PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 6 mai 2003 par le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, qui a déclaré recevable mais non fondée l'action engagée par les époux X... en qualité d'administrateurs légaux de leur fille mineure Maùliss Y..., débouté Annie A... de sa demande reconventionnelle et condamné les époux X... aux dépens ;
Vu l'appel régulièrement interjeté en cette qualité par les époux X... ;
Vu leurs conclusions du 2 septembre 2003 demandant à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré leur action recevable et débouté Mme A... de ses demandes reconventionnelles en paiement d'une indemnité d'occupation et d'une indemnité pour les soins qu'elle aurait prodigués à Lucien X..., et, le réformant pour le surplus, dire et juger que la constitution de droit d'usage et d'habitation dont Madame A... a bénéficié le 4 novembre 1991 s'analyse en une donation déguisée rapportable à la masse successorale et notamment que le prix dérisoire traduit manifestement l'intention libérale du concédant ; ordonner le rapport à sa succession des donations directes dont elle a bénéficié les 16 Février et 26 Mars 1996 pour un total de 700. 000, 00 Francs et la réduction en nature et en totalité de ces donations qui excèdent la quotité disponible ; condamner Madame A... à leur payer la somme de 1600 Euros par mois à titre d'indemnité d'occupation de l'immeuble à compter de l'assignation et jusqu'à libération des locaux ; ordonner son expulsion et celle de tout occupant de son chef ; la condamner au paiement des sommes de 106. 714, 31 Euros (700. 000, 00 Francs) avec intérêts de droit à compter de l'assignation et de 3500 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions notifiées le 9 juin 2004 par Annie A..., tendant à faire déclarer la demande principale irrecevable ou non fondée et condamner reconventionnellement les demandeurs ès qualité à lui payer la somme de 292. 702, 08 ä, à lui restituer la donation de 338. 112 ä et lui payer la somme de 6. 000 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
M O T I V A T I O N
SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION DU DROIT D'USAGE ET D'HABITATION
La convention qui institue un droit d'usage et d'habitation confère
un droit réel immobilier à son bénéficiaire.
L'assignation du 4 mars 1998 tend à faire requalifier en donation déguisée le droit d'usage et d'habitation consenti par Lucien X... à Annie A... par acte notarié du 4 novembre 1991.
Dès lors, elle devait être obligatoirement publiée au bureau des hypothèques, en application de l'article 28 4ème C du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière.
A défaut, l'action est irrecevable.
SUR LA DEMANDE DE RAPPORT À SUCCESSION DE DONATIONS
L'analyse des relevés émanant de la SOCIÉTÉ BORDELAISE fait apparaître les mouvements suivants dans les trois mois qui ont précédé le décès de Lucien X... survenu le 9 mai 1996 :
- deux virements de 250 000 F et 200 000 francs effectués respectivement les 13 février et 26 mars 1996 au profit du compte personnel d'Annie A..., à partir du compte joint ouvert sous le N° G 01 12589 D 06853 08100 au nom de Mr X... Lucien ou Mme A... Annie ;
- un virement de 50. 000 francs du 15 avril 2004 au profit du compte personnel de Lucien X... à partir du compte joint.
En revanche les consorts Y..., qui font également état d'un chèque de 250. 000 francs tiré le 16 février 1996 sur le compte de Lucien X... à la SOCIÉTÉ BORDELAISE à l'ordre d'Annie A..., ne rapportent pas la prouve de son existence.
Il reste donc après compensation une somme de 400. 000 francs versée du compte joint sur celui d'Annie A....
S'agissant d'un compte joint, les fonds sont présumés, sauf preuve contraire, appartenir par moitié à chacun des co-titulaires. En l'espèce, cette preuve contraire est rapportée par le fait non contesté par Madame A... qu'elle n'avait aucun revenu personnel. Ce compte étant ainsi uniquement alimenté par les revenus de Lucien X..., il était seul propriétaire des fonds qui y étaient déposés. Il en résulte qu'il s'est dessaisi au profit d'Annie A... de la totalité de la somme de 400. 000 francs.
Opérant dessaisissement du donateur et tradition au bénéficiaire, le virement de fonds permet d'accomplir un don manuel, matière dans laquelle l'intention libérale est présumée.
Il appartient dès lors à Madame A..., qui prétend que ce mouvement en sa faveur aurait une autre cause, d'en rapporter la preuve, d'autant qu'elle est la seule à pouvoir indiquer à quoi il correspond et que cela ne devrait présenter pour elle aucune difficulté.
Or force est de constater qu'elle se borne à dénier l'intention libérale de Lucien X... sans pour autant apporter la moindre indication sur la cause de ce transfert, et qu'elle ne combat donc pas la présomption de libéralité dont elle bénéficie en qualité de possesseur de la somme de 400. 000 francs (60. 979, 61 ä) reçue de Lucien X....
En conséquence, ce virement doit être considéré comme une donation rapportable à la succession.
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
La cour considère avec le premier juge que s'il est établi qu'à partir de 1976, date à laquelle Lucien X... a été victime d'un infarctus du myocarde suivi d'un lourd handicap moteur et jusqu'à son décès survenu vingt ans après, Annie A... l'a entouré de soins constants et d'une présence permanente, elle ne peut pour autant prétendre à la rémunération de son activité sur le fondement de l'enrichissement sans cause, alors que son dévouement trouve sa cause dans le devoir d'aide et d'assistance mutuels que se doivent deux personnes vivant ensemble et liées par des sentiments d'affection.
Par ailleurs elle a, durant toute cette période, bénéficié gratuitement de la jouissance de la villa de bon standing appartenant à son concubin et du train de vie que lui permettaient les revenus de celui-ci.
Madame A... ne justifie pas du bien fondé de sa demande en révocation pour cause d'ingratitude de la donation de la somme de 250. 000 francs qu'elle a consentie le 7 mars 1996 au profit de Maeliss Y..., le seul fait que ses représentants légaux aient engagé en son nom la présente instance n'entrant pas dans le cadre des causes de révocation définies par l'article 955 du Code Civil. Il convient en conséquence de la débouter de la demande nouvelle qu'elle forme à ce titre en appel.
Succombant partiellement, chaque partie gardera à sa charge ses propres frais irrépétibles et la moitié des dépens.
P A R C E S M O T I F S
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Annie A... de sa demande en paiement d'une indemnité pour enrichissement sans cause.
Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau :
Ordonne le rapport à succession par Annie A... de la donation de 60. 979, 61 ä reçue de Lucien X....
Déclare irrecevable la demande des époux X..., ès qualité d'administrateurs légaux de leur fille mineure Maùliss Y..., tendant à la requalification en donation déguisée du droit d'usage et d'habitation conféré à Annie A...
Déboute Annie A... de sa demande de révocation de donation pour cause d'ingratitude.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du N. C. P. C.
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés à parts égales par chacune des parties, avec application de l'article 699 du N. C. P. C. au profit des avoués de la cause.