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20/12/2006 | FRANCE | N°2003

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0015, 20 décembre 2006, 2003


CC/LG/AC

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4 chambre sociale

ARRET DU 20 Décembre 2006

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/01598

ARRET no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JANVIER 2006 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER , No RG04/01739

APPELANTE :

Madame Martina X...

...

34070 MONTPELLIER

Représentant : Me Anne .DE LIGNY (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS

prise en la personne de son représentant légal Jean-Pierre Y.

..

...

69300 CALUIRE ET CUIRE

Représentant : Me Gerbert .RAMBAUD (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été déba...

CC/LG/AC

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4 chambre sociale

ARRET DU 20 Décembre 2006

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/01598

ARRET no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JANVIER 2006 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER , No RG04/01739

APPELANTE :

Madame Martina X...

...

34070 MONTPELLIER

Représentant : Me Anne .DE LIGNY (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS

prise en la personne de son représentant légal Jean-Pierre Y...

...

69300 CALUIRE ET CUIRE

Représentant : Me Gerbert .RAMBAUD (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2006, en audience publique, M. Louis GERBET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

M. Louis GERBET, Président

Mme Marie CONTE, Conseiller

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Chantal COULON

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 20 DECEMBRE 2006 par M. Louis GERBET, Président.

- signé par M. Louis GERBET, Président, et par Mme Chantal COULON, présent lors du prononcé.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Martina X... a été embauchée par le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS en qualité d'acheteuse, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en date du 2 octobre 2003 avec effet au 13 octobre 2003 ; les parties ayant stipulé une période d'essai de 3 mois.

Par courrier en date du 16 janvier 2004, Martina X... met fin à la période d'essai dans les termes suivants :

« Comme convenu avec vous, je vous confirme ma volonté de mettre fin à ma période d'essai en date du 16 janvier 2004.

Je vous remercie de me transmettre les documents liés à la rupture de mon contrat de travail. »

Un nouveau contrat de travail entre les parties a été conclu le 6 mai 2004 avec effet au 10 mai 2004, similaire au premier à l'exception du lieu d'affectation, et prévoyant une nouvelle période d'essai de 3 mois de travail effectif qui devait expirer le 10 août 2004.

Par lettre recommandée avec accusée de réception en date du 2 juillet 2004, le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS a notifié à Martina X... la rupture de sa période d'essai dans les termes suivants :

« Suite à notre entretien du vendredi 2 juillet 2004 avec votre hiérarchie, et en application des dispositions de votre contrat de travail prévoyant une période d'essai de 3 mois à compter du 10 Mai 2004, nous vous confirmons la décision de mettre fin à la période d'essai. Votre contrat prendra fin le vendredi 9 juillet 2004 au soir.

Vos certificats de travail et solde de tout compte vous seront adressés dans les meilleurs délais. »

Contestant la rupture de la période d'essai et réclamant le paiement de diverses sommes, Martina X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER.

Après une audience de conciliation fixée au 22 novembre 2004 et demeurée infructueuse, le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER, lequel, suivant jugement du 30 janvier 2006, a :

- Condamné le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS à payer à Martine X... :

· 3 210 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

· 1 167,27 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

· 116,27 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

· 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Débouté Martina X... du surplus de ses demandes,

- Débouté le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS de ses demandes reconventionnelles et le condamne aux dépens.

Martina X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Martina X... demande à la Cour de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Montpellier du 30 janvier 2006 en ce qu'il reconnaît le caractère illicite de la période d'essai,

- Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Montpellier du 30 janvier 2006 en ce qu'il reconnaît le caractère abusif du licenciement prononcé,

- Réformer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Montpellier du 30 janvier 2006 en ce qu'il a débouté Martina X... de sa demande de dommages et intérêts au titre des articles L. 122-25-2 et L. 122-30 du code du travail,

- Condamner le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS à payer à Martina X... :

· 27 463 euros au titre des salaires perdus pendant la période couverte par la nullité,

· 1 998 euros au titre d'indemnités compensatrices de congés payés,

· 2140 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

· 14 980 euros à titre d'indemnités pour préjudice financier pour non-respect des règles de protection de la maternité,

· 5 000 euros à titre d'indemnités pour préjudice moral pour non-respect des règles de protection de la maternité,

· 8 600 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire :

Si la Cour devait juger licite la seconde période d'essai, condamner le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS à payer à Martina X... une somme de 25 000 euros au titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et discriminatoire de la période d'essai.

Dans tous les cas :

Condamner le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS à payer à Martina X... :

- 575,32 euros au titre des frais de déplacements,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient que la période d'essai prévue dans le second contrat de travail est illicite eu égard au fait que lorsque deux contrats successifs sont conclus entre les mêmes parties pour le même emploi, la période d'essai stipulée dans le second contrat devient illicite et rétroagit au jour du commencement de l'exécution du premier contrat.

En ce qui concerne les conséquences indemnitaires du caractère illicite de la seconde période d'essai, elle soutient que le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS connaissait son état de grossesse au moment de la rupture du contrat de travail, et qu'en conséquence il est tenu de lui verser le montant du salaire qu'elle aurait perçu pendant la période couverte par la nullité, c'est à dire à la fin des quatre semaines suivant le congé de maternité.

A titre subsidiaire, elle prétend que la rupture de la période d'essai est abusive et discriminatoire, puisqu'elle est intervenue du seul fait de son état de grossesse et sans aucune considération valable sur ses capacités professionnelles.

En outre, elle sollicite le remboursement de frais de déplacement qui ne lui auraient pas été réglés.

Le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS, quant à lui, demande à la Cour de :

- Dire et juger que la période d'essai prévue entre les parties et consentie par ces dernières dans le cadre du contrat du mois de mai 2004 est licite,

- Dire et juger que la rupture de ladite période d'essai n'est pas abusive et est intervenue en toute objectivité, sans aucune considération de l'état de grossesse de Martina X... inconnu du GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS au moment de la rupture.

En conséquence,

- Débouter Martina X... de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Martina X... au remboursement de la somme qu'elle a indûment perçue au titre des gratifications annuelles, soit la somme de 1 424,38 euros,

- Condamner Martina X... à verser au GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Condamner Martina X... aux entiers dépens de la présente instance.

Le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS soutient que la période d'essai prévue dans le second contrat de travail est parfaitement licite dans la mesure où le poste à pourvoir est différent de celui occupé au titre du premier contrat.

En sus, il prétend que la période d'essai a été rompue du fait de l'accomplissement défectueux des tâches dévolues à la salariée et non pas en raison de son état de grossesse ; état de surcroît ignoré par l'employeur au moment de la rupture de la période d'essai.

Par ailleurs, il invoque l'absence de lien de causalité entre la rupture de la période d'essai et la grossesse difficile de la salariée.

En outre, il conteste la demande de remboursement de frais par la salariée ; cette dernière ne justifiant aucunement de quelconque frais de déplacement.

Enfin, il sollicite le remboursement de gratifications annuelles que la salariée aurait indûment perçu.

DISCUSSION ET DECISION

Sur la rupture de la période d'essai :

Attendu que la période d'essai est pour l'employeur le moyen de juger des aptitudes professionnelles et de la capacité d'adaptation d'un salarié ; qu'il est admis, lors de contrats successifs entre un employeur et un salarié, la possibilité de prévoir dans le second contrat, une nouvelle période d'essai, à la condition toutefois que le second contrat soit conclu pour pourvoir un emploi différent de celui du premier contrat.

Et attendu que la convention collective applicable en l'espèce prévoit que « sauf accord contraire, tout I.A.C. est soumis à une période d'essai maximale de trois mois » ; qu'il n'est donc pas possible contractuellement de prévoir une durée plus longue.

Qu'en l'espèce, le second contrat conclu entre les parties l'a été pour pourvoir à un emploi identique au précédent ; les missions, le rattachement hiérarchique, la qualification, les gratifications annuelles, ainsi que les appointements mensuels étant en tous points similaires au premier contrat de travail.

Qu'au vu de ces considérations, il y a lieu de considérer la seconde période d'essai stipulée dans le second contrat comme illicite et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Et attendu que pour que la salariée bénéficie de la protection légale, il suffit que l'employeur ait été informé de son état de grossesse, peu important que cette information ne respecte pas les formes prévues par l'article R. 122-9 du Code du Travail qui ne constitue pas en soi une formalité substantielle ; qu'un licenciement notifié pendant la période de protection est nul.

Qu'en l'espèce, l'envoi d'un arrêt de travail à l'employeur, pris en compte par ce dernier notamment eu égard à l'étude des bulletins de salaires, avec la mention « en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse » suffit à établir l'information de l'état de grossesse de la salariée à son employeur.

Qu'en conséquence, la rupture du contrat de travail s'analysant en un licenciement nul.

Sur les conséquences de la rupture :

Attendu que les salariés peuvent prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.

Qu'il résulte de l'analyse précitée que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse eu égard à l'illicéité de la seconde période d'essai.

Que compte tenu des circonstances de la rupture et du montant de la rémunération moyenne versée à la salariée, la Cour estime qu'il convient de fixer les dommages-intérêts dus à Martina X... à la somme de 14 000 euros tous chefs de préjudices confondus à l'exclusion de tout autre chef de demande, ainsi que 2 140 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 214 euros au titre de l'indemnité de congés payés.

Et attendu qu'il résulte de l'analyse précitée que le licenciement est nul pour violation des règles de protection de la maternité.

Qu'en conséquence et eu égard aux dispositions légales applicables en la matière, l'employeur est tenu de verser à la salariée le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ; que la période couverte par la nullité doit s'entendre des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit en application de l'article L. 122-26 du Code du travail ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ; que ce dernier montant intègre l'indemnité de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Qu'il y a donc lieu d'allouer à ce titre la somme de 27 463 euros à Martina X....

Sur les frais de déplacement :

Attendu que la salariée sollicite le remboursement de frais de déplacement qui ne lui auraient pas été réglés.

Mais attendu que cette dernière n'apporte aucune justification sérieuse à l'appui de sa demande.

Qu'en conséquence, il convient de débouter la salariée de ce chef de demande et de confirmer sur ce point le jugement entrepris.

Sur les demandes reconventionnelles :

Attendu que le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS sollicite le remboursement de gratifications annuelles que la salariée aurait indûment perçu.

Attendu toutefois que les gratifications sont calculées en fonction de l'ancienneté des salariés ; qu'en l'espèce l'ancienneté prise en compte est celle du premier contrat de Martina X... ; et qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte la date d'ancienneté du second contrat.

Qu'en conséquence, Le GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS sera débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu qu'en l'espèce Martina X... a obtenu gain de cause.

Qu'en conséquence, il convient de faire supporter la charge de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au GIE BOUYGUES CONSTRUCTION ACHATS ainsi qu'aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, et après avoir délibéré.

En la forme,

Reçoit Martina X... en son appel,

Au fond,

Confirme partiellement le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MONPTELLIER le 30 janvier 2006.

Et statuant de nouveau,

Déclare le licenciement de Martina X... nul.

Condamne l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 27 463 euros au titre des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité,

- 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 2 140 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 214 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0015
Numéro d'arrêt : 2003
Date de la décision : 20/12/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2006-12-20;2003 ?
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