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04/05/2023 | FRANCE | N°21/02700

France | France, Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 04 mai 2023, 21/02700


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/02700 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTWJ

Minute n° 23/00082





S.A.R.L. KUHN ONROEREND GOED BV

C/

[B], S.A.S. UNIVERSO BOIS, MINISTERE PUBLIC









Ordonnance Au fond, origine Président du TJ à compétence commerciale de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 28 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 1/2015/371





COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE COMME

RCIALE



ARRÊT DU 04 MAI 2023









APPELANTE :



S.A.R.L. KUHN ONROEREND GOED BV Société privée à responsabilité limitée de droit néerlandais, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02700 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTWJ

Minute n° 23/00082

S.A.R.L. KUHN ONROEREND GOED BV

C/

[B], S.A.S. UNIVERSO BOIS, MINISTERE PUBLIC

Ordonnance Au fond, origine Président du TJ à compétence commerciale de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 28 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 1/2015/371

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 04 MAI 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. KUHN ONROEREND GOED BV Société privée à responsabilité limitée de droit néerlandais, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

PAYS BAS

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et La SCP UGGC Avocats prise en la personne de Mes Thierry MONTERAN et Marine SIMONNOT, avocat au barreau de PARIS, avocats plaidants

INTIMÉS :

Maître [N] [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS UNIVERSO BOIS

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ

S.A.S. UNIVERSO BOIS Prise en la personne de son représentant légal, en liquidation judiciaire, Me [B] es qualité

[Adresse 6]

[Localité 5]

Non représentée

MINISTERE PUBLIC

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par M. Le Procureur Général près de la cour d'appel de Metz

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 17 Janvier 2023 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 04 Mai 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

MINISTERE PUBLIC PRÉSENT AUX DÉBATS : M. MIRA

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Par défaut

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par jugement du 8 septembre 2015, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Sarreguemines a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Universo Bois et a fixé la date de cessation des paiements au 1er juillet 2015. Maître [N] [B] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.

Par courrier du 26 octobre 2015, la société privée à responsabilité limitée de droit néerlandais Kuhn Onroerend Goed BV (ci-après SARL Kuhn OG) a déclaré une créance de 10 874 919,75 euros à titre privilégié au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Universo Bois. Cette créance correspond aux encours et intérêts restant dus au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire au titre des contrats de financement du 15 décembre 2010 et du 16 décembre 2014 et de l'acte de nantissement du 15 décembre 2010 signés entre la SARL Kuhn OG et la société Universo Holding, cette dernière agissant en son nom et en celui de ses filiales, dont la SAS Universo Bois.

Par courrier du 7 décembre 2020, Me [B] a contesté le montant de la créance déclarée par la SARL Kuhn OG et sa nature privilégiée. Cette dernière a répondu, par courrier du 5 janvier 2021, qu'elle maintenait sa déclaration de créance.

Le 16 décembre 2020, le juge commissaire a signé l'état des créances présenté par le mandataire judiciaire et admis la créance de la SARL Kuhn OG au passif de la SAS Universo Bois à hauteur de 5 029 402,67 euros et à titre chirographaire, l'état des créances mentionnant que la nature privilégiée était contestée.

Cela a été notifié à la SARL Kuhn OG le 12 janvier 2021 et publiée au Bodacc le 28 janvier 2021.

Par courrier du 15 février 2021 adressé à la présidente de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Sarreguemines, Me [B], ès qualités, a formé une réclamation sur l'état des créances et indiqué qu'une audience de contredit sera sollicitée devant le juge commissaire, au motif que ce dernier aurait entériné l'admission de la créance de la SARL Kuhn OG alors qu'elle n'était pas définitive.

Par courrier du 16 février 2021 au greffe de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Sarreguemines, la SARL Kuhn OG a formé réclamation contre cet état des créances, visant les articles L. 624-3-1 et R. 624-8 du code de commerce.

Les parties ont été convoquées devant le juge commissaire.

Par ordonnance du 28 septembre 2021, le juge commissaire a :

' dit que la contestation concernant les créances déclarées par la SARL Kuhn Onroerend Goed BV relève du pouvoir juridictionnel du juge commissaire statuant dans le cadre de la procédure de vérification de créances,

En conséquence,

' confirmé la nullité de l'acte de nantissement du 15 décembre 2010,

' confirmé que la créance de la SARL Kuhn Onroerend Goed BV est acceptée à hauteur de 5 029 402,67 euros,

' confirmé que la créance de la SARL Kuhn Onroerend Goed BV est chirographaire,

' dit que l'ordonnance sera notifiée par les soins du greffe, conformément aux dispositions de l'article R. 621-21 alinéa 3 du code de commerce aux parties et communiquée aux mandataires de justice,

' ordonné que les dépens de l'instance soient laissés à la charge de la SARL Kuhn onroerend goed BV,

' condamné la SARL Kuhn onroerend goed BV à payer à la SAS Universo Bois une indemnité de 3 500 euros en couverture des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi, le juge commissaire a en premier lieu constaté qu'aucune instance n'était en cours s'agissant de la créance déclarée et retenu que la contestation portant sur le montant et la nature de la créance relevait en l'espèce de son pouvoir juridictionnel.

Il a ensuite relevé qu'aucun des actes invoqués par la SARL Kuhn OG n'avait été signé par la SAS Universo Bois et qu'aucun procès-verbal d'assemblée ni rapport du commissaire aux comptes, ni convention qui autoriserait ces engagements n'était produit. Il a également relevé qu'il n'y avait pas d'inscription de nantissement concernant la SAS Universo Bois sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce de Sarreguemines et que les contrats produits ne respectaient pas les conditions de forme et l'individualisation des créances prévues à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier ou à l'article 2356 du code civil.

S'agissant de la convention datée du 24 août 2015 entre la SAS Universo Bois et la SARL Kuhn OG, formalisant une affectation directe des créances clients de la SAS Universo Bois au remboursement de sa dette et accordant tous les pouvoirs au créancier pour se les octroyer, le juge commissaire a retenu que l'acte, dénoncé par le mandataire judiciaire le 7 décembre 2020, a été établi et signé en période suspecte, et que ce protocole d'accord n'est d'aucune utilité pour la SAS Universo Bois, créant une rupture d'égalité entre les créanciers.

Il a ajouté que l'acte a été passé en violation des droits des créanciers et ne s'apparente nullement à un bordereau de créances du soi-disant nantissement antérieur mais plutôt à une constitution de sûretés et à une tentative de rattrapage des oublis antérieurs. Le juge commissaire a observé que l'acte a été annexé à la déclaration de créance du 26 octobre 2015 en tant que contrat de nantissement conclu entre la SAS Universo Bois et la SARL Kuhn OG afin de formaliser en droit français le nantissement constitué en décembre 2010. Il en a conclu que, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la nullité de l'acte de nantissement signé le 15 décembre 2010 par les parties ainsi que le caractère privilégié de la créance de la SARL Kuhn OG, de sorte que la convention du 24 août 2015 est inopérante.

S'agissant du montant de la créance, le juge commissaire a observé que le montant déclaré n'a été reconnu qu'à hauteur de 5 029 402,67 euros, le mandataire judiciaire invoquant un accord officiel avec le curateur au Pays-Bas visant le rachat du stock, des machines et de l'équipement de la SAS Universo Bois pour une somme de 5 800 000 euros qui viendrait en déduction de la dette de la société débitrice. Il a cependant relevé qu'aucun élément au dossier ne permettait de dater cette éventuelle transaction.

Il a ensuite relevé que la créance rectifiée avait été transcrite dans l'état des créances du 9 décembre 2020 avec l'observation de la contestation de sa nature privilégiée ; que le créancier avait contesté le 5 janvier 2021, dans les délais, les propositions du mandataire judiciaire en se bornant uniquement à invoquer l'existence réelle de cette créance et son caractère privilégié sans explication probante et sans aucune pièce justificative ; et qu'une notification de l'état de cette ligne de créance avait été adressée au mandataire de la SARL Kuhn OG le 12 janvier 2021. Après avoir rappelé que tout état des créances signé par le juge commissaire vaut ordonnance, il a souligné que l'état des créances avait été publié le 28 janvier 2021 au Bodacc et que la SARL Kuhn OG n'avait pas fait appel, de sorte que la régularité de cette créance, tant au niveau de son montant que de sa nature, ne peut plus être remise en question et est devenue incontestable.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 4 novembre 2021, la SARL Kuhn OG a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation de l'ordonnance rendue le 28 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines, visant toutes ses dispositions.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions du 22 juillet 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL Kuhn Onroerend Goed BV demande à la cour de :

' infirmer, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance du 23 septembre 2021,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal,

' admettre sa créance au passif de la SAS Universo Bois à titre privilégié pour un montant de 10 874 919,75 euros,

À titre subsidiaire,

' inviter les parties à saisir les juridictions compétentes compte tenu de l'existence de contestations sérieuses excédant les attributions du juge commissaire au sens de l'article L. 624-2 du code de commerce,

En tout état de cause,

' débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' condamner solidairement M. [B] ès qualités et la SAS Universo Bois aux entiers dépens.

A titre liminaire, la SARL Kuhn OG fait valoir que l'argument retenu par le juge commissaire, tiré de la signature de l'état des créances et de l'absence de recours, n'a pas été soumis à la contradiction des parties car il n'a pas été soulevé par Me [B].

Elle fait ensuite valoir que c'est à tort que le juge commissaire a considéré que le montant de la créance ne pouvait être remis en question et qu'il serait devenu incontestable.

Elle expose à ce titre qu'elle a répondu à la contestation de Me [B] dans le délai de l'article L. 622-27 du code de commerce et qu'elle a maintenu sa déclaration de créance, de sorte que le juge commissaire avait l'obligation de la convoquer avant de statuer, afin que le quantum et la nature de la créance soient discutés de manière contradictoire, et ne pouvait ainsi retenir la proposition du mandataire judiciaire en présence d'une contestation de créance. L'appelante considère donc qu'il ne peut être soutenu que sa créance aurait déjà été admise à titre définitif et qu'aucun recours n'aurait été exercé en temps utile alors que la procédure de contestation des créances (articles L. 624-2 et R. 624-4 du code de commerce) a été méconnue. Elle soulève la mauvaise foi du mandataire judiciaire qui a également formé une réclamation contre cette admission compte tenu de la contestation. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le caractère définitif de l'admission n'est pas établi dès lors qu'aucune notification mentionnant les voies de recours applicables n'est produite et que le délai de recours n'a ainsi pas couru.

Sur le montant de la créance déclarée, la SARL Kuhn OG fait valoir que la créance doit être admise dans son montant tel qu'il existe à la date du jugement d'ouverture et que les paiements intervenus postérieurement ne l'affectent pas et ne peuvent être déduits au stade de l'admission de la créance. Elle soutient donc qu'il incombe à Me [B] de démontrer que le règlement invoqué, de 5 800 000 euros, est intervenu avant le jugement d'ouverture, et qu'il n'en justifie pas de sorte qu'il doit être débouté de sa contestation et que la créance doit être admise à hauteur de 10 874 919,15 euros.

Sur la nature privilégiée de la créance, elle soutient que le juge commissaire a dépassé son office juridictionnel en prononçant la nullité de l'acte de nantissement. L'appelante relève tout d'abord que cette argumentation n'avait pas été reprise par Me [B] dans ses dernières conclusions de sorte que le juge commissaire n'était pas saisi de cette problématique. Elle fait ensuite valoir que l'action en nullité relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire et que l'acte de nantissement a pris naissance au jour de la passation de l'écrit, soit le 15 décembre 2010, de sorte qu'il n'a pas été constitué au cours de la période suspecte et n'encourt donc pas la nullité à ce titre.

La SARL Kuhn OG ajoute que les conventions de financement et les actes de nantissement invoqués sont opposables à la SAS Universo Bois car elles ont été signées par son président conformément à l'article L. 227-6 du code de commerce. Elle précise que, s'agissant d'une SAS, l'autorisation a priori des conventions réglementées n'est pas exigée et l'approbation a posteriori se fait par simple mention au registre des conventions réglementées qu'il appartient à Me [B] de produire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Universo Bois. Elle souligne enfin qu'en tout état de cause, l'absence de mention au registre n'a pas pour effet de priver la convention de ses effets et qu'après avoir admis partiellement la créance, le juge commissaire ne pouvait, sans se contredire, affirmer que la société débitrice n'était pas engagée par cette convention.

Concernant le droit applicable au nantissement, la SARL Kuhn OG soutient qu'il s'agit du droit néerlandais, peu important la réitération de l'acte en droit français, de sorte que l'éventuel irrespect des dispositions françaises ne peut avoir d'effet sur sa validité. Elle affirme donc que l'acte est régulier et n'encourt donc pas la nullité.

Enfin, elle demande que, dans l'hypothèse où ces moyens seraient considérés comme des contestations sérieuses, les parties soient renvoyées vers les juridictions compétentes.

Par ses dernières conclusions du 2 août 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Me [N] [B], en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Universo Bois, demande à la cour de :

' rejeter l'appel,

' confirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 28 septembre 2021,

' condamner la SARL Kuhn Onroerend Goed BV aux entiers dépens outre le paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

À titre préliminaire, Me [B], en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Universo Bois, observe que la SARL Kuhn OG a considéré le patrimoine de ses filiales comme le sien propre en les déclarant solidairement débitrices avec elle, ce qui caractérise une confusion de patrimoine.

Il considère que le motif de procédure énoncé dans l'ordonnance entreprise n'est pas critiquable. À ce titre, il soutient que le recours contre l'état des créances formé le 16 février 2021 par le mandataire de la SARL Kuhn OG, fondé sur l'article L. 624-3-1 du code de commerce, est inapproprié et irrecevable car cet article concerne la réclamation au profit des tiers et exclut les personnes mentionnées à l'article L. 624-3, dont le créancier. Il soutient que la SARL Kuhn OG n'a pas interjeté appel de la décision spécifique et individuelle de l'état des créances qui la concernait, en rappelant que la signature du juge commissaire au pied de l'état des créances confère à cet acte le caractère d'une décision juridictionnelle, susceptible d'appel en application de l'article R. 624-7 du code de commerce, et considère en conséquence que cette décision non frappée d'appel doit s'appliquer.

Subsidiairement, sur la nullité et l'inopposabilité du nantissement, l'intimé expose qu'aucun des contrats néerlandais ne détaille le droit de nantissement et ne fait mention d'un quelconque élément susceptible d'identifier l'enveloppe détaillée des créances données en nantissement, au mépris de l'article 2356 du code civil.

Il fait valoir que l'appelante a reconnu que, pour être opposable et efficace en France, le nantissement devait être conforme au droit français et qu'elle ne peut se contredire en affirmant désormais que l'acte de nantissement du 15 décembre 2010 régi par le droit néerlandais serait directement applicable.

Enfin, il indique que l'acte du 24 août 2015, qui ne satisfait pas aux dispositions des articles 2355 et suivants du code civil, a été conclu en période suspecte et dénoncé à ce titre, qu'il crée une rupture d'égalité entre les créanciers, n'étant d'aucune utilité pour la SAS Universo Bois, et que le nantissement s'apparente à une constitution de sûretés et à une tentative de rattrapage des oublis antérieurs, de sorte que la créance est chirographaire.

MOTIVATION

Sur le respect du principe de la contradiction par le juge commissaire

L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

La décision rendue en violation du principe de la contradiction est susceptible d'annulation par la cour d'appel.

Par ailleurs, l'article 954 du code de procédure civile prévoit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

La SARL Kuhn OG relève que le moyen tiré de l'existence d'une décision définitive antérieure n'a pas été soulevé par Me [B] et n'a pas été soumis à la contradiction des parties. Or elle ne sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions l'annulation de l'ordonnance entreprise pour non respect du principe de la contradiction et ne tire donc pas les conséquences de ce moyen sur lequel il ne sera donc pas statué.

Sur l'existence d'une décision antérieure d'admission de la créance et les conséquences

L'article R. 624-3 du code de commerce dispose que les décisions d'admission sans contestation sont matérialisées par l'apposition de la signature du juge commissaire sur la liste des créances établie par le mandataire judiciaire. Le greffier avise par lettre simple les créanciers ou leur mandataire de cette admission.

Il est constant que la signature apposée par le juge commissaire au pied de l'état des créances déposé par le mandataire judiciaire confère à cet acte le caractère d'une décision juridictionnelle. [Cass. Com., 15 mars 2005, n°03-19.786]

En cas de contestation de la créance déclarée, il résulte des articles L. 622-27 et R. 624-4 du code de commerce que le mandataire judiciaire doit en aviser le créancier, qui dispose alors d'un délai de 30 jours pour faire connaître ses explications. Lorsque ce dernier a contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai, il est convoqué, ainsi que le débiteur et le mandataire judiciaire, devant le juge commissaire afin qu'il statue sur cette contestation. À défaut de réponse, le créancier se voit interdire toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire et n'est pas convoqué.

L'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

S'agissant des recours contre les décisions du juge commissaire, il résulte des articles L. 624-3-1 et R. 624-8 du code de commerce que toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article L. 624-3, peut former une réclamation devant le juge commissaire concernant l'état des créances, dans le délai d'un mois à compter de la publication au Bodacc, par le greffier, d'une insertion indiquant le dépôt de l'état des créances au greffe du tribunal.

L'article L. 624-3 prévoit quant à lui que le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application des dispositions de la section relative à la vérification et l'admission des créances est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire. L'article R. 624-7 précise que ce recours contre les décisions du juge commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel.

En l'espèce, le juge commissaire a ratifié, le 16 décembre 2020, l'état des créances présenté par Me [B], qui comportait la créance de la SARL Kuhn OG. Cette ratification a donc donné à l'état des créances le caractère d'une décision juridictionnelle portant sur la nature et le quantum de la créance de l'appelant, décision qui a été notifiée au mandataire de la SARL Kuhn OG.

La remise en cause de cette décision ne pouvait être faite que par un recours exercé dans les formes des articles L. 624-3 et R. 624-7 du code de commerce, c'est-à-dire devant la cour d'appel. En effet, la SARL Kuhn OG ayant la qualité de créancier de la créance litigieuse, la réclamation prévue par les articles L. 624-3-1 et R. 624-8 du code de commerce ne lui était pas ouverte.

Il apparaît donc que la SARL Kuhn OG n'a pas exercé le seul recours qui lui était ouvert contre cet état de créance ratifié, décision juridictionnelle qui a donc dés son prononcé autorité de la chose jugée.

Il en ressort ensuite que le juge commissaire, dans l'ordonnance dont appel, ne pouvait pas statuer à nouveau sur l'admission de cette même créance, entre les mêmes parties et devait constater l'autorité de chose jugée attachée à la décision juridictionnelle et en tirer les conséquences juridiques adaptées.

Pour autant, s'il a bien retenu que « la régularité de cette créance, tant au niveau de son montant que de sa nature, ne peut plus être remise en question, elle est devenue incontestable » du fait de l'absence de recours contre l'état des créances signé, notifié et publié, il n'en a pas tiré les conséquences adéquates puisqu'il a « confirmé » la nullité de l'acte de nantissement, le montant de la créance et sa nature, tels que retenus dans l'état des créances, alors que cela constitue en réalité une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision.

Ainsi, les demandes de la SARL Kuhn OG, visant à remettre en cause l'état des créances signé en dehors de la voie de recours qui lui était ouverte, étaient donc irrecevables devant le juge commissaire du fait de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance du 16 décembre 2020.

Le moyen invoqué par la SARL Kuhn OG à hauteur de cour, tiré du non-respect de la procédure de contestation des créances est sans emport. Il devait en effet être soulevé à l'occasion de l'exercice de la voie de recours appropriée à l'encontre de la décision juridictionnelle d'admission de la créance résultant de la signature de l'état des créances. Il est inopérant devant la cour du fait de l'autorité de chose jugée et dès lors qu'en tout état de cause, la cour n'est pas saisie de cette décision juridictionnelle mais bien de l'ordonnance du 28 septembre 2021.

Le fait que le délai de recours contre la décision résultant de la signature de l'état des créances n'ait éventuellement pas couru en raison de mentions manquantes ou erronées dans la notification, et que la décision ne soit dès lors pas définitive, est sans emport également. En effet, l'irrecevabilité ne résulte pas de la force de chose jugée résultant du caractère définitif d'une décision mais est la conséquence de l'autorité de la chose jugée, acquise par la décision dès son prononcé, qui au surplus ne peut être remise en cause que par l'exercice des voies de recours appropriées,

Bien que les parties ne formulent pas de demande d'irrecevabilité à hauteur de cour, la question de la chose jugée est dans les débats. Il convient donc de tirer les conséquences de cette fin de non-recevoir et de déclarer irrecevables les demandes de la SARL Kuhn OG.

Au regard de ce qui précède, il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance et, statuant à nouveau, déclarer irrecevables les demandes de la SARL Kuhn OG tendant à remettre en cause la décision juridictionnelle résultant de la signature de l'état des créances en dehors des voies de recours appropriées.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions de l'ordonnance relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La SARL Kuhn OG succombant à hauteur de cour sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Me [B], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Universo Bois, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance rendue le 28 septembre 2021 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Sarreguemines sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de la SARL Kuhn Onroerend Goed BV tendant à l'admission de sa créance à hauteur de 10 874 919,75 euros à titre privilégié au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Universo Bois du fait de l'autorité de chose jugée attachée à la décision juridictionnelle résultant de la signature de l'état des créances par le juge commissaire le 16 décembre 2020 ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Kuhn Onroerend Goed BV aux dépens d'appel ;

Condamne la SARL Kuhn Onroerend Goed BV à payer à Maître [N] [B], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Universo Bois, la somme de 1 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente de Chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/02700
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.02700 ?
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