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24/07/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006941970

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 24 juillet 2002, JURITEXT000006941970


Par une ordonnance de référé en date du 8 novembre 2001 le X... du Tribunal de Grande Instance de Montpellier, constatant la résiliation du bail commercial ayant existé entre Roselyne Y... et Jean-Marie PAGES, a, notamment, ordonné l'expulsion de Roselyne Y... et de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique et d'un serrurier. Un commandement d'avoir à quitter les lieux lui a été délivré le 14 novembre 2001. Roselyne Y... a, par déclaration enregistrée au greffe du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Montpellier le 23 novembre 200

1, saisi ce magistrat d'une demande de délai pour quitter les...

Par une ordonnance de référé en date du 8 novembre 2001 le X... du Tribunal de Grande Instance de Montpellier, constatant la résiliation du bail commercial ayant existé entre Roselyne Y... et Jean-Marie PAGES, a, notamment, ordonné l'expulsion de Roselyne Y... et de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique et d'un serrurier. Un commandement d'avoir à quitter les lieux lui a été délivré le 14 novembre 2001. Roselyne Y... a, par déclaration enregistrée au greffe du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Montpellier le 23 novembre 2001, saisi ce magistrat d'une demande de délai pour quitter les lieux et, par acte délivré le 7 décembre 2001, saisi ce même magistrat d'une demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure d'expulsion, intervenue entre-temps, ainsi que sa réintégration et l'octroi de dommages et intérêts. Jean-Marie PAGES s'étant opposé à ces demandes et ayant sollicité l'autorisation de vider les lieux des objets inventoriés par l'huissier le 21 novembre 2001 lors de l'établissement du procès-verbal d'expulsion le juge de l'exécution précité, par un jugement prononcé le 11 mars 2002, a : - ordonné la jonction des procédures, - débouté Madame Y... de l'ensemble de ses demandes, - déclaré abandonné le mobilier inventorié par l'huissier le 21 novembre 2001 - condamné Madame Y... à payer à Jean-Marie PAGES la somme de 457,35 euros au titre des frais non taxables, - condamné la même aux dépens. Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 9 avril 2002 Roselyne Y... a relevé appel de cette décision avant notification. Par une ordonnance rendue le 22 mai 2002 Monsieur le Premier X... de cette Cour, statuant sur la demande de Roselyne Y... tendant principalement à la suspension des mesures ordonnées par le juge de l'exécution et, subsidiairement, à une fixation de l'affaire par priorité, a : - dit qu'il sera sursis à l'exécution de la mesure par

laquelle le juge de l'exécution a déclaré abandonné le mobilier inventorié le 21 novembre 2001 - fixé l'affaire par priorité et dit qu'elle sera plaidée au fond à l'audience du 6 juin 2002, - constaté que le juge de l'exécution n'a pas pris d'autres mesures et déclaré donc, sans objet, le surplus de la demande de Roselyne Y..., - dit n'y avoir lieu à allouer une indemnité pour frais irrépétibles, - dit que les dépens suivront ceux de l'appel. Jean-Marie PAGES a été assigné à comparaître devant la Cour à jour fixe par acte délivré le 29 mai 2002 en mairie. L'appelante soutient essentiellement que la procédure d'expulsion est nulle dès lors que, de première part, l'ordonnance de référé du 8 novembre 2001 n'a pas été signifiée régulièrement, la signification ayant été annulée par un acte ultérieur, que, de deuxième part, en méconnaissance des dispositions des articles 21 et 21-1 de la loi du 9 juillet 1991, l'huissier a pénétré dans le local 1 rue Baudin sans le concours de la force publique avec seulement deux témoins alors que les lieux n'avaient pas été libérés volontairement que, de troisième part, les dispositions des 3° et 4° de l'article 201 du décret du 31 juillet 1992 n'ont pas été respectées sommation et assignation devant le juge de l'exécution afin qu'il soit statué sur le sort des meubles ne lui ayant pas été délivrées et que, de dernière part le formalisme procédural en matière d'expulsion n'a pas été respecté alors que le bail est un bail mixte. L'appelante demande donc à la Cour de : - réformer le jugement déféré, - constater que l'acte de signification de l'ordonnance du 8 novembre 2001 a été annulé par l'huissier, - dire que son expulsion est irrégulière et nulle - ordonner la réintégration sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner Jean-Marie PAGES au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, - le condamner au paiement de la somme de 1.200

euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction. Jean-Marie PAGES soutenant, en premier lieu que le local loué est à usage exclusivement commercial en deuxième lieu que la procédure d'expulsion est régulière Madame Y... ne pouvant bénéficier des dispositions spécifiques relatives aux mesures d'expulsion des lieux servant à l'habitation principale et l'ordonnance du 8 novembre 2001 ayant bien été signifiée (l'annulation ne concernant que le commandement de payer délivré séparément le 12 novembre 2001) et, en dernier lieu, que la demande de délai ne peut prospérer, demande à la Cour, par ses conclusions signifiées le 29 mai 2002 de : - confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, Y ajoutant, - compte tenu des multiplications des procédures totalement infondées la condamner outre aux entiers dépens au paiement d'une somme de 1.525 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui tant devant Monsieur Le Premier X... que devant la Cour. SUR CE : Attendu que l'appel interjeté dans les formes et les délais de la loi est recevable ; Que, à titre liminaire, la Cour observe qu'il n'est sollicité devant elle aucun délai par Roselyne Y... ; Attendu que c'est vainement et de façon spécieuse que Roselyne Y... prétend que les lieux loués sont à usage mixte de commerce et d'habitation, les manifestations unilatérales de volonté auxquelles elle se réfère étant sans influence sur la nature du bail convenu entre les parties, dès lors que : - le bail initial, qui n'a fait l'objet d'aucune modification sur ce point, est à usage exclusivement commercial, - ledit bail ne comporte aucune description de pièces à vivre (mais seulement de boutique, arrière boutique et pièce en entresol de 42 m située au-dessus du magasin et accessible par un escalier intérieur) - le procès-verbal de l'huissier établi le 21 novembre 2001, dont les mentions valent jusqu'à inscription de faux,

fait état, d'une part, d'une absence d'habitabilité (pas de cuisine, de salle d'eau, de pièce à usage privé) et d'autre part, d'une absence totale de mobilier destiné à l'habitation (pas de lit) "tous les meubles et objets présents ayant un objet exclusivement professionnel", - Roselyne Y... indique elle-même, pour s'en plaindre auprès du bailleur (lettre du 11 février 2000), qu'il n'y a même plus de WC en état de fonctionnement, - elle est propriétaire d'un immeuble sis 35 rue des rêves à Montpellier où divers actes de procédure lui ont été signifiées après que l'huissier eût vérifié, selon les mentions portées aux actes, que son nom figurait sur la boîte aux lettres, la porte, la sonnette, et eût reçu confirmation du voisinage, peu important que cet immeuble soit, comme le prétend l'appelante, d'ailleurs sans le démontrer (le document émanant de la conservation des hypothèques de Montpellier, daté du 10 août 2001, produit régulièrement par l'intimé faisant état du seul nom de Roselyne Y...) en indivision ; Qu'il s'ensuit qu'aucune nullité ne peut résulter du non respect "du formalisme procédural en matière d'expulsion" d'un local d'habitation ; Attendu que l'ordonnance de référé du 8 novembre 2001 ordonnant l'expulsion de Roselyne Y... a été signifiée à celle-ci le 12 novembre 2001 (pièce communiquée n°24 du bordereau de communication de pièces de la SCP d'avoués ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET) ; Que le même jour, l'huissier a signifié à Roselyne Y..., par acte séparé, un commandement aux fins de saisie vente ; que c'est cet acte et non l'acte de signification de l'ordonnance de référé précitée qui a été annulé par l'huissier lors de la délivrance, le 14 novembre 2001, d'un commandement de quitter les lieux ; que le moyen tiré de l'absence de signification préalable de la décision ordonnant l'expulsion est donc infondé ; Attendu que aux termes de l'article 21-1 de la loi du 9 juillet 1991, ajouté par l'article 120 de la loi du 29 juillet 1998,

les dispositions des articles 20 et 21 de la loi ne s'appliquent pas en matière d'expulsion ; qu'il résulte de ces dispositions, lesquelles ne font aucune distinction selon qu'il s'agit de locaux à usage d'habitation ou de locaux à usage commercial, que, en l'absence de la personne à expulser ou de tout occupant de son chef, l'huissier de justice ne peut ni procéder à l'ouverture des portes ni pénétrer dans les lieux en présence de l'un des témoins visé par l'article 21 précité ; qu'en pareil cas et sous réserve de l'exception prévue par l'article 21-1 sus-mentionné pour constater la libération volontaire des lieux, l'huissier instrumentaire n'a d'autre choix que de dresser procès-verbal de tentative d'expulsion et de difficulté et de requérir le concours de la force publique ; Qu'en pénétrant dans les lieux, en l'absence de Roselyne Y... ou d'une personne mandatée par elle, en présence de deux témoins, le 21 novembre 2001, l'huissier de justice instrumentaire a donc opéré de façon irrégulière ainsi que le soutient à bon droit l'appelante ; que, cependant, cette irrégularité, qui affecte les modalités de mise en oeuvre de l'expulsion et la procédure subséquente, ne peut avoir pour sanction la réintégration de la personne expulsée en vertu d'un titre exécutoire, lequel est, au reste, confirmé par un arrêt de ce jour (dossier 01/54058) ; qu'elle n'ouvre droit qu'à indemnisation du préjudice subi par l'octroi de dommages et intérêts ; que c'est donc à raison, par ces motifs substitués, que le premier juge a refusé d'ordonner la réintégration, l'admission du moyen tiré de cette irrégularité rendant l'examen des moyens subsistants sans objet ; Attendu que compte tenu du défaut total d'exploitation depuis plusieurs mois du commerce tenu par Roselyne Y... qui ressort du seul examen de l'ordonnance de référé produite motivant, avec le non-paiement des loyers, le constat de la résiliation du bail et l'expulsion, la Cour estime le préjudice subi par l'appelante du fait

de l'irrégularité formelle retenue, réparé entièrement par l'octroi à titre de dommages et intérêts d'une somme de 1.000 euros ; Que la procédure d'expulsion étant irrégulière, les meubles garnissant les lieux ne peuvent être déclarés abandonnés ; Que la résistance de Roselyne Y... ne saurait être considérée comme abusive dès lors que celle-ci obtient partiellement satisfaction ; Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ; Que leur succombance partielle conduit la Cour à laisser à chacune d'entre elles la charge de ses propres dépens ; PAR CES MOTIFS Déclare l'appel recevable en la forme, Réforme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de Roselyne Y... relative à l'irrégularité de la procédure d'expulsion ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'abandon des meubles, à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, La confirmant en ce qu'elle a rejeté la demande de réintégration, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Déclare irrégulière l'expulsion de Roselyne Y... selon procès-verbal d'expulsion du 21 novembre 2001 et, par voie de conséquence, les actes de procédure subséquents, Condamne Jean-Marie PAGES à payer à Roselyne Y..., en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'irrégularité retenue, à titre de dommages et intérêts, la somme de 1.000 euros (mille euros), Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel, Déboute les parties de leurs demandes, fins et conclusions autres plus amples ou contraires, LE GREFFIER,

LE X..., JMC/VS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006941970
Date de la décision : 24/07/2002

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

Un huissier ne peut en vertu de l'article 21-1 de la loi du 9 juillet 2001 ,qui ne fait aucune distinction entre les locaux d'habitation et les locaux commerciaux ,pénétrer dans un local commercial, dont le locataire est assujetti à une expulsion,en l'absence de ce dernier ou d'une personne mandatée par lui, sauf pour constater la libération volontaire des lieux. En de telles circonstances, il n'a d'autre choix que de dresser un procès verbal de la tentative d'expulsion et de requérir au concours de la force publique. L'irrégularité de la procédure diligentée par l'huissier instrumentaire , qui affecte les modalités de mise en oeuvre de l'explusion, ne peut avoir pour sanction la réintégration de la personne expulsée en vertu d'un titre exécutoire mais seulement l'indemnisation de préjudice par l'octroi de dommages intérêts.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2002-07-24;juritext000006941970 ?
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