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26/01/2023 | FRANCE | N°21/00205

France | France, Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 26 janvier 2023, 21/00205


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/00205 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FNLH

Minute n° 23/00021





[H], [W]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LORRAINE VENANT AUX DROITS DU CREDIT AGRICOLE DE LORRAINE









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 03 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 2017/03059





COUR D'APPEL DE METZ



C

HAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU 26 JANVIER 2023









APPELANTS :



Monsieur [N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ



Madame [J] [W] épouse [H...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00205 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FNLH

Minute n° 23/00021

[H], [W]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LORRAINE VENANT AUX DROITS DU CREDIT AGRICOLE DE LORRAINE

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 03 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 2017/03059

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

APPELANTS :

Monsieur [N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

Madame [J] [W] épouse [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LORRAINE VENANT AUX DROITS DU CREDIT AGRICOLE DE LORRAINE Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 07 Juin 2022 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 26 Janvier 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 27 novembre 2015, la société coopérative à capital variable crédit agricole de Lorraine, aux droits duquel vient la société coopérative à capital variable la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine (ci-après la CRCA) a consenti à M. [N] [H] et Mme [J] [W] épouse [H], aux fins d'acquisition de leur maison individuelle, un contrat de prêt immobilier dénommé «prêt accession sociale facilimmo» n° 86473526853 d'un montant 254.095 euros remboursable en 228 mensualités au taux d'intérêt annuel 'xe de 2,25%.

Par acte d'huissier du 9 décembre 2016, M. et Mme [H] ont fait assigner la CRCA devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins de le voir:

- dire et juger que le taux effectif global (TEG) mentionné dans l'offre de crédit immobilier du 27 novembre 2015 émise par la CRCA et porté à leur connaissance est erroné,

- prononcer l'annulation des dispositions ayant mis à leur charge un intérêt contractuel contenu dans l'offre de crédit immobilier du 27 novembre 2015,

- ordonner subsidiairement la déchéance des intérêts de ce contrat de crédit depuis l'origine de l'amortissement,

- ordonner en conséquence la substitution du taux de l'intérêt légal de 1'année 2015 au taux contractuel,

- ordonner la réouverture des débats avec injonction au prêteur de deniers de produire un tableau d'amortissement des crédits accordés rémunérés au taux de l'intérêt légal en vigueur et dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau,

- condamner la CRCA à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles visés aux dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la CRCA aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 18 juillet 2019, M. et Mme [H] ont demandé au tribunal de:

Sur les demandes en nullité et en restitution (demandes dirigées à l'encontre de l'offre du 27 novembre 2015),

- juger que, ne pouvant se rendre compte par eux-mêmes, à la seule lecture de l'offre, des vices dont elle était affectée, ils sont parfaitement recevables en leurs demandes restitutoires,

- juger que privés d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, ils n'ont pas valablement consenti au coût global du prêt,

- juger que par ailleurs, le TEG est erroné,

- prononcer la déchéance des intérêts,

- ordonner le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre depuis l'origine de l'amortissement,

- condamner la CRCA à leur restituer les intérêts déjà perçus excédant l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre,

Sur les demandes en tout état de cause, en déchéance, dans la proportion fixée par le juge,

- ordonner, subsidiairement, dans la proportion que fixera le juge, la déchéance des intérêts et le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre de crédit émise par la CRCA le 27 novembre 2015,

- condamner en tout état de cause la CRCA à leur payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 14 octobre 2019, la CRCA a demandé au tribunal de  :

- dire et juger que l'assignation du 9 décembre 2016 qui lui a été délivrée par Mme et M. [H] est nulle,

- débouter M. et Mme [H] de l'intégralité de leurs prétentions,

Sur le fond,

- dire et juger que M. et Mme [H] sont mal fondés,

- débouter M. et Mme [H] de l'intégralité de leurs demandes

- condamner M. et Mme [H] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de la procédure abusive diligentée,

- condamner M. et Mme [H] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [H] aux entiers dépens de la présente procédure.

Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Metz a:

Vu l'ordonnance rendue le 17 octobre 2017 par le juge de la mise en état de la juridiction de Nancy N° RG 16/05216,

Sur la recevabilité,

- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance présentée par la CRCA comme ayant été présentée devant le tribunal après le dessaisissement du juge de la mise en état,

Sur le fond,

- débouté M. et Mme [H] de leurs demandes en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et de leurs demandes subséquentes tendant à la substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel ainsi que de restitution et ce, au titre du prêt immobilier dénommé « prêt accession sociale facilimmo » n° 86473526853,

- débouté M. et Mme [H] de leurs demandes de déchéance des intérêts contractuels ainsi que de restitution au titre du prêt immobilier dénommé « prêt accession sociale facilimmo » n°86473526853,

- débouté la CRCA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. et Mme [H] in solidum aux dépens ainsi qu'à régler en outre chacun à la CRCA une somme de 800 euros (soit 1.600 euros au total) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que la demande de nullité de l'assignation constituait une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile devant être soulevée in limine litis devant le juge de la mise en état, seul compétent pour statuer sur ce point en application des dispositions de l'article 799 du même code, de sorte que cette demande devait être déclarée irrecevable.

Sur les demandes en nullité formées par M. et Mme [H], le tribunal a rappelé que selon les dispositions des articles L312-8, L313-1 et L312-33 du code de la consommation, la seule sanction civile de l'inobservation du formalisme de l'offre préalable d'un prêt immobilier était la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels, de sorte que la demande de M. et Mme [H] en nullité de la stipulation des intérêts à ce titre devait être rejetée.

Sur la demande en déchéance des intérêts conventionnels, le tribunal a considéré que les deux assurances décès souscrites par les emprunteurs constituaient bien une condition d'octroi de leur prêt, de sorte que leur coût devait être pris en compte pour le TEG. Toutefois, le tribunal a considéré que M. et Mme [H] ne démontraient pas que la prise en compte de ces deux assurances conduirait à modifier le résultat du calcul du TEG au-delà du seuil légal d'une décimale, estimant que le rapport privé produit n'avait pas de valeur probante suffisante. Il les a ainsi déboutés de leur demande.

Il a également considéré que la demande en déchéance des intérêts conventionnels formée par M. et Mme [H] au motif de l'absence de mention de la durée de période sur l'offre de prêt devait être rejetée, cette dernière satisfaisant le formalisme exigé par l'article R313-1 alinéa 2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige.

Enfin le tribunal a jugé que la CRCA ne démontrait pas le caractère abusif de l'action en justice intentée par M. et Mme [H] et a ainsi rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 21 janvier 2021, M. et Mme [H] ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 3 décembre 2020 pour chacune de ses dispositions (rappelées dans la déclaration d'appel) à l'exception de celles ayant déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation et ayant rejeté la demande formée à leur encontre pour procédure abusive.

Par conclusions déposées le 22 avril 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. et Mme [H] demandent à la cour de:

- recevoir leur appel, le dire bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et de leur demande subséquente tendant à la substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel ainsi que de restitution au titre du prêt immobilier n° 86473526853, en ce qu'il les a déboutés de leur demande de déchéance des intérêts contractuels ainsi que de restitution au titre de ce prêt, en ce qu'il les a condamnés aux dépens ainsi qu'à payer une somme de 800 euros chacun à la CRCA, et statuant à nouveau :

Vu les dispositions de l'article 1907 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1376 du même code,

Vu les dispositions de l'article L111-1, L212-1 à L212-3 (nouveau) et L133-2 (ancien) du code de la consommation,

Vu les dispositions des articles L312-8-4°, devenu L313-25-6°, et L312-9 du code de la consommation,

Vu les dispositions des articles L141-4 du code des assurances,

Vu les dispositions des articles L131-1, L313-2, R313-1 et son annexe concernant la définition du TEG et son mode de calcul,

Vu le rapport de Mme [P],

- juger que, ne pouvant se rendre compte par eux-mêmes, à la seule lecture de l'offre, des vices dont elle était affectée, ils sont parfaitement recevables en leurs demandes restitutoires,

- juger que privés d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, ils n'ont pas valablement consenti au coût global du prêt,

- juger et déclarer que par ailleurs, le TEG est erroné,

- prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels,

- prononcer la déchéance des intérêts,

- ordonner le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre depuis l'origine de l'amortissement,

- condamner la CRCA à leur restituer les intérêts déjà perçus excédant l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre,

- prononcer subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur dans une proportion de 100% au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice qu'ils ont subi, plus subsidiairement encore dans la proportion qu'il plaira à la cour de prononcer,

- ordonner le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre de crédit émise par la CRCA le 27 novembre 2015,

- ordonner à la CRCA de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé de tous les intérêts et frais, ou de la proportion déchue,

- dire que tous les paiements intervenus s'imputeront sur le principal,

- condamner la CRCA à leur rembourser les intérêts indus,

- ordonner au besoin et avant dire droit une expertise judiciaire,

- nommer à leurs frais avancés tel expert qu'il plaira à la cour avec notamment pour mission: de procéder à l'analyse mathématique du prêt n°86473526853 émis par la CRCA le 27 novembre 2015; d'analyser les documents du prêt litigieux, tableau d'amortissement et documents liés aux assurances emprunteur; de procéder à l'expertise de la durée de la période, du taux de période et du TEG de ce prêt; de déterminer le TEG en fonction des règles applicables à la date de signature du contrat et d'indiquer s'il dépasse d'une décimale celui communiqué par la banque; de fournir tous éléments techniques et financiers permettant à la cour de chiffrer les incidences financières du caractère éventuellement erroné du TEG figurant dans l'offre de prêt; de déposer un pré-rapport et de laisser aux parties la possibilité de lui adresser des dires,

- condamner en tout état de cause la CRCA aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à leur payer une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [H] exposent que la conclusion du contrat de prêt était subordonnée à la conclusion par chacun d'eux, en tant qu'emprunteurs solidaires, d'une assurance décès obligatoire dont le coût doit être pris en compte dans le calcul du TEG. Ils soutiennent ainsi qu'en ayant pris en compte le coût d'une seule assurance décès, la banque n'a pas correctement calculé le TEG, de sorte que la déchéance des intérêts du prêt est encourue à ce titre.

De plus, M. et Mme [H] soutiennent que l'offre de crédit ne respecte pas le formalisme imposé par l'article R312-1 II du code de la consommation, en ce que l'offre de prêt omet de mentionner la durée de période applicable au calcul des intérêts. Ils demandent ainsi l'annulation de la stipulation conventionnelle des intérêts et subsidiairement la déchéance des intérêts du prêt sur ce fondement.

Sur les calculs et la décimale dépassée, M. et Mme [H] soutiennent que le rapport d'expertise amiable leur permet de démontrer le dépassement d'une décimale du résultat du calcul du TEG, de sorte qu'à défaut pour la banque de démontrer le caractère erroné du calcul de l'expert, la déchéance des intérêts du prêt sera encourue. En ce sens, ils soutiennent que l'expert ayant établi ce rapport est agréé judiciairement près la cour d'appel d'Angers et que ce rapport a été régulièrement versé aux débats, de sorte que le principe du contradictoire a bien été respecté. Au besoin, ils demandent la désignation d'un expert judiciaire qui aura pour mission d'analyser le prêt litigieux.

Ils affirment que leur préjudice constituant une perte de chance de contracter un contrat de prêt plus avantageux est bien constitué puisqu'ils avaient reçu au moment de la conclusion du contrat trois autres offres de prêt d'établissements bancaires concurrents.

Par conclusions du 19 avril 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la CRCA demande à la cour de  :

- dire et juger l'appel interjeté par M. et Mme [H] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Metz du 3 décembre 2020 recevable en la forme mais non fondé,

En conséquence, le rejeter,

- débouter M. et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en tant que de besoin par substitution de motifs,

- débouter M. et Mme [H] de leur demande d'expertise judiciaire,

Subsidiairement, si la mesure est ordonnée, mettre à la charge de M. et Mme [H] les frais de consignation,

- débouter M. et Mme [H] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [H] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [H] aux frais et dépens de la procédure d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la CRCA soutient que la seule sanction civile de l'erreur dans la mention du TEG d'un contrat de prêt est la déchéance du droit aux intérêts du créancier proportionnellement au préjudice subi par l'emprunteur, de sorte que la demande de nullité des intérêts conventionnels formée par M. et Mme [H] à ce titre doit être rejetée.

Sur la demande de déchéance des intérêts conventionnels, la banque soutient que les frais obligatoires ont bien été intégrés dans le calcul du TEG, de sorte que les appelants ne démontrent pas l'existence d'une différence d'une décimale entre le taux mentionné sur l'offre de prêt et le TEG réel. Elle affirme d'une part que les rapports d'expertise versés aux débats ne peuvent lui être régulièrement opposés à titre de preuve, ces documents n'ayant pas été établis conformément au principe du contradictoire. D'autre part, la banque souligne que la conclusion d'une assurance décès n'était obligatoire que pour l'un des époux emprunteurs et non les deux, de sorte que seul le coût de l'assurance souscrite à titre obligatoire devait être prise en compte dans le calcul du TEG et que le coût de l'assurance souscrite à titre facultatif par M. [H] n'avait donc pas à être intégrée dans ce calcul.

Par ailleurs, la banque souligne que M. et Mme [H] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice constituant une perte de chance de contracter un contrat de prêt plus avantageux, de sorte qu'il y a lieu de les débouter de leur demande de déchéance des intérêts conventionnels.

Sur l'allégation de l'absence de mention de la durée de période applicable au calcul des intérêts, la banque soutient que son offre de prêt remplit le formalisme imposé par l'article R312-1 II du code de la consommation, de sorte que la demande formée à ce titre n'est pas fondée.

Enfin, la CRCA s'oppose à la demande d'expertise judiciaire de M. et Mme [H].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préalable, il sera relevé qu'il n'a pas été interjeté appel du jugement dans ses dispositions ayant déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation et ayant débouté la CRCA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur la demande en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels

C'est par de justes motifs qu'il convient d'adopter que le tribunal a considéré qu'en application des dispositions des articles L312-8, L313-1 et L312-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, la seule sanction de l'inobservation du formalisme de l'offre préalable du prêt immobilier, qu'elle concerne le défaut de mention du TEG, le taux erroné de ce dernier, le défaut de communication du taux et de la durée de la période du TEG, était la déchéance dans la proportion fixée par le juge du droit aux intérêts conventionnels et que le tribunal a, en conséquence, justement estimé que la sanction encourue au titre des erreurs invoquées par M. et Mme [H], tant celles affectant le calcul du TEG que celles relatives à l'absence de mention de la durée de période, était la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. et Mme [H] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels.

Par ailleurs, il convient de relever que si, dans le dispositif de leurs conclusions, M. et Mme [H] demandent de « juger que privés d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, ils n'ont pas valablement consenti au coût global du prêt » ils n'invoquent aucun moyen dans le corps de leurs conclusions relatif à un vice du consentement.

En outre, à supposer qu'un tel vice soit invoqué, il ne serait pas sanctionné par la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels mais par la nullité du contrat ce qui n'est pas n'est pas demandé. Ils seront donc déboutés de cette prétention.

Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

* Sur l'erreur de calcul du TEG

L'article L 313-1 ou l'article L314-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, rappelle que «pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. »

Les conditions générales de l'offre de crédit objet du litige stipulent dans un paragraphe «conditions affectant la conclusion du contrat - clauses résolutoires» : « Si l'emprunteur n'était pas accepté par l'assureur au titre du contrat groupe Assurance Décès Invalidité proposé par le Prêteur, le contrat pourrait être résolu de plein droit sans aucun frais ni pénalité, soit sur simple demande de l'Emprunteur (') soit à l'initiative du Prêteur (').

Puis sous l'intitulé « Conséquences des conditions suspensives et résolutoires » il est indiqué que «  le prêt ne sera définitivement conclu qu'après constatation de la réalisation des conditions suspensives et de la non-réalisation des conditions résolutoires ».

La lecture de ces conditions générales laisse entendre que la souscription d'une assurance décès invalidité est obligatoire pour l'emprunteur, étant observé que l'offre préalable indique dans son en-tête qu'elle est adressée à M. et Mme [H] avec la précision suivante «ci-après dénommés « l'Emprunteur » quand bien même seraient-ils plusieurs ».

Si au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que les conditions générales prévoient la souscription obligatoire d'une assurance décès invalidités pour les deux emprunteurs, il convient toutefois de relever que les «conditions financières particulières du prêt » précisent sous la mention « couverture des assurés » qu'il y a deux candidats à l'assurance décès invalidité, Mme [H] d'une part avec la précision : « bénéficiant d'une remise commerciale de 32,20% sur 228 mois sur le montant de la prime » et M. [H] d'autre part pour lequel il est également précisé qu'il bénéficie d'une remise commerciale de 19,20% dans les mêmes conditions.

Puis il est indiqué au titre du « coût total du crédit» : «coût de l'assurance décès invalidité obligatoire 12.565,08 euros tenant compte de la remise commerciale : 12.565,08 euros» puis «coût de l'assurance décès invalidité facultative: 14.977,32 euros tenant compte de la remise commerciale». Au regard du montant des primes d'assurances précisés ensuite, soit pour Mme [H] 55,11 euros et pour M. [H] 65,69 euros, et des indications susvisées, il y a lieu d'en déduire, que l'assurance obligatoire était celle souscrite par Mme [H] (55,11 x 228 = 12.565,08 euros) et l'assurance facultative celle souscrite par M. [H] (65,69 x228 = 14.977,32 euros).

Il résulte de ces mentions contenues dans les conditions particulières du prêt que les parties ont entendu déroger aux conditions générales en mentionnant expressément qu'une assurance décès invalidité était obligatoire pour Mme [H] et que cette même assurance était facultative pour M. [H].

Dès lors, la souscription d'une assurance décès invalidité par M. [H] n'étant pas une condition essentielle et obligatoire d'octroi du prêt, le coût de cette assurance n'avait pas à être intégré dans l'assiette du TEG. Il n'est donc pas établi qu'une erreur a été commise à ce titre.

Les moyens formés sur ce point doivent donc être rejetés.

* Sur l'absence de mention de la durée de la période

L'ancien article R 313-1 II du code de la consommation applicable au litige dispose:

« Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public ainsi que pour celles mentionnées à l'article L312-2, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois ».

Par ailleurs, il appartient à l'emprunteur qui soulève l'irrégularité du taux effectif global de démontrer qu'elle entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à la décimale au sens de l'article R313-1 du code de la consommation dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable au litige.

En effet, si l'annexe de l'ancien article R313-1 précité n'a pour objet que de définir la méthode de l'équivalence de calcul au TEG visée par ce texte et non la méthode proportionnelle seule applicable aux crédits immobiliers, il n'en demeure pas moins qu'il est de principe que la précision figurant au paragraphe d) de cette annexe, disant que le résultat du calcul de ce taux est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale, est d'application générale.

En l'espèce l'offre préalable de crédit mentionne à la rubrique « coût total du crédit» que le TEG est de 2,89% l'an puis il est ajouté: «taux effectif global en fonction de la périodicité mensuelle: 0,24%».

Ainsi il convient de constater que, contrairement aux affirmations des appelants, la durée de la période est bien mentionnée. De plus, l'offre précise que le crédit est remboursable mensuellement et payable le 5 de chaque mois.

Par ailleurs il ne peut être reproché au prêteur de ne pas avoir précisé si la période prise pour référence était le mois de 30 jours, ou le mois civil, dont la durée varie entre 28 et 31 jours, dès lors que la périodicité applicable au calcul du taux de période peut facilement être déterminée à partir des échéances indiquées dans l'offre.

En l'espèce si on multiplie par 12 le TEG mensuel de 0,24% indiqué dans l'offre on obtient un TEG de 2,88% l'an, l'offre indiquant un TEG de 2,89% l'an. Il sera relevé que selon les rapports de Mme [P] et de Mme [U], il n'y a pas d'anomalie à ce titre, le taux de période mensuel ayant été arrondi à 0,24%. De plus, à supposer qu'une erreur existe à ce titre, elle n'excède pas la décimale.

D'autre part, les appelants ne démontrent pas, notamment par la production des deux rapports susvisés, que le TEG n'a pas été calculé sur la base d'une année civile de 365 jours avec utilisation des mois normalisés soit 365/12 = 30,41666 conformément aux dispositions de l'annexe de l'article R313-1, ni, à supposer même que tel ait été le cas, que l'erreur alléguée entraîne un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre.

Les moyens invoqués sur l'absence de mention de la durée de la période seront donc rejetés.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [H] de leurs demandes en nullité de la stipulation d'intérêts et des prétentions subséquentes, y compris celle relative à une expertise judiciaire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera également confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens ainsi qu'à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants, qui succombent à hauteur de cour seront condamnés aux dépens.

L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais engagés par elle et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 3 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Metz dans toutes ses dispositions, dans les limites de l'appel,

Y ajoutant,

Déboute M. [N] [H] et Mme [J] [W] épouse [H] du surplus de leurs demandes;

Condamne M. [N] [H] et Mme [J] [W] épouse [H] aux dépens ;

Laisse à chacune des parties la charge des frais engagés par elle en appel et non compris dans les dépens.

Le Greffier La Présidente de Chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00205
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.00205 ?
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