RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/02073 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FSDX
Minute n° 23/00067
S.A.R.L. PIRA ALAIN - DISTRINET
C/
S.A.S. VALORIS EMPLOI
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 08 Juin 2021, enregistrée sous le n° 20/00354
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. PIRA ALAIN - DISTRINET Représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A.S. VALORIS EMPLOI Représentée par son représentant légal,
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 05 Janvier 2023, l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 06 Avril 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre de leurs relations commerciales, la SAS Valoris Emploi a mis à disposition de la SARL Pira Alain-Distrinet des salariés intérimaires.
Par acte d'huissier du 17 août 2018 remis par dépôt à l'étude, la SAS Valoris Emploi a assigné la SARL Pira Alain-Distrinet devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz aux fins de voir :
- condamner la SARL Pira Alain-Distrinet au paiement de la somme de 15.617,36 euros augmentée des intérêts,
- condamner la SARL Pira Alain-Distrinet au paiement de la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi,
- condamner la SARL Pira Alain-Distrinet au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Pira Alain-Distrinet aux entiers dépens de la procédure,
- ordonner l'exécution provisoire.
La SARL Pira Alain-Distrinet n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu.
Par jugement du 2 juillet 2019, le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour obtenir des précisions relatives aux factures impayées.
Par conclusions récapitulatives du 22 juin 2020, la SAS Valoris Emploi a réitéré les termes de sa demande initiale.
Par jugement du 8 juin 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
- condamné la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 15.617,36 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque date d'échéance de chaque facture pour la somme y figurant,
- débouté la SAS Valoris Emploi de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire,
- condamné la SARL Pira Alain-Distrinet au règlement des dépens de l'instance.
Le tribunal a considéré que les 14 factures produites par la SAS Valoris Emploi correspondaient aux contrats de mise à disposition des salariés intérimaires versés aux débats et aux pointages ayant fondé ces factures. Il a donc fait droit à la demande en paiement des factures, relevant que les courriers de mise en demeure étaient restés sans effet. Il a en revanche estimé que la SAS Valoris Emploi ne caractérisait pas un préjudice autre que celui déjà indemnisé par les intérêts légaux attachés à la condamnation de la somme allouée en principal.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz le 11 août 2021, la SARL Pira Alain-Distrinet a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation de ce jugement en reprenant dans sa déclaration, chacune des dispositions du jugement la condamnant.
Par conclusions déposées le 20 décembre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL Pira Alain-Distrinet demande à la cour de :
- écarter la pièce 70 produite par la SAS Valoris Emploi en violation du secret des correspondances entre avocat, article 3 du RIN
- recevoir son appel,
- prononcer l'annulation de l'assignation signifiée le 17 août 2018 à l'initiative de la SAS Valoris Emploi et du jugement subséquent du 8 juin 2021,
- juger n'y avoir lieu à effet dévolutif de l'appel,
Très subsidiairement,
- infirmer le jugement du 8 juin 2021,
- juger que la SAS Valoris Emploi ne justifie pas de la créance qu'elle revendiquait au sein de son assignation et de ses premières conclusions d'intimé au regard du quantum réclamé à son encontre
en conséquence et vu l'article 1315 ancien et 1353 du code civil
- déclarer la SAS Valoris Emploi irrecevable et subsidiairement mal fondée de l'ensemble de ses demandes, l'en débouter,
- déclarer la SAS Valoris Emploi irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile et subsidiairement mal fondée, en sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif
- Très subsidiairement, et si la cour devait rejeter ses autres moyens, juger que le solde de la dette principale s'élevait à la somme de 2.548,07 euros au 4 novembre « 2011 » et l'autoriser à régler les condamnations prononcées par mensualités de 500 euros à verser avant le 25 de chaque mois, jusqu'à parfait apurement de la dette
- Encore plus subsidiairement, et ajoutant au jugement, prononcer la condamnation en derniers ou quittances
En tout état de cause,
- condamner la SAS Valoris Emploi aux entiers frais et dépens de l'instance et d'appel
- condamner la SAS Valoris Emploi à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande en nullité de l'acte introductif d'instance et du jugement subséquent, la SARL Pira Alain-Distrinet indique que l'acte introductif d'instance a été signifié le 17 août 2018 à l'initiative de la SAS Valoris Emploi à la SARL Pira Alain-Distrinet, à l'adresse indiquée dans le jugement du 8 juin 2021, soit au [Adresse 1], et que cette adresse n'était plus celle de son siège social qui se situait au [Adresse 2] depuis le 1er juillet 2016. Elle considère que la SAS Valoris Emploi l'a assignée à une adresse erronée dans le but de la priver de la faculté de se faire représenter en première instance et expose que l'adresse du siège social était vérifiable dans la mesure où son changement avait fait l'objet d'une publication et que la SAS Valoris Emploi lui a d'ailleurs fait signifier sans difficulté le jugement à son siège social.
Elle conteste le fait qu'une assignation lui ait été signifiée à son nouveau siège social. Elle observe que la mention de la nouvelle adresse figurant sur l'assignation produite aux débats a été apposée de manière manuscrite par un auteur indéterminé, que cette mention est contraire aux indications portées dans le jugement par le greffier nécessairement au regard des informations figurant sur l'assignation et qui mentionnent l'ancienne adresse de la société. L'appelante estime que le procès-verbal de signification produit est laconique, que les diligences de l'huissier qui y sont mentionnées ne confirment en rien le lieu sur lequel il s'est rendu et qu'elles sont insuffisantes au regard des articles 654 et 655 du code de procédure civile. Elle relève qu'aucun avis de passage ni aucune lettre n'ont été réceptionnés, que le procès-verbal de signification ne mentionne aucune vérification préalable. Elle soutient aussi que la confirmation par un voisin non identifié est insuffisante à confirmer la domiciliation selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile.
L'appelante conclut que les irrégularités lui ont nécessairement causé un grief puisqu'elle s'est vue privée de la possibilité de se défendre et de faire valoir ses observations sur les prétentions adverses mais aussi du double degré de juridiction auquel elle avait droit. Elle sollicite donc l'annulation de l'assignation ainsi que celle du jugement subséquent et rappelle que dans ce cas l'effet dévolutif ne s'applique pas.
Sur le fond, la SARL Pira Alain-Distrinet souligne qu'elle n'a pas été en mesure de se prononcer sur les factures visées dans le jugement puisqu'elle n'a pas été assignée régulièrement.
Elle demande en outre que la pièce 70 produite par l'intimée soit écartée dans la mesure où sa production viole le principe du secret des correspondances entre avocats.
Elle termine en indiquant avoir effectué des règlements de 500 euros mensuels suite au jugement de première instance qui était exécutoire par provision et qu'il ne reste dû que 2.548,07 euros. Elle sollicite à titre subsidiaire des délais de paiement à raison de 500 euros par mois avant le 25 de chaque mois.
Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts pour appel abusif, celle-ci n'ayant pas été formée dans les premières conclusions de l'intimé en violation de l'article 910-4 du code de procédure civile. Elle précise que cette irrecevabilité relève de la compétence de la cour. Sur le fond elle conclut au rejet de cette prétention.
Par conclusions déposées le 14 décembre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SAS Valoris Emploi demande à la cour de:
- rejeter l'appel de la SARL Pira Alain-Distrinet après l'avoir déclaré mal fondé,
- débouter la SARL Pira Alain-Distrinet de l'ensemble de ses prétentions,
- confirmer le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz du 8 juin 2021 en toutes ses dispositions et prendre acte de ce que le montant de sa créance restant dû à ce jour est de 2.548,07 euros,
- confirmer le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en date du 8 juin 2021 en ce qu'il a condamné la SARL Pira Alain-Distrinet aux dépens de première instance ainsi qu'à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Pira Alain-Distrinet au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif
- condamner la SARL Pira Alain-Distrinet aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel.
La SAS Valoris Emploi considère que l'assignation délivrée contient une mention manuscrite précisant le siège social actuel de la SARL Pira Alain-Distrinet qui a été apposée par le clerc assermenté ayant délivré l'acte. Elle souligne que cet acte a bien été signifié au nouveau siège social. Elle ajoute que l'acte précise que le clerc assermenté s'est présenté au siège de la SARL Pira Alain-Distrinet mais que la signification à personne s'est avérée impossible pour cause d'absence et qu'il est également indiqué les vérifications effectuées relatives au siège social. Elle estime que la SARL Pira Alain-Distrinet est de mauvaise foi en alléguant qu'elle n'a reçu aucun avis de passage ni de lettre et indique rapporter la preuve contraire. L'intimée considère que la SARL Pira Alain-Distrinet est mal fondée à soutenir qu'il existe une irrégularité de procédure lui causant un préjudice.
Sur le fond, elle indique que toutes les factures et pièces justificatives ont été déposées en première instance, que le jugement du 8 juin 2021 liste précisément toutes les factures impayées en retenant également qu'elle avait produit l'ensemble des contrats de mise à disposition ainsi que les pointages. L'intimée ajoute que toutes ses pièces, dont le décompte de créance ainsi que les factures, ont été communiquées à hauteur de cour. Elle reconnaît que suite aux versements effectués par l'appelante de janvier 2019 à octobre 2022, il ne reste dû que 2.548,07 euros.
Elle estime que l'appel de la SARL Pira Alain-Distrinet est abusif dans la mesure où il a été formé en août 2021 alors que des versements étaient effectués depuis janvier 2019.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en nullité de l'assignation et du jugement subséquent
L'article 655 du code de procédure civile dispose que «si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification».(...) Cet article ajoute que l'huissier doit laisser dans tous les cas au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage daté, l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
L'article 656 du code de procédure civile ajoute que «si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice (').»
Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'assignation n'a pu être signifiée à personne, l'huissier doit indiquer les diligences qu'il a accomplies à ce titre et il doit résulter des mentions contenues dans l'acte que l'huissier a effectué les vérifications nécessaires pour s'assurer de la réalité du domicile, ce qui suppose des vérifications concrètes, la seule affirmation qu'il s'agit bien du domicile du destinataire ne suffisant pas.
Si l'acte est entaché d'une irrégularité, celle-ci est sanctionnée par la nullité pour vice de forme selon les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile qui suppose la preuve d'un grief.
En l'espèce, l'assignation à comparaître devant le tribunal judiciaire de Metz a été délivrée le
17 août 2018 par dépôt à l'étude d'huissier.
Il est précisé que l'assignation n'a pu être remise à personne dans la mesure où le destinataire était absent et que le clerc d'huissier instrumentaire mentionne qu'il n'a pu lors de son passage, n'avoir eu aucune indication sur le lieu où rencontrer le destinataire.
Il est ajouté que «la certitude du domicile ou de la résidence du destinataire de l'acte est caractérisée par les éléments suivants : confirmé par un voisin qui n'a pas déclaré son identité ».
Par ailleurs s'il est précisé «et vérifications faites que le destinataire est domicilié à l'adresse indiquée suivant les éléments précisés ci-après», aucune précision n'est cependant ensuite fournie. Il est seulement indiqué en première page de l'assignation, sous l'adresse de la SARL Pira Alain-Distrinet à [Localité 5] : «selon les modalités indiquées en annexe» suivis de la mention manuscrite suivante : « actuellement au [Adresse 2] ».
En raison de l'absence de mention des vérifications effectuées pour établir la réalité du nouveau siège social de la SARL Pira Alain-Distrinet ainsi que de l'absence de précision sur l'identité du voisin ayant confirmé cette adresse il faut considérer que les exigences de l'article 956 susvisé n'ont pas été respectées.
En revanche, il y a lieu de souligner que la SARL Pira Alain-Distrinet indique dans ses conclusions que l'adresse de son siège social est bien [Adresse 2], soit l'adresse indiquée de manière manuscrite sur l'assignation.
De plus, il est indiqué dans le procès-verbal de remise de l'acte qu'un avis de passage daté du même jour, l'avertissant de la remise de la copie à l'étude, mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les modalités de retrait, a été laissé au domicile du destinataire de l'acte. Il est également ajouté que la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile comportant les mêmes mentions que l'avis de passage, rappelant les dispositions du dernier alinéa de l'article 656 du code de procédure civile et contenant en outre une copie de l'acte de signification a été adressé le premier jour ouvrable suivant au destinataire de l'acte.
Si l'appelante conteste l'existence de ces envois et affirme n'avoir reçu ni avis de passage, ni lettre, il convient de rappeler que les mentions portées dans un acte de signification valent jusqu'à inscription de faux, étant en outre relevé que la SAS Valoris Emploi produit un mail de l'étude d'huissier affirmant que l'avis de passage et la lettre prévus par les articles 656 et 658 du code de procédure civile ont bien été envoyés à la SARL Pira Alain-Distrinet à l'adresse de son siège social à [Localité 4] et il est versé aux débats la copie du courrier daté du 20 août 2018.
Par application de ce même principe, la mention manuscrite indiquant que l'assignation a été remise au siège social de la SARL Pira Alain-Distrinet à [Localité 4] est présumée avoir été rédigée par le clerc d'huissier ayant délivré l'acte.
Les moyens invoqués au titre de l'absence d'envoi de l'avis de passage et de la lettre exigés par les articles 656 et 658 précités, ainsi que les contestations formées sur l'auteur de la mention manuscrite indiquant la nouvelle adresse du siège social de l'appelante seront donc rejetés.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que si l'assignation délivrée à la SARL Pira Alain-Distrinet contient des irrégularités et ne respecte pas les exigences de l'article 656 du code de procédure civile, la SARL Pira Alain-Distrinet ne rapporte cependant pas la preuve d'un grief résultant de ces irrégularités dans la mesure où l'assignation a bien été remise à son siège social et qu'un avis de passage ainsi que la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile lui ont été régulièrement adressées. Elle était donc en mesure de prendre connaissance de l'assignation et d'assurer sa défense devant le tribunal judiciaire de Metz.
En conséquence, la SARL Pira Alain-Distrinet sera déboutée de ses demandes tendant à voir prononcer l'annulation de l'assignation lui ayant été signifiée le 17 août 2018 ainsi que l'annulation du jugement du tribunal judiciaire de Metz du 8 juin 2021 subséquent.
Sur la recevabilité des demandes
La SARL Pira Alain-Distrinet invoque tout d'abord l'irrecevabilité des prétentions formées par la SAS Valoris Emploi aux motifs de l'absence de justification du quantum de sa créance dans ses premières conclusions d'intimée.
Ce moyen relève de l'examen du fond de la demande et non de sa recevabilité, il est donc inopérant.
Par ailleurs, l'article 910-4 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées les prétentions ultérieures ».
L'alinéa2 du même article ajoute que « néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
En l'espèce, il y a lieu de constater que l'intimée n'a formé sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif que dans ses conclusions du 14 décembre 2022 alors que ses premières conclusions relevant de l'article 909 du code de procédure civile datent du 10 février 2022.
La demande de dommages et intérêts pour appel abusif ne tend pas à répliquer aux conclusions ou pièces adverses, ni à faire juger une question née postérieurement aux premières conclusions et n'est pas due à l'intervention d'un tiers ni à la survenance ou à la révélation d'un fait.
En conséquence, conformément aux dispositions de l'article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile, la demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif formée par la SAS Valoris Emploi doit être déclarée irrecevable.
Sur la demande tendant à voir écarter une pièce
Il résulte des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile que s'il appartient aux parties de prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions, la preuve doit être licite.
Or, l'article 3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat dispose:
«3.1 Principes: Tous échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique...), sont par nature confidentiels.
Les correspondances entre avocats, quel qu'en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice ni faire l'objet d'une levée de confidentialité.
Exceptions :
3.2. Peuvent porter la mention officielle et ne sont pas couverts par le secret professionnel, au sens de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée :
- une correspondance équivalant à un acte de procédure ;
- une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.»
La pièce 70 produite par la SAS Valoris Emploi qui est un mail adressé par son conseil au conseil de la SARL Pira Alain-Distrinet non revêtu de la mention « officiel » permettant sa production aux débats, doit donc être écartée.
Sur la demande en paiement formée par la SAS Valoris Emploi
Il convient de relever que la SARL Pira Alain-Distrinet n'invoque aucun moyen précis tendant à contester l'existence de la créance de la SAS Valoris Emploi et à remettre en cause les dispositions du jugement ayant retenu que les pièces produites par cette dernière (14 factures allant du 31 décembre 2015 au 31 juillet 2017, les contrats de mise à disposition des salariés intérimaires visés par les factures objets du litige, les pointages ayant fondé les factures émises) établissaient que la SARL Pira Alain-Distrinet était débitrice de la somme totale de 15.617,36 euros. C'est par de justes motifs que les premiers juges avaient retenus cette somme.
Au regard des mêmes pièces versées aux débats devant la cour par la SAS Valoris Emploi et des versements effectués par la SARL Pira Alain-Distrinet depuis le jugement entrepris pour la somme totale de 13.069,29 euros, non contestée, il y a lieu de constater que la créance de la SAS Valoris Emploi s'élève désormais à la somme de 2.548,07 euros selon le décompte arrêté au 4 novembre 2022, étant précisé que la SAS Valoris Emploi a réduit sa créance à ce montant.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris afin de tenir compte des règlements effectués et de condamner la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 2.548,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2018 date de l'assignation devant le tribunal judiciaire de Metz en l'absence de document permettant d'établir sur quelles factures les règlements effectués se sont imputés et de faire ainsi courir les intérêts à compter de chaque échéance de facture restant impayée.
Il convient de relever qu'il n'a pas été interjeté appel des dispositions ayant débouté la SAS Valoris Emploi de sa demande de dommages et intérêts. La cour n'en est donc pas saisie.
Sur la demande de délais de paiement formée par la SARL Pira Alain-Distrinet
L'article 1343-5 du code civil permet d'accorder des délais de paiement dans la limite de deux années compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
En l'espèce, compte tenu du montant des règlements déjà effectués et de leur régularité, il sera accordé à la SARL Pira Alain-Distrinet un délai de 6 mois pour s'acquitter de sa dette. Elle devra ainsi le faire en 5 mensualités de 500 euros chacune, la sixième soldant la dette en principal, intérêts et frais, avant le 25 de chaque mois et pour la première fois avant le 25 du mois suivant la signification du présent arrêt.
Faute de paiement d'une mensualité à son échéance, la totalité de la dette restant alors due sera immédiatement exigible.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Pira Alain-Distrinet qui succombe principalement sera condamnée aux dépens de l'appel.
Par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter cette dernière de sa demande formée au même titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la SARL Pira Alain-Distrinet de ses demandes tendant à voir prononcer l'annulation de l'assignation lui ayant été signifiée le 17 août 2018 ainsi que l'annulation du jugement du tribunal judiciaire de Metz du 8 juin 2021 subséquent ;
Déclare irrecevable la demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif formée par la SAS Valoris Emploi ;
Déclare le surplus des prétentions formées par la SAS Valoris Emploi recevables;
Ecarte des débats la pièce 70 produite par la SAS Valoris Emploi;
Infirme le jugement du tribunal judiciaire uniquement en ce qu'il a condamné la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 15.617,36 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque date d'échéance de chaque facture pour la somme y figurant et le confirme pour le surplus;
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 2.548,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2018;
Accorde à la SARL Pira Alain-Distrinet un délai de 6 mois pour s'acquitter de sa dette;
Dit qu'elle devra ainsi le faire en 5 mensualités de 500 euros chacune, la sixième soldant la dette en principal, intérêts et frais, avant le 25 de chaque mois et pour la première fois avant le 25 du mois suivant la signification du présent arrêt;
Dit que faute de paiement d'une mensualité à son échéance, la totalité de la dette restant alors due sera immédiatement exigible;
Déboute la SAS Valoris Emploi du surplus de ses demandes;
Y ajoutant,
Condamne la SARL Pira Alain-Distrinet aux dépens;
Condamne la SARL Pira Alain-Distrinet à payer à la SAS Valoris Emploi la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Déboute la SARL Pira Alain-Distrinet de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente de Chambre