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07/10/2002 | FRANCE | N°02/01799

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 07 octobre 2002, 02/01799


Arrêt Georges X... Page 3 FAITS ET PROCEDURE Marie Y... donnait naissance le 10 janvier 1959 à Georges Roger Y... et intentait alors une action en recherche de paternité naturelle à l'égard de Georges Vincent X.... Par jugement en date du 21 février 1964 le Tribunal de Grande Instance de Rodez rejetait l'action en recherche de paternité naturelle. Sur appel de Marie Y... la Cour de ce siège, par un arrêt du 7 décembre 1964, infirmait le jugement , déclarait que Georges Joseph X... était le père de l'enfant Georges Roger Y... et ordonnait que soit porté sur le registre de l'état

civil de la commune de Recoules-Previnquieres, en marge de l'a...

Arrêt Georges X... Page 3 FAITS ET PROCEDURE Marie Y... donnait naissance le 10 janvier 1959 à Georges Roger Y... et intentait alors une action en recherche de paternité naturelle à l'égard de Georges Vincent X.... Par jugement en date du 21 février 1964 le Tribunal de Grande Instance de Rodez rejetait l'action en recherche de paternité naturelle. Sur appel de Marie Y... la Cour de ce siège, par un arrêt du 7 décembre 1964, infirmait le jugement , déclarait que Georges Joseph X... était le père de l'enfant Georges Roger Y... et ordonnait que soit porté sur le registre de l'état civil de la commune de Recoules-Previnquieres, en marge de l'acte de naissance de l'enfant, la mention de cet arrêt. Celle-ci était portée sur l'acte de naissance le 15 mars 1965. Sur pourvoi de Georges X... la Cour de Cassation le rejetait le 13 juin 1966. Le 6 mars 1975 le Procureur de la République de Millau écrivait au maire de la commune de Recoules-Previnquieres pour l'informer "que la filiation étant officiellement reconnue, l'enfant devait porter le nom de X...". Par lettre du 9 octobre 1978 à la suite d'une réclamation de Georges Joseph X..., le Procureur de la République de Millau rappelait au maire que sa qualité d'officier d'état civil ne lui permettait pas d'attribuer à l'enfant Georges Y..., le nom de son père, et qu'il appartenait à l'enfant dans les deux ans de sa majorité d'intenter une action en changement de nom prévue par l'article 334-3 du Code Civil. Le 17 octobre 1978, le maire de Recoules-Previnquieres écrivait au Parquet que le fils de Marie Y... portait effectivement le nom de X..., conformément aux instructions notifiées le 6 mars 1975 par le Procureur de la République de Millau. Le 4 octobre 2001 les militaires de la brigade de gendarmerie de Sèverac-le-Château notifiaient à Georges Roger X... l'interdiction de porter le nom de X..., et selon instructions

du 13 novembre 2001, le Procureur de la République de Millau, se fondant sur l'article 99 alinéa 4 du Code Civil, donnait pour instructions à l'officier d'état civil de la commune de Recoules-Previnquieres, de porter en marge de l'acte de naissance: " le nom de l'intéressé est Y... et non X...". Par acte du 7 décembre 2001, Georges Roger X... saisissait le Tribunal de Grande Instance de Millau afin d'entendre rapporter et modifier l'instruction du Procureur de la République de Millau, au motif qu'il justifiait d'une possession d'état continue et constante répondant aux exigences des articles 311-1 et 311-2 du Code Civil. Par jugement en date du 20 mars 2002, le Tribunal de Grande Instance de Millau le déboutait de ses demandes ce dont il a relevé régulièrement appel. PRETENTIONS DES PARTIES L'appelant soutient que : - en l'espèce il porte le nom de X... par possession d'état depuis 13 années avant sa majorité et 23 années après sa majorité et il remplit les conditions caractéristiques de la possession d'état selon les articles 311-1 et 311-2 du Code Civil, à savoir une possession d'état continue et constante. - il porte ce nom au vu et au su de tous, puisqu'il a contracté mariage le 10 mai 1983 sous le nom de X... avec Catherine Roques qui porte son nom et dont il a eu un enfant, il exerce toutes ses activités commerciales sous ce nom, inscription au registre du commerce, et civiques, comme sa carte d'électeur, sa carte d'identité nationale portant ce nom depuis 1965, - sur les arrêts de la première chambre de la Cour de cassation des 31 janvier 1978, 15 mars 1988 et 25 mars 1992, il souligne que ces trois arrêts soumis à l'attention des parties ne sont pas susceptibles de modifier l'argumentation soutenue. - sa filiation naturelle a été établie sans équivoque par l'arrêt de la Cour d'appel du 7 décembre 1964 déclarant sa filiation paternelle, en conséquence l'article 334-8 du Code Civil s'applique , - il ne s'agit pas d'une erreur purement matérielle

puisqu'on est en présence d'un changement d'une partie substantielle de l'acte d'état civil: le nom en sorte que le Parquet ne peut y procéder directement. Il conclut donc à l'infirmation du jugement et sollicite que soit rapportée la décision du Procureur de la République en date du 13 novembre 2001, qu'il lui soit reconnu le droit de porter le nom de X... et que le dispositif de l'arrêt à intervenir soit transcrit en marge de son acte de naissance. Henry X..., intervenant, demande à la Cour de prendre acte de sa propre intervention en sa qualité de fils légitime de Georges Vincent X..., déclare qu'il a toujours considéré Georges Roger Bonnefous, fils naturel de Georges Vincent X..., comme son frère et qu'il doit porter ce nom.

Les intervenantes en première instance ont décidé de ne pas comparaître. Monsieur le Procureur Général a conclu à la réformation de la décision et soutient, pour l'essentiel, que : - la décision du Procureur de la République en date du 13 novembre 2001, ne peut s'analyser en une instruction de rectification d'erreur matérielle d'un acte d'état civil (article 99 alinéa 4 du Code Civil), et ne peut par conséquent figurer sur l'acte de naissance de Georges Roger X... né le 10 janvier 1959 à Recoules-Previnquieres (Aveyron), - selon les dispositions de l'article 334-6 du Code Civil, il n'y a pas lieu à contraindre Georges Roger X... à prendre le nom patronymique de sa mère qu'il n'a jamais porté. MOTIFS Attendu que Henry X... en sa qualité d'ayant droit de Georges Joseph X... justifie d'un intérêt légitime, fondé sur la fraternité, à intervenir dans l'instance afin de demander le maintien du nom de l'appelant ; Attendu que consécutivement à l'arrêt du 7 décembre 1964 et à sa transcription en marge de l'acte de naissance de l'enfant, tant l'officier d'état civil que le Procureur de la République de Millau, imposaient, ce dernier selon instructions écrites du 6 mars

1975, que l'enfant Georges Roger Y..., mineur, porte le nom de son père à savoir X..., ce qui fut exécuté ; Attendu qu'invoquant l'article 99 alinéa 4 du Code Civil le Procureur de la République procédait le 13 novembre 2.000 à une rectification administrative de l'acte d'état civil de Georges Roger X... en indiquant que le nom de l'intéressé est Y... ; Attendu , cependant, que cette rectification n'avait pas pour objet de faire disparaître une erreur ou une omission purement matérielles des actes mais de modifier le nom patronymique de l'intéressé en sorte que portant atteinte à la substance même des mentions elle ne pouvait pas relever de la procédure administrative; Attendu qu'également le Ministère Public ne pouvait se fonder sur un changement de doctrine de sa part, alors que celle-ci avait été créatrice de droit, pour fonder une rectification administrative; Attendu qu'ainsi seule la juridiction de droit commun pouvait connaître de cette modification ; que dès lors les instructions du 13 novembre 2001, portant mention en marge de l'acte que le nom de l'intéressé est Y... et non X... , doivent être annulées; que conformément aux conclusions du Ministère Public il sera précisé que ces instructions ne peuvent figurer sur l'acte de naissance de l'appelant ; Attendu que si effectivement Georges Roger X... n'a pas dans les deux ans de sa majorité intenté une action en changement de nom prévue par l'article 334-3 du Code Civil, cette abstention n'a pas pour effet de le priver du bénéfice des dispositions de l'article 334-6 du Code Civil, selon lesquelles les règles d'attribution du nom prévues aux articles précédents, à savoir par première déclaration ou par substitution , ne préjudicient point aux effets de la possession d'état; Attendu que, dès lors, il convient d'examiner, contrairement à ce qu'a affirmé le jugement, si les conditions de cette possession sont réunies ; qu'en effet le principe du nom patronymique , inscrit dans l'édit d'Amboise et

réaffirmé dans la loi du 6 fructidor II , ne fait pas obstacle à ce que la possession loyale et prolongée d'un nom puisse en permettre l'acquisition ; Attendu qu'en l'espèce il n'est pas discuté que Georges Roger X... porte ce nom depuis la décision du Parquet, soit treize années avant sa majorité et vingt trois années depuis sa majorité, ceci de façon constante et continue, sans fraude à la suite d'une décision de l'autorité publique qui s'imposait à lui alors qu'il était mineur; qu'il a suivi une scolarité sous ce nom, participé aux opérations de recensement sous les drapeaux sous ce nom, s'est marié sous ce nom , a donné naissance à une fille qui porte ce nom , et toutes ses activités commerciales et publiques, l'ensemble de son insertion sociale, ont toujours été exercées sous ce nom patronymique ; qu'il est attesté par le notaire en charge de la succession que le défunt a laissé pour recueillir sa succession son épouse survivante et ses trois enfants, parmi lesquels: Georges Roger X... en sorte qu'il est connu de tous comme successible sous ce nom et que le notaire a dressé un acte de notoriété sous ce nom; Attendu que cette possession a ainsi produit tous ses effets ; qu'envisager un changement de nom porterait, en plus, une atteinte manifestement disproportionnée à la vie privée et familiale de Georges Roger X... pouvant affecter son équilibre personnel et créer une incertitude sur son identité source de difficultés ; qu'en outre un tel changement ne pourrait que créer une telle incompréhension pour les habitants de la localité qu'il pourrait entraîner un trouble à l'ordre public; Attendu que cette possession a donc conféré le droit à Georges Roger X... de demander son maintien de son nom et il ne convient pas d'y revenir; qu'en conséquence le jugement déféré doit être infirmé ; Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile; PAR CES MOTIFS LA COUR, Donne acte à Henri X... de son intervention, Infirme le jugement

déféré, Annule les instructions du 13 novembre 2001 et dit qu'elles ne peuvent figurer en marge des actes d'état civil, Dit que Georges Roger X... a acquis, par possession, le droit de porter le nom de son père, Dit qu'à la diligence du Ministère Public une mention du présent arrêt sera transcrite en marge de l'acte de naissance de Georges Roger X... dressé dans la commune de Recoules-Previnquieres, Laisse les dépens à la charge du Trésor Public. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 02/01799
Date de la décision : 07/10/2002

Analyses

NOM - Nom patronymique - Acquisition - Possession - Possession prolongée et loyale - Nécessité - /

Une personne, portant de façon continue et constante le nom de son père dont la paternité a été établie par une décision de justice mentionnée dans l'acte de naissance suite à une décision du parquet, ne peut se voir opposer, à l'encontre du port de ce nom, ni l'absence d'une action en changement de nom dans les deux ans de sa majorité, qui ne fait pas obstacle au bénéfice de la possession d'état prévue à l'article 334-6 du Code civil , ni les instructions consécutives du parquet, celui n'étant pas compétent pour porter modification de nom sur l'état civil, un tel changement n'étant pas constitutif d'une simple rectification d'erreur matérielle


Références :

Code civil, articles 334-6 et 334-3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2002-10-07;02.01799 ?
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