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04/10/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947865

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0050, 04 octobre 2005, JURITEXT000006947865


PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le Docteur Jean Marie X..., inscrit sur la liste des experts judiciaires depuis 1987 dans la spécialité Psychiatrie d'adultes a été commis par ordonnance du Juge d'Instruction du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS en date du 3 avril 2002 pour expertiser M.Claude Y... mis en examen du chef d'homicide volontaire sur son fils Alain Y.... Le 7 mai 2004, au cours des débats devant la Cour d'Assises de l'HÉRAULT, devant laquelle Claude Y... avait été renvoyé, un rapprochement opéré entre certaines pièces du dossier faisait apparaître que le Doc

teur X... avait accepté la mission d'expertise alors qu'il ava...

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le Docteur Jean Marie X..., inscrit sur la liste des experts judiciaires depuis 1987 dans la spécialité Psychiatrie d'adultes a été commis par ordonnance du Juge d'Instruction du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS en date du 3 avril 2002 pour expertiser M.Claude Y... mis en examen du chef d'homicide volontaire sur son fils Alain Y.... Le 7 mai 2004, au cours des débats devant la Cour d'Assises de l'HÉRAULT, devant laquelle Claude Y... avait été renvoyé, un rapprochement opéré entre certaines pièces du dossier faisait apparaître que le Docteur X... avait accepté la mission d'expertise alors qu'il avait antérieurement connu du cas de la victime Alain Y.... Le 13 mai 2004,le Parquet Général près la Cour d'appel de MONTPELLIER ,saisissait ,Monsieur le Président de Chambre chargé du service des experts en lui demandant de procéder à l'audition du Docteur X... sur ces faits susceptibles de constituer un manquement disciplinaire au principe d'impartialité de l'expert. Monsieur le Président de Chambre chargé du service des experts procédait, le 3 juin 2004, à l'audition du Docteur X.... Par décision du 2 décembre 2004, notifiée le 23 décembre 2004 à M.X..., l'Assemblée Générale des Magistrats du Siège de la Cour d'Appel de MONTPELLIER, statuant disciplinairement, a : -

Dit que le Docteur Jean Marie X... a commis une faute professionnelle grave en exécutant l'expertise psychiatrique de M.Claude Y... sans déclarer qu'il était récusable ; -

Prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de radiation ; Le Docteur Jean Marie X... a régulièrement interjeté appel de cette décision. Par conclusions du 13 juillet 2005, il demande à la Cour: -

De constater la violation réitérée de l'article 6 de la CEDH dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la radiation de M.X... de

la liste des experts près la Cour d'Appel de MONTPELLIER ; -

De dire, en conséquence, que la décision de radiation qui en est résultée est nulle et non avenue ; A titre subsidiaire, -

De constater que les dispositions des articles 234 et 341 du Nouveau code de procédure civile ne sont pas applicables à l'espèce ; -

De constater que seules les dispositions des articles 156 à 169-1 du Code de procédure pénale le sont ; -

De constater que celles-ci ne prévoient pas la récusation de l'expert à sa demande ou à celles des parties ; -

De constater, par conséquent, qu'il ne peut être reproché au Docteur X... de ne pas avoir déclarer qu'il était récusable ; -

D'annuler, en conséquence, que la sanction de radiation pour défaut de base légale ; A titre infiniment subsidiaire, -

De constater les nombreux vices de forme entachant la décision de radiation ; -

De constater que M.X... n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire en 17 ans d'expertise ; -

Réformer, en conséquence, la sanction disciplinaire prononcée en simple avertissement ; Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de MONTPELLIER a notifié le 4 mai 2005 des conclusions tendant à voir : -

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que le Docteur X... a commis une faute grave; -

Faisant application de la Loi du 11 février 2004 en son article 6-2, prononcer à l'encontre du Docteur X... la sanction d'une année d'interdiction temporaire ; M O T I FS DE LA DECISION Le Docteur X... a été convoqué, par courrier du 17 mai 2004, pour être entendu par Monsieur le Président de Chambre chargé du service des experts. Il est indiqué dans l'énoncé des faits justifiant l'audition qu'il est reproché à M.X... d'avoir expertisé l'accusé Y...

bien qu'étant médecin traitant de ce dernier alors qu'il apparaît ,en réalité,que le Docteur X... était le médecin traitant non de l'accusé mais de la victime, Alain Y... . Il résulte, cependant, sans aucune ambigu'té des énonciations du procès verbal d'audition de M.X... en date du 3 juin 2004 que ce dernier avait une parfaite connaissance de la nature des faits pour lesquels il avait été convoqué devant le magistrat chargé du service des experts. L'erreur matérielle entachant la convocation du 17 mai 2004 n'a donc affecté en rien la compréhension par l'appelant des faits qui lui étaient reprochés et n'a pas eu pour effet de porter atteinte à ses intérêts. Il est également mentionné dans la convocation du 17 mai 2004 que les faits reprochés sont susceptibles, à les supposer avérés, de constituer une faute professionnelle grave sanctionnable disciplinairement et il est rappelé que l'article 5 de la Loi No71-498 du 29 juin 1971 dispose que la radiation d'un expert peut intervenir en cours d'année, après que l'intéressé, qui peut se faire assister d'un avocat, aura été appelé à présenter ses observations . Le Docteur Jean Marie X... a, enfin, été avisé, par courrier recommandé du 2 novembre 2004 dont l'accusé de réception a été retourné signé le 4 novembre 2004, que la poursuite disciplinaire engagée à son encontre serait examinée par l'Assemblée Générale des Magistrats du Siège de la Cour d'Appel de MONTPELLIER le 2 décembre 2004 à 11 Heures. Il s'évince de l'ensemble de ces constatations que M.X... a été informé de façon détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ainsi que de son droit d'être assisté d'un avocat dès l'ouverture de la procédure (Cf. courrier de convocation aux fins d'audition par Monsieur le Président de Chambre chargé du service des experts du 17 mai 2004). Le moyen de nullité tiré de la violation de l'article 6 de la CEDH ne saurait, dès lors, prospérer. Le Docteur Jean Marie X... a été commis en qualité

d'expert afin de procéder à l'examen d'Alain Y... dans le cadre de la mise en place d'une mesure de protection juridique. Il indique dans le certificat médical qu'il a établi à cette occasion le 31 août 1993 (Cote D 63 du dossier criminel) : Ces traits de personnalité semblent du moins consécutifs à certaines carences éducatives durant l'adolescence : Il a une mère hyper protectrice tandis que son père par le passé semble avoir laissé son épouse s'occuper de l'éducation de son fils. Alain Y... vivait récemment chez eux mais le climat intra-familial devenait au fur et à mesure extrêmement tendu avec notamment passage à l'acte entre le père et le fils à. Dans le contexte actuel où les parents de M.Alain Y... semblent déterminés à ne plus accepter celui-ci a leur domicile, il apparaît nécessaire que M.Y... puisse bénéficier d'une protection des biens : C'était sa mère qui jusqu'à présent gérait de façon non officielle son argent avec de grandes difficultés puisque M.Y... se montrait parfois menaçant ou violent si elle ne répond pas à ses attentes. Le procès verbal d'audition de la mère d'Alain Y...(Cote D 63 du dossier criminel) précise que le Docteur X... a suivi son fils une dizaine d'année ,qu'Alain Y... avait subi quatre cures de désintoxication alcoolique à la demande du Docteur X... et qu'il était encore suivi ,au moment des faits ,au centre de jour d'AGDE à la demande de ce médecin.Elle explique ,enfin,(Page 4 du procès verbal d'audition) qu'elle avait insisté auprès du Docteur X... pour qu'il garde son fils le plus longtemps possible hospitalisé. Il résulte de l'ensemble de ces élements que le Docteur X... avait connaissance de la situation de violence qui régnait dans la famille Y... en raison de l'état mental et de l'alcoolisme chronique d'Alain Y.... Entendu le 3 juin 2004 le Docteur X... a reconnu qu'il avait suivi Alain Y... et qu'il s'était interrogé, avant de procéder à l'expertise de l'accusé, en conscience sur le point de savoir si sa

connaissance de la personnalité de la victime était susceptible d'influencer ses conclusions. Toutes les personnes qui prêtent leurs concours à la justice, et particulièrement les experts judiciaires, sont tenues à une obligation d'impartialité. Cette obligation doit s'apprécier tant de manière subjective, laquelle est présumée jusqu'à preuve contraire, qu'objective, c'est à dire que la personne apportant son concours à la justice doit donner toute apparence de garantie d'impartialité pour exclure tout doute légitime dans l'esprit du public. Par ailleurs les experts désignés dans le cadre d'une instruction criminelle procèdent à leur mission sous le contrôle du juge d'instruction auquel ils doivent rendre compte de toute difficulté. En l'espèce, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le Docteur X..., désigné pour procéder à l'expertise psychiatrique de Claude Y... mis en examen du chef d'homicide volontaire sur son fils Alain Y..., avait antérieurement et sur une période significative prodigué ses soins à la victime de sorte qu'il avait une connaissance personnelle de la situation familiale et des difficultés des intéressés. Il ne pouvait ignorer, dès lors, que cette circonstance était susceptible d'amener une mise en cause de son impartialité puisqu'il explique dans son audition du 3 juin 2004 s'être interrogé sur le point de savoir s'il pouvait néanmoins accepter sa mission. Le Docteur X... a, en outre, nonobstant la difficulté tenant à sa connaissance antérieure de la situation de la victime dont il était parfaitement conscient, procédé à l'expertise sans en référer au magistrat instructeur. Il en résulte que la faute professionnelle grave reprochée au Docteur X... est établie et que la décision rendue le 2 décembre 2004, par l'Assemblée Générale des Magistrats du Siège de la Cour d'Appel de MONTPELLIER doit être confirmée de ce chef. Les dispositions de l'article 52 de la loi n°2004-130 du 11 février 2004, qui ajoutent un article 6-2 à la loi

du 29 juin 1971 instituant une échelle des peines aux lieu et place de la radiation comme sanction unique, sont plus douces que la loi antérieure, et ces dispositions sont d'application immédiate conformément à un principe général en matière disciplinaire. Le Docteur Jean Marie X..., inscrit sur la liste des experts judiciaires depuis 1987 dans la spécialité Psychiatrie d'adultes , n'à jamais fait l'objet de poursuites disciplinaires et ses rapports d'activités mentionnent l'exécution régulière d'expertises (Une vingtaine par an environ). Tenant ces éléments, la Cour estime équitable de prononcer à son encontre une sanction d'avertissement. P A R C E S M O T I F S La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Reçoit, en la forme, l'appel, Rejette les moyens de nullité formés par l'appelant ; Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a dit que le Docteur X... a commis une faute professionnelle grave; La réformant pour le surplus : Faisant application de la Loi du 11 février 2004 en son article 6-2, prononce à l'encontre du Docteur X... la sanction disciplinaire d'avertissement ; LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0050
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947865
Date de la décision : 04/10/2005

Analyses

EXPERT JUDICIAIRE - Obligations - Impartialité

L'expert désigné pour procéder à l'expertise psychiatrique de Claude X, mis en examen du chef d'homicide volontaire du chef d'homicide volontaire sur son fils Alain X, avait antérieurement et sur une période significative prodigué des soins à la victime. Il ne pouvait dès lors ignorer que cette circonstance était susceptible d'amener une mise en cause de son impartialité. La faute professionnelle grave est établie et la radiation doit être confirmée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2005-10-04;juritext000006947865 ?
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