FAITS ET PROCEDURE LA SCI Le Gaou (la SCI) a fait édifier en 1984-85 et 1986-87 deux immeubles mitoyens commercialisés sous le régime de deux copropriétés distinctes, la copropriété Las Colomas et celle de Las Tortoras, construction pour laquelle elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage et une assurance de responsabilité décennale auprès des AGF. Des infiltrations se produisant par la rampe en béton conduisant au parking de la résidence Las Tortoras construite en limite de propriété entre les deux résidences, un expert a été désigné par ordonnance de référé du 23.3.1995, rendue commune aux intervenants à la construction par ordonnance du 21.7.1995. Sur la base du rapport déposé le 2.7.1996, les deux syndicats des copropriétaires ont assigné le 9.9.1997 la SCI et les AGF en paiement des travaux de reprises des malfaçons. Par jugement du 25.1.1999, le tribunal de grande instance de Perpignan a : -
déclaré irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires Las Tortoras faute d'habilitation régulière du syndic -
déclaré irrecevable l'action des deux syndicats de copropriétaires exercée hors du délai de deux ans prévu par l'article L114-2 du code des assurances -
condamné les deux syndicats des copropriétaires à payer chacun à la SCI 3 500 francs et aux AGF 3 500 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les deux syndicats des copropriétaires ont régulièrement interjeté appel. Vu les conclusions du 2.5.2001 des syndicats des copropriétaires, tendant à titre principal à la condamnation solidaire de la SCI et des AGF à leur payer la somme de 625 187,55 francs au titre des travaux de reprise avec réactualisation selon l'indice BTOI et subsidiairement au paiement au profit de la copropriété Las Colomas de la somme de 45 871,38 francs TTC avec réactualisation pour la réfection du joint de dilatation entre les deux copropriétés et au profit de la copropriété
Las Tortoras de la somme de 542,70 francs TTC. Ils sollicitent en toute hypothèse paiement de la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Vu les conclusions du 6.4.2001
de la SCI, tendant à l'irrecevabilité des demandes des syndicats des copropriétaires comme prescrites et au débouté, les désordres ayant déjà été indemnisés par l'assureur, subsidiairement en garantie par les AGF, assureur en responsabilité décennale, des condamnations prononcées contre la SCI. Elle sollicite paiement de la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Vu les conclusions du 26.8.1999 de
la SA AGF, sollicitant la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré prescrites les actions des syndicats des copropriétaires pour défaut d'habilitation du syndic dans le délai décennal, subsidiairement pour prescription biennale des actions des syndicats, et très subsidiairement au fond le débouté des demandes des copropriétaires et le paiement de la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIVATION Sur la prescription décennale L'action en responsabilité décennale intentée contre les constructeurs doit être autorisée par les copropriétaires avant l'expiration du délai prévu par l'article 2270 du code civil. L'immeuble Las Tortoras a été réceptionné en juillet 1985 et l'immeuble Las Colomas en avril 1987. Les copropriétaires se plaignent essentiellement d'un défaut d'étanchéité des parkings, qui entraîne des pénétrations d'eau dans les garages du rez de chaussée des deux copropriétés. L'expert a exposé qu'une rampe d'accès du parking de la résidence de Las Colomas à celui de la résidence Las Tortoras, plus haut de 0,54 mètres, a été construite postérieurement à la réception des travaux à la demande de la SCI pour permettre l'accès au parking de la résidence Las Tortoras, qui se faisait
antérieurement par une voie de côté qui a disparu du fait de la construction de l'immeuble Las Colomas mitoyen, et que la construction de cette rampe en béton sur l'étanchéité et contre le joint d'étanchéité est à l'origine des pénétrations d'eau constatées en rez de chaussée. En conséquence les travaux à l'origine du défaut d'étanchéité des parkings ont donc été réalisés après la réception de l'immeuble Las Colomas soit postérieurement à avril 1987. Les assignations en référé délivrées le 21.2.1995 aux AGF et le 28.6.1995 à la SCI ont interrompu la prescription jusqu'aux ordonnances de référé rendues le 23.3.1995 pour les AGF et le 17.7.1995 pour la SCI, un nouveau délai de 10 ans ayant commencé à courir à compter de cette date. Or le syndic de chacune des deux copropriétés a été habilité par décision de l'assemblée générale du 27.9.1996 pour la résidence de Las Tortoras et du 31.5.1996 pour la résidence Las Colomas. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Las Tortoras, après avoir eu un compte rendu détaillé de la procédure de référé et des opérations et conclusions de l'expert, a habilité son syndic à assigner la SCI et la Compagnie AGF en homologation du rapport pour " obtenir réparation des désordres à propos des infiltrations et mauvaises évacuations des eaux pluviales ". Le syndicat de la résidence Las Colomas a habilité son syndic de façon toute aussi explicite pour les infiltrations au travers la dalle inondant les garages situés en dessous pour obtenir la condamnation du constructeur et des AGF. Dans ces conditions les syndics ont été régulièrement habilités pour diligenter la présente procédure dans le délai de garantie décennal. Le jugement sera donc réformé de ce chef. Sur la prescription biennale Les AGF soulèvent la prescription des articles L 114-1 et 114-2 du code des assurances. Mais l'action des syndicats des copropriétaires trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice et se prescrit par le même
délai que l'action de la victime contre le responsable, la SCI ; cette action ne dérivant pas du contrat d'assurance, n'est pas soumise à la prescription biennale. Dans ces conditions, le jugement sera réformé de ce chef et les actions des syndicats déclarées recevables. Sur l'indemnisation les désordres L'expert a conclu que :
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le désordre essentiel consiste en des pénétrations d'eau au joint de dilatation consécutives à l'actuelle existence d'une rampe d'accès du parking Las Colomas au parking Las Tortoras -
l'étanchéité du joint entre les deux copropriétés doit être reprise avec réfection de la rampe après désolidarisation métallique pour un coût de 46 327,16 francs outre 542,70 francs pour la mise à niveau du regard. -
la responsabilité est du ressort de la SCI, qui a ordonné l'exécution de la rampe de béton à l'insu des étanchéistes. Ce désordre, pénétration d'eau dans les garages et stagnation de l'eau au sol, est de nature décennale, puisqu'il rend les garages impropres à leur destination en cas de pluies. La SCI, promoteur-constructeur des résidences Las Colomas et Las Tortoras et de la rampe d'accès aux parkings, est donc responsable des dommages sur le fondement de l'article 1792 du code civil. L'assureur dommages-ouvrage, sur déclaration de sinistres des deux syndicats a déjà indemnisés les copropriétés ainsi : -
pour Las Tortoras 32 033,90 francs dont seuls 3 225,92 francs ont été exécutés -
pour Las Colomas 20 909,18 francs qui ont été employés en travaux de reprise. Ces travaux ne concernent pas les infiltrations par le joint d'étanchéité entre les deux copropriétés, il n'y a donc pas lieu de les déduire de l'indemnisation proposée par l'expert ni d'envisager une quelconque incidence sur la survenance des infiltrations
postérieures dans les parkings. En effet l'expert a décrit les différents désordres subi par la copropriété, dont certains ont déjà été indemnisés et il a préconisé des travaux restant à réaliser et consistant en une désolidarisation métallique et la réfection de la rampe, ce qui n'avait jamais été financé par l'assureur dommages-ouvrage. Les copropriétés demandent la réfection de l'ensemble des parkings pour un montant total de 661 419,15 francs, estimant que la solution préconisée par l'expert est insuffisante. L'expert a répondu dans son rapport aux prétentions présentées par les syndicats des copropriétaires en les qualifiant d'excessives, compte tenu des seuls désordres constatés au niveau du joint de dilatation, alors que la pente de la rampe n'est pas excessive et que la couche de protection et de roulement à une usure normale après 10 ans d'existence. Les conclusions de l'expert non sérieusement contestées seront donc adoptées et les copropriétés indemnisées à hauteur de 46 327,16 francs et 542,70 francs. La Compagnie AGF, assureur décennale et assureur dommages-ouvrage de la SCI, promoteur-constructeur de l'ensemble immobilier sera condamnée à garantir son assuré des désordres de nature décennale à la réparation desquels il est condamné. L'équité ne commande l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile qu'à l'encontre des syndicats des copropriétaires. PAR CES MOTIFS Reçoit l'appel régulièrement en la forme, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Déclare les actions des syndicat des copropriétaires de la résidences Las Tortoras et Las Colomas recevables, Adoptant les conclusions de l'expert, Condamne solidairement et conjointement la SCI Le Gaou et la compagnie AGF à payer au syndicat Las Tortoras et Las Colomas les somme de 46 327,16 francs et 524,70 francs au titre des travaux de reprise de l'étanchéité au droit du joint de dilatation entre les deux copropriétés Dit que ces sommes sont à
réévaluer en fonction de l'indice BT 01 de février 1996 jusqu'à ce jour et à compter de l'arrêt elles porteront intérêts au taux légal jusqu'à leur entier paiement, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne avec la même solidarité la SCI et les AGF à payer aux syndicats des copropriétaires
la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et en tous les dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause. LE GREFFIER
LE PRESIDENT