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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01861

France | France, Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 04 juillet 2024, 22/01861


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 22/01861 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZDU

Minute n° 24/00127





[N]

C/

S.A.R.L. BAUCENTER DECKER-RIES









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 05 Avril 2022, enregistrée sous le n° 21/00034





COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024









APPELANT :



Monsieur [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ









INTIMÉE :



S.A.R.L. BAUCENTER DECKER-RIES Prise en la personne de son représentant léga...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/01861 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZDU

Minute n° 24/00127

[N]

C/

S.A.R.L. BAUCENTER DECKER-RIES

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 05 Avril 2022, enregistrée sous le n° 21/00034

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

APPELANT :

Monsieur [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.R.L. BAUCENTER DECKER-RIES Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4] (LUXEMBOURG)

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 18 Avril 2024, l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 04 Juillet 2024.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Mathilde TOLUSSO

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER , Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Baucenter Decker Ries a été en relation d'affaires avec la société Victoria Promotion, société de droit luxembourgeois.

La société Victoria Promotion a fait l'objet d'une procédure de faillite auprès du tribunal de commerce de Luxembourg.

La SARL Baucenter Decker Ries a déclaré sa créance dans cette procédure, puis a mis en demeure M. [B] [N] de la payer en se prévalant d'un engagement de caution solidaire.

Par acte d'huissier délivré le 5 février 2021 (déposé en l'étude), la SARL Baucenter Decker-Ries a assigné M. [N] devant le tribunal judiciaire de Thionville aux fins de voir :

Condamner M. [N] à lui verser la somme de 21 846,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 ;

Condamner M. [N] à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

Condamner M. [N] à verser la somme de 2 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dire que la décision sera exécutoire ;

Condamner M. [N] aux dépens ;

 

Par jugement du 21 septembre 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Thionville a ordonné la réouverture des débats et a invité le demandeur à conclure sur la compétence de la juridiction française et sur la loi applicable.

 

Par conclusions du 29 septembre 2021, la SARL Baucenter Decker-Ries a maintenu ses demandes et s'est prononcée sur la compétence de la juridiction commerciale de Thionville ainsi que sur l'application du droit français.

 

M. [N] n'a pas constitué avocat.

 

Par jugement réputé contradictoire du 05 avril 2022, le tribunal judiciaire de Thionville a :

Condamné M. [N] à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 21 846,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 ;

Débouté la SARL Baucenter Decker-Ries de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamné M. [N] aux dépens ;

Condamné M. [N] à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 1 000,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dit que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

 

 

Par déclaration du 20 juillet 2022, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 21 juillet 2022, M. [N] a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné M. [N] à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 21846.90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 ;

Condamné M. [N] aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dit que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par dernières conclusions du 8 mars 2024, M. [N] demande à la cour de :0

- Recevoir l'appel de M. [N] et le dire bien fondé.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 21 846,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020, en ce qu'il a condamné M. [N] aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce qu'il a dit que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire. 

Et statuant à nouveau,

Vu l'absence de mention manuscrite émanant de M. [N],

Vu les anciens articles L 341-2 et L 341-3 du Code la Consommation, devenus les articles L 331-1 et L 331-2 du Code de la Consommation,

Vu l'article L331-1 ancien du Code de la Consommation, applicable au présent litige,

Vu l'article L331-2 ancien du Code de la Consommation, applicable au présent litige,

Vu les articles L 331-1 et L 331-2 du Code de la Consommation entrés en vigueur le 1er juillet 2016,

Vu le non-respect du formalisme de la mention manuscrite,

Vu l'absence d'indication de la durée du cautionnement et de la personne cautionnée,

- Prononcer la nullité de l'engagement de caution de M. [N] en date du 22 septembre 2016.

- En conséquence, déclarer irrecevable subsidiairement mal fondé l'ensemble des demandes de la SARL Baucenter Decker-Ries, les rejeter.

En tout état de cause,

- Constater l'absence d'indication de la personne cautionnée et l'absence de mention de la durée du cautionnement.

- En conséquence, déclarer irrecevable subsidiairement mal fondé l'ensemble des demandes de la SARL Baucenter Decker-Ries, les rejeter.

- Subsidiairement, constater l'absence de bon de commande et l'absence de bon de livraison signé par la débitrice principale.

- Rejeter l'ensemble des demandes de la SARL Baucenter Decker-Ries, les dire mal fondées.

- Condamner la SARL Baucenter Decker-Ries aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [N] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions du 6 décembre 2023, la SARL Baucenter Decker-Ries demande à la cour de :

- Dire et juger l'appel de M. [N] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Thionville du 5 avril 2022 recevable en la forme mais non fondé,

- En conséquence, le rejeter,

- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Débouter M. [N] de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens,

- Condamner M. [N] à payer à la SARL BAU CENTER TECKER RIES la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner M. [N] aux frais et dépens de la procédure d'appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 18 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la loi applicable au litige

Les dispositions très pertinentes du jugement, qui a relevé que la loi française est applicable au litige, et qui ne sont pas contestées, sont adoptées par la cour.

II- Sur la demande en nullité de l'engagement de caution et ses conséquences :

Selon l'article L. 331-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, entrée en vigueur le 1er juillet 2016 et applicable en la cause :

« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

" En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même. "

Il se déduit de l'article L. 343-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, entrée en vigueur le 1er juillet 2016 - et de l'article L. 343-5 issu de cette ordonnance -, que les formalités définies à l'article L. 331-1 précité sont prévues à peine de nullité.

Les dispositions des articles L. 331-1 et L. 343-1 du code de la consommation précitées étaient en vigueur à la date de l'engagement de caution litigieux du 22 septembre 2016.

A supposer même que l'article L. 331-2 n'ait pas été encore applicable lors de la signature de l'engagement litigieux, l'article L. 341-2 du code de la consommation disposait déjà avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 que « toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

" En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même. »

Le créancier professionnel au sens de ces dispositions est celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles. Dès lors ces dispositions sont applicables au cas d'espèce.

Conformément aux dispositions légales précitées, l'engagement de caution invoqué par l'intimée n'est valable que si M. [N] a apposé de sa main la mention manuscrite précitée.

En l'espèce M. [N] reconnaît sa signature sur l'acte du 22 septembre 2016, mais conteste être l'auteur de la mention manuscrite, de sorte qu'il convient de réaliser une vérification d'écriture dans le cadre du délibéré, au vu des éléments de comparaison dont la cour dispose, conformément à l'ancien article 1326 du code civil, devenu article 1373 du code civil, et aux articles 287 et 288 du code de procédure civile.

Selon l'article 288 du code de procédure civile, « il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux. »

Dans son bordereau de pièces annexé à ses dernières conclusions, M. [N] a produit en pièce n° 4 des spécimens d'écriture. Ceux-ci ne sont pas contestés par la SARL Baucenter Decker-Ries, qui ne sollicite pas d'expertise graphologique, ni la production de pièces complémentaires.

Les spécimens d'écriture produits par M. [N] sont suffisants pour procéder à la vérification d'écriture. En effet le premier est contemporain de l'acte litigieux, et il s'agit d'une mention manuscrite apposée sur un engagement de caution du 8 novembre 2016 envers BNP Paribas Leasing Solutions Luxembourg, qui contient des mots identiques à celle contestée figurant sur l'acte litigieux. Les trois autres datent des années suivantes (29.11.2018, 24.01.2023 et 31.01.2024) et comportent à la fois des chiffres et des lettres.

La cour d'appel constate que les mentions manuscrites figurant dans le document intitulé « demande d'ouverture de compte client professionnel », daté du 22 septembre 2016, produit en annexe n° 9 par l'intimée, ont été apposées avec une même écriture large et arrondie, qui penche légèrement vers la gauche, d'un trait appuyé, et dont les R, r et a ainsi que les 9 sont très caractéristiques. En revanche la signature apposée au bas de ce document, que M. [N] reconnaît comme la sienne, comporte des traits verticaux qui penchent vers la droite, et a été apposée avec un trait nettement plus fin que celui des mentions manuscrites. La signature ne paraît pas apposée de la même main que les mentions manuscrites sur l'annexe 9.

Les mentions manuscrites figurant sur les spécimens de comparaison produits en annexe 4 par l'appelant penchent vers la droite, comme la signature de M. [N]. L'écriture est très différente de celle de l'annexe 9 de l'intimée et nettement plus resserrée. L'écriture caractéristique des R, r, a et 9 de la demande d'ouverture de compte ne s'y retrouve pas. Sur ces documents de comparaison le tracé des signatures est cohérent avec celui des mentions manuscrites (même épaisseur de trait, même direction), à la différence de l'annexe 9.

Il ressort de cette comparaison d'écriture que M. [N] n'est pas l'auteur des mentions manuscrites figurant sur la demande d'ouverture de compte du 22 septembre 2016.

En outre la mention manuscrite apposée sur la « demande d'ouverture de compte client professionnel » du 22 septembre 2016 est la suivante : « Bon pour caution solidaire et indivisible à concurrence de la somme de cinquante mille euros en capital plus intérêts. » Il ne s'agit pas de la mention exigée par la loi, rappelée plus haut.

En conséquence l'engagement de caution daté du 22 septembre 2016 est nul, puisque non seulement M. [N] n'a pas apposé la mention manuscrite de sa main, mais qu'en outre cette mention n'est pas conforme aux exigences légales prévues à peine de nullité.

Dès lors la demande de la SARL Baucenter Decker-Ries qui s'appuie sur cet engagement nul est mal fondée. Le jugement est infirmé en ce qu'il y fait droit.

III- Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont infirmées.

La SARL Baucenter Decker-Ries, partie perdante, devra supporter les dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

Condamné M. [N] à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 21 846,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 ;

Condamné M. [N] aux dépens ;

Condamné M. [N] à payer à la SARL Baucenter Decker-Ries la somme de 1.000,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Le confirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Prononce la nullité de l'engagement de caution de M. [B] [N] en date du 22 septembre 2016 ;

Rejette la demande principale ;

Condamne la SARL Baucenter Decker-Ries aux dépens de première instance ;

Rejette les demandes de la SARL Baucenter Decker-Ries au titre des dépens et indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Baucenter Decker-Ries aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne la SARL Baucenter Decker-Ries à payer à M. [B] [N] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute la SARL Baucenter Decker-Ries de ses demandes au titre des dépens et de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01861
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01861 ?
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