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15/12/2004 | FRANCE | N°04/00968

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 15 décembre 2004, 04/00968


R.G : 04/00968 X... C/ S.A. AIMERY-SIEUR-D'ARQUES COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - CHAMBRE SOCIALE - ARRET DU 15 DECEMBRE 2004 Par jugement du départage rendu le 20 janvier 2004, auquel il est référé pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, le Conseil de prud'hommes de Carcassonne a imputé à M. Jean-Yves X... la rupture de son contrat de travail avec la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. M. X... a régulièrement interjeté appel de cette dÃ

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R.G : 04/00968 X... C/ S.A. AIMERY-SIEUR-D'ARQUES COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - CHAMBRE SOCIALE - ARRET DU 15 DECEMBRE 2004 Par jugement du départage rendu le 20 janvier 2004, auquel il est référé pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, le Conseil de prud'hommes de Carcassonne a imputé à M. Jean-Yves X... la rupture de son contrat de travail avec la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. M. X... a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses conclusions écrites, régulièrement communiquées et déposées, réitérées oralement à l'audience, auxquelles il est référé pour un exposé complet de ses moyens et arguments, il soutient qu'il rapporte la preuve d'avoir été victime depuis 1997 d'attitudes visant à obtenir son départ, de vexations et d'une restriction notoire de ses attributions, de sorte qu'il était fondé à imputer la rupture du contrat de travail à l'employeur dans les termes de la lettre qu'il lui a adressée le 25 janvier 2001. Il demande en conséquence la condamnation de la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES à lui payer : - 18 393,16 euros au titre de l'indemnité de préavis, - 26 567,90 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, - 73 572,65 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 30 000 euros en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, - paiement sur ces sommes des intérêts d droit à compter de l'introduction de l'instance, - 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses dernières écritures, régulièrement communiquées et déposées, réitérées oralement à l'audience, auxquelles il est référé pour un exposé complet de ses moyens et arguments, la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet de toutes les demandes de M. X... et à sa

condamnation à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en faisant essentiellement valoir que M. X... se borne à dénoncer des pratiques en vigueur depuis l'origine de la relation de travail, auxquelles il participe lui-même, qu'aucune modification de ses attributions n'est intervenue, comme le montrent les fiches de paie, l'organigramme et la participation constante du salarié au comité de direction de la société, dans le cadre duquel il n'a jamais émis de protestation ou remarque. Elle rappelle qu'elle a procédé au licenciement de M. X... pour abandon de poste, lui permettant de bénéficier des allocations de chômage. MOTIFS DE LA DECISION Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, En l'espèce, par lettre du 25 janvier 2001 adressée au Président de la Coopérative Les vignerons du Sieur d'Arques, M. X... énonçait : "Par une volonté délibérée de l'entreprise, l'exécution de mon contrat de travail se trouve gravement modifiée. (...) Progressivement la direction de la société m'a dessaisi de la mission de directeur grande distribution et CHR pour confier à mon insu cette tâche à M. Y.... De la même manière de façon ponctuelle des missions relevant du secteur exportation sont fréquemment confiées à d'autres employés de l'entreprise. Cette façon d'agir a pour conséquence ma mise à l'écart progressive de la politique export de la cave. Il résulte de cette nouvelle situation une marginalisation de mes fonctions, une transformation de mes attributions et une modification importante de l'objet de mon contrat de travail. Je souhaiterais par la présente connaître les suites que vous entendez donner à l'exécution de mon contrat de travail au sein

de votre entreprise. A défaut de réponse sous quinzaine j'en tirerais toutes les conséquences de droit." , Puis, sans réponse de la part de l'employeur, il écrivait le 15 février 2001 : "(...) Ce silence est une nouvelle fois la preuve d'une volonté non équivoque de me mettre à l'écart de la direction commerciale de l'entreprise. Tirant toutes les conséquences de ce silence et de la marginalisation de ma personne au sein de l'entreprise, je vous informe par la présente que je me considère licencié de la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES à compter de ce jour (...)." Il ressort du dossier qu'embauché au poste de responsable export à compter du 21 octobre 1987, M. X... est devenu à partir du 1er avril 1994 "Directeur commercial- Directeur export", supervisant alors l'activité commerciale en France (grande distribution-cafés hôtels restaurants-vente par correspondance), comme le montre l'organigramme établi à l'occasion de cette restructuration ; il a bénéficié alors d'une augmentation de salaire de plus de 35%, selon avenant au contrat de travail en ces termes : "Si au terme de douze mois, vous êtes confirmé dans votre poste de directeur commercial, ce complément de rémunération sera intégré dans votre salaire", et ledit complément a été effectivement intégré à son salaire à partir d'avril 1995, Au début de l'année 1997, le nouveau directeur général de la coopérative a recruté directement un directeur commercial pour la France, sans aucune concertation avec M. X... et sans même l'en informer, ainsi que l'intéressé, M. Y..., en témoigne lui-même dans des termes très clairs : "Début 1997, alors que M. X... occupait le poste de directeur commercial, j'ai été recruté pour le remplacer en tant que directeur commercial France. M. X... n'a jamais participé à ma sélection et n'a découvert mon existence et la restriction de son poste que lors de nos présentations. J'ignorais moi-même que mon entrée en fonction avait été préparée et réalisée à son insu", Or un tel fait, confirmé

sans ambigu'té par deux autres cadres de la coopérative (pour exemple, M. Z... : "M. A... m'a informé au cours d'un déjeuner du fait qu'il avait modifié la structure commerciale en engageant un directeur commercial pour la France. Cette personne devenait mon responsable hiérarchique et devait prendre ses fonctions le lendemain. Les fonctions de Jean-Yves X... étaient désormais limitées aux affaires internationales"), n'est certainement pas de pratique loyale et de bonne foi à l'égard d'un cadre de direction en poste depuis une dizaine d'années, et a pour effet, sinon pour but, non seulement de réduire ses responsabilités mais aussi de le mettre dans une position délicate et instable au sein de l'entreprise, et ainsi de compromettre l'exécution normale de sa mission, Que M. X... ait trouvé la force nécessaire, par intelligence et esprit de coopération, pour poursuivre le travail dans de telles conditions, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, ni à induire qu'il aurait parfaitement acquiescé à la restriction de fonctions mise en oeuvre malgré lui, Il apparaît en outre que la stratégie d'éviction de M. X... a perduré, pour atteindre ensuite les responsabilités "export" auxquelles il se trouvait cantonné ; ainsi, en marge d'une note du 14 mars 2000 de M. X... à M. B... (responsable de la seule vente "en vrac") s'étonnant d'offres faites par celui-ci sans son accord sur des ventes en bouteille à l'export, M. A..., directeur général, indique :

"Laurent a également la responsabilité de trouver des clients bouteilles (...)", en contradiction manifeste avec les attributions officielles de M. X..., De même, M. C..., directeur exportation pour les Pays-Bas, affirme avoir été mis devant le fait accompli, ainsi que son responsable direct, M. X..., de ventes réalisées à leur insu par M. A... et M. B... avec un client néerlandais, Enfin, en octobre 2000, M. X... rappelle à M. A... que M. B... vient de

faire des offres de prix sur des vins en bouteille aux Etats-Unis sans concertation et sans même l'en avertir, et indique : "Il m'est impossible d'assurer mes responsabilités de directeur commercial export pour les vins en bouteille, si des éléments incontrôlés dans l'entreprise peuvent impunément faire des offres tous azimuts sans en référer au responsable concerné", et M. A... reste taisant, avalisant ainsi des interventions inopportunes et impropres de M. B... dans le champ des responsabilités du directeur export, Il résulte de cette analyse des éléments versés aux débats que M. X... démontre suffisamment que l'employeur a manqué à l'exécution loyale de ses obligations contractuelles, modifiant de fait son contrat de travail, en apportant ou en cautionnant de façon insidieuse des restrictions successives et injustifiées à ses attributions, venant amoindrir ses responsabilités, nonobstant le maintien de sa rémunération, de l'intitulé du poste ou de son appartenance au comité de direction, Dès lors, il y a lieu de constater que M. X... était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, rupture qui produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, En conséquence, le jugement déféré sera infirmé, et la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES sera condamnée à verser à M. X... l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement, pour les montants demandés et non contestés dans leurs éléments de calcul, Sur le fondement de l'article L.122-14-4 du Code du travail, la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES sera également condamnée à verser à M. X... des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont la Cour fixe le montant, eu égard à l'âge (44 ans), l'ancienneté (13 ans), la rémunération et la qualification du salarié, sa capacité à retrouver un emploi, ainsi qu'aux circonstances de la rupture et à tous

éléments de préjudice soumis à appréciation, à la somme de 60 000 euros, toutes causes de préjudice confondues,

PAR CES MOTIFS LA COUR, Infirme le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, Condamne la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES à payer à M. Jean-Yves X... : - 18 393,16 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts de droit à compter de la réception de la demande en justice par la société, soit le 12 mars 2001, - 26 567,90 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts de droit à compter du 12 mars 2001, - 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, toutes causes de préjudice confondues, avec intérêts de droit à compter de la notification du présent arrêt à la société, Ordonne le remboursement par la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES à l'ASSEDIC concernée des indemnités de chômage versées à M. Jean-Yves X... à la suite de la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six mois, par application de l'article L.122-14-4 du Code du travail, Condamne la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES à payer à M. Jean-Yves X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne la S.A AIMERY-SIEUR-D'ARQUES aux dépens. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 04/00968
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-12-15;04.00968 ?
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