Arrêt Société SELAFA HSD ERNST & YOUNG c / X page 3 FAITS ET PROCEDURE X était embauchée en 1988 comme conseil juridique stagiaire par la SCP de conseils juridiques Régis Fabre, Jean E. Salle, Pierre Bonnafous et Gilles Vangelisti . Au mois de 1991 elle était nommée conseil juridique salariée et disposait de parts d'industrie. A la suite de la cession par trois associés de leurs parts à la société Ernst & Young, elle était embauchée le 11 juillet 1995 par cette dernière en qualité d'avocat salarié avec reprise d'ancienneté au 27 juin 1988. Elle était classée cadre directeur de mission senior coefficient 360, moyennant un salaire mensuel de 38.500 frs, s'accompagnant d'un 13ème mois versé prorata temporis les 31 décembre et 30 juin de chaque année, et bénéficiant, le cas échéant, d'un bonus pouvant atteindre deux mois de salaire, dont les conditions d'octroi et de versement devaient être arrêtés chaque année. Le contrat de travail fait référence à la convention collective de l'avocat salarié du 17 février 1995. Elle était spécialement affectée au secteur judiciaire du bureau de Montpellier et exerçant sous l'autorité de Pierre Bonnafous , avocat associé à Montpellier, et d'Evelyne Bataille avocat associé à Marseille. Le 2 septembre 2.000 elle était convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement. L'entretien avait lieu le 11 septembre avec l'assistance d'un autre avocat salarié de la société. Par lettre du 14 septembre 2.000 elle était licenciée, avec dispense d'effectuer son préavis de trois mois, selon une lettre ainsi libellée: Depuis quelques mois nous avons été dans l'obligation de constater la dégradation des relations entre vous et votre hiérarchie, votre refus de communication à l'intérieur du cabinet ainsi que vos manquements dans votre gestion de nos clients. Nous vous avons donné plusieurs exemples de cette situation. Ainsi au mois d'avril dernier, vous n'avez pas respecté les instructions qui vous avaient été données par
courrier électronique par Pierre Bonnafous, ce dernier vous avait demandé de lui adresser un devis pour l'un de ses clients en vue d'engager une procédure judiciaire, conformément aux règles de fonctionnement du cabinet. Or ce devis a été adressé, avec un retard d'un mois et demi au client , sous votre signature, alors que celui-ci ne connaissait pas votre existence dans ce dossier , contrairement aux instructions qui vous avaient été données par Pierre Bonnafous. Nous avons d'autre part constaté que la responsabilité de notre cabinet risquait d'être engagée dans une affaire dont vous vous occupiez à savoir la SCI Gibert, ce dont vous ne nous avez pas informé. Ainsi notre confrère adverse , chargé de mettre en cause notre responsabilité , a écrit à deux reprises à notre cabinet par le courrier du Palais , sans que vous nous transmettiez ces courriers alors que vous êtes personnellement en charge de la collecte de notre toque au Palais. Nous avons été mis au courant de cette situation directement par notre confrère qui s'est adressé téléphoniquement à Pierre Bonnafous dans la mesure où vous ne répondiez pas à ses courriers. d'autre part nous n'avons toujours pas obtenu de votre part une note détaillée sur ce dossier, malgré notre demande par courrier électronique en date du 17 mai dernier. Dans un troisième dossier également géré par vous, notre client a mise en cause l'authenticité de la signature figurant sur la demande d'autorisation de prélèvement d'honoraires CARAM autorisant le règlement des honoraires que vous avez prélevés. Vous n'avez jamais informé le cabinet de l'existence de ce litige , dont nous avons eu connaissance lors de vos congés par un appel téléphonique de Monsieur De Los Rios. A votre retour de congés en septembre 1999 , vous nous informiez que la Cour d'appel de Montpellier avait ordonné une expertise graphologique de la signature contestée par notre client. A ce jour nous sommes toujours en attente de la suite éventuelle de ce
dossier. Cette absence de communication de votre part et les manquements constatés dans la gestion des dossiers clients expliquent la dégradation de vos relations avec votre hiérarchie. A cet égard nous vous rappelons que vous n'adressez plus la parole à Olivier Ortega ( directeur responsable du personnel ) depuis plusieurs mois sans aucune raison, si ce n'est votre agressivité à son égard , que vous avez confirmée par courrier électronique en date du 12 mai 2.000. Nous avons également observé que vous aviez , sans aucun raison valable , une même attitude agressive envers Evelyne Bataille , associée responsable du Droit sur le pôle Méditerranée. Nous avons d'autre part été amenés à constater que certains de nos clients vous retiraient la gestion des dossiers qui vous avaient été confiés. Ainsi par exemple , nous avons reçu les 31 juillet et 23 août 2.000 des lettres de deux clients mécontents de vos services et qui ont repris leur dossier ( société COMECA et Monsieur Canonne ), qui sont par ailleurs susceptibles de mettre en cause notre responsabilité . le contenu de ces lettres vous a été lu lors de l'entretien. Dans ces conditions , il nous apparaît impossible de continuer à collaborer avec vous. Vos observations exprimés lors de l'entretien préalable , consistant à rejeter en bloc l'ensemble de nos constats et griefs , ne nous ont pas paru de nature à modifier notre appréciation de la situation. En conséquence nous vous notifions par la présente votre licenciement au vu des motifs ci dessus énoncés, constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. X saisissait alors le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau du Tribunal de Grande Instance de Montpellier en application des articles 142 et suivants du décret du 27 novembre 1991. Par ordonnance du 20 juillet 2001 ce dernier condamnait la société Ernst & Young à lui payer les sommes de : - dommages intérêts 620.000 frs :- rappel de résultat année 2.000 86.666 frs bruts - congés payés y afférents 8.666 frs
bruts, - rappel de reliquat de congés payés 27.693 frs bruts, - rappel de retenues sur salaire du 1er juillet 1997 au 1er juillet 1998 27.240 frs bruts - intéressement année 2.000 12.000 frs, - rémunération variable exercice 1998/ 1999 55.085 frs PRETENTIONS DES PARTIES La société Ernst & Young a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient essentiellement que: - la décision du bâtonnier est rédigée en termes généraux et souffre d'une motivation imprécise, lacunaire, elle procède d'une erreur de droit car elle applique les dispositions de l'article L 122-44 du code du Travail alors qu'il s'agit d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui n'implique nullement l'identification d'une faute précise imputable au salarié, et même si cet article devait s'appliquer les manquements liés à la gestion des dossiers Comeca et Canonne ont été respectivement révélés à l'employeur les 31 juillet 2.000 et 23 août 2.000 dans le délai de deux mois, ce qui l'autorisait à invoquer des faits plus anciens, - au cas d'espèce la lettre de licenciement n'énonce pas des fautes précises mais un comportement général récurrent portant atteinte à la bonne marche du cabinet comportement illustré et objectivisé par des exemples , - ainsi sur le refus de communication à l'intérieur du cabinet sont évoqués trois dossiers, le premier ( Tabaries) concerne un client habituel qui souhaitait faire rescinder la vente d'un fonds de commerce pour des fausses informations données par le vendeur, et le Directeur du bureau de Montpellier Mr Bonnafous a demandé à sa collaboratrice d'évaluer les chances de succès d'une éventuelle procédure et d'établir un devis d'honoraires, or X a établi un devis avec deux mois de retard, ne l'a pas soumis à l'imprimatur de son Directeur, et l'a adressé directement au client sous sa seule signature alors qu'elle n'avait jamais rencontré ce client , en sorte qu'elle a démontré une volonté de s'affranchir des instructions de son employeur, - le second
dossier concerne la SCI Gibert, et dans cette affaire X n'a pas cru devoir informer son supérieur hiérarchique que cette SCI envisageait de mettre en cause la responsabilité civile professionnelle du bureau Ernst & Young, - également dans le troisième dossier, il s'agissait d'un client ( De Los Rios ) qui contestait devant le premier président les honoraires et qui mettait en doute l'authenticité d'une demande d'autorisation de prélèvement d'honoraires sur des sommes en compte à la CARPA, au point qu'une expertise était diligentée, en sorte qu' X avait l'obligation impérative d'informer immédiatement son patron de cette situation ce qu'elle a omis de faire peu importe que la réclamation soit fondée ou non, - en ce qui concerne la dégradation des relations entre X et sa hiérarchie, qui ont débuté dès le départ de l'associé Régis Fabre, il s'agit de difficultés:
* relationnelles avec Pierre Bonnafous le Directeur et à cet égard X ne peut reprocher à ce dernier de quelconques griefs à l'origine de cette situation, car d'une part elle représentait les deux parties lors de la procédure de divorce par consentement mutuel des époux Bonnafous et elle ne peut venir dire maintenant qu'elle était contrainte et forcée d'agir comme elle l'a fait à l'égard de la femme au profit du mari, d'autre part elle n'a pas hésité à photocopier des pièces judiciaires destinées à un autre avocat pour accuser Pierre Bonnafous de détourner la clientèle d'Ernst et Young au profit de celle qui était alors sa compagne et maintenant sa femme,
* relationnelles avec Olivier Ortega, lequel avait la responsabilité de la gestion administrative du personnel attaché au Bureau de Montpellier et avait en charge l'organisation du travail des secrétaires du Cabinet, en sorte qu'il n'appartenait pas à X de donner des instructions aux secrétaires qui ne savaient plus à qui obéir au sein du cabinet et de contester l'organisation mise en
place,
* relationnelles avec Evelyne Bataille , avocat associé au sein du bureau de Marseille et qui assume la direction du Pole Méditerranée , poste crée en 1999 au moment où Régis Fabre , créateur initial de la SCP, était promu à Paris , car X élevait une contestation permanente sur les choix du Cabinet par exemple du recrutement d'un nouveau collaborateur, ou d'inviter un client à faire le choix d'un autre conseil, contestation rendant impossible le fonctionnement de la petite structure, - enfin les manquements dans le traitement des dossiers sont démontrés au point que la société Comeca, qui réalise un chiffre d'affaire de 450 millions de francs, a écrit le 31 juillet 2.000 pour se plaindre du comportement de X et cesser toute relation avec la société Ernst & Young et ceci sans que le Directeur ait été tenu informé de quelconques difficultés; également le client Canonne s'est plaint dans une lettre du 23 août 2.000 qu'il était furieux , exaspéré devant l'inefficacité, le non respect du client, la suffisance et plus que tout la dangerosité pour mes intérêts de X. Subsidiairement la société appelante prétend qu'il ne peut être alloué des dommages intérêts car l'intimée a sollicité son omission du tableau des avocats en sorte qu'elle se cause à elle même son préjudice. La décision du Bâtonnier est d'ailleurs critiquable car l'intimée ne pouvait développer une clientèle personnelle et il ne peut exister une réparation à ce titre. Sur les demandes de nature salariale la société expose que: - quant à un rappel de rémunération variable au titre de l'année 2.000 , à savoir une prime de résultat, de 86.666 frs bruts et les congés payés y afférents, son principe n'est pas obligatoire car aucun accord n'a été passé entre les parties , d'autre part l'intimée ne peut y prétendre car lors de la dernière année de collaboration elle a produit un résultat inférieur à l'exercice antérieur de référence, - le rappel de reliquat de
congés payés, soit 27.693 frs bruts, n'est pas fondée car il restait 10,80 jours lors de la rupture compte tenu des congés effectivement pris, en sorte qu'il n'y a pas eu suppression des congés mais ajustement en raison des jours déjà pris au mois de mars et avril 2.000 et au mois de juillet, - le rappel de retenues sur salaire pour la période du 1er juillet 1997 au 1er juillet 2.000 correspondant à 27.240 frs bruts, n'est pas justifié, car il s'agit d'une réduction temporaire de sa rémunération comme l'a exposé Régis Fabre à l'intimée dans une lettre du 1er juillet 1997 , jamais discutée, et valant avenant au contrat de travail, décision qui s'est appliquée à l'ensemble des salariés , hommes et femmes, et réduction qui devait être restituée sous la forme d'une prime si le secteur judiciaire réalisait une facturation HT de 1,7 millions de francs, hors activité droit social, - le rappel d'une rémunération variable pour l'exercice 1998-1999, soit 55.085 frs, n'est pas fondée car l'intimée ne justifie pas de la réalisation du budget qui lui a été assigné . Elle conclut à l'infirmation de la décision du 20 juillet 2001 , de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse , et la restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire pour un total de 31.306 ä, subsidiairement le rejet de la demande de dommages intérêts en l'état de son omission volontaire à l'inscription au tableau de l'ordre des avocats.
X, intimée, expose préalablement que, selon l'article 14-4 alinéa 10 du Règlement Intérieur Harmonisé, la dispense d'exécution du préavis ou du délai de prévoyance nécessité l'accord des parties et ne fait pas obstacle aux dispositions de l'article 14-4 . Or cette méconnaissance par l'employeur constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à tout le moins une brusque rupture. Subsidiairement elle expose que, contrairement à ce que la société allègue, seules des fautes disciplinaires lui sont reprochées , et
d'ailleurs il suffit de lire le compter rendu de l'entretien préalable pour découvrir les termes de violation de règles du cabinet , la dissimulation de courrier, le non respect des procédures du cabinet . En réalité les fautes de communication et les fautes de gestion sont prescrites, les faits étant parfaitement connus depuis longtemps, et d'ailleurs son niveau de compétence l'affranchissait de toute demande de double signature ou d'autorisation préalable comme il est indiqué expressément dans la note d'organisation du 31 janvier 2.000. Aucune faute ne peut lui être reprochée dans le dossier Tabaries. Pour ce qui concerne le dossier de la SCI Gilbert des courriels ont été échangés, et elle avait rédigé une note technique remise en mains propres à Evelyne Bataille le 23 mai 2.000 car Pierre Bonnafous a été destinataire des courriers de l'avocat adverse. Il es est de même dans le dossier De Los Rios où elle a informé sa hiérarchie normalement par des messages dont l'un est du 5 octobre 1999. Les relations avec Pierre Bonnafous ont été dominées par les ressentiments de celui-ci à son encontre car, compte tenu de la disparité des revenus des époux, elle étaient très réticente à intervenir dans la procédure de divorce des époux Bonnafous, et a réussi à faire augmenter la pension pour chaque enfant de 1.500 frs à 1850 frs, d'autre part elle n'a pas manqué d'avoir une discussion houleuse en septembre 1999 avec Pierre Bonnafous qui lui avait retiré un dossier important pour le confier à celle qui était sa compagne et maintenant sa femme, c'est à dire à l'extérieur du cabinet , et tous les documents qu'elle verse aux débats étaient à sa disposition dans le cadre de ses fonctions Quant à Olivier Ortega il n'était pas son supérieur hiérarchique et elle a respecté les responsabilités en lui demandant de mettre à sa disposition des moyens humains, car les secrétaires étaient en vacances. Enfin Evelyne Bataille n'a jamais eu à se plaindre d'elle , et les reproches invoquées à propos des
clients Comeca et Canonne ne sont pas fondés. Elle sollicite donc la confirmation de la décision , les rappels des sommes étant parfaitement établis. Exposant que la décision déférée avait omis de statuer sur le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement elle demande à ce titre un complément de 78.489 frs ( soit 11.965 ä ) MOTIFS Sur la brusque rupture du contrat de travail Attendu qu'X invoque d'abord les dispositions de l'article 14-4 alinéa 10 du Règlement Intérieur Harmonisé des barreaux de France, selon lesquelles la dispense d'exécution du préavis ou du délai de prévenance nécessité l'accord des parties en sorte que ce dispositif ajoutant au droit du licenciement, sa violation affecte la décision prise et cette méconnaissance par l'employeur constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à tout le moins une brusque rupture. Attendu que, toutefois, de première part les dispositions de l'article 14-4 n'ont pas de portée réglementaire en l'absence de possibilité pour l'organe élaborant le RIH, défini à l'article 21-1 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, de prendre des mesures ayant cette qualification ; que ces dispositions ne peuvent également s'imposer aux parties car elles ne sont pas intégrées au contrat de travail ; qu'enfin la convention collective applicable n'interdit pas une dispense de préavis dans les conditions de droit commun du Code du travail et l'instance ordinale ne peut substituer ses propres règles à celles édictées par cette convention collective ; Attendu que de seconde part l'avocat salarié ne pouvant se constituer une clientèle personnelle par application de l'article 7 de la loi précitée X ne peut se plaindre de la répercussion et des effets de cette mesure de dispense de préavis sur la clientèle qui ne peut lui appartenir; que par ailleurs la seule qualité d'avocat n'a aucune incidence sur cette dispense de préavis, s'agissant non pas de rapports ou de liens ordinaux mais de conditions de travail ; Attendu
que de troisième part aucun élément ne vient établir l'existence d'un licenciement brutal ou vexatoire, ou encore diligenté avec une intention de nuire ; qu'en effet il résulte des nombreuses pièces produites par l'intimée elle même qu'elle a pu écrire à plusieurs reprises à son employeur pendant la période estivale précédent son licenciement pour exposer son point de vue notamment par deux longues lettres des 12 juillet et 30 août 2.000 ; Attendu que d'ailleurs dans cette lettre du 30 août X écrivait, après avoir mis en demeure son employeur de restaurer ses conditions de travail et sa tranquillité, à défaut de quoi je me verrais dans l'obligation de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail ; Sur la rupture Attendu que la lettre de licenciement fait référence à la dégradation des relations entre X et sa hiérarchie, de son refus de communication à l'intérieur du cabinet ainsi que de manquements dans la gestion des clients ; qu'elle cite des exemples pour asseoir son argumentation ; qu'il ne s'agit pas de faits pouvant être situés avec excatitude dans le temps mais de la description de réactions successives de l'intimée faisant apparaître un comportement ou une attitude au sein d'un service organisé à propos desquelles l'employeur est en désacoord ; que ces réactions, ajoutées les uns aux autres, seraient consitutifs d'un motif réel et sérieux par leur accumulation et par un refus d'y mettre fin; Attendu que les faits énoncés ne peuvent donc être qualifiés d'agissements au sens de l'article L 122-40 du Code du travail et X ne peut invoquer une quelconque prescription de faits disciplinaires; qu'il n'y a pas lieu d'acueillir cette argumentation; Attendu qu'il est démontré que Pierre Bonnafous, avocat associé, a sollicité son salarié X pour assister son épouse et lui même dans une procédure de divorce par consentement mutuel ; que peu importe dès lors l'existence ou non de ressentiments de celui-ci à l'encontre de l'intimée, cette attitude de l'employeur à l'égard de son salarié
interdit, du simple fait de cette procédure, que les éléments allégués, quant à un devis d'un client de Pierre Bonnafous, soient examinés ; qu'en effet il appartenait à Pierre Bonnafous, en sa qualité d'autorité hiérarchique, de ne pas solliciter l'intervention d' X dans une telle procédure afin de préserver l'indépendance effective de cette dernière; qu'ayant supprimé toute distance dans les relations entre employeur et salarié et créée une confusion entre vie privée et vie professionnelle, la société appelante ne peut invoquer maintenant utilement des relations conflictuelles entre Pierre Bonnafous et X; Attendu que selon les autres éléments fournis par les parties, et qui ne mettent pas en cause directement Pierre Bonnafous, il est démontré qu'entre le mois de février et le mois de mai 2.000 X n'a informé ni sa hiérarchie locale ni régionale de ce que la responsabilité civile professionnelle de la société pouvait être mise en cause dans une affaire relative à la SCI Gibert ; qu'il n'appartenait pas X de taire des informations de cette nature mettant en cause le fonctionnement du cabinet ; qu'au contraire il lui incombait, en sa qualité de salariée, de les transmettre immédiatement à sa hiérarchie au besoin par écrit ; Attendu qu'également un client dénommé De Los Rios a, dans le cadre d'un litige devant le Premier Président, contesté à l'audience du 8 juillet 1999 être l'auteur d'une signature apposée sur une demande de prélèvement de fonds à la CARPA; qu'il est constant que cette information parvenait au cabinet lors des congés DE X par une appel téléphonique de ce client ; qu'il n'appartenait pas dans cette affaire à X de taire des informations de cette nature mettant en cause le fonctionnement du cabinet s'agissant d'une accusation de faux , même si celle ci pouvait se révéler infondée ; qu'au contraire il lui incombait, en sa qualité de salariée, de les transmettre au besoin par écrit à ses supérieurs , étant précisé que finalement ce
n'est que 9 septembre suivant qu'une expertise graphologique était ordonnée et que X a apporté les explications nécessaires par courriels des 4 et 5 octobre en formulant alors à cette date des propositions sur la conduite à adopter dans cette affaire; Attendu qu'il est certain que X n'adressait plus, et ceci depuis plusieurs mois, la parole à Olivier Ortega qui était directeur responsable du personnel et qui avait en charge l'organisation du travail des secrétaires; que les courriers adressés sont pour le moins discourtois ; qu'aucun motif ne vient expliquer ce comportement ; Attendu que concomitamment X discutait sans fin les choix de clientèle effectuée par Evelyne Bataille, associée responsable du secteur droit sur le pôle Méditerranée ; que les relations devinrent alors difficiles et la première reprochait à la seconde de vérifier de façon intempestive ses résultats financiers, de faire la sourdre oreille aux demandes d'embauche d'un collaborateur, de simuler une embauche de Clotilde Lamy , de lui refuser les formations auxquelles elle avait droit et ce sans motif légitime ; qu'enfin la seconde a été dans l'obligation d'impartir à la première, qui alléguait l'indépendance et la liberté de l'avocat, d'abandonner des dossiers qui n'entraient pas, selon l'employeur, dans l'axe de développement de la société HSD ( courriels des 18 mai , 19 mai 29 juin, et 4 juillet ) ; qu'à ce sujet le ton employé par X dans les courriels est souvent impératif et si ce procédé électronique, rapide et quasiment télégraphique, ne saurait être comparé au genre littéraire épistolaire il n'en demeure pas moins qu'il existe une manière de s'exprimer de la part de X qui ne pouvait qu'heurter son interlocutrice ; qu'ainsi l'intimée écrivait le 4 juillet : je ne vous ai jamais dit que je laisserais ce client fort ancien comme vous l'indiquez vous même et ce parce que vous m'en donnez l'ordre . Je vous renvoie au mail que je vous adressais à ce sujet il y a quelques
temps et auquel vous n'avez pas répondu ; Attendu que la société COMECA et Robert CANONE, clients, ont retiré au cabinet la gestion des dossiers confiée à X que la première, société importante puisque réalisant un chiffre d'affaires de 450 MF, a écrit le 31 juillet 2.000 à la société que : les relations avec X s'étaient détériorées tant en ce qui concerne la bonne foi que le suivi des dossiers à tel point que nous voyons souvent en Me X un avocat qui défendait son attitude vis à vis de nous plutôt que notre cause devant les instances judiciaires ( par exemple conclusions bâclées sans que nous ayons eu le temps suffisant pour les valider etc. ) Nous vous informons comme nous l'avons déjà fait que l'avocat qui a pris la suite de Maître X a constaté dans le montage technique des dossiers des erreurs ou carences qui sont susceptibles d'un appel en garantie . Au regard des enjeux des dossiers concernés et malgré nos bonnes relations avec votre cabinet nous n'excluons pas de vous répercuter le coût des dommages subis ; Attendu qu'aucun élément ne vient corroborer les affirmations de X ; qu'en outre il n'est pas interdit à l'employeur de demander à un de ses anciens clients d'exposer par écrit les motifs pour lesquels il a mis fin à la prestation de service; qu'en toute hypothèse il apparaît que la perte de cet important client incombe exclusivement à l'attitude personnelle de X Attendu que Robert Canonne écrivait le 23 août 2.000 à un avocat associé membre de la société appelante que je reviens vers vous pour vous dire combien je suis furieux , exaspéré devant l'inefficacité, le non respect du client, la suffisance et plus que tout la dangerosité pour mes intérêts de X vers laquelle vous m'avez orienté en novembre 1997 Attendu que même si les clients n'ont pas toujours raison, et comme tout plaideur en cas de succombance formuler des griefs, il n'en demeure pas moins que le ton, la manière de se plaindre, et les explications de ces deux clients ne pouvaient être
ignorés par l'employeur compte tenu des conséquences sur la réputation du cabinet d'avocat ; Attendu qu'ainsi il résulte de l'ensemble des éléments examinés qu'en fait X n'a pas respecté au sein du fonctionnement du cabinet sa position de salarié soumis à un lien de subordination et devant rendre des comptes ; qu'elle a pris en réalité une indépendance certaine car elle s'occupait seule du domaine judiciaire se comportant comme une associée et non comme une salariée; que d'ailleurs l'intimée indique dans ses écritures que la problématique est celle relative à la difficulté d'exercer de façon indépendante son métier d'avocat dans ce type de structure, le salariat n'étant pas autre chose qu'une protection minimale ; Attendu que la réitération continuelle d'une telle attitude ne pouvait donc qu'entraîner une rupture dans la mesure où la place de la hiérarchie, et ses prérogatives, relativement au fonctionnement de l'entreprise, étaient méconnues ou parfois même niées; qu'en conséquence le licenciement est fondée sur une cause réelle et sérieuse ; Attendu que la demande de dommages intérêts doit donc être rejetée ; Sur les rappels de salaires Attendu que le rappel de reliquat de congés payés soit 27.693 frs bruts est parfaitement justifié ; qu'en effet le bulletin de salaire du mois d'octobre 2.000 établit qu'il existait à l'époque un reliquat de congés payés de 18 jours ; que la société ne saurait donc les réduire unilatéralement en alléguant des congés pris au cours des mois de mars, avril et juillet précédents, congés qui auraient été non comptabilisés; Attendu que le rappel de salaire du 1er juillet 1997 au 1er juillet 1998 soit 27.240 frs bruts est également parfaitement justifié, l'employeur ne pouvant pas réduire de sa propre initiative et unilatéralement la rémunération comme il l'a fait par lettre du 17 juin 1997 ; Attendu que le bien fondée du montant de l=intéressement pour l=année 2.000 soit 12.000 frs n=est pas discutée par la société ; que cette prime est due ; Attendu que
selon le contrat de travail une partie de la rémunération était fixe et une partie de cette rémunération variable pouvant atteindre deux mois de salaires en fonction de la réalisation d=objectifs annuels qui seraient arrêtés entre X et les responsables opérationnels ; que l=intimée demande la somme pour l=exercice 1998/ 1999 de 55.085 frs, et les congés y afférents soit 5.666 frs ayant satisfait avec les objectifs assignés ; qu=elle présente la même argumentation pour le rappel de résultat de l=année 2.000 à savoir 86.666 frs bruts, et les congés y afférents soit 8.666 frs bruts ; Attendu que selon une lettre non datée mais référencée 20119 le salaire de X était fixé à 40.000 frs à compter du 1er octobre 1999 et cette lettre ajoutait du fait de la performance que vous avez réalisée pour la saison écoulée nous avons , en outre décidé de vous octroyer un bonus de 30.000 frs qui sera versé avec la paie du mois d=octobre ; Attendu qu=à l=exception d=un bulletin de paie du mois d=octobre 1996 mentionnant l=octroi d=un bonus de 30.000 frs il n=est pas produit d=autres éléments sur la fixation d=objectifs annuels arrêtés entre X et les responsables opérationnels de la société ; que ces demandes ne sont pas en conséquence fondées ; Attendu que X demande le paiement d=un complément sur l=indemnité conventionnelle de licenciement de 78.489 frs ( 11.965 i ) au motif que l=assiette de calcul de cette indemnité ne comprend pas la partie variable , dont il est demandé le paiement ci dessus ni la prime d=intéressement ; que la partie variable n=étant pas fondée elle n=a aucune incidence ; qu=en revanche seule la prime de 12.000 frs et les congés payés de 27.693 frs n=ont pas été R.G. 01/ 3430 Société SELAFA HSD ERNST & YOUNG C / X intégrés ; que compte tenu des dispositions de la convention collective il convient d=allouer à X un complément à ce seul titre le surplus étant infondé ; Attendu qu=en raison de la différence, quant au montant des sommes allouées par le présent arrêt , avec cellesa convention
collective il convient d=allouer à X un complément à ce seul titre le surplus étant infondé ; Attendu qu=en raison de la différence, quant au montant des sommes allouées par le présent arrêt , avec celles perçues sur le fondement de la décision dont appel, les parties sont renvoyées à les liquider elles mêmes , avec cette précision qu=elles pourront saisir la présente Chambre en application de l=article 570 du nouveau Code de procédure civile en cas de divergences insurmontables sur le montant de cette liquidation ; Attendu qu'il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens ; Vu les articles 277 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 et 696 du nouveau Code de procédure civile PAR CES MOTIFS LA COUR Réforme la décision déférée, Statuant à nouveau, Dit que le licenciement DE X est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et n=est pas affecté par une brusque rupture, Rejette les demandes de dommages intérêts, Rejette les demandes de rappel au titre de la partie variable de la rémunération, Condamne la société HSD ERNST & YOUNG à payer à X un complément sur l=indemnité conventionnelle de R.G. 01/ 3430 Société SELAFA HSD ERNST & YOUNG C / X licenciement intégrant les sommes de 12.000 frs et celle de 27.693 frs, Confirme la décision déférée en ce qu=elle a, à l=époque, alloué les sommes de 27.693 frs bruts au titre d=un rappel de reliquat de congés payés, de 27.240 frs bruts au titre d=un rappel de retenues sur salaire du 1er juillet 1997 au 1er juillet 1998 et de 12.000 frs au titre de l=intéressement de l=année 2.000, Pour le surplus faisant application de l=article 570 du nouveau Code de procédure civile ordonne la liquidation sur état par les parties des sommes dues et dit qu=en cas de divergences sur le montant de cette liquidation l=une ou l=autre pourra saisir la présente Chambre par simple requête préalablement notifiée, Dit n=y avoir lieu à application de l=article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit
que chacune des parties supportera ses dépens par elle exposés. LE GREFFIER
LE PRESIDENT