'article 1641 du code civil, rendant la maison vendue, destinée au premier chef à assurer le couvert et la sécurité de ses occupants, impropre à son usage.
Le jugement frappé d'appel doit être confirmé de ce chef.
La Cour retient également par confirmation du jugement entrepris que Stéphanie X... qui ne pouvait ignorer les défauts d'étanchéité et les remontées d'humidité affectant sa maison, n'est pas fondée à se prévaloir de la clause de non garantie prévue à l'acte et stipulant que l'acquéreur prend l'immeuble dans son état actuel avec tous ses vices ou défauts apparents ou cachés.
Il est établi, en effet, par les pièce produites et notamment par les relevés enregistrés par Météo France en 2001,2002 et 2003 qu'il a plu régulièrement durant ces années de sorte que les désordres précités, dont il est constant qu'ils sont liés à la tombée de précipitations, n'ont pas manqué de se manifester dans cette maison, alors qu'elle en était propriétaire.
C'est à tort, en revanche, que le premier juge a étendu la connaissance que Stéphanie X... avait des défauts affectant le bien vendu à l'installation électrique dès lors qu'il résulte des pièces produites qu'elle a fait procéder selon une facture en date du 6 juin 2002 d'un montant de 3. 322,59 € à " la mise en sécurité de l'installation électrique, avec rénovation et ré-alimentation des lignes " et que cette circonstance a pu la convaincre, alors qu'elle est profane en la matière, de la conformité de l'installation.
Le jugement frappé d'appel doit être infirmé de ce chef.
L'agence immobilière ACCES est certes tenue envers l'acquéreur Patricia A..., tiers au contrat de mandat conclu avec la venderesse le 2 juillet 2003, à une obligation de renseignement et de conseil sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Aucun élément du dossier n'établit cependant que celle-ci en délivrant à Patricia A... une fiche descriptive datée du 26 juillet 2003 évoquant " une maison de village entièrement rénovée et sans travaux ", a manqué à son devoir d'information.
Les désordres affectant la maison ont pu en effet, fort bien, ne pas être décelés par l'agence, compte tenu de la sécheresse de l'été 2003 marquée par une canicule exceptionnelle, la facture précitée du 6 juin 2002 concernant l'installation électrique ayant pu par ailleurs la convaincre au même titre que la venderesse, de l'absence d'anomalies à cet égard.
C'est donc, à bon droit, que le premier juge dont la décision sera confirmée, a rejeté la demande formée par Patricia A... contre la SARL ACCES, en l'absence d'une faute démontrée de sa part.
Le jugement entrepris doit encore être approuvé en ce qu'il a ordonné une expertise complémentaire à l'effet de dire en l'état des pièces produites si les désordres existants se sont aggravés et si de nouveaux désordres sont apparus.
L'expert H... a clôturé son rapport le 13 février 2007 et les parties ont conclu au vu de ce document.
La Cour, usant du pouvoir d'évocation qu'elle tient de l'article 568 du nouveau code de procédure civile, estime qu'il est de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.
Il est établi sans conteste par ce deuxième rapport que les désordres se sont considérablement aggravés et que d'autres de même nature son apparus au point de rendre l'immeuble inhabitable à compter du mois de juillet 2006 sans que Stéphanie X... qui s'est abstenue de payer à Patricia A... les dommages et intérêts auxquels elle a été condamnée par le jugement du 8 juin 2006 assorti de l'exécution provisoire, ne soit fondée à soutenir que cette aggravation qui trouverait son origine dans la non réalisation par l'acquéreur des travaux préconisés par l'expert, ne lui est pas imputable.
L'expert relève ainsi la présence d'une importante humidité par condensation, se matérialisant par des développements cryptogamiques accrus, en de nombreux endroits ainsi que des pénétrations d'eau à l'étage supérieur ayant entraîné un fléchissement du plafond en raison du poids de la laine de verre gorgée d'eau et il note plus généralement que l'immeuble est devenu inhabitable.
Il chiffre aux termes d'investigations précises et motivées que la Cour adopte sans s'arrêter à la critique non fondée concernant les travaux de dissociation des eaux pluviales, usées et vannes mais en déduisant en revanche la mise en conformité de l'installation électrique que Stéphanie X... n'est pas tenue de garantir, le montant des travaux de remise en état à la somme de 25. 588,21 € TTC, au paiement de laquelle la venderesse doit être condamnée.
Il est juste, eu égard aux caractéristiques du bien, de fixer le montant de la réparation du trouble de jouissance résultant de son inhabitabilité depuis le mois de juillet 2006, à la somme de 3. 000 € arrêtée au 30 avril 2007, date des conclusions (300 € x 10 mois) au paiement de laquelle Stéphanie X... doit également être condamnée.
Patricia A... ne justifie pas d'un préjudice distinct non réparé par l'effet des condamnations qui précèdent de sorte que sa demande en paiement de la somme de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires est rejetée.
Il est équitable d'allouer à Patricia A... la somme de 1. 600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Stéphanie X... qui succombe en son appel étant déboutée de sa demande fondée sur ce texte.
Patricia A... doit par considération d'équité être condamnée à payer à la SARL ACCES la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Stéphanie X... était tenue de garantir les travaux de remise en état de l'installation électrique,
DEBOUTE Stéphanie X... de sa demande aux fins de contre expertise,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et usant de son pouvoir d'évocation, condamne Stéphanie X... à payer à Patricia A... la somme de 25. 588,21 € au titre des travaux de remise en état, celle de 3. 000 € en réparation du préjudice de jouissance, outre la somme de 1. 600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
DEBOUTE Patricia A... de sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires,
DEBOUTE Stéphanie X... de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE Patricia A... à payer à la SARL ACCES la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE Stéphanie X... aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP ARGELLIES, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
SC / MC