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15/12/2004 | FRANCE | N°04/00803

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 15 décembre 2004, 04/00803


R.G : 04/00803 B... C/ ME REY Z...
Y... DE LA SARL FRANCE ACHEMINEMENT ME VINCENEUX Z...
Y... DE LA SARL FRANCE ACHEMINEMENT ME PLATET X... (CGEA TOULOUSE) COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - CHAMBRE SOCIALE - ARRET DU 15 DECEMBRE 2004 FAITS ET PROCEDURE : Pierre B... exploitait une tournée de distribution et de ramassage de colis en application d'un contrat de franchise conclu le 14 décembre 1993 avec la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT. Par convention en date du 14 décembre 1997 Pierre B... a cédé pour la somme de 75 000, 00 francs cette tournée de distribution à Hervé B..., ce dernier ay

ant par ailleurs, le 21 décembre 1997, signé un contrat de fr...

R.G : 04/00803 B... C/ ME REY Z...
Y... DE LA SARL FRANCE ACHEMINEMENT ME VINCENEUX Z...
Y... DE LA SARL FRANCE ACHEMINEMENT ME PLATET X... (CGEA TOULOUSE) COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - CHAMBRE SOCIALE - ARRET DU 15 DECEMBRE 2004 FAITS ET PROCEDURE : Pierre B... exploitait une tournée de distribution et de ramassage de colis en application d'un contrat de franchise conclu le 14 décembre 1993 avec la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT. Par convention en date du 14 décembre 1997 Pierre B... a cédé pour la somme de 75 000, 00 francs cette tournée de distribution à Hervé B..., ce dernier ayant par ailleurs, le 21 décembre 1997, signé un contrat de franchise avec la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT. Estimant que son contrat était en réalité un contrat de travail et après avoir vainement réclamé à la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT paiement d'arriérés de salaires, Hervé B... écrivait à cette dernière le 12 mars 2002 : ".vous n'avez pas fait suite à mon courrier A.R. en date du 20 février 2002, réceptionné le 22 février 2002, aux termes duquel je sollicitais le paiement des arriérés de salaires me restant dus. Au surplus, vous n'avez pas effectué pour le mois de février le versement intervenant habituellement le 25 de chaque mois. En conséquence, il est établi que le contrat qui nous lie est rompu de votre fait.". Hervé B... saisissait le 06 juin 2002 le Conseil de Prud'hommes de PERPIGNAN aux fins: - de voir juger qu'il était lié à la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT par contrat de travail et que la rupture dudit contrat de travail, intervenue le 12 mars 2002, est imputable à cette dernière ; - d'obtenir paiement de diverses sommes au titre de son acquisition du contrat, de son préjudice lié à l'obligation de créer son entreprise, d'heures supplémentaires, d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral etc. Par jugement du Tribunal de Commerce de TOULOUSE en date du 03 juin 2003 la S.A.RL. FRANCE

ACHEMINEMENT a été placée en liquidation judiciaire et Maître A... désigné en qualité de liquidateur. Par décision en date du 20 avril 2004 le Conseil de Prud'hommes a débouté Hervé B... de l'intégralité de ses prétentions. Il a relevé appel de ce jugement. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES : Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, Hervé B... soutient en premier lieu que la poursuite d'une activité de transporteur postérieurement à la rupture du contrat conclu avec la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT n'est pas de nature à faire échec à l'application des dispositions de l'article L 781-1 du Code du Travail. Il expose que le contrat de franchise suppose l'indépendance du franchisé et soutient qu'il ne disposait en l'espèce d'aucune indépendance dans la gestion et l'exploitation de son activité : la clientèle lui était fournie par la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT et c'est cette dernière qui fixait les horaires, les locaux, les tarifs et les conditions de travail (allant des tenues vestimentaires jusqu'à la gestion des incidents et accidents). Il fait valoir son préjudice lié à l'acquisition du contrat de franchise, soit 75 000, 00 francs versés à Pierre B... et s'analysant en un droit d'entrée. Il réclame de ce chef la somme de 11 433, 68 euros. Hervé B... soutient que, durant l'exécution du contrat, il a réalisé en moyenne 147 heures supplémentaires par mois qu'il prétend justifier par la production de "bons de position". Il indique en outre que la société lui imposait d'effectuer lui-même ses missions, et ce, tous les jours ouvrables et en toutes circonstances. Il entend ainsi obtenir 74 857, 70 euros au titre des heures supplémentaires, 5 505, 20 euros au titre des congés payés sur le salaire de base et 7 485, 80 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires. Par ailleurs, Hervé B... entend voir imputer la rupture du contrat de travail à la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT et dire qu'elle est dépourvue de cause réelle et sérieuse. Il réclame

ainsi paiement des sommes de 2 904, 30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En outre, il soutient que, au vu de la dernière "balance client de l'exploitant" établie par la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT le 17 avril 2002, cette dernière lui reste redevable d'une somme de 9 266, 41 euros. Enfin, Hervé B... fait valoir son préjudice moral qu'il entend voir réparer par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 7 500, 00 euros ; il réclame également une somme de 1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Au total, Hervé B... entend voir fixer sa créance à la somme en principal de 135 453, 09 euros et dire que l'X... devra garantir cette somme. En réplique, l'X... soutient que si Hervé B... poursuit l'exploitation d'une activité de transport de colis, ou en tout cas l'a poursuivie postérieurement à la rupture des relations avec la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT, il ne peut pas être fait droit à sa demande de requalification. A titre subsidiaire, au cas de requalification, l'X... rappelle les montants pour les années 1998 à 2002 de la garantie annuelle de rémunération fixée par la convention collective des transporteurs routiers. Elle ajoute que les actions en paiement de salaires se prescrivent par 5 ans. L'X... avance qu'Hervé B... n'apporte pas d'éléments suffisants au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et qu'en tout état de cause il doit être tenu compte des temps de pause. L'X... indique par ailleurs que la rupture du contrat de travail ne peut être imputable à la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT dans la mesure où le contrat a été poursuivi par Hervé B... en qualité de travailleur indépendant. Dans le cas contraire, elle demande à la Cour de réduire les sommes à lui allouer. Elle avance en outre que les limites de sa garantie sont prévues par l'article L 143-11-1 du Code du Travail et qu'en tout

état de cause elle ne peut garantir les dommages et intérêts que s'ils résultent de l'exécution du contrat de travail et non ceux résultant de la seule responsabilité de l'employeur. Enfin, elle indique que le 22 juillet 2003 le Tribunal de Commerce a ordonné la déconsignation d'une somme de 1 635 000, 00 francs devant être versée aux franchisés et qu'Hervé B... a perçu 1 429, 25 euros. Maîtres VINCENEUX et PLATET, co-liquidateurs de la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT n'ont pas fait valoir d'observations. MOTIFS DE LA DECISION : Sur la qualification des relations entre Hervé B... et la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT : Il appartient au juge du fond de qualifier la nature de la relation de travail au regard de la réalité des conditions d'exécution de l'activité, quelle que soit la nature de la profession exercée et la dénomination que les parties ont donné à leur convention. Le contrat de franchise recouvre dans son principe la collaboration par laquelle le franchiseur communique un savoir-faire et une assistance, les franchisés restant indépendants dans la gestion technique et financière de l'entreprise et la constitution de la clientèle. Aux termes de l'article L. 781-1.2° du Code du travail, les dispositions du Code du travail qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; qu'il résulte de ce texte que dès lors que les conditions sus-énoncées sont, en fait, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination. En l'espèce force est de

constater qu'Hervé B... n'avait aucune indépendance dans la gestion technique et financière de l'entreprise et la constitution de la clientèle. En effet, il distribuait et ramassait des colis à partir d'un local dont la société France acheminement était locataire ; la distribution était soumise à des horaires et à un itinéraire imposés par la société ; les tarifs étaient imposés par cette dernière qui encaissait directement les factures de la clientèle ; les relations de politique commerciale avec la clientèle étaient menées et négociées directement par le franchiseur ; les conditions de travail étaient très précisément définies par la société (tenues vestimentaires, gestion des incidents et accidents.). En conséquence, les conditions de l'article L. 781-1. 2° du Code du Travail étant réunies, il convient de requalifier en contrat de travail la relation entre les parties. Il ne sera cependant pas fait droit à la demande d'Hervé B... tendant à obtenir paiement de la somme versée au titre de l'acquisition du contrat de franchise dans la mesure où ladite somme qualifiée de droit d'entrée a été versée à Pierre B... et non à la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT. Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L 212-1-1 du Code du Travail, en cas de litige relatif au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir les éléments de nature B justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié B l'appui de sa demande. En l'espèce, Hervé B... justifie de ses journées de travail par la production de "bons de position" qui ont valeur probante du modèle d'une journée de travail de l'intéressé et qui ne sont pas valablement contestés par la partie adverse. Hervé B... ayant saisi le Conseil de Prud'hommes le 06 juin 2002, ses demandes de ce chef ne tombent pas sous le coup de la prescription. En conséquence il peut être fait droit à sa demande de paiement d'heures

supplémentaires en fixant sa créance de ce chef à la somme de 15 000, 00 euros. Sur les congés payés : La créance d'Hervé B... au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires doit être fixée à la somme de 1500, 00 euros. Pour le reste, Hervé B... fait valoir que l'article 6 du contrat lui imposait d'exécuter ses missions par lui-même et qu'il ne pouvait prendre aucun jour de congé. Cependant force est de constater que l'article 4 prévoit que le franchisé doit être organisé pour satisfaire à son développement commercial et sa gestion administrative et qu'il doit "être en tout temps suffisamment disponible en hommes et en matériels pour assurer en toutes circonstances le service.tous les jours ouvrables sans exception ni réserve.". Dans la mesure où les dispositions contractuelles ne lui interdisaient pas d'embaucher du personnel pour le remplacer ou le seconder, il lui appartient de justifier de ce qu'il a effectué lui-même toutes les tournées que comportait ses missions et qu'il n'a jamais pris de jours de congés ; or, cet élément ne ressort pas des pièces du dossier. Sa demande de ce chef sera rejetée. Sur la rupture du contrat de travail : Lorsque le salarié impute la rupture de son contrat de travail à son employeur à raison de faits qu'il lui reproche, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont établis, soit, dans le cas contraire d'une démission. Dans la mesure où Hervé B... démontre suffisamment que ses heures supplémentaires ne lui étaient pas payées par son employeur, il y a lieu d'imputer à ce dernier la rupture du contrat de travail. Il pourra en conséquence être fait droit aux demandes relatives à la rupture valant licenciement sans cause réelle et sérieuse, en fixant ainsi qu'il suit la créance du salarié de ce chef : - 1 500, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis - 12 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse, compte tenu de son ancienneté de près de 5 années. Sur les autres demandes : Hervé B... justifie de ce que la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT lui reste redevable d'une somme de 9 266, 41 euros. Il convient de faire droit à sa demande de ce chef, en la ramenant toutefois à la somme de 7 837, 16 euros, déduction faite des 1 429, 25 euros perçus par lui en suite de l'ordonnance du 22 juillet 2003 du Tribunal de Commerce prescrivant la déconsignation d'une somme de 1 635 000, 00 francs. En revanche, Hervé B... ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'allocation des sommes qui lui sont allouées ci-dessus, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral. Enfin, les demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sera rejetées. PAR CES MOTIFS, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré, En la forme, reçoit l'appel principal d'Hervé B.... Au fond, INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau sur l'ensemble des demandes : - REQUALIFIE la relation entre les parties de contrat de travail à durée indéterminée ; - IMPUTE à la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT la rupture dudit contrat de travail ; - JUGE que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse; - FIXE ainsi qu'il suit la créance d'Hervé B... : - 15 000, 00 euros en paiement des heures supplémentaires - 1500, 00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires - 1500, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis - 12 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 7 837, 16 euros au titre des sommes restant dues à Hervé B... par la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT, déduction faite de la somme perçue en suite de l'ordonnance du 22- 7 837, 16 euros au titre des sommes restant dues à Hervé B... par la S.A.RL. FRANCE ACHEMINEMENT, déduction faite de

la somme perçue en suite de l'ordonnance du 22 juillet 2003 ; - débouté Hervé B... de ses autres prétentions ; - DIT le présent arrêt opposable à l'X... dans la limite de sa garantie ; - DIT que les éventuels dépens d'appel seront liquidés en frais privilégiés de la procédure collective.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 04/00803
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-12-15;04.00803 ?
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