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19/04/2004 | FRANCE | N°03/02199

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 19 avril 2004, 03/02199


FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Le 31 janvier 2003 la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dite CGE, assignait en référé la SA FRANCE TELECOM devant le président du Tribunal de Grande Instance de Montpellier, afin d'obtenir une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile. Elle exposait que : - sur un chantier effectué le 8 décembre 1999 ..., elle avait détérioré des installations souterraines appartenant à la SA France TELECOM qui lui réclamait la somme de 1.136,13 euros, - pour s'exonérer de sa responsabilité elle avait fait valoir

l'absence de grillage avertisseur au-dessus du réseau téléph...

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Le 31 janvier 2003 la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dite CGE, assignait en référé la SA FRANCE TELECOM devant le président du Tribunal de Grande Instance de Montpellier, afin d'obtenir une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile. Elle exposait que : - sur un chantier effectué le 8 décembre 1999 ..., elle avait détérioré des installations souterraines appartenant à la SA France TELECOM qui lui réclamait la somme de 1.136,13 euros, - pour s'exonérer de sa responsabilité elle avait fait valoir l'absence de grillage avertisseur au-dessus du réseau téléphonique litigieux et par ailleurs, le fait que les câbles se situaient à profondeur réduite - cette situation se répète systématiquement aussi estime-t-elle devoir à l'heure actuelle faire trancher définitivement le problème par les Tribunaux, - aucun grillage avertisseur n'existant, cette situation apparaît en infraction tant avec la réglementation applicable en pareille matière qu'avec la réglementation propre à la ville de MONTPELLIER, et notamment le règlement de voirie. Pour la CGE la société France Telecom doit respecter les obligations mises à sa charge et actualiser si besoin est nécessaire ses réseaux afin de les mettre en conformité avec la réglementation, et elle peut invoquer aussi une circulaire du 15 mai 1974 mettant en oeuvre des recommandations à la charge de France Telecom , - devant cette difficulté elle a fait intervenir un expert qui estime son argumentation fondée notamment non seulement en ce qui concerne le grillage avertisseur mais également la profondeur des canalisations litigieuses, les câbles devant être enfouis en terrain normal au moins à 60 cm de la surface du sol et cette profondeur est portée à 1 mètre à la traversée des voies accessibles aux voitures, - or la société France Telecom est en désaccord tant sur la nature des textes précités qu'elle invoque que

sur leur applicabilité. Elle sollicitait donc, avant de saisir le juge du fond, une expertise à l'effet de : - faire le point technique de la réglementation applicable - prendre connaissance des dossiers des parties - donner son avis sur les responsabilités. Par ordonnance du 6 mars 2003 le juge des référés considérant que les conditions fixées par l'article 145 du nouveau Code de procédure civile n'étaient en l'espèce pas réunies et que la demande ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un litige précis, rejetait la demande d'expertise. La CGE a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient que : - la société France Telecom n'a respecté ni les prescriptions imposées par le règlement de voirie de la ville de Montpellier, ni celles relevant de la circulaire du 15 mai 1974, en outre les câbles n'étaient pas enfouis à la profondeur réglementaire, - il est constant qu'elle reproche à France Telecom de ne pas respecter les normes prescrites et notamment de ne pas signaler la présence de son réseau d'installation par la mise en place d'un grillage avertisseur, et sa demande d'expertise s'inscrit dans le cadre d'un litige précis, apparu à l'occasion d'un chantier effectué rue Chauvet à Montpellier. Elle sollicite l'infirmation de la décision, d'accueillir sa demande et le paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile . La SA France Telecom, intimée, conclut à l'irrecevabilité des demandes de l'appelante et à la confirmation de l'ordonnance. Elle sollicite en outre la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens. MOTIFS Attendu que dans l'assignation initiale il était énoncé que sur un chantier effectué le 8 décembre 1999 ..., la société CGE avait détérioré des installations souterraines appartenant à la société France Telecom qui lui réclamait une somme à titre de réparation ; qu'il était allégué que

ces faits se renouvellent sans cesse dans la mesure où les installations souterraines, sur lesquelles la CGE doit intervenir, sont plus anciennes et plus profondes que les câbles installés par la société France Telecom en sorte que tous les travaux sur les premières nécessitent de franchir l'obstacle des seconds avec le risque d'une détérioration ; Attendu que les précisions fournies sont suffisamment explicites pour désigner des faits consistant en un litige potentiel entre les parties ; qu'il ne s'agit donc pas d'une demande tendant à une mesure d'investigation générale ; que la nouvelle énonciation de l'étendue de la mission confiée à un expert telle que proposée en cause d'appel par la société CGE ne peut être considérée comme une demande nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu qu'en outre la difficulté concerne les relations entre deux sociétés de droit privé et ne met en cause ni le domaine public ni les relations entre la puissance publique, ou l'organe régulateur, et ces deux sociétés ; Attendu que s'agissant d'une demande d'une expertise destinée à déterminer exactement les désordres existants, les travaux à effectuer et à dégager d'éventuelles responsabilités, et ceci avant tout procès, seules ont vocation à s'appliquer les dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que le régime prévu par cet article obéit à des règles autonomes ; que, dans ce cadre, la juridiction saisie ne peut refuser la mise en ouvre d'une mesure d'instruction qu'en l'absence de motif légitime ou si l'action exercée, qui tend à préserver ou même établir la preuve de faits, est manifestement infondée ; Attendu qu'en l'espèce la société appelante démontre que, par cette répétition de dégradations à l'occasion de travaux, il existe un motif légitime, lesdites dégradations mettant en cause d'une part les relations juridiques entre les parties d'autre part le bon fonctionnement des réseaux souterrains qui se

juxtaposent, étant observé que le principe de la méthode de l'enfouissement se généralise ; Attendu que les explications de la société France Telecom, pour s'opposer à la demande, sont insuffisantes à démontrer qu'une éventuelle action de la société CGE à son égard est, d'ores et déjà, manifestement infondée ou manifestement vouée à un échec indubitable ; Attendu qu'en effet toutes les décisions produites aux débats sont relatives à des contentieux antérieurs à la promulgation de la loi 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications et au décret 97-683 du 30 mai 1997, textes modifiant le Code des télécommunications ; que la loi de 1996 a : - abrogé l'article L 69-1 de ce Code en sorte qu'une contravention de grande voirie n'existe plus, - modifié l'article L 65 du même Code qui a prévu que l'infraction n'est pas constituée si l'emplacement des installations existantes dans l'emprise des travaux n'a pas été porté à la connaissance de l'entreprise avant l'ouverture du chantier ; - modifié l'article L 113-3 du Code de la voirie routière ; Attendu qu'enfin il sera précisé que depuis le 1er janvier 2002 cet avant dernier article L 65 n'est plus en vigueur ; Attendu que l'Ordonnance déférée doit donc être infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande ; Attendu que, dans ce cadre, il conviendra de confier à l'expert la mission de rechercher non seulement les faits, les textes, épars, applicables mais aussi d'élaborer des solutions techniques, compte tenu de l'évolution technologique contemporaine, propres à y remédier ou à tout le moins les atténuer ; Attendu qu'il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais non compris dans les dépens ; Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS LA COUR Réforme l'Ordonnance déférée, Statuant à nouveau, Ordonne une expertise, Commet Mr Yves X... 36 Lotissement du Parc à Lunel - 34400, en qualité d'expert, avec mission, en consultant tous

documents et en s'entourant de tous renseignements à charge d'en indiquer la source, en entendant tous sachants utiles, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénoms, domicile et profession, ainsi que, s'il y a lieu leur lien de parenté, d'alliance, de communauté d'intérêts et de subordination de : - prendre connaissance des dossiers des parties, - donner tous éléments d'appréciation sur les conditions dans lesquelles la Compagnie Générale des Eaux et France Telecom sont intervenues sur le chantier ..., - faire le point technique de la réglementation applicable notamment depuis la réforme résultant de la loi de 1996, - en l'absence de réglementation précise, ou d'abrogation, rechercher quelles sont les règles ou les usages professionnels, relatifs à la coordination ou l'articulation des travaux de cette nature, ou encore s'il existe, le cas échéant, une publicité des plans des réseaux existants comportant des références et des mesures altimétriques et donner son avis sur l'efficacité de cette publicité, - préciser, en tout état de cause, s'il a existé des mesures de précaution suffisantes pour permettre à la CGE d'entreprendre l'exécution des travaux Rue Chauvet , - donner au cas d'espèce sur le chantier ... son avis sur les imputabilités en fonction de l'ensemble des documents fournis en ce compris le constat d'état des lieux fourni par France Telecom elle même, - plus généralement, et afin de faire face à toute difficulté ou litige ultérieurs, rechercher si des solutions d'information adoptées réciproquement par les parties peuvent être élaborées par le recours, entre autres, à des technologies contemporaines, Dit que l'expert commis, saisi par le Greffe, pourra se faire assister d'un sapiteur et devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations, se faire communiquer tous documents utiles, Dit également que l'expert devra s'expliquer sur les dires

des parties après leur avoir fait part de ses pré conclusions, en leur accordant un délai raisonnable, qui ne serait excéder un mois, Dit que le rapport devra être déposé au Greffe dans les huit mois de la consignation, date de rigueur, sauf prorogation expresse de ce délai autorisée par le juge sur demande motivée de l'expert, Désigne le Président de la Cinquième Chambre Civile pour suivre les opérations d'expertise et statuer sur tout incident relatif à l'expertise, Dit que la CGE devra consigner au Greffe de la Cour la somme 3.000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert dans les deux mois du prononcé du présent arrêt, et rappelle que, à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque de plein droit en application de l'article 271 du nouveau Code de Procédure Civile, un relevé de caducité ne pouvant être accordé que sur justification de motifs légitimes, Dit que le Cour sera dessaisie du litige au moment du dépôt du rapport de l'expert, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société France Telecom d'appel aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Argellies Travier Watremet, avoué, selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT RT/VS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 03/02199
Date de la décision : 19/04/2004

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Motif légitime - Application - /

Dans le cadre du référé de l'article 145 du NCPC, la juridiction saisie ne peut refuser la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction qu'en l'absence de motif légitime ou si l'action exercée est manifestement infondée. La répétition de dé gradations causées par la Compagnie Générale des Eaux au réseau de France Télécom à l'occasion de travaux sur des installations enfouies consti tue un motif légitime à la demande de la Compagnie Générale des Eaux. Les décisions fournies à l'appui du caractère infondé de l'action sont insuffisantes à démontrer ce caractère dans la mesure où elles sont relatives à des contentieux intervenus avant des modifications et abrogations des textes énumérés au Code des télécommunications.


Références :

Nouveau Code de procédure civile, article 145

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2004-04-19;03.02199 ?
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