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22/03/2006 | FRANCE | N°96/2854

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 22 mars 2006, 96/2854


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 1 Chambre Section D ARRET DU 22 MARS 2006 Numéro d'inscription au répertoire général : 04/01316

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 FEVRIER 2004 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS No RG 96/2854

APPELANTS : Monsieur Christian X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure Mikaelle BERGER17 impasse Louis Aragon 34280 SERVIAN représenté par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me CABALLERO, avocat au barreau de PARIS Madame Rosita Y... épouse Z... 94 boule

vard de l'Europe 34500 BEZIERS représentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avou...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 1 Chambre Section D ARRET DU 22 MARS 2006 Numéro d'inscription au répertoire général : 04/01316

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 FEVRIER 2004 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS No RG 96/2854

APPELANTS : Monsieur Christian X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure Mikaelle BERGER17 impasse Louis Aragon 34280 SERVIAN représenté par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me CABALLERO, avocat au barreau de PARIS Madame Rosita Y... épouse Z... 94 boulevard de l'Europe 34500 BEZIERS représentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me CABALLERO, avocat au barreau de PARIS Madame Marie José Y... épouse A... 8 rue de la Calade 34000 COULOBRE représentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me CABALLERO, avocat au barreau de PARIS Mademoiselle Cynthia X... née le 19 Février 1981 à BEZIERS (34500) de nationalité Française 7 impasse Louis Aragon, Lot. Les Arcades 34290 SERVIAN représentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me CABALLERO, avocat au barreau de PARIS Mademoiselle Erika X... née le 28 Février 1954 à BEZIERS (34500) de

nationalité Française 7 impasse Louis Aragon, Lot. Les Arcades 34290 SERVIAN représentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me CABALLERO, avocat au barreau de PARIS INTIMEE :

S.E.I.T.A., Société Nationale d'Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis 53 quai d'Orsay 75007 PARIS représentée par la SCP CAPDEVILA - VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assistée de Me DAUZIER, avocat au barreau de PARIS ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Janvier 2006 COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Mathieu MAURI, Président de Chambre

M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller

Mme Gisèle BRESDIN, Conseiller

qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : M. Dominique SANTONJA, ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé publiquement par M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller, suivant les dispositions de l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par M. Mathieu MAURI, Président de Chambre, et par M. Dominique SANTONJA, greffier présent lors du prononcé. En 1995, à l'occasion d'une consultation à l'hôpital de BEZIERS, Suzanne X... a fait l'objet de plusieurs examens qui ont révélé, selon une lettre du docteur B... du service pneumologique "un cancer bronchique avec envahissement ganglionnaire médiastinal, inopérable". Suzanne X... a suivi au Centre Régional de Lutte contre le Cancer de MONTPELLIER un traitement associant chimio-thérapie et radio-thérapie. Le 26 janvier 1996, elle a été classée en invalidité à 80 % par la COTOREP. Courant octobre 1996 elle a été victime d'une attaque cérébrale par métastase de son cancer du poumon. Le 19 octobre 1996 elle décédait d'un oedème pulmonaire.

* Par acte du 23 décembre 1996, Christian X..., son mari, Cynthia, Erika et Mikaelle X..., ses trois filles mineures, ainsi que Rosita et Marie José Y..., ses deux soeurs, ont fait assigner la SEITA devant le Tribunal de Grande Instance de BEZIERS aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1382 et 1384 du Code Civil, sa condamnation à leur payer diverses sommes. Sur le fondement de l'article 1384, ils soutiennent que la SEITA, en sa qualité de fabricant d'un produit dangereux par son double caractère addictif et cancérogène, est responsable de la structure du produit. Ils justifient d'un lien de causalité entre le décès de leur parente et sa consommation de cigarettes qu'ils estiment amplement établi par

les nombreuses études réalisées depuis 1950 et l'étiologie du cancer dont est décédé Suzanne X... Ils soutiennent que la consommation par Suzanne X... de cigarettes Gauloises depuis l'âge de 12 ans, à raison de 1 à 2 paquets de cigarettes par jour, n'exonère pas la SEITA de sa responsabilité, sauf à démontrer l'existence d'un cas de force majeure, ce qu'elle ne fait pas. A titre subsidiaire, ils déclarent que si faute il y a de la part de leur parente, cette faute ne peut entraîner qu'un partage de responsabilité. Par jugement du 2 février 2004, le Tribunal a débouté les consorts X... de leurs demandes et rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SEITA. A P P E L :

Par déclaration du 15 mars 2004, les consorts X... ont relevé appel de ce jugement. Ils concluent à sa réformation et réclament : -qu'il soit fait injonction à la SEITA de produire l'ensemble des procès-verbaux de son conseil d'administration, ainsi que l'ensemble des courriers échangés avec le Ministère des Finances et celui de la Santé pour la période de 1972 à 1978 ; -que la SEITA soit condamnée sur le fondement des articles 1382, 1383 du Code Civil et de l'article L 221-1 du Code de la Consommation, à leur payer ; les sommes suivantes :

1- à Cynthia, Erika et Mikaelle X... :

a/ agissant au nom de leur mère :

-4.483,53 ç au titre de l'I.T.T.,

-1.524,49 ç au titre du pretium doloris,

-1.622,45 ç au titre du préjudice d'agrément,

-3.811,23 ç au titre du préjudice esthétique ;

b/ agissant en leur nom personnel ;

-9.146,94 ç chacune au titre du préjudice moral ; 2- à Christian X... :

-88.073,91 ç au titre des frais de garde et d'entretien des enfants,

-968,66 ç au titre des frais d'obsèques,

-15.244,90 ç au titre des préjudices moral et d'agrément.

-109.763,30 ç au titre de la liquidation de la rente accordée pour ses trois filles pour la période de 1997 à 2002 ; 3- à Rosita Z... et Marie José A... :

-6.097,94 ç chacune au titre du préjudice moral. A titre subsidiaire, ils sollicitent une expertise pour évaluer les préjudices subis. Ils réclament le versement d'une provision de : -100.000 ç pour Christian X..., -10.000 ç pour Cynthia et Erika, -3.000 ç à chacune pour Erika X... (ä), Rosita Z... et Marie José A..., ainsi que 50.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Au soutien de leur appel ils font valoir : 1- sur la violation de l'obligation d'information : -qu'à partir de la fin des années 1950 et jusqu'en 1976 (Loi Weil du 20 janvier 1976), la SEITA, alors qu'elle connaissait parfaitement le risque de cancer associé au tabac, n'a fourni aucune information aux fumeurs ; -qu'il ressort en effet de plusieurs documents versés aux débats (P.V. des 01.04.1971, 21.09.1971 et 15.03.1973 de son Conseil d'Administration, ainsi que plusieurs courriers échangés avec le Ministère de l'Economie et des Finances, et le Ministère de la Santé), qu'elle se préoccupait dès cette époque des problèmes de santé des fumeurs ; -qu'il convient de lui enjoindre de produire la totalité des procès verbaux du conseil d'administration et des lettres échangées avec les Ministères ci-dessus de 1971 à 1978 ; -qu'elle a admis dans un rapport du Comité Technique du 5 avril 1954 consacré aux recherches cliniques et médicales, qu'elle avait des responsabilités en matière de santé ; que cela constitue un aveu au sens des articles 1355 et 1356 du Code Civil ; -qu'à partir de 1976 jusqu'en 1991 (loi Evin du 10.01.1991), elle a interprété de manière réductrice l'obligation d'apposer la mention "abus dangereux" sur les paquets de cigarette, en faisant

suivre cette mention de "selon la loi no 76-616" et en utilisant des caractères peu lisibles ; -qu'à partir de 1991, elle a contourné l'obligation d'information pénalement sanctionnée en s'efforçant de ridiculiser ou de dissimuler le message sanitaire. Elle rappellent qu'à partir des années 1960, la SEITA, qui finançait et dirigeait des groupes d'étude et de recherche sur les conséquences de la consommation de tabac et son lien avec le cancer du poumon et les maladies cardio-vasculaires, non seulement occultait toute information, mais se livrait, d'une part, à une communication effreinée à destination des jeunes et des femmes en vue de masquer les risques inhérents à la consommation de tabac, et, d'autre part, à une publicité tapageuse en faveur du tabac à travers des opérations de parrainage en faveur de la marque Gauloise qu'elle exploitait (cf. Le Raid Gauloise). 2- sur la violation de l'obligation de sécurité :

-que l'obligation de sécurité prévue par les textes s'applique aux cigarettes Gauloises, produit addictif et cancérogène dont l'usage régulier et prolongé est dangereux pour la santé ; -que la SEITA, en sa qualité de fabricant des cigarettes Gauloises, devait informer le consommateur sur tous les produits entrant dans la composition des cigarettes, ainsi que sur leur origine ; -que ce n'est cependant qu'en 1978 que les taux de goudron et de nicotine sont mentionnés sur les paquets de cigarettes ; -que la SEITA n'a effectué aucune démarche auprès des fumeurs pour les conseiller et les-que ce n'est cependant qu'en 1978 que les taux de goudron et de nicotine sont mentionnés sur les paquets de cigarettes ; -que la SEITA n'a effectué aucune démarche auprès des fumeurs pour les conseiller et les aider à cesser de fumer (ex : par la mise en place d'un numéro vert du type SEITA-INFO SERVICE) ou l'offre gratuite de gomme à mâcher, de timbre à la nicotine...ou de tout autre substitut nicotinique). 3- Sur le lien de causalité entre le décès de Suzanne X... et l'usage du

tabac : -qu'il est établi que le cancer du poumon dont était atteinte et dont est décédée Suzanne X... a pour cause sa consommation de cigarettes. 4- sur le rôle causal des fautes de la SEITA et de Suzanne X... dans la production du dommage : -que si Suzanne X... a commencé à fumer dès l'âge de 12 ans un à deux paquets par jour, selon les périodes, elle avait totalement cessé dès la découverte du cancer dont elle était atteinte ; -que la SEITA, en manquant gravement et intentionnellement à son devoir d'information et d'aide à la cessation de fumer, est entièrement responsable de la maladie dont est décédée Suzanne X... ; -que le comportement de Suzanne X... ne saurait être considéré comme fautif ; qu'à défaut d'une information complète et loyale, elle n'a jamais pu évaluer les risques encourus et a fortiori, les accepter ; qu'en l'absence de tout fait fautif de sa part, la SEITA ne peut se prévaloir d'une quelconque exonération de responsabilité ; -qu'en tout état de cause, si faute il y a, elle n'a pu avoir qu'un rôle causal partiel. 5- sur les préjudice subis : -que Suzanne X... est décédée à l'âge de 35 ans, laissant un mari âgé de 39 ans et trois filles âgées de 15, 12 et 7 ans, ainsi que deux soeurs âgées de 49 et 45 ans ; -qu'elle a subi une ITT de 16 mois, un important pretium doloris ainsi qu'un important préjudice esthétique et d'agrément ; -que ses ayants-droit ont, du fait de la maladie et du décès de leur parente, subi un important préjudice moral ; -que Christian X... a dû élever seul ses trois filles, subissant ainsi un important préjudice patrimonial. * La SEITA conclut pour sa part à : -l'irrecevabilité de leur demande

en production forcée des documents archivés, faute d'avoir sollicité du Ministère de la Culture la communication de ces documents archivés depuis 1975 ; -le débouté de leur demande de production desdites pièces compte tenu de leur caractère non indispensable à la manifestation de la vérité ; -la confirmation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 juin 2005 ayant rejeté cette demande de production de pièces ; -l'absence d'aveu judiciaire tiré du rapport du comité technique du 5 avril 1954 ; -l'absence de toute faute de sa part ; -l'absence de tout manquement à une obligation de sécurité ; -l'absence de lien de causalité entre un défaut d'information et le cancer de Suzanne X... ; -la confirmation du jugement et le débouté des consorts X... de leurs demandes. Elle réclame en outre 8.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle fait valoir qu'en cause d'appel les consorts X... abandonnent toute référence à la responsabilité du gardien d'un produit structurellement dangereux (art. 1384 du Code Civil) et se limitent au fondement délictuel. ; -s'agissant de la demande de production forcée de documents, la SEITA fait valoir d'une part, qu'il n'est pas établi que ces documents soient utiles à la solution du litige et, d'autre part, qu'étant remis aux archives publiques, leur production relève d'une procédure particulière que les demandeurs ne justifient pas avoir respectée. Elle ajoute que certains de ces documents sont en outre couverts par le secret médical et que pour d'autres, la demande n'est pas suffisamment précise. Elle conclut sur ce point en rappelant que le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 13 juin 2005, rejeté cette demande et renvoyé les consorts X... a saisir le Ministère concerné. -s'agissant des fautes imputées à la SEITA : Elle soutient que rien ne permet d'établir que la consommation de tabac soit la cause de l'apparition du cancer dont la victime a souffert et que les

études statistiques affirmant qu'un fumeur a 30 à 50 fois plus de risque que le non-fumeur, d'être atteint d'un cancer broncho-pulmonaire sont insuffisantes à établir en l'espèce un tel lien de causalité. Elle rappelle : -que les dangers du tabac étaient connus depuis longtemps et par suite, il ne peut lui être reproché un défaut d'information avant la loi du 20 janvier 1976 ; -que durant la période considérée (jusqu'à la privatisation de la SEITA en 1995 -D. 04.01.1995-) la SEITA, établissement public industriel et commercial était soumis au principe de spécialité, c'est à dire qu'il devait s'en tenir à l'exercice de la mission qui lui était précisément attribuée, en l'espèce l'exploitation du monopole de fabrication, importation et distribution en gros des tabacs manufacturés pour le compte et sous le contrôle de l'Etat ; -qu'elle n'avait, par suite, aucune compétence en matière d'information des usagers sur les dangers du tabac ; -que cette information est intervenue conformément à la loi du 20 janvier 1976 et que la mention "selon la loi..." (Validée par la Cour d'Appel de PARIS dans son arrêt du 01.10.1998, annulé sur pourvoi par arrêt de la Cour de Cassation du 15.02.2000) a été retirée en juin 2001 alors que la décision de la Cour de renvoi n'était pas encore intervenue ; -qu'elle n'a eu de cesse de promouvoir d'une part, des études scientifiques afin d'améliorer le produit et, d'autre part, des recherches médicales sur le cancer ; -que l'information en matière de santé relève du Ministère de la Santé et en ce qui concerne le tabac, du Ministère de l'Economie et des Finances ; -qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que même si cette information avait eu lieu avant 1976, Suzanne X... aurait modifié son comportement. -s'agissant d'un manquement à l'obligation de sécurité fondée sur l'article L 221-1 du Code de la Consommation (L. Du 21.07.1983), elle fait observer que cette argumentation est nouvelle devant la Cour et que les requérants

abandonnent toutes prétentions développées devant le premier juge sur le fondement de l'article 1384 du Code Civil. Elle rappelle : -que le tabac n'est pas un produit intrinsèquement dangereux, que ces derniers concernent les produits nécessitant des précautions particulières d'utilisation pour prévenir les risques d'accident (explosions, brûlures...) ; -qu'avant 1976 l'obligation de mise en garde ne faisait référence qu'au risque d'accident ; -qu'avant 1976 l'obligation d'information incombant au fabricant résultait soit de dispositions légales, soit des clauses de la convention ; -que sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil le vendeur professionnel est, selon la jurisprudence, tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou défaut de fabrication, de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ; qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que les cigarettes fabriquées par la SEITA soient affectées d'un vice ou d'un défaut ; -que la Directive Européenne de 1985 et la loi du 19.05.1998 reprises par les articles 1386-1 et suivants du Code Civil, sur les produits défectueux, est inapplicable aux faits de l'espèce. -S'agisant des sommes réclamées au titre du préjudice subi, la SEITA conclut au débouté des demandeurs. M O T I F C... : Sur la demande d'injonction de produire certaines pièces : ATTENDU que cette demande a été rejetée par le conseiller chargé de la mise en état par des motifs pertinents que la Cour adopte ; qu'en effet, outre le fait que la production des pièces sollicitées relève d'une procédure particulière que les demandeurs n'ont pas respectée, il n'est pas établi que lesdites pièces soient utiles à la manifestation de la vérité ; qu'il échet par suite de rejeter ceette demande ; Sur le fond : Sur la violation de l'obligation d'information : ATTENDU que le tribunal, par de justes motifs que la Cour adopte, a longuement et avec précision, après avoir retracé l'historique de la SEITA (simple service administratif en 1926 puis établissement public industriel et

commercial (EPIC) e 1959, société nationale en 1980 et enfin société privée en 1995) rappelé qu'avant la loi du 20.01.1976 (Loi Veil) aucune disposition réglementaire n'imposait l'inscription de message sanitaire sur les paquets de cigarettes et qu'avant cette loi, la SEITA, simple EPIC, n'avait pas qualité pour intervenir de sa propre initiative dans ce domaine qui ressortit au Ministère de la Santé ainsi qu'à celui de l'Economie et des Finances dont les nombreuses pièces versées aux débats établissent que ces services divergeaient sur le caractère impératif et sur les modalités de l'information à fournir à la population et ce, alors même que depuis les années 1950, des études réalisées aux Etats-Unis et en Angleterre, établissaient déjà une relation causale entre la consommation de tabac et certaines maladies cardio-vasculaires ainsi que le cancer, et que la SEITA elle-même avait une parfaite connaissance des méfaits du tabac sur la santé, pour avoir financé plusieurs études scientifiques et recherches médicales sur ce sujet ; ATTENDU, s'agissant du contournement de l'obligation d'information loyale reproché à la SEITA après l'entrée en vigueur de la loi du 20.01.1976, puis de la loi du 10.01.1991 (Loi Evin) imposant l'inscription d'un message sanitaire sur les paquets de cigarettes, qu'il n'est pas établi que l'adjonction de la mention "selon la loi no...." à la suite du message sanitaire "abus dangereux", ait eu une incidence sur le comportement de Suzanne X... ; ATTENDU enfin qu'il convient de rappeler que Suzanne X... a commencé à fumer à l'âge de 12-13 ans, soit en 1973-1974, c'est à dire peu avant l'entrée en vigueur de la loi du 10.01.1976, et qu'à cette époque, il était déjà largement fait état par les médias, des risques de maladies cardio-vasculaires et de cancer engendrés par la consommation de tabac ; que Suzanne X..., alors adolescente, à défaut d'avoir été informée par ces moyens, avait nécessairement dû l'être par ses parents, titulaires de

l'autorité parentale et chargés, selon l'article 371-2 du Code Civil, de veiller à sa sécurité ainsi qu'à sa santé ; que par la suite, devenue majeure, épouse et mère de 3 enfants, elle avait de même nécessairement dû être informée lors du suivi médical de ses grossesses, des risques encourus tant par elle-même que par l'enfant à naître, d'une consommation excessive de cigarettes ; ATTENDU qu'il ne peut, par suite, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil, être reproché à la SEITA une faute en relation avec le décès de Suzanne X... ; ATTENDU qu'il ne peut, de même, être argué du rapport en date du 5 avril 1954, un quelconque aveu judiciaire au sens des articles 1355 et 1356 du Code Civil ; Sur la violation de l'obligation de sécurité (art. 221-1 du Code de la Consommation, art. 1147 du Code Civil) : ATTENDU qu'il n'est pas établi que les cigarettes fabriquées et vendues par la SEITA présentaient un vice ou un défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ; que par suite, en l'absence de défaut de sécurité du tabac, dont seul l'usage excessif (ce qui est le cas en l'espèce) est dommageable, la responsabilité de la SEITA ne peut utilement être recherchée sur ces fondements ; ATTENDU, s'agissant de la Directive Européenne de 1985 et de la loi du 19.05.1998 introduisant dans notre Droit le contenu de cette directive, qu'il convient de préciser que les dispositions de cette loi ne sont applicables qu'aux produits mis en circulation postérieurement à son entrée en vigueur, qu'elles visent les produits défectueux, et qu'il vient d'être rappelé qu'il n'a pas été démontré que les cigarettes fabriquées et vendues par la SEITA aient présenté un tel caractère ; ATTENDU qu'il convient, eu égard à l'ensemble de ces éléments, de confirmer le jugement entrepris et de débouter les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes ; PAR CES MOTIFS, La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement, -Confirme le jugement ; -Déboute les consorts

X... de l'ensemble de leurs demandes ; -Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; -Condamne les consorts X... aux dépens dont distraction au profit des avoués de la cause. Le Greffier, Le Président, MM/MCM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 96/2854
Date de la décision : 22/03/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-03-22;96.2854 ?
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