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26/11/2001 | FRANCE | N°01/02858

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 26 novembre 2001, 01/02858


Arrêt Alain X... et Nathalie SUAREZ épouse X... c/ Monsieur Le Procureur Général Y... 3 FAITS ET PROCEDURE Le 9 février 1998, naissait Marti X..., enfant légitime d'Alain X... et de Nathalie SUAREZ épouse X.... Lorsque le père se présentait devant l'officier d'état civil celui-ci n'acceptait pas d'enregistrer le prénom de l'enfant suivant l'orthographe catalane, c'est à dire avec un accent aigu sur le i. Le 4 mars 1998, les époux X... saisissaient le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN afin d'obtenir la rectification de l'acte d'état civil de l

eur fils, estimant que l'omission de l'accent sur le i du prén...

Arrêt Alain X... et Nathalie SUAREZ épouse X... c/ Monsieur Le Procureur Général Y... 3 FAITS ET PROCEDURE Le 9 février 1998, naissait Marti X..., enfant légitime d'Alain X... et de Nathalie SUAREZ épouse X.... Lorsque le père se présentait devant l'officier d'état civil celui-ci n'acceptait pas d'enregistrer le prénom de l'enfant suivant l'orthographe catalane, c'est à dire avec un accent aigu sur le i. Le 4 mars 1998, les époux X... saisissaient le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN afin d'obtenir la rectification de l'acte d'état civil de leur fils, estimant que l'omission de l'accent sur le i du prénom constituait une erreur ou une omission purement matérielle. Le 17 août 1998, le Procureur de la République répondait qu'il était dans l'impossibilité de procéder à la rectification sollicitée dans la mesure où le i avec accent aigu n'était pas un caractère de l'orthographe française. Le 21 mars 2000, les époux X... saisissaient le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN afin d'obtenir la rectification de l'acte de l'état civil de leur fils. Par jugement du 13 février 2001 la requête était rejetée au motif que le choix du prénom Marti n'était pas refusé par l'autorité publique mais seulement l'orthographe catalane du prénom, ce qui ne constituait pas une violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Le 28 février 2001, les époux X... interjetaient appel de cette décision. PRETENTION DES PARTIES Les appelants, les époux X..., sollicitent la rectification de l'orthographe du prénom de leur fils dans l'acte d'état civil afin que le prénom Marti soit orthographié selon la langue régionale catalane, à savoir avec un accent aigu sur le i. Ils précisent préalablement que la discussion ne porte pas sur la langue dans laquelle les actes d'état civil doivent être rédigés, mais sur l'orthographe d'un prénom, en l'espèce catalan, qui est par ailleurs une langue de France. Ils se fondent

sur l'article 57 alinéa 2 du Code Civil qui dispose que les prénoms de l'enfant sont choisis par ses père et mère en sorte que les parents sont libres sur le choix du prénom de leur enfant. Ils affirment également que : - ce libre choix est confirmée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, qui en 1996 avait déclaré que le choix du prénom de l'enfant par ses parents revêt un caractère intime et affectif, et entre donc dans la sphère privée de ces derniers par application de l'article 8 de ladite Convention. - l'article 14 de cette même convention énonce que la jouissance des droits et libertés reconnus doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur la langue, l'origine nationale ou l'appartenance à une minorité nationale. Enfin ils rappellent l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 selon laquelle d'une part l'officier de l'état civil doit inscrire le nom des personnes d'origine étrangères en respectant l'orthographe usitée dans le pays, d'autre part la jurisprudence prescrit la liberté de l'orthographe dans l'écriture des prénoms, de troisième part l'article 106 de cette instruction qui précise que " les signes diacritiques utilisés dans notre langue sont: les points, accents et cédilles " à l'égal du catalan. Pour terminer ils précisent qu'aucun texte ne nature législative ou réglementaire prescrit l'utilisation d'un alphabet français d'autant que la langue française et la langue régionale catalane utilise le même alphabet romain. Ils concluent à l'infirmation du jugement et à l'accueil de leur requête. Monsieur le Procureur Général a conclu à la confirmation du jugement . Il se fonde sur l'article 2 alinéa 1er modifié de la Constitution du 4 octobre 1958 selon lequel la langue de la République est le français et que les actes d'état civil étant des actes authentiques établis par une autorité française, ils doivent être rédigés en langue française. Egalement il invoque la loi du 4 août 1994 n° 94-665, visée également par les appelants, selon

laquelle la langue des services publics est le français. Enfin il soutient que selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel , notamment celle tirée de la décision 99-412 du 15 juin 1999 , déclarant non conforme à la Constitution, le préambule de la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires au motif que ce texte reconnaît à chaque personne un droit imprescriptible de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique vie publique à laquelle sont rattachés (par la Charte) la justice, les autorités administratives et les services publics. MOTIFS Attendu que selon l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 la France est une République indivisible, la'que, démocratique et sociale et assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine de race ou de religion ; que selon l'article 2 alinéa 1er , issu de la loi constitutionnelle 92-554 du 25 juin 1992, la langue de la République est le français ; Attendu qu'en vertu de ces dernières dispositions, telles qu'interprêtrées par le juge constitutionnel, l'usage du français s'impose aux services publics qui ne peuvent employer une autre langue et, réciproquement, les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français ; qu'ainsi les actes d'état civil, actes authentiques par nature, doivent être rédigés dans cette langue ; Attendu que si le choix du prénom est libre selon l'article 57 du Code civil, cette liberté doit s'articuler avec les principes susvisés, supérieurs, qui en restreignent l'exercice ; Attendu qu'en l'espèce il est constant que le prénom choisi par les époux X..., à savoir Marti , avec un accent aigu sur le i, est un prénom catalan et les parents demandent qu'il soit déclaré sur les registres de l'Etat Civil selon l'orthographe de cette langue ; qu'en effet en français le i avec un

accent aigu sur le i n'existe pas ; Attendu que, tout d'abord, il doit être précisé que s'agissant d'une langue régionale, utilisée sur le territoire de la République Française dans la vie privée ou des activités culturelles, celle-ci ne peut être imposée ni aux administrations ni aux services publics ; Attendu qu'ensuite la transcription du prénom choisi par les parents doit être conforme à l'alphabet romain et à la structure fondamentale de la langue française ; que ne peuvent être autorisées des signes diacritiques ( points , accents et cédilles ) qui n'existent pas dans la langue française , ou des signes que l'usage le plus communément répandu prohibe, ou encore des altérations ; Attendu qu'enfin il convient de noter que l'officier de l'Etat Civil a accepté le prénom Marti, écrit selon les usages de la langue française, en sorte que le choix des parents a bien été respecté mais dans les limites des principes susrappelés ; Attendu que, dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la requête ; Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS LA COUR, Confirme le jugement déféré, Condamne Alain X... et Nathalie Suarez son épouse aux dépens. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 01/02858
Date de la décision : 26/11/2001

Analyses

ETAT CIVILActe de naissance - Mentions - Nom de famille et prénoms

Si le choix du prénom d'un enfant par ses parents est libre selon l'article 57 du Code civil, cette liberté doit s'articuler avec les principes énoncés à l'article 1er de la consitution du 4 octobre 1958 qui énonce que la France est une, indivisible, la'que, démocratique et sociale et assure le respect devant la loi de l'égalité de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion, ainsi que de l'article 2, alinéa 1er, issu de la loi constitutionnelle 92-554 du 25 juin 1992 qui énonce que la langue de la République est le français. L'usage du français s'imposant donc aux services publics, les parents d'un enfant ne peuvent se prévaloir d'une langue régionale et demander que le prénom de leur enfant soit retranscrit conformément à l'orthographe de cette langue. Ainsi, la transcription sur les registres d'état civil d'un prénom catalan comprenant un accent aigu sur le i n'est pas possible, puisque cette transcription n'est pas conforme à l'alphabet romain et à la structure fondamentale de la langue française. Aucun signe diacritique, aucun signe que l'usage le plus communément répandu prohibe ni aucune altération ne sauraient être autorisés sur les registres d'état civil


Références :

Code civil, article 57 Constitution du 4 octobre 1958, article 1er Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, article 2, alinéa 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2001-11-26;01.02858 ?
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