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07/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949125

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0050, 07 février 2006, JURITEXT000006949125


PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Thierry X... a fait procéder à l'édification de sa maison d'habitation située à ANTUNAC, livrable clé en main , par la société PAVILLONS DU MIDI, intervenant en qualité de constructeur, assurée par le GAN.

La société PAVILLONS DU MIDI a sous traité les travaux de gros .uvre et de charpente à la société de fait MARTINEZ FRERES.

Les travaux ont été réceptionnés selon procès-verbal du 6 mai 1992, les diverses réserves étant alors levées. A la suite d'un sinistre, infiltrations d'eaux pluviales en trois endroits

, (faîtage, salon et tuiles de rives sur le mur séparant le salon de la cuisine), et appari...

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Thierry X... a fait procéder à l'édification de sa maison d'habitation située à ANTUNAC, livrable clé en main , par la société PAVILLONS DU MIDI, intervenant en qualité de constructeur, assurée par le GAN.

La société PAVILLONS DU MIDI a sous traité les travaux de gros .uvre et de charpente à la société de fait MARTINEZ FRERES.

Les travaux ont été réceptionnés selon procès-verbal du 6 mai 1992, les diverses réserves étant alors levées. A la suite d'un sinistre, infiltrations d'eaux pluviales en trois endroits, (faîtage, salon et tuiles de rives sur le mur séparant le salon de la cuisine), et apparition de fissures sur le pignon extérieur du garage, M. X... a saisi le Cabinet VERSPIEREN, représentant sa propre compagnie d'assurance par courrier recommandé du 16 octobre 2000. Une expertise amiable réalisée par le Cabinet POLY EXPERT, mandaté par la Compagnie WINTERTHUR, assureur multirisques de M. X..., a mis en évidence de nombreuses autres fissurations verticales et horizontales, laissant penser, après passage de caméra, à un défaut de colmatage sur les canalisations enterrées avec mouvement généralisé des fondations de la maison. Sur la base de ce rapport, M. X... a assigné en référé selon acte du 23 avril 2002 la Compagnie LE GAN, assureur de la société PAVILLONS DU MIDI (disparue depuis) qui a elle-même appelé en garantie la société de fait

MARTINEZ FRERES et sa compagnie d'assurance LA LUTECE (devenue la Compagnie GENERALI France), selon acte du 6 mai 2002. M. Y..., expert judiciaire désigné par ordonnance de référé du 6 juin 2002, a déposé son rapport sur la base duquel M. X... a, selon acte du 6 mai 2003, fait assigner la société PAVILLON DU MIDI et la SARL MARTINEZ devant le Tribunal de Grande Instance de Carcassonne pour les entendre déclarées responsables des désordres affectant sa maison et condamnées, in solidum avec leurs assureurs, à lui payer la somme de 77.205,39 ç au titre des travaux de reprise, celle de 5.251,43 ç à réévaluer selon les variations de l'indice BT 01 au titre de la maîtrise d'.uvre, ainsi qu'au paiement de la somme de 7.622,45 ç pour privation de jouissance, 1.524,49 ç à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre 3.048,98 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout, avec exécution provisoire. Par jugement du 7 mai 2004, le Tribunal de Grande Instance de Carcassonne après avoir écarté la notion de catastrophe naturelle et, considérant que le sous-traitant n'est là que pour exécuter les ordres de la société de construction de maisons individuelles ;

Que rien au dossier déposé par le GAN ou par les parties ne laisse sous entendre qu'il y ait eu un transfert de compétence au niveau de l'étude du sol et après avoir retenu que les difficultés soulevées par la compagnie GENERALI FRANCE venant aux droits de la société La LUTECE quant à la régularité de la procédure diligentée à l'encontre de la SARL MARTINEZ FRERES ou de la société de fait MARTINEZ s'avèrent sans intérêt a : Vu les constatations faites par l'expert, Dit que la société PAVILLON DU MIDI, actuellement disparue, a dans l'exécution de son contrat de construction individuelle commis des fautes dont elle devrait être seule et entièrement responsable, Condamné en conséquence la Compagnie LE GAN à payer à Thierry

X... 77.205,39 ç pour les travaux de reprise et 5.251,43 ç pour les frais de maîtrise d'.uvre, Dit que ces montants seront réévalués selon les variations de l'indice BT 01 entre le jour du règlement et le jour du dépôt du rapport d'expertise, soit le 28 janvier 2003, Condamné en outre la Compagnie LE GAN à payer à Thierry X... 5000 ç à titre de réparation et autres causes de préjudice confondues, Condamné la Compagnie Le GAN à payer à Thierry X... la somme de 1.000 ç au titre des frais irrépétibles, outre aux entiers dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise, Mis hors de cause la société MARTINEZ FRERES ainsi que son assureur la Compagnie GENERALI France, venant aux droits de la Compagnie d'assurance LA LUTECE. La Compagnie LE GAN a régulièrement relevé appel de cette décision. Par conclusions notifiées le 26 novembre 2004, l'appelante conteste la mise hors de cause de la société MARTINEZ, considérant d'une part que les désordres incriminés sont imputables à la réalisation des lots gros .uvre et que le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat, dont il ne peut s'exonérer sauf preuve d'une cause étrangère, et d'une obligation de conseil qui ne lui permet pas de se borner à suivre les instructions de l'entrepreneur principal, et qu'il a dans divers courriers reconnu sa responsabilité. L'appelante conclut à la réformation du jugement déféré au visa des dispositions de l'article 1147 du code civil et demande à la Cour de condamner in solidum la SARL MARTINEZ et FRERES et son assureur la Compagnie GENERALI venant aux droits de la Compagnie LA LUTECE à réparer l'entier préjudice subi par M. X... et, le cas échéant à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 ç à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile outre aux

entiers dépens. Par conclusions notifiées le 23 mars 2005, la Compagnie GENERALI oppose au principal la prescription de l'action intentée contre la SARL MARTINEZ, faute d'avoir été exercée dans le délai décennal et, à titre subsidiaire conclut à sa mise hors de cause et à celle de la SARL MARTINEZ. Elle sollicite une somme de 1500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par conclusions notifiées le 11 mars 2005, M. X... sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation in solidum des appelants au paiement de la somme de 5.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens. La SARL MARTINEZ FRERES est défaillante.

M O T I V A T I O Z...

I - SUR L'ACTION PRINCIPALE DE THIERRY X...

L'expert a constaté que la maison de M. X... présentait de nombreuses fissurations des murs extérieurs et intérieurs et du dallage. Ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination et relèvent ainsi de la responsabilité décennale de l'article 1792 du Code Civil.

Il précise que la construction a été réalisée sur des argiles particulièrement sensibles aux phénomènes de dessiccation, et que si les sondages ont mis à jour un drain périphérique ayant pour effet

immédiat de limiter le gonflement des argiles situées sous le bâtiment en captant une partie des eaux d'infiltration, ce dispositif s'est avéré insuffisant compte-tenu de leur sensibilité hydrophile.

IL est certain que les désordres constatés et en particulier la fissuration des murs porteurs et l'affaissement de la dalle sont directement liés à la nature du sol et aux effets de la sécheresse. Un arrêté de catastrophe naturelle intéressant la zone où la maison a été construite et visant les périodes comprises entre janvier 1997 et décembre 1998 a d'ailleurs été publié au journal officiel du 3 avril 1999.

Cependant cet état de fait ne saurait constituer une circonstance exonératoire de la responsabilité de plein droit résultant de l'article 1792 du Code Civil, dès lors qu'ainsi que l'expert le relève, l'une des premières précautions à prendre par le constructeur d'une maison individuelle est de s'assurer de la nature du sol et de sa compatibilité avec le type de fondation et les éléments de structure prévus pour la construction envisagée.

Or force est de constater que l'immeuble a été construit en faisant abstraction de cette règle et sans tenir compte du profil hydrique du terrain, alors que les risques liés à la dessiccation du sol sont connus dans le département depuis 1989, et sans prendre les dispositions nécessaires à la réalisation d'un ouvrage adapté à cette situation.

Dès lors c'est à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité de la société PAVILLON DU MIDI et condamné son assureur le GAN à indemniser M. X... des conséquences

dommageables de ces désordres dont les montants ne sont pas discutés. Au demeurant le GAN ne remet pas en cause cette condamnation et recherche exclusivement en appel et sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil, la garantie du sous traitant la SARL MARTINEZ FRERES, et de son assureur la compagnie GENERALI.

II-SUR LE RECOURS EN GARANTIE DU GAN CONTRE LA SARLMARTINEZ FRERES ET LA COMPAGNIE GENERALI a ) sur la prescription

Assigné en référé par le maître de l'ouvrage, le GAN a appelé en garantie le sous-traitant MARTINEZ et son assureur LA LUTECE devenue GENERALI, suivant exploits du 30 avril 2002, - soit dans le délai décennal qui a couru à compter du procès-verbal de réception du 6 mai 1992-, et les a assignés au fond le 5 mai 2003.

La compagnie GENERALI soutient que les assignations en référé n'ont pas interrompu le délai de prescription, la première pour avoir été délivrée à la "société de fait MARTINEZ", dépourvue de la capacité d'agir en justice, et la seconde en l'absence d'action directe du GAN contre l'assureur du sous-traitant

En droit, l'action intentée contre une personne morale inexistante par confusion avec le nom d'une personne morale existante est

recevable; cette erreur, alors qu'aucun doute n'est possible quant à l'identité du défendeur qui ne subit aucun grief, ne constitue qu'un vice de forme et non une irrégularité de fond.

En l'espèce, le sous traitant qui a exercé en premier lieu sous forme d'une "société de fait MARTINEZ FRERES" a pris la forme juridique de la "SARL MARTINEZ FRERES", modification qui a généré une certaine confusion aux yeux des tiers.

Dès lors, la méprise commise par le GAN sur la personnalité juridique du sous-traitant inexactement qualifié dans l'assignation du 30 avril 2002 de société de fait MARTINEZ" au lieu de "SARL MARTINEZ" s'analyse en une simple erreur formelle qui n'a pu entraîner aucun doute sur l'identité du défendeur et n'a causé à celui-ci aucun grief puisque concernant sa propre identité. La SARL MARTINEZ connaissait d'ailleurs parfaitement la nature des désordres qui lui étaient imputés et avait admis sa responsabilité pour certains d'entre eux (cf lettres des 23 mars 1996 et 24 avril 1996).

Il en résulte que la compagnie GENERALI n'est pas fondée à se prévaloir de cette erreur sans conséquence et à laquelle a contribué la modification de la dénomination de son assuré, et que l'assignation en référé du 30 avril 2002 a bien interrompu le délai de prescription tant à l'égard de la SARL MARTINEZ que d'elle-même.

Au surplus la compagnie LE GAN, assignée en qualité d'assureur décennal de la société PAVILLONS DU MIDI, et fondée à ce titre à se prévaloir de l'inexécution par le sous-traitant de l'inobservation de ses obligations contractuelles, est en droit d'appeler directement la compagnie GENERALI, assureur de la SARL MARTINEZ, en garantie des

condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle, et ce même dans le cadre d'un recours en garantie et indépendamment de la mise en cause de l'assuré lui-même. L'assignation en référé délivrée à la compagnie GENERALI a donc également interrompu la prescription. b) sur le fond :

Tenu sur le fondement de l'article 1147 du Code civil d'une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal, le sous-traitant doit réaliser les travaux conformément aux règles de l'art et livrer un ouvrage exempt de vices. Il lui est également redevable d'une obligation de conseil et ne peut se borner à suivre aveuglément ses instructions.

En l'espèce l'expertise a démontré que la construction a été édifiée sur un terrain présentant des risques élevés sans que les dispositions techniques nécessaires pour y faire face aient été prises par le sous-traitant qui a exécuté les travaux.

Or la société MARTINEZ, qui s'était convaincue de la nature particulière du sol, a mis en place un dispositif qui s'est avéré insuffisant compte-tenu de la sensibilité hydrophile des argiles, et a failli ainsi à son obligation de résultat. Elle a en outre manqué à son obligation de conseil en s'abstenant d'alerter l'entrepreneur principal sur les risques spécifiques liés à cette sensibilité.

Sa responsabilité n'est pas toutefois exclusive de celle de la société PAVILLON DU MIDI, à qui il incombait de s'assurer de la faisabilité de l'opération projetée au regard de la nature du sol

d'assises en faisant au besoin procéder à une étude de sol, d'autant que le phénomène de dessiccation était connu depuis 1989.

Dans ces circonstances, la garantie de l'assureur de l'entrepreneur principal par celui du sous-traitant doit être limitée à 50 % du montant de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

IL n'est pas démontré un abus de l'une ou l'autre des parties dans l'exercice de la procédure.

P A R C E A... M O T I F A...

Confirme le jugement déféré sur l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre de la compagnie d'assurances LE GAN au profit de Thierry X...

Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau:

Condamne in solidum la SARL MARTINEZ FRERES et la Compagnie GENERALI, venant aux droits de la Compagnie La LUTECE, à relever et garantir la

Compagnie LE GAN dans la limite de 50 % de toutes les condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts et frais, y compris dépens et frais irrépétibles.

Y ajoutant:

Condamne la compagnie LE GAN à payer à Thierry X... la somme de 1.200 ç sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.

Dit n'y avoir lieu pour le surplus à application en cause d'appel des dispositions de ce texte

Déboute la compagnie LE GAN de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La condamne aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0050
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949125
Date de la décision : 07/02/2006

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Assignation en référé - /JDF

L'action intentée contre une personne morale inexistante par confusion avec le nom d'une personne morale existante est recevable; cette erreur, alors qu'aucun doute n'est possible quant à l'identité du défendeur qui ne subit au- cun grief, ne constitue qu'un vice de forme et non une irrégularité de fond. En l'espèce, le changement de forme sociale, s'il a pu être à l'origine d'une mépri- se de la part de l'appelant, n'a pu générer aucun doute quant à l'identité de l'intimé. De plus, l'assureur décennal de l'entrepreneur principal est fondée à ce titre à se prévaloir de l'inexécution par le sous-traitant de l'inobservation de ses obligations contractuelles, est en droit d'appeler directement son assureur, en garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle, et ce même dans le cadre d'un recours en garantie et indépendamment de la mise en cause de l'assuré lui-même. L'assignation en référé délivrée à l'assureur du sous-traitant a donc également interrompu la prescription.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2006-02-07;juritext000006949125 ?
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