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05/11/2002 | FRANCE | N°02/03815

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 05 novembre 2002, 02/03815


SUR QUOI Attendu que la société Massane Loisirs exploite depuis 1998 un terrain de golf sis à BAILLARGUES, DOMAINE DE MASSANE; que le 5 septembre 1991 elle a vendu à M. et Mme X... une parcelle formant le lot n° 179 du lotissement "DOMAINE DU GOLF" et sise en première ligne par rapport au terrain de golf; que les époux Y... Z... y ont fait édifier une villa où ils ont aménagé au mois de juillet 1992; Attendu que la proximité immédiate de la villa et du terrain de golf est à l'origine de l'arrivée de balles de golf dans la propriété des époux X... (cf avis de M. A... aux pages

11 et 14 du rapport déposé le 29 mars 1996 par M. B...) ; qu'il ...

SUR QUOI Attendu que la société Massane Loisirs exploite depuis 1998 un terrain de golf sis à BAILLARGUES, DOMAINE DE MASSANE; que le 5 septembre 1991 elle a vendu à M. et Mme X... une parcelle formant le lot n° 179 du lotissement "DOMAINE DU GOLF" et sise en première ligne par rapport au terrain de golf; que les époux Y... Z... y ont fait édifier une villa où ils ont aménagé au mois de juillet 1992; Attendu que la proximité immédiate de la villa et du terrain de golf est à l'origine de l'arrivée de balles de golf dans la propriété des époux X... (cf avis de M. A... aux pages 11 et 14 du rapport déposé le 29 mars 1996 par M. B...) ; qu'il résulte de la texture des balles de golf et de leur vitesse d'arrivée des impacts dont la force non seulement constitue un danger pour les personnes mais encore occasionne des dommages aux biens tels que menuiseries aluminium cabossées, vitres des fenêtres et des baies brisées, tuiles cassées générant des infiltrations d'eau avec leurs conséquences habituelles pour l'immeuble atteint; que par ailleurs certains joueurs n'hésitent pas à franchir la clôture pour pénétrer dans la villa des époux X... et récupérer la balle qu'ils y ont malencontreusement envoyée, portant ainsi atteinte au respect de la vie privée et à la tranquillité que tout occupant d'une maison constituant une propriété privée est en droit d'attendre; Attendu que le 2 septembre 1996, les parties avaient sous l'égide de l'expert convenu de la réalisation par la société Massane Loisirs de divers travaux énumérés et décrits dans la note aux parties n° 8 (cf annexe n° 51) et de la "mise en observation" pendant la période septembre 1996äjuin 1997 de l'efficacité de ces travaux sur les nuisances ciädessus décrites; que l'expert a constaté le 24 décembre 1997 que les travaux suivants avaient été réalisés: ä pose d'un grillage perpendiculairement au Fairway à la mitoyenneté des lots n° 179 et 180 prolongé jusqu'au peuplier proche du bunker, ä plantation d'un

bouquet de peupliers formant haie haute, ä pose d'un grillage parallèle au Fairway et d'une haie de peupliers en avant à droite du TEE n° 7; Attendu que lors de l'accédit du 30 octobre 1999, M. Y... a indiqué à l'expert que du 10 juillet 1992 au 30 octobre 1995, sa propriété avait reçu 380 balles, soit 9,6 balles par mois en moyenne; que la fréquence de ces tirs et les nuisances qu'ils ont effectivement occasionnées caractérisaient manifestement un trouble anormal de voisinage; Attendu qu'à l'issue de la période dite d'observation, M. Y... a fait parvenir à l'expert un décompte selon lequel sa propriété avait reçu 33 balles du 1er septembre 1996 au 27 mai 1997, soit 3,6 balles par mois en moyenne; Attendu que si cette diminution est intéressante à noter, il convient néanmoins d'observer qu'elle a été relevée au cours d'une période de moindre fréquentation du golf en raison des conditions climatiques attestées par le montant du chiffre d'affaires alors réalisé, et que l'expert indique que le nombre de balles reçues pourrait être bien supérieur en période estivale; Attendu que par ailleurs, l'importance des nuisances ne peut se mesurer à la seule fréquence de réception des balles mais également et surtout à leur force, rappelée par l'expert et amplement démontrée par l'importance des dégâts déjà occasionnés, et due à l'emplacement particulier de la propriété de Madame Z... qui, par suite d'un défaut de conception du tracé du golf , est beaucoup plus exposée que les autres riverains à des tirs de forte puissance; Attendu que l'expert précise en page 23 de son rapport: "les impacts de balles sont susceptibles, et ils l'on déjà fait, d'entraîner l'impropriété à destination des ouvrages sinistrés et par voie de conséquence de l'ensemble de l'habitation...Ce risque aléatoire n'est pas évolutif, il est potentiellement permanent et empêche de jouir normalement d'une habitation créée de tous temps pour protéger l'homme des atteintes extérieures... IL faudra donc en permanence, si

l'agression continue, réparer les dégradations, se protéger corporellement dans la partie jardin située entre la villa et le parcours" Attendu qu'il en résulte clairement que le caractère anormal des nuisances n'a pas disparu et que Madame Z..., contrainte de vivre sous la menace constante d'une projection de balle qui se produira d'une manière aléatoire et néanmoins inéluctable, et dont le lieu et la force d'impact comme la gravité des conséquences potentielles sont totalement imprévisibles, continue à subir des inconvénients qui excèdent dans de fortes proportions ceux que l'on peut normalement attendre du voisinage d'un parcours de golf; Attendu que la société Massane Loisirs ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L112ä16 du Code de la Construction et de l'Habitation pour s'exonérer de sa responsabilité; qu'aux termes de ce texte, la pré-occupation n'est une cause d'exonération de responsabilité que si l'activité génératrice du trouble s'exerce, entre autres conditions, conformément aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur; qu'il n'existe en matière d'exploitation d'un terrain de golf aucun texte particulier permettant de régler ce litige; qu'il convient donc de faire application du principe général selon lequel l'exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage; Attendu que la société Massane Loisirs ne saurait non plus invoquer utilement une disposition du règlement du lotissement DOMAINE DU GOLF qui prévoit :

"le lotissement étant réalisé à proximité d'un parcours de golf, l'ensemble des propriétaires des lots devra subir les contraintes comme profiter des avantages résultant de la proximité du parcours" ; qu'en effet, cette servitude, même d'origine conventionnelle, doit nécessairement d'entendre des contraintes normales, mais elle

n'excuse pas les embarras excessifs subis par le fonds servant en raison de l'activité du fonds dominant, comme tel est le cas en l'espèce; Attendu que la société Massane Loisirs sera donc déclarée responsable du trouble de voisinage et de ses conséquences que l'exploitation du terrain de golf occasionne à Mme Z... depuis son installation dans la villa litigieuse dans le courant du mois de juillet 1992; que cette responsabilité implique que la société Massane Loisirs soit condamnée à prendre les mesures propres à faire cesser le trouble mais aussi à réparer le préjudice déjà subi; Attendu que pour faire cesser le trouble anormal de voisinage généré par l'exploitation du golf, M. B... préconise dans son rapport et dans l'additif à ce rapport de réaménager le parcours en raccourcissant la zone litigieuse pour la ramener à 190 mètres et en rallongeant d'environ 50 mètres la distance menant au trou précédent ; que cette solution apparaît la meilleure possible pour faire cesser le trouble tout en maintenant les spécifications actuelles du terrain de golf; qu'elle sera donc retenue et que sa réalisation devra être effectuée dans le délai de 6 mois suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 150 par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai; Attendu qu'au regard des troubles générés par l'exploitation du golf, les premiers juges ont fait une exacte application du préjudice de jouissance subi par Mme Z... en lui accordant la somme de 150 par mois pour la période allant du 1er août 1992 à la date de fin des travaux ciädessus décrits; Attendu que Mme Z... ne démontrant pas l'existence d'un préjudice moral distinct du préjudice de jouissance, sa demande en réparation du préjudice moral allégué sera rejetée; Attendu que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont fixé le montant du dommage matériel subi par Mme Z... à la somme de 8.360 , décidé qu'il serait versé à hauteur de 5.260,25 à la MAIF

assureur de Mme Z... subrogée dans le droits de son assuré, et à hauteur de la somme de 3.099,75 à Mme Z..., cette somme correspondant à la fraction de dommage non prise en charge par la MAIF; Attendu que que la société Massane Loisirs avait souscrit auprès de GROUPAMA une police d'assurance n° 34/113923/1002 dénommée "multirisque des professions de l'alimentation et de la restauration"; qu' aux termes des conditions générales de ce contrat (cf p. 51) la société Massane Loisirs est assurée pour les dommages résultant de son fait et consistant en des dommages corporels matériels et immatériels causés à autrui y compris à ses clients et engageant sa responsabilité "en vertu des articles 1382 à 1386 du code civil, à la suite d'un accident, d'un incendie, d'une explosion, d'une implosion ou d'un dégât des eaux survenus à l'occasion de l'exploitation de son commerce"; Attendu que les préjudices occasionnés par le trouble anormal de voisinage subi par Mme Z..., s'ils découlent directement de l'exploitation de son commerce par la société Massane Loisirs, ne résultent ni d'un accident, ni d'un incendie, ni d'une explosion, ni d'une implosion, ni d'un dégât des eaux; qu'en conséquence la société Massane Loisirs sera déboutée de sa demande en condamnation de GROUPAMA à la relever et garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge; Attendu que Mme Z... et la MAIF ont dû exposer des frais non compris dans les dépens pour faire assurer la défense de leurs intérêts devant la Cour; que l'équité commande de condamner la société Massane Loisirs à leur verser la somme de 1200 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Attendu que pour s'opposer à la demande de la société Massane Loisirs à être relevée et garantie des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, la Cie GROUPAMA a dû relever rappel du jugement rendu le 28 juin 2002; qu'elle a dû exposer de ce fait des frais non compris dans les dépens, qu'il

convient donc de condamner la société Massane Loisirs à lui verser la somme de 1500 ; Attendu que la succombance de la société Massane Loisirs en ses prétentions principales conduit à rejeter la demande qu'elle présente au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à la condamner aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les dépens des procédures ayant abouti aux ordonnances de référé rendues les 31 août 1995 et 19 septembre 1996; que les dépens d'appel seront recouvrés avec application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit de la SCP ARGELLIES TRAVIERäWATREMET et la SCP CAPDEVILAäVEDEL SALLES. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire: REFORME le jugement déféré en ce qu'il a dit que GROUPAMA SUD ASSURANCES serait tenue de relever et garantir la société MASSANE LOISIRS des condamnations prononcées à son encontre par ledit jugement en exécution des obligations résultant du contrat d'assurances conclu le 2 février 1993. LE CONFIRME pour le surplus, sauf à porter à 6 mois à compter de la signification du présent arrêt le délai accordé à la société MASSANE LOISIRS pour exécuter les travaux ordonnés par le jugement avant de supporter une astreinte de 150 par jour de retard. Statuant à nouveau: DEBOUTE la société MASSANE LOISIRS de sa demande en condamnation de la cie GROUPAMA à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre. Y ajoutant: CONDAMNE en cause d'appel la société MASSANE LOISIRS à verser à Mme Z... et à la MAIF ensemble la somme de 1200 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. CONDAMNE en cause d'appel la société MASSANE LOISIRS à verser à la cie GROUPAMA la somme de 1500 sur le fondement de l'article700 du nouveau code de procédure civile. DEBOUTE la société MASSANE LOISIRS de sa demande formée en cause d'appel en paiement de la somme de 3000 réclamée sur la base de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile. CONDAMNE la société MASSANE LOISIRS aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les dépens des procédures de référé ayant abouti aux ordonnances des 31 août 1995 et 19 septembre 1996. DIT que les dépens d'appel seront recouvrés avec application de l'article699 du nouveau code de procédure civile pour la SCP ARGELLIESTRAVIERäWATREMET t la SCP CAPDEVILAäVEDEL SALLES qui bénéficieront donc d'un droit de recouvrement direct. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 02/03815
Date de la décision : 05/11/2002

Analyses

PROPRIETE - Droit de propriété - Atteinte - Applications diverses - Troubles anormaux de voisinage - Exonération - Activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales - Exclusion - Cas - /

Est constitutif d'un trouble anormal de voisinage l'exposition d'un riverain d'un golf à des envois de balles à répétition et de forte puissance, contraignant ce dernier à vivre sous la menace constante d'une projection de balle qui se produira d'une manière aléatoire et néanmoins inéluctable et qui pourrait avoir de graves conséquences, sans que l'exploitant du golf puisse utilement invoquer les dispositions de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation, la pré-occupation n'étant une cause d'exonération de responsabilité que si l'activité génératrice du trouble s'exerce conformément aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, aucun texte particulier ne définissant les règles d'exploitation d'un terrain de golf


Références :

Code la construction et de l'habitation, article L. 112-16

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2002-11-05;02.03815 ?
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