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08/03/2004 | FRANCE | N°98/00141

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 08 mars 2004, 98/00141


Arrêt Société X... / Comité d'Etablissement de Montpellier de la société X... page 3 FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La représentation du personnel de la société X... France est assurée par dix Comités d'Etablissement (CE), dont celui de Montpellier, et un Comité Central d'Entreprise (CCE). Antérieurement à la loi du 28 octobre 1982 la société X... faisait bénéficier les CE et CCE, pour leur permettre d'exercer l'ensemble des attributions tant sociales et culturelles qu'économiques et professionnelles, à savoir: - une contribution globale de 3,8%, laquelle engl

obait le financement de toutes les activités la loi ne distinguant pa...

Arrêt Société X... / Comité d'Etablissement de Montpellier de la société X... page 3 FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La représentation du personnel de la société X... France est assurée par dix Comités d'Etablissement (CE), dont celui de Montpellier, et un Comité Central d'Entreprise (CCE). Antérieurement à la loi du 28 octobre 1982 la société X... faisait bénéficier les CE et CCE, pour leur permettre d'exercer l'ensemble des attributions tant sociales et culturelles qu'économiques et professionnelles, à savoir: - une contribution globale de 3,8%, laquelle englobait le financement de toutes les activités la loi ne distinguant pas à l'époque les différents titres d'intervention des CE et CCE, - des moyens en personnel, matériel et services (évalués en 1984 par la société à environ 0,8% de la masse salariale). Les CE et CCE procédaient donc à une gestion indifférenciée de leurs budgets de fonctionnement et des activités sociales et culturelles. A la suite de réunions des 1er février et 22 avril 1983 portant sur l'application de la loi du 28 octobre 1982 , un accord d'entreprise était signé le 25 juin 1984 par trois syndicats CGC, SNA et CGT-FO représentant à l'époque environ deux tiers du personnel. Il était ensuite complété par des annexes. Aux motifs que: - les moyens mis à disposition des CE et du CCE étaient importants tant au plan qualitatif que quantitatif, représentant environ les deux tiers d'un mois de salaire pour chaque employé et un total de plus de 250 millions de francs par an, - la société X... mettait à la disposition des CE des locaux et services consacrés à la gestion des activités sociales et culturelles, moyennant un prix préférentiel, - la société ne pouvait accepter de verser le pourcentage légal de 0,2% en sus des 0,8% préexistants, les partenaires sociaux préféraient maintenir les avantages résultant de la pratique antérieure plutôt que le versement de la subvention de 0,2% en espèces . Cet accord reconduisait donc en grande partie le

système financier antérieur (contribution financière de 3,8% et avantages matériels divers, dont le quantum était évalué à quatre fois le pourcentage légal; centralisation des versements d'X... au CCE lequel rétrocédait leur quote-part aux CE après financement des activités sociales communes). Enfin cet accord était ratifié par chacun des CE, dont celui de Montpellier le 27 mars 1985. La résolution votée par ce dernier par 7 voix contre 3 est explicite: " le CE de Montpellier a pris connaissance des dispositions prévues par l'accord cadre sur le partage des compétences entre les CE et le CCE signé le 25 juin 1984 et complété par ses annexes techniques le 27 décembre 1984. lI entend s'y conformer dans la mesure où cet accord:

reconnaît l'autonomie de décision des CE dans le domaines des activités sociales et culturelles; maintient la solidarité entre les CE en ce qui concerne la répartition de la subvention; préservant le fonctionnement des activités sociales communes . Cet accord était ensuite appliqué sans contestation et a donné lieu à une série d'accords d'application comme le prix des surfaces facturées aux CE, ainsi que des réunions des 17 septembre, 8 octobre et 25 octobre 1991, 8 octobre 1993 et 21 février 1996. A la suite d'un changement de majorité au sein du CE de Montpellier , cet organisme diligentait plusieurs instances et notamment par actes des 15 et 20 mai 1996 assignait la société X... France SA devant le Tribunal de grande Instance de Montpellier exposant que: - la société X... refusait de lui verser directement la contribution légale de 0,2% de la masse salariale qui lui était due pour le fonctionnement du comité d'entreprise en application de l'article L 434-8 du code du travail qui prévoit que l'employeur peut aussi faire déjà bénéficier le comité d'entreprise d'une somme ou de moyens équivalents à 0,2% de la masse salariale brute et en sus de la subvention destinées aux activités sociales et culturelles; - le comité d'établissement n'a ni

perçu son montant , ni obtenu de la direction les justificatifs de chaque subvention annuelle totale ni les justificatifs chiffrés des sommes ou des moyens équivalents en personnel mis à sa disposition dans le cadre stricte des dispositions légales; - la direction d'X... ne saurait alléguer son incapacité technique à faire connaître le montant de la masse salariale brute et nette versée pour le même établissement entre 1983 et 1995. Le comité d'établissement demandait donc au tribunal de constater que cette obligation légale n'était pas remplie depuis 1983, de condamner en conséquence X... FRANCE SA à lui payer à titre provisionnel la somme de 100.000 F , à parfaire après expertise, en vue de déterminer pour les années 1983 à 1995 et 1996 le montant de la subvention de fonctionnement que le comité d'établissement était en droit de percevoir et procéder, le cas échéant , à l'inventaire et à l'évaluation des sommes versées ou des moyens en personnel équivalents qui auraient pu être mis à la disposition du comité d'établissement aux lieu et place de la subvention de fonctionnement et d'assortir de l'exécution provisoire la décision à intervenir. Par jugement du 7 octobre 1997, le Tribunal de grande Instance de MONTPELLIER a: - constaté qu'en sa qualité d'employeur la compagnie X... France SA ne remplit pas son obligation légale du versement d'une subvention de fonctionnement en application des dispositions d'ordre public de l'article L434-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, - dit qu'en application de ce texte, la masse salariale brute devant être prise en compte pour le calcul du montant annuel équivalent à 0,2% de cette masse, est celle de l'entreprise, la compagnie X... France SA et non celle du seul établissement X... de Montpellier, - dit que l'accord cadre du 25 juin 1984 dont se prévaut la compagnie X... France SA, est inopposable au comité d'établissement de l'usine X... de Montpellier pour être contraire aux dispositions

d'ordre public précitées, - reconnu au comité d'établissement le droit au versement direct par l'employeur de la subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2% de la masse salariale brute de l'entreprise, - considéré qu'à défaut d'accord sur la répartition de cette subvention entre le comité d'établissement et le comité central d'entreprise seul le juge judiciaire demeure compétent pour y procéder,

- avant dire droit sur cette demande de répartition et sur la demande d'expertise, sollicitées par le comité d'établissement , constatant que la présence des douze autres comités d'établissement de la compagnie X... France est nécessaire à la solution du litige, invité le comité d'établissement à mettre en cause lesdits comités d'établissement . La société X... a régulièrement relevé appel de cette décision . En cause d'appel le comité d'établissement de Montpellier assignait en intervention forcée les douze autres Comités d'Etablissement de l'entreprise SA X... France . A la suite d'une requête du 6 mai 1998 déposée par le comité d'établissement de Montpellier , le conseiller de la mise en état ordonnait le déchambrement de l'affaire et prescrivait une expertise confiée à l'expert Jacques Y... avec mission de : - déterminer , à compter du 1er janvier 1983 ( la loi du 28 octobre 1982 ayant opéré la distinction entre la subvention de fonctionnement et la subvention pour les activités culturelles) le montant de la subvention annuelle de fonctionnement que le comité d'établissement de Montpellier est en droit de percevoir en application de l'article L 434-8 du Code du travail, - évaluer le cas échéant les sommes versées ou les moyens en personnel équivalents mis à la disposition du comité d'établissement de Montpellier , déductibles de la subvention de fonctionnement, - rechercher la nature , l'importance et le coût effectif des prestations éventuellement fournies par X... et susceptibles d'être

payées par le comité d'établissement à l'entreprise dès lors que ces prestations excéderaient le cadre de celles imputables à l'employeur. L'expert déposait son rapport le 30 juin 2003. En cet état la société appelante soutient que: - à titre principal les demandes du comité d'établissement sont sans fondement jusqu'en 1996 car l'accord du mois de juin 1984 a été ratifié par cet organisme , et cet accord a continué de s'appliquer sans discontinuité de sa conclusion à sa dénonciation en 1996, - il n'était interdit aux CE et au CCE de trouver un accord portant sur la centralisation de la subvention de fonctionnement au CCE en contrepartie d'autre avantages, - tous les comités d'établissement ont accepté cet accord, et aucun n'a souhaité la séparation des ressources car cela aurait impliqué la remise en cause des avantages supérieurs à la loi consentis par l'employeur, - de toute façon le dispositif peut être considéré comme un usage, emportant renonciation de la part du CE de percevoir directement la subvention en espèces au profit d'une centralisation de moyens au niveau du CCE , - à titre subsidiaire si cet accord devait être annulé , aucune rétroactivité ne peut être mise en ouvre, s'agissant d'un contrat à exécution successive qui a produit ses effets d'une manière irréversible et qui concerne non seulement des locaux, et des ressources mais aussi des mises à disposition de personnel pour accomplir la mission , aussi malgré ce que prétend le Comité d'Etablissement de Montpellier une remise en l'état antérieur et des restitutions réciproques sont impossibles, avec cette précision que les sommes versées sont supérieures au taux de 0,2 % en sorte que le comité devrait rembourser des sommes dont il détaille l'énumération dans ses conclusions, ceci en fonction de la durée de la prescription qui doit être retenue, soit quinquennale, soit décennale, soit trentenaire, - en ce qui concerne les travaux de l'expert depuis 1996 , le calcul de la masse salariale est celle retenue par le technicien

et qui correspond à ce qu'il appelle la masse minimale, et non maximale comme le souhaite le Comité, - compte tenu des sommes payées le solde en espèces revenant au comité de Montpellier depuis le 1er janvier 1997 s'élève à la somme de 23.315 ä , cependant en raison des sommes due par le comité il conviendra d'ordonner la compensation judiciaire. Enfin elle demande , dans tous les cas, que le Comité supporte les frais d'expertise à hauteur de 50 % , et sollicite le rejet des demandes de dommages intérêts , des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts . Le Comité d'Etablissement de Montpellier soutient que: - l'accord du 25 juin 1984 est inopérant quant à la subvention de fonctionnement car il ne concerne que le fonctionnement des activités sociales et culturelles, - cet accord, sans qu'il ait été consulté préalablement est privé de tout effet car dès l'origine il a été élaboré de manière illicite en toute connaissance de cause et la dénonciation de l'accord est superfétatoire, - cette nullité de l'accord rétroagit nécessairement , et anéantit les rapports comme si ceux -ci n'avaient jamais existé , - la prescription de l'article 2277 du Code civil n'est pas applicable car il existe un litige sur la quotité de la créance qui n'est pas déterminée, d'autant que la société X... a toujours refusé de communiquer un mode de calcul sur le montant et les justificatifs de la masse salariale retenue, ce qui d'ailleurs constitue le délit d'entrave lequel est poursuivi devant la juridiction pénale, - seule la prescription trentenaire doit s'appliquer et l'argumentation de la société X... sur l'application de la prescription de 10 ans n'est pas fondée, - la masse salariale à retenir est celle qui est qualifiée de maximale par l'expert , car elle est la seule à correspondre aux exigences légales imposées par cette définition, l'expert ayant d'ailleurs noté que les chiffres communiquées par la société X... présentent des écarts dont la justification n'a pu être établie, -

contrairement à ce que prétend la société X... aucune compensation ne peut être effectuée entre les sommes qui doivent lui revenir au titre de la subvention de fonctionnement depuis 1983 et celles versées par l'employeur car en aucun cas ce dernier peut réclamer le remboursement de telles sommes excédant le minimum auquel il est tenu par la loi, étant observé qu'il n'existe aucune connexité. Le Comité d'Etablissement demande donc: - la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté qu'en sa qualité d'employeur la société X... France ne remplit pas son obligation légale de versement d'une subvention de fonctionnement en application des dispositions d'ordre public de l'article 434-8 du Code du travail , dans sa rédaction issue de la loi 82-915 du 28 octobre 1982 et dit que l'accord lui est inopposable, - l'infirmation pour le surplus et de:

*dire et juger que la subvention de fonctionnement du comité d'établissement doit être calculée sur la masse salariale brute comptable de l'établissement de Montpellier compte 641.

*constater qu'il n'a pas été justifié par X... FRANCE du versement des sommes ou de moyens en personnel autres que ceux occasionnés par les activités sociales et culturelles équivalentes à 0,2 % de la masse salariale brute de l'établissement de Montpellier ,

*dire et juger qu'en suite de la nullité absolue de l'accord du 25 juin 1984 dans le domaine des activités sociales et culturelles, initié en toute connaissance de cause par l'employeur, dénoncé dès l'origine comme illicite par trois organisations syndicales représentatives non-signataires, aucune dénonciation n'était nécessaire.

*dire et juger que l'obligation de versement par l'employeur de la subvention de fonctionnement s'impose à compter du 1er juin 1983,

*constater que l'expert judiciaire , déduction faite de l'évaluation des moyens en personnel autres que ceux occasionnés par les activités

sociales et culturelles mis à disposition par l'employeur, compte tenu de la masse salariale brute comptable de l'établissement (compte 641), a chiffré le solde net de la subvention de fonctionnement du comité d'établissement de Montpellier comme suit:

Année 1983

144.630 ä

Année 1984

153.744 ä

Année 1985

165.474 ä

Année 1986

182.755 ä

Année 1987

183.674 ä

Année 1988

197.057 ä Année 1989

218.118 ä

Année 1990

221.017 ä Année 1991

223.972 ä Année 1992

199.841 ä Année 1993

203.752 ä Année 19 94

158.546 ä Année 1995

103.499 ä Année 1996

102.354 ä Année 1997

104.218 ä Année 1998

112.153 ä Année 1999

125.767 ä Année 2000

123 306 ä Année 2001

131 876 ä *dire et juger que les moyens en personnel déductibles de la subvention en espèces au titre des exercices 83 à 2001 inclus s'élèvent à 652 663 ä (p. 41 du rapport d'expertise ). *dire et juger que la prescription trentenaire est exclusivement applicable à la demande de paiement de la subvention de fonctionnement du Comité d'établissement,

*dire et juger incompensable la créance légale du comité au titre de la subvention de fonctionnement avec les moyens en nature mis à disposition par l'employeur dans le domaine des activités sociales et culturelles, *condamner la société X... France, déduction faite de l'acompte de 275 000 ä versé le 28 février 2002, à payer au Comité d'Etablissement de Montpellier la somme de 2 128 122 ä, -* en application des articles 1153 et suivants du Code Civil, dire et juger que les sommes dues au titre de la subvention de fonctionnement de chaque exercice annuel porteront intérêts au taux légal alors en vigueur à compter du 1er janvier de l'exercice annuel suivant, avec capitalisation, - la condamnation d'X... France à lui payer la somme de 100.000 ä à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et dilatoire, - la condamnation d'X... France à lui payer la somme de 20.000 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les autres Comités d'Etablissement à savoir ceux des établissements X... de Sainte Marie, de Paris Banlieue, de Nord Normandie, d'X... Ouest, d'X... Méditerranée, d'IBM Centre Est , et d'X... Est : - soulignent que l'accord du 25 juin 1985 a été volontairement appliqué par l'ensemble des institutions représentatives de la société , - rappellent qu'il n'est pas interdit selon la jurisprudence de trouver un accord portant sur la

centralisation de la subvention de fonctionnement au CCE, - l'accord ne peut être déclaré nul, - pour le surplus s'en remettent à justice. Le Comité Central d'entreprise X... a repris cette même argumentation Le Comité d'Etablissement de Corbeil Essones n'a pas déposé de conclusions. Quant au syndicat CFDT de la métallurgie du département de l'Hérault, intervenant volontaire, il a soutenu l'argumentation du Comité d'Etablissement de l'usine X... de Montpellier. MOTIFS

Attendu que la clôture de l'affaire a été reportée par Ordonnance prononcée le jour des débats; que les parties ont demandé à s'expliquer immédiatement de sorte qu'il y a lieu de retenir l'affaire;

Sur la validité de l'accord de 1984

Attendu qu'il n'est pas discuté par les parties qu'antérieurement à la loi du 28 octobre 1982 la société X... accordait un financement global aux institutions représentatives de l'entreprise pour leur permettre d'exercer l'ensemble des attributions tant sociales et culturelles qu'économiques et professionnelles; qu'ainsi ces organismes procédaient à une gestion indifférenciée de leurs budgets de fonctionnement et des activités sociales ou culturelles; qu'ensuite le comité central d'entreprise, qui percevait les fonds, rétrocédait une quote-part à chaque comité d'établissement après avoir opéré lui même une retenue destinée au financement et la gestion des activités sociales communes ; que revenait alors à chaque comité des sommes en espèces à coté de diverses fournitures et prestations en nature ; Attendu qu'à la suite de la promulgation de la loi du 28 octobre 1982 un accord d'entreprise était signé le 25 juin 1984 par trois syndicats et ensuite complété par des annexes; que cet accord comportait une définition de la masse salariale accordée par l'employeur et des modalités de calcul déterminant une clef de répartition des sommes entre les différents Comités; qu'il

était ratifié par chaque Comité qui ensuite chaque année se prononçait sur les dépenses et les comptes présentés ; Attendu que lors de la délibération de ratification le Comité d'Etablissement de Montpellier relevait que cet accord reconnaissait l'autonomie de décision des CE dans le domaines des activités sociales et culturelles, maintenait la solidarité entre les CE en ce qui concerne la répartition de la subvention, et préservait le fonctionnement des activités sociales communes;

Attendu qu'ainsi il existait à l'époque une volonté commune de confier à une seule entité la gestion d'une somme globale couvrant la totalité des charges annuelles liées aux activités des institutions représentatives; qu'il s'agissait de maintenir, notamment, des ouvres sociales destinées au personnel, des centres de vacances et des établissements de loisirs situés dans des sites dont l'importance n'était pas négligeable pour les salariés;

Attendu que dès lors à la date de sa conclusion aucun élément ne vient corroborer que cet accord était illicite, dans la mesure où l'ensemble des institutions représentatives du personnel de la société avait souhaité élaborer un dispositif lui donnant satisfaction et dont il n'est pas établi qu'il fut plus défavorable que les dispositions légales; qu'à cet égard il convient d'observer que selon les déclarations d'un délégué du syndicat CFDT lors d'une réunion au sein du comité de Paris Banlieue le 30 juin 1998 les moyens donnés par la direction de la société étaient au moins équivalents au pourcentage légal de 0,2 %; qu'ainsi depuis l'origine les mesures mises en ouvre ont contribué à assurer le bon fonctionnement des Comités dont celui de Montpellier;

Attendu que toutefois cet accord stipule en son article 10 qu'il sera considéré comme dénoncé si de nouvelles dispositions législatives de caractère impératif venaient à modifier le protocole; que la loi

84-575 du 10 juillet 1984 ayant introduit la règle de l'unanimité de toutes les organisations syndicales représentatives, ce qui n'était pas exigé auparavant, pour la validité même de la conclusion d'un tel accord dérogatoire, cette loi a eu pour effet de frapper d'irrégularité cet accord;

Attendu que l'adhésion primitive du comité d'établissement de Montpellier au système mis en place, ne pouvait s'opposer à ce que ledit comité, après un renouvellement de ses membres et un changement de majorité syndicale, demande pour l'avenir l'application du droit commun en l'absence d'accord unanime des syndicats pour le maintien de l'accord; Sur les effets de cet accord Attendu qu'il convient de noter, préalablement, que le jugement du 7 octobre 1997, qui fait l'objet du présent appel, énonce dans ses motifs page 11 3ème paragraphe que le fait pour le comité d'établissement de Montpellier d'avoir ratifié le 27 mars 1995 ledit accord ne peut lier juridiquement celui-ci à jamais , à tout le moins tant que l'accord n'aurait pas été de droit ou officiellement dénoncé, et dans son dispositif que l'accord cadre du 25 juin 1984 dont se prévaut la compagnie X... France est inopposable au comité d'établissement de l'usine X... de Montpellier; Attendu que cet accord constitue un accord d'entreprise devenu irrégulier par l'effet d'une loi nouvelle et par l'absence de mise en conformité avec les nouvelles dispositions ; que cependant les parties l'ont volontairement appliqué chaque année en approuvant les comptes présentés jusqu'à sa dénonciation en 1996 d'abord par le Comité d'Etablissement de Montpellier et ensuite par la société X... ; que d'ailleurs les observations de certains délégués CFDT, lors des réunions, sur l'absence d'unanimité n'ont jamais été entendues par les autres organisations syndicales ni par l'employeur au point que, même actuellement, certains Comités d'Etablissement demandent que cet

accord ne soit pas annulé;

Attendu que l'accord collectif a un double aspect réglementaire et contractuel ; que sur le premier aspect il convient de souligner que, créant des obligations contraignantes à l'égard de personnes qui n'ont pas été cocontractantes, cet accord a produit des effets irréversibles de 1983 à la fin de l'année 1996 d'une part sur les relations sociales ( crédit d'heures supplémentaires accordés aux délégués ) , d'autre part à l'égard du personnel qui a bénéficié d'avantages sociaux, (aide aux handicapés, aux clubs sportifs, prêts sans intérêt ) enfin quant à la bonne marche de la société en général; que cet accord, avec ses multiples annexes, a donc crée des normes exécutoires dont les effets sont définitivement expirés; Attendu que selon le juge constitutionnel seule l'autorisation de la loi peut donner un caractère rétroactif à une disposition normative; que la loi ne prévoyant pas une telle possibilité pour l'absence de conformité d'un accord collectif à une loi nouvelle promulguée après sa conclusion il n'apparaît pas fondé d'appliquer une rétroactivité depuis 1984 à un tel accord; Attendu qu'en ce qui concerne l'aspect contractuel, et comme il est pratiqué en matière de contrat de travail, cette irrégularité n'a aussi d'effet que pour l'avenir et n'a pas pour conséquence une restitution réciproque des prestations; que d'ailleurs les opérations d'expertise ont bien montré les difficultés inextricables d'une remise en état sollicitée par le Comité de Montpellier s'agissant non pas seulement des versements en espèces mais des prestations locales en nature comme par exemple le prix des surfaces des locaux du Comité compte tenu de leur grande superficie ; Attendu que , dans ces conditions, l'accord d'entreprise étant demeuré en vigueur en l'absence d'une dénonciation ou en l'absence d'une décision de justice contraire, le comité d'établissement de Montpellier ne peut exiger de la société X... le

versement direct de la contribution légale de 0,2% de la masse salariale, qui lui est due pour son fonctionnement en application de l'article L 434-8 du code du travail, qu'à compter des années postérieures à l'expiration du préavis de dénonciation; Attendu que le syndicat CFDT de la métallurgie du département de l'Hérault, syndicat représentatif, ne peut soutenir avec pertinence les moyens du Comité ; qu'en effet il n'a pas exercé en son temps les pouvoirs qu'il détenait de la loi en contestant devant le juge compétent la validité de cet accord alors qu'il y avait intérêt et que connaissant la convention collective de la métallurgie de ce département, laquelle était applicable à la société X..., il pouvait se douter des implications qui découlaient de cette situation; Sur l'assiette de la réclamation du comité Attendu que la masse salariale brute qui sert de base pour le calcul de la subvention de fonctionnement prévue par l'article L 434-8 du Code du travail comprend les salaires , les appointements et commissions, les congés payés, les primes et gratifications, les indemnités et avantages divers , le supplément familial , ainsi que la part salariale des cotisations de sécurité sociale; qu'il s'agit d'une énumération des sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail et soumises à cotisations sociales des personnes rattachées à l'établissement ;

Attendu que l'expert a indiqué dans son rapport que selon les documents dont il disposait la reconstitution des masses salariales de référence résultait d'approches différentes car : - pour les années 1996, 1997 et 1998, la société X... a produit les déclarations annuelles de salaires par établissement ( annexe 19 ) ainsi que pour les années 1999, 2000 et 2001 ( annexes 20,47 et 69). - tandis que pour les années antérieures la société X... ne pouvait fournir ces déclarations; Attendu que pour l'exercice 1998 , exercice comptable calqué sur l'exercice civil, la déclaration annuelle des salaires

produite à l'expert a été retenue par celui-ci comme référence de base valable; qu'il a ainsi retenu la masse brute avant déduction de l'abattement de 30 % de salariés détachés soit 342.493.849 F ; que pour l'année 1997 et selon la même méthode l'expert a retenu la somme de 324.300 573 F

Attendu que le Comité d'Etablissement de Montpellier sollicite qu'à ces sommes soient ajoutées , en sus de la masse salariale brute des commerciaux et détachés prise en compte comme ci dessus, les primes de départ ( mise en disponibilité ) et avantages en nature; qu'il n'est pas discuté que ces sommes sont soumises à cotisation sociale ; qu'elles doivent donc être réintégrées dans les calculs de l'assiette;

Attendu qu'en outre la base de l'assiette prise en considération par l'expert est celle qui correspond à la déclaration pour la taxe professionnelle et non à celle de la totalité des sommes versées au personnel pendant les périodes considérées à l'exclusion des cotisations patronales; que de ce chef l'argumentation du Comité est également fondée ;

Attendu que ne sont pas discutées les autres opérations de l'expert qui a procédé à la détermination du solde net dû par la société X... après imputation des moyens mis à la disposition du comité pour son fonctionnement; qu'il a retenu les sommes, en suivant l'argumentation du Comité, de: 1997

365.072 F 1998

395.430 F 1999

478.617 F 2000

469.332 F 2001

506.790 F soit la somme de 2.215.241 F ce qui correspond à 338.123,68 ä ; que ce chiffre doit donc celui qui devra être payé par la société X...; Attendu qu'aucune compensation ne peut être effectuée entre les

sommes qui doivent revenir au Comité pour la période de 1997 à 2001 et celles versées par l'employeur avant 1997 à cet organisme ; Attendu que sur cette somme il sera fait application des articles 1153 et suivants du Code Civil, la subvention de fonctionnement de chaque exercice annuel portant intérêts au taux légal alors en vigueur à compter du 1er janvier de l'exercice annule suivant, avec capitalisation des intérêts à compter de la première demande en justice c'est à dire par conclusions du 25 avril 2002; Attendu qu'il n'est pas démontré une résistance abusive et dilatoire de la société X... don t les prétentions n'ont pas été rejetée entièrement; Attendu qu'il parait équitable que la société SA X... France participe à concurrence de 15.000 ä aux frais importants exposés par le Comité d'Etablissement dee la société X... don t les prétentions n'ont pas été rejetée entièrement; Attendu qu'il parait équitable que la société SA X... France participe à concurrence de 15.000 ä aux frais importants exposés par le Comité d'Etablissement de Montpellier exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Vu l'article 696 du nouveau Code de procédure civile; PAR CES MOTIFS LA COUR Donne acte au syndicat CFDT de la métallurgie du département de l'Hérault de son intervention volontaire, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Dit qu'à sa date de conclusion l'accord n'était pas illicite, Dit qu'à la suite de la promulgation de la loi 84-575 du 10 juillet 1984 cet accord était irrégulier en l'absence d'unanimité des syndicats représentatifs à le maintenir, Dit que le Comité d'Etablissement de Montpellier pouvait demander en 1996 et pour l'avenir l'application du droit commun quant aux modalités de versement de la subvention de fonctionnement, Dit que cette application doit remonter au 1er janvier 1997, date d'effet de la dénonciation, Condamne la société

X... France à payer au Comité d'Etablissement de Montpellier la somme de 338.123,68 ä au titre de cette subvention pour la période de 1997 à 2001, de laquelle devra être déduite la somme déjà versée en cours d'instance, avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier de l'exercice annuel suivant et capitalisation des intérêts à compter de la première demande en justice à savoir le 25 avril 2002, Rejette les demandes de compensation de la société X..., et de dommages intérêts pour résistance abusive et dilatoire , Condamne la société X... France à payer au Comité d'Etablissement de Montpellier la somme de 15.000 ä pour ses frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société X... France aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise, et qui seront recouvrés par la SCP Jougla, avoué, selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 98/00141
Date de la décision : 08/03/2004

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs

L'irrégularité de l'accord collectif par l'effet de la loi nouvelle du 10 juillet 1984, promulguée après sa conclusion, ayant introduit la règle de l'unanimité de toutes les organisations syndicales représentatives, et avec laquelle il n'a pas été mis en conformité, ne peut cependant pas avoir un effet rétroactif à la date de sa dénonciation en 1996.En effet, par sa nature réglementaire cet accord d'une part a créé des normes exécutoires dont les effets irréversibles sont définitivement expirés, d'autre part en l'absence de loi autorisant cette rétroactivité, celle-ci n'est pas possible selon la jurisprudence du juge constitutionnel. De part sa nature contractuelle, et comme il est pratiqué en matière de contrat de travail, cette irrégularité n'a aussi d'effet que pour l'avenir et n'a pas pour conséquence une restitution réciproque des prestations.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2004-03-08;98.00141 ?
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