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22/11/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946865

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0050, 22 novembre 2005, JURITEXT000006946865


CA MONTPELLIER RG 04.3308 22 novembre 2005

Vu le jugement rendu le 27 mai 2004 par le Tribunal de Grande Instance de Narbonne, auquel il est expressément référé pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, et qui a notamment débouté le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la SJ.C.A de MANDOURELLE et M. Eric X... de leurs demandes à l'encontre de M. Jean Y..., des AGF venant aux droits de la compagnie ALLIANZ ASSURANCES et de la S.A TWPTT

Le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la S.I.C.A de MANDOURELLE et M. Eric X... ont interjeté appel le 28 juin 2004.

Aux termes de leur

s dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2005, les appelants demand...

CA MONTPELLIER RG 04.3308 22 novembre 2005

Vu le jugement rendu le 27 mai 2004 par le Tribunal de Grande Instance de Narbonne, auquel il est expressément référé pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, et qui a notamment débouté le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la SJ.C.A de MANDOURELLE et M. Eric X... de leurs demandes à l'encontre de M. Jean Y..., des AGF venant aux droits de la compagnie ALLIANZ ASSURANCES et de la S.A TWPTT

Le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la S.I.C.A de MANDOURELLE et M. Eric X... ont interjeté appel le 28 juin 2004.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2005, les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement déféré, et, à titre principal ô déclarer les assignés conjointement et solidairement responsables des pollutions ayant causé leur dommage, sur le fondement de 1' article 1382 du Code civil, ô les condamner conjointement et solidairement à payer 350 000 ç au G.F.A ST ESTEVE, 85 000 ç M. Eric X..., 100 000 ç à la S.J.C.A MANDOURELLE, sur la base de l'estimation de l'expert GRANDCHAMP réévaluée, - subsidiairement, ordonner un complément d'expertise ou une nouvelle expertise, aux fins de donner un avis sur le lien de causalité entre le traitement des bois et la pollution des vins, et réactualiser le montant du préjudice, - et, en tout état de cause, condamner les assignés à payer à chacun des requérants une indemnité de 1 600 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 avril 2005,

la S.A.R.L ETABLISSEMENTS Y... et la S.A AGF IART demandent à la Cour: - à titre principal, infirmer le jugement déféré et déclarer irrecevable l'action comme prescrite en application de l'article 2270-l du Code civil, - subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions, - encore plus subsidiairement, en cas de condamnation, déclarer l'entreprise ANIDRE responsable des dommages en application de l'article 1382 du Code civil, ordonner un partage de responsabilité par moitié avec l'entreprise Y... et condamner AXA ASSURANCES au paiement de la moitié des sommes qui seraient allouées par la Cour, - en tout état de cause, condamner les appelants à lui payer une somme de 2 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2005, la S.A.S DYRUP et son assureur ClAM demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris, et, subsidiairement, si la responsabilité de DYRUP était retenue, ordonner une expertise comptable aux frais avancés des trois demandeurs afin d'évaluer le préjudice de chacun ; encore plus subsidiairement, si une condamnation était prononcée à leur encontre, condamner in solidum la société ETABLISSEMENTS Y... et son assureur AGF, avec AXA en sa qualité d'assureur de l'entreprise ANDRE, à les relever et garantir intégralement. Ils sollicitent en tout état de cause la condamnation in solidum de tous succombants à leur verser 5 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. a donc lieu de les rejeter et de condamner les succombants à lui verser 3 000 ç pour procédure abusive et 3 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR QUOI SUR LA PRESCRIPTION L'entreprise Y... et son assureur, tout en reprenant devant la Cour lé moyen de prescription rejeté par le Tribunal, n'apportent pas la démonstration

d'une révélation du dommage aux victimes antérieurement au mois d'avril ou de mai 1989, soit dix ans avant les assignations. En effet, d'une part il ne ressort pas suffisamment de l'attestation de M. Z... (annexe 65 du rapport d'expertise), dont les constatations ne sont pas précisément datées, que les premières difficultés liées à un défaut de goût des vins seraient apparues avant celles qui ont été dûment constatées en 1992 et avant avril 1989, et d'autre part, sachant que les travaux de traitement de la charpente ont été réalisés par M. Y... du 21janvier au 17 février 1986, il ne peut pas être prétendu, sans autre explication, que les dommages invoqués comme résultant de ce traitement sont survenus dès1985. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable et non prescrite. SUR LES RESPONSABILITÉS

Il est acquis aux débats que: - la présence dans les vins de ST ESTEPHE de composés chlorophénols et chloroanisoles leur donne un goût de "bouchon" ou de "moisi", empêchant de prétendre au classement AOC Corbières,- ces composés ne sont pas des constituants naturels des vins, et, étant également présents dans l'atmosphère du chai, ainsi que dans tous ses éléments en bois et dans le ciment des cuves, ils se trouvent dans le vin par suite d'un phénomène d'aéro contamination, - le produit de traitement Xylophène SOR C, appliqué sur une partie de la charpente lors de travaux de réfection entrepris au début de l'année 1986, contient du pentachiorophénol, composé de la famille des chlorophénols, susceptible de se diffuser dans l'atmosphère.

A partir de ces constatations, validées par le rapport d'expertise judiciaire, les demandeurs recherchent la responsabilité extra-contractuelle de l'entreprise Y..., qui a appliqué le produit

litigieux et celle de DYRIJP, fabricant du produit, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Il leur appartient donc de rapporter la preuve d'une faute, d'un dommage et du lien de causalité de l'une à l'autre.

concernant l'entreprise Y...

Le premier juge n'a pas retenu de faute à l'encontre des Etablissements Y..., sous-traitant de l'entreprise ANDRE, aujourd'hui disparue, pour le traitement des poutres de charpente, en considérant que l'entrepreneur avait suivi la notice d'utilisation du fabricant notamment quant aux restrictions de l'usage du produit.

Les appelants soutiennent cependant que "la preuve de la faute résulte de 1 application d'un produit qui a entraîné un dommage sans en avoir contrôlé l'efficacité et même la nocivité, peu important les données de la science au moment de son emploi" et que "la constatation de la pollution suffit à engager la responsabilité de celui qui l'a provoquée par son intervention, fût-elle innocente".

Une telle argumentation, reposant largement sur une présomption de responsabilité, ne saurait prospérer sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Or, il n'est pas démontré de faute de l'entreprise Y... dans la mise en oeuvre du produit, alors qu'on ne saurait sérieusement exiger de l'utilisateur, même artisan professionnel comme en l'espèce, de contrôler personnellement l'efficacité et la nocivité de tout produit qu'il emploie, ce qui reviendrait in fine à reprendre l'ensemble des

études techniques incombant au fabriquant.

En appliquant le produit sur des poutres de charpente situées environ 2m80 au-dessus des cuves contenant le vin, ainsi qu'il ressort de l'expertise, l'entreprise Y... a suffisamment respecté les prescriptions du fabricant aux termes desquelles le Xylophène SOR C ne doit pas être mis en contact avec des aliments ou des plantes.

En effet, d'une part, il ne pouvait pas apparaître clairement à M. Y..., personne responsable du choix du produit et des conditions de sa mise en cuivre, que le vin stocké dans les cuves était susceptible d'entrer en contact avec le produit appliqué sur les poutres de charpente, et d'autre part, aucune donnée de l'époque et de la région, en l'absence de toute preuve rapportée en ce sens par les demandeurs, ne laissait supposer la possibilité d'une aéro-contamination du vin à travers les cuves, phénomène complexe dont le mécanisme n'a été révélé que plusieurs années plus tard.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit qu'aucune faute ne peut être imputée à l'entreprise Y... dans le traitement de certaines poutres de la charpente du cuvier avec du Xylophène SOR C. concernant le fabricant DYRUP

Les appelants considèrent que la contamination par le produit vendu par DYRUP, telle qu'elle ressort de l'expertise judiciaire, confirmée par les rapports d'essai du laboratoire EXCEL, constitue la preuve de la faute exigée par l'article 1382 du Code civil.

Il convient d'abord de rappeler, comme l'a relevé le premier juge,

que le produit et sa notice d'utilisation étaient conformes à la réglementation en vigueur à l'époque de l'achat.

Ensuite, il n'est pas établi par les pièces versées aux débats par les demandeurs, qu'en 1985, année où le Xylophène SOR C a été acheté par M. Y..., le fabricant avait ou devait avoir connaissance du processus de contamination décrit par l'expert.

En effet, il n'est produit aucun élément, aucun commencement tangible de preuve, à l'appui des affirmations selon lesquelles, en 1985 au plus tard:

- "il existait une masse d'analyses, d'observations scientifiques, de thèses, d'études, délivrées par un grand nombre d'autorités compétentes" ayant porté à la connaissance du monde viticole le phénomène d'aéro-contamination observé en l'espèce, étant au surplus relevé que la S.A.S DYRUP n'appartient pas au monde viticole,

- DYRUP avait été "confrontée à de multiples réclamations" et "impliquée dans de nombreuses expertises qu elle a tues ou qui ont donné lieu à transaction",

- la contamination des caves ROEDERER en Champagne en 1973, qui reste elle aussi à établir, aurait résulté du processus incriminé en l'espèce.

Il convient de même de relever que les "PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES

SUR LES CHLOROPHÉNOLS, CHLOROANISOLES ETAUTRES" versées en pièces 25 à 50 du dossier des appelants, sont en langue anglaise (25, 26, 30, 32, 33, 34, 40) ou allemande (27, 28, 29, 31, 43), et que, s'agissant des pièces en langue française, l'article RIGAUD "A propos de goût de bouchon" (35) daté de façon manuscrite comme paru en juillet1981 dans "Vignes et vins" énonce: "Il faut bien comprendre que ce n'est pas le produit de traitement des bois qui est directement responsable du mauvais goût, ni par son solvant, ni par les chiorophénols. Il faut que ces derniers soient méthylés par les moisissures pour que la mauvaise odeur apparaisse, du fait de la formation du tétrachloroanisole" ; les pièces 36 à 39 et 41 sont des extraits de J.O et J.O.C.E postérieurs à 1985, la pièce 49 est une norme AFNOR de septembre 1988 ; les articles RIBOULET (44 et 46) datant respectivement de 1989 et 1987 sont essentiellement consacrés au goût de bouchon provenant du liège, de même que l'article de RIGAUD par u fin juin 1984 dans "Sciences des aliments" (48) intitulé "L incidence des composés volatils issus du liège sur le goût de bouchon du vin" ; l'article du laboratoire d'Oenologie de Reims publié au 3ème trimestre 1985 (47) se rapporte essentiellement à la présence de moisissures dans les caves à l'origine de faux goûts de bouchon ou de goûts de moisi, et conclut : "Le seul moyen d'action est donc de proscrire l'utilisation de produits javelisés dans les traitements d'hygiène et de désinfection des cuveries et de blanchiment des bouchons"; la pièce 50 est une publication de l'année 2000.

Dès lors, et après l'analyse attentive des pièces versées aux débats, les affirmations péremptoires quant à l'information nécessaire et suffisante de la S.A.S DYRUP en 1985 sur les risques de contamination des vins par le Xylophène SOR C via sa diffusion aérobique

apparaissent dénuées de tout fondement et ne sont pas de nature à établir la responsabilité du fabricant pour n'avoir pas pris en compte les informations alléguées, notamment dans la notice d'utilisation du produit.

Par ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, la contamination n'est pas fautive en elle-même, elle n'est que le résultat d'un processus dans lequel se trouve impliqué le Xylophène SOR C, en interaction chimique avec d'autres composants présents dans l'air du cuvier, pour aboutir au dommage constaté.

Ainsi, la contamination se rattache au fait du produit, alors que conformément aux dispositions de l'article 1382 du Code civil invoquées en l'espèce, la faute, qu'il appartient aux demandeurs de prouver, est un fait de l'homme.

A cet égard et pour le fabricant, la faute peut venir de la mise sur le marché d'un produit, sans mise en garde préalable pertinente de l'utilisateur dans une notice ou une fiche technique d'accompagnement, en dépit de la connaissance que le fabriquant avait ou devait avoir du contaminant reproché.

Or, il résulte des constatations qui précèdent, d'une part, que le produit étant conforme à la réglementation de l'époque, sa mise en vente n'est pas discutable, et d'autre part, que les indications de la notice d'utilisation sont elles-mêmes conformes aux données de la science de l'époque.

Il n'est pas établi que le fabricant DYRUP disposait pour sa part d'informations plus précises, plus ciblées ou plus pertinentes, quant

aux risques d'utilisation du Xylophène SOR C dans le traitement des bois de structure des chais, et qu'elle se serait abstenue d'en faire état dans sa notice.

Il ne peut donc pas lui être imputé de manquement à une obligation de renseignement et de conseil.

L'expert au demeurant a indiqué que "la connaissance par les professionnels de l'oenologie des processus de contamination et de pollution des vins par les chlorophénols et les chloroanisoles remonte aux années 1990-1991".

Il convient enfin de relever que la pollution des vins de ST ESTEPHE consiste en une altération de leur qualité gustative, ne les rendant toutefois pas impropres à la consommation ; elle ne présente en effet aucun caractère nocif pour la santé ni aucun danger, de sorte qu'il ne peut pas être reproché au fabricant un manquement à un principe général de précaution.

Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il n'a pas retenu de faute à l'encontre de la S.A.S DYRUP dans la réalisation du dommage.

En l'absence de toute faute prouvée, les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité quasi-délictuelle énoncées à l'article 1382 du Code civil ne peuvent pas être réunies, et il n'ya donc pas lieu d'examiner les moyens relatifs au lien de causalité.

Il résulte de l'ensemble de cette analyse que les appelants seront déboutés de toutes leurs demandes. SUR LES AUTRES DEMANDES

La société AXA ne démontre pas que ses adversaires l'ont appelée et maintenue dans la cause par intention de nuire caractérisée, et elle sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre. Les appelants qui succombent en toutes leurs demandes seront condamnés solidairement aux dépens, en application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'à indemniser les intimés de leurs frais irrépétibles, comme il sera indiqué au dispositif.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris,

Déboute le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la S.I.C.A de MANDOURELLE et M.

Eric X... de toutes leurs demandes,

Déboute la S.A AXA de sa demande en dommages et intérêts,

Condamne le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la S.I.C.A de MANDOURELLE et M. Eric X... solidairement à verser, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à chacune des parties suivantes : la S.A.R.L Y... et son assureur AGF ensemble, la S.A.S DYRUP et son assureur CIAM ensemble, la S.A AXA ASSURANCES,

Condamne le G.F.A CHATEAU ST ESTEVE, la S.T.C.A de MANDOURELLE et M. Eric X... aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0050
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946865
Date de la décision : 22/11/2005

Analyses

VENTE - Vente - Garantie

On ne saurait sérieusement exiger de l'utilisateur de xylophène dans un local où étaient entreposées des cuves de vin, mLme artisan professionnel, de contrôler personnellement l'efficacité et l'absence de nocivité de tout produit qu'il emploie, ce qui reviendrait in fine B reprendre l'ensemble des études techniques incombant au fabriquant. Dès lors qu'il a correctement suivi les consignes du fabriquant du produit, aucune faute ne peut lui être reprochée sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil quant à la contamination du vin. Par ailleurs aucune faute ne peut être reprochée au fabriquant quant aux instructions fournies, dans la mesure où il n'est pas établi qu'il connaissait ou devait avoir connaissance au jour de la vente du risque de contamination qui s'est réalisé.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2005-11-22;juritext000006946865 ?
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