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23/09/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006943187

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 23 septembre 2003, JURITEXT000006943187


RESUME DES FAITS ET MOYENS: Atteinte de nanisme hypophysaire, P. X... a été traitée aux hormones de croissance extractives d'origine humaine prescrits par l'association France Hypophyse et administrés entre janvier et juillet 1985. A la suite de ce traitement la maladie de creutzfeldt-jacob iatrogène s'est déclarée. Elle en décède le 12 juin 2001. Une action en responsabilité contractuelle est intentée par les parents de P. X... et sa famille (oncle, tante et cousines) fondée sur l'inexécution d'une obligation de sécurité (administration d'un produit défectueux). La responsabil

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RESUME DES FAITS ET MOYENS: Atteinte de nanisme hypophysaire, P. X... a été traitée aux hormones de croissance extractives d'origine humaine prescrits par l'association France Hypophyse et administrés entre janvier et juillet 1985. A la suite de ce traitement la maladie de creutzfeldt-jacob iatrogène s'est déclarée. Elle en décède le 12 juin 2001. Une action en responsabilité contractuelle est intentée par les parents de P. X... et sa famille (oncle, tante et cousines) fondée sur l'inexécution d'une obligation de sécurité (administration d'un produit défectueux). La responsabilité de l'association France Hypophyse est recherchée pour la prescription de l'hormone de croissance en vertu du contrat de soins et prescriptions qui la liait à P. X... Cette association, créée et dirigée par des pédiatres, avait organisé, sous couvert d'un monopole de fait assuré par l'Etat, la collecte, le traitement et la vente d'hypophyses, la prescription et la distribution d'hormones de croissance. L'action est aussi dirigée contre l'Institut Pasteur, fabricant, producteur du principe actif, et importateur de glandes hypophysaires, matière première transformée en poudre après extraction et vendue sous cette forme intermédiaire. Sa responsabilité est recherchée pour la production de cette substance intermédiaire. Les consorts X... invoquent une stipulation pour autrui (faite par la Pharmacie Centrale, fabricant du produit fini,) fondant l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de l'Institut Pasteur. Ils demandent la réparation du préjudice de contamination de P. X... par le biais d'une action successorale et la réparation de leurs préjudices personnels, moral et matériel, par le biais d'une action personnelle fondée sur le manquement contractuel (jurisprudence de la Cour de cassation du 13 février 2001). Le TGI fait droit à leurs prétentions et leur accorde des réparations de montants importants comparativement aux indemnisations allouées habituellement dans des cas semblables par les juridictions et par la

Commission d'indemnisation. L'Institut Pasteur fait appel. Sur la forme il se défend en soulevant une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative faisant valoir qu'il a participé d'une mission de service public confiée à l'association France Hypophyse qui disposait de prérogatives de puissance publique et que la contamination de P. X... est survenue dans le cadre de l'exécution d'un contrat de droit public. Il demande également un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, et un renvoi préjudiciel en interprétation de la directive du 25/07/1985 devant la CJCE. Sur le fond, principalement, il conteste la nature contractuelle de l'action intentée, et il soutient qu'il n'existe pas de preuve de l'existence d'un lien de causalité entre l'administration de l'hormone et la contamination. De plus, il tente de s'exonérer de sa responsabilité en faisant notamment valoir un risque de développement. SOMMAIRES: Exception d'incompétence : Si l'association France Hypophyse est apparemment depuis sa création dans l'orbite de l'administration et des pouvoirs publics, l'Etat n'a en fait été qu'un sociétaire dormant qui n'est pas intervenu dans la création, la direction et la conduite de France Hypophyse. Jusque 1988, il n'a jamais eu la volonté d'instaurer en service public le traitement du nanisme hypophysaire, il n'a pas eu d'influence sur le dispositif France Hypophyse, organisé en monopole de fait, et l'association comme la fondation Institut Pasteur ont joui d'une totale autonomie financière. L'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative doit donc être rejetée. Sursis à statuer :

L'action des consorts X... est fondée sur l'art. 1147 du CC régissant la responsabilité du fait des produits défectueux. Or la notion d'obligation de sécurité de résultat et la théorie du risque n'ont pas le même fondement que la notion d'infraction en matière pénale.

Dès lors la demande de sursis à statuer ne se justifie pas. Renvoi préjudiciel :

La directive du 25 juillet 1985 n'est pas applicable aux faits de l'espèce car ne s'applique pas aux produits mis en circulation avant la date d'entrée en vigueur des dispositions. Nature de l'action intentée :

L'association France Hypophyse n'a chargé l'Institut Pasteur d'un travail d'extraction des hypophyses et ne l'a encouragé à en collecter à l'étranger que pour répondre aux besoins des patients, dont P. X..., qu'elle acceptait et à qui elle prescrivait de l'hormone de croissance. Ainsi France Hypophyse a contracté avec l'Institut Pasteur, fabriquant du principe actif du médicament administré, une stipulation pour autrui faite au nom de P. X... L'Institut Pasteur qui a inexécuté cet engagement est responsable envers P. X... du préjudice résultant de cette inexécution par l'effet des art. 1121 et 1135 du CC.

L'Institut Pasteur, comme l'association France Hypophyse, avaient l'obligation de fournir un produit exempt de vice, et pour le moins, l'obligation de prendre toutes les précautions nécessaires et indispensables dans la collecte, l'importation et la transformation des hypophyses pour éviter une contamination, alors que, en particulier, les prélèvements d'hypophyses ont été effectués sur des patients d'hôpitaux ayant des services de neurologie, sans connaissance du cheminement des lots, et sans contrôle suffisant; la prise de précautions est insuffisante, et même absente au moment de la collecte et de l'importation, alors que tant l'Institut que l'association devaient et pouvaient s'en assurer. Lien de causalité :

Le rapport de l'IGAS indique que les cas connus de maladie de creutzfeldt-jacob présentent une période commune de traitement par

des lots d'hormones de croissance France Hypophyse produites entre janvier 1984 et juin 1985. Or la période de novembre 1983 à juillet 1985 est considérée comme à risque. L'Institut Pasteur ne démontre pas que des patients aient été contaminés par l'hormone de croissance Kabivitrum dont P. X... a reçu un lot, ni que P. X... ait pu présenter des causes particulières de contamination. Par contre il est établi que tous les patients contaminés en France ont reçu des hormones de croissance France Hypophyse. Ainsi il existe des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'affirmer que la maladie de P. X... a pour origine l'hormone de croissance France Hypophyse. En vertu de l'art. 1353 du CC, le lien de causalité est établi. Risque de développement :

L'Institut Pasteur ne peut prétendre à être exonéré de sa responsabilité pour risque de développement alors qu'il connaissait les risques de contamination dès le rapport du professeur M. rendu à la suite d'une consultation qu'il lui avait demandée. Averti de la réalité d'une contamination, il n'a pas interrompu le traitement en-cours et n'a pas suivi d'effet les précautions préconisées.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006943187
Date de la décision : 23/09/2003

Analyses

a

Sursis - action en responsabilité contractuelle - sursis à statuer en attente de la décision pénale (non) Responsabilité contractuelle - non-cumul des deux ordres de responsabilité - domaine de la responsabilité contractuelle - dommage résultant de la défectuosité d'un médicament Responsabilité contractuelle - lien de causalité - traitement médical à l'hormone de croissance - contamination par la maladie de creutzfeldt-jacob - période à risque - présomption de contamination Responsabilité contractuelle - exonération - risque de développement - pas d'exonération en l'état de la connaissance du risque de contamination Les sommaires et un bref résumé des faits et des moyens sont annexés (l'arrêt qui compte 98 pages est trop long pour être annexé).


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2003-09-23;juritext000006943187 ?
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